Reese; Et les terreurs nocturnes prennent vie

traits de caractère /

Les yeux luisants de haine, ceux de la Reese, qui n’est plus vraiment elle depuis qu’on l’a pourri. On l’avait connu comme la gamine timide, celle qui se cache dans un coin de couloir, celle qui ne parle pas. La petite, avec ses grands yeux bleus trop curieux et quelques espoirs encore dans l’creux. Celle qui souriait parfois. Celle qui pleurait trop, mais qui aimait bien. Le petit cœur sensible, mais va-t-en qu’elle lui cri et la voilà depuis. Cette douce gueule, la gueule amochée aux traits marqués de colère. Entre ses lèvres, y’a que le mot vengeance qui traîne. Petit chat abandonné, à présent fauve parmi les fauves. Ils auraient mieux fait d’la tuer, car elle va revenir, la vague contre le sable cette fois va causer l'apocalypse. Reese, le tsunami. On va voir c’est qui la b i t c h entre elle et la vie.

Trop de bleus, elle avait des coups à rendre. Alors, elle frappe, combattante. Elle afflue le monde de baisers douloureux, de frappes langoureuses. Ses doigts craquent sous les os de ses rivaux et elle hurle, déterminée, prête à se briser pour briser. Forte; trop forte, trop solide, comme son cœur en titane. Dopée la gamine ! Dopée à l’adrénaline. Dopée au danger. Dopée à la mort qu’elle se plaît à courtiser. Elle n’a plus peur du monstre caché dans son placard. Elle affronte ses démons, les bouffe du regard. Tellement courageuse qu’elle est anesthésiée à la souffrance. Tellement téméraire qu’elle vainc constamment ses propres frontières. Elle décoche toujours le premier coup, vive, marque les visages de cicatrices saillantes. Mais c’est sa gueule qu’on n’oublie jamais, son joli minois au milieu des enfers.

Elle a troqué sa jupe d’écolière pour une paire de converses tachées de sang séché et d’une veste en jean trop longue, souvent aux manches retroussées. Désolé au daddy, elle a quitté le nid pour la rue la p’tite fille. Indépendante, ici ou cachée dans un quartier maudit, elle battait sa vie de plein fouet. Elle arpente l’asphalte, l’âme solitaire, les rues elle les connait par cœur, c’était presque sa ville à la New-Yorkaise. Elle ne parle pas, antisociale, les gens ça la répugnent mais elle connaît beaucoup de visages, le petit monde à travers le pare-brise pas si bien nettoyé. On a tous vu son visage blasé, dans un bar, sur un trottoir, dans un miroir brisé. Sept ans d’malheur, et plus encore, mais le malheur Reese, elle l’éclate. Contre le bitume, c’est le destin qu’à perdu car elle est remontée, ses sentiments se noyant de son amertume, Reese a laissé de côté sa sensibilité. Revancharde, elle a prit pour pari de se venger de la vie.

Méfiante, elle entend les silences quand quelqu’un essaie de percer la nuit. La nuit, c’est elle, ce mystérieux écho gelé qui résonne dans l’infinité des actes inavoués. Reese, son aura froide, perdue dans le brouillard, trop avertie, trop pragmatique, elle attends toujours que les nuages se dissipent. Y’a pas de demi-mesure, pas d'échappatoire, elle est entière, intègre, rien à voir avec ses loubards. Les mots brutes, les mots durs, mais les mots, au moins, simplement les mots. Elle avait peut-être rêvé, rêvé oui quand elle était gamine, dans son lit. Aujourd’hui les pas s’enchaînent, terre à terre, le goudron chauffe ses semelles. Reese, elle marche trop vite, tape trop fort des pieds l’sol, elle court, intrépide, elle saisit ses chances, opportuniste. La morale n’avait pas été là pour elle, elle allait se créer sa propre justice. Immorale la nana, comme eux, mais en pire. Sur le cœur une balafre qui la rendait antipathique.

Elle se bat comme un batteur claque ses percussions. Et elle pouvait bien vociférer à en perdre la voix. Mélomane, toujours, pour s’évader comme les notes s’enfuient une fois qu’elles sont jouées. Libérée du poids, libérée des remords, libérée des regrets. Sensible petite Reese, toujours cachée quelque part. Mais si elle s’est perdue dans des actes passionnés, si elle est égarée car passionnelle, c’est à cause de la Haine. C’est tout ce qu’il reste, c’est tout ce qu’elle a, car les sentiments sont vides si elle n’est pas hargneuse de se battre. Les poings toujours serrés, prête à se confronter à n’importe quoi. Haineuse Reese, un monde en négatif à travers ses yeux. Elle n’en dit rien, mais elle a terrassé ses souvenirs pour aujourd’hui vivre dans les limbes.

Maman est partie, n'a même pas sourit à la vue de sa petite. Elle n'a pas dit, pas pris -frigorifiée- son ptit cœur entre ses bras. Le monde s'est éteint.
Mais les lumières, mais la neige.. Les enfants qui rient trop fort dans les rues ! Et les adultes qui vivent comme des bambins.. Trop tard. Maman n'a pas rugit. Maman les oublie. Papa incapable de la saisir. Son corps, la morte, ou bien la vie. C'est qu'il se brise et l'bébé il entend tout. Il entend le cœur se morceler contre sa poitrine. Les bouts de verres qui lui percent la peau. Et il n'a rien dit, elle n'a rien dit, Reese. Elle était sans plus être, ne sachant pas pourquoi elle pleurait en voyant déferler la pluie. La pluie des nuages dans ses pupilles.

Et les pulls, les pulls qui grattent. Quand le froid la possède. Le pull des soirs de Noël, bleu, bleu comme la mer(e). Comme elle. Comme lui.

Bleu comme la peine.

La mélancolie lorsqu'elle regarde par sa fenêtre. Le Père-Noël n'a pas apporté ce qu'elle avait mis dans sa liste. Tous les rêves qu'elle a en tête. Les doux sourires de son père. Mais les éclipses des soirs enneigés, effacés tout le reste de l'année. Papa n'était triste qu'un soir, Papa le reste du temps était là. Près d'elle, prêt à l'accueillir au chaud, près de son amour et ses mœurs guéris. Papa, qui l'aime, papa qui pleure les portes closes pour ne pas attirer le regard du Père-Noël. Ou d'une enfant qui, voyait, voyait tout, trop de fois. Elle a bien vu la peine des soirs de Noël dans son regard, elle a bien vu qu'il ne la voyait plus.

L’fond du verre
et

Mais ce n'était plus la saison des grands froids. Les yeux de Papa, coule, coule, coule dans d'la vodka ou peut-être du whisky. Papa en a marre, le chômage, ça lui rappelle les nuits noires. Papa n'a pas été accepté, après qu'on l'ait laissé attendre et espérer. Peut-être simplement que les patrons n'aimaient pas sa gueule. Reese, en colère, mais elle ne fait rien. Elle ne peut pas lui dire arrête, parce qu'elle comprend sa peine. Elle a peut-être essayé de cacher les bouteilles, mais à quoi bon, il revient toujours le nez rouge et les yeux humides.

C'est la faute à ce garçon. C'est la faute à ce gamin. Elle le connait, elle a déjà vu son visage dans son lycée la petite Reese. La faute à lui et son égocentrisme. Comme le ballon au pied, dans la main, jongleur indéterminé. Elle le voyait déjà courir après la popularité. Foutue gamin aux parents pouvant toujours se justifier. Foutu gamin capable de se blanchir même en étant le plus coupable.

Alors, elle a trouvé un staff. Pour essayer d'empêcher son père de se noyer, mourir dans le bleu qui perle sous ses yeux. Elle a trouvé un petit job, quelque part, dans un coin de rue. Elle était dans ce petit shop remplit conneries, de la bouffe, de l'alcool, des paquets cigarettes qu'elle volait en scred. Et elle fume, la blonde. Et elle fume à en perdre les saveurs de la vie. Un soir, elle souffle et elle la voit, jolie fille. Ses cheveux dans le vent, comme dans les films. Et elle est persuadée de l'avoir déjà vu. Elle est persuadée que c'est dans ses rêves. Les yeux se décrochent pas, elle l'aime. Son cœur bat et ça fait mal. Elle rougit, elle chauffe, ses mains tremblent et le mégo s'écrase sur l'asphalte. C'est que la jolie nana n'habite pas loin, parfois elle vient, achète un snack et leurs doigts se touchent. Et son cœur s'emballe.

Tout comme elles s'emballent.
Là.
Pt'être bien sous la pluie et l'orage: la tempête. Celle d'lapassion. Celle de l'ivresse.
(Ou peut-être celle de la haine.)

Comme dans les putains de film. Sage. Sage, qui s'éloigne avec cette pute de fille. Le baiser. Elle avait vu, Reese. Elle bouffe la nicotine, ne les lâchant pas du regard, le brouillard ne lui avait pas empêché d'crever chagrin. Elle a chialé, vu trop de fois le monde se cinder. Et Fume, fume, pour s'fumer la mémoire. Pour tenter d'oublier à quel point ça fait mal.

Mais pas le temps.
Prise de cours.

Dans la cour.
Il l'attaque. Ptite merde. Grosse larve. Pas capable d'avoir des tenues correctes, toujours les genoux écorchés. Reese, mit à terre, lèches mes pompes, puis lèches mes lèvres.

Et ça brise les os. Ça brise son âme.

Papa demandes pourquoi. Pourquoi les notes ne suivent pas. Pourquoi Reese ? Pourquoi ? Pourquoi tu sens la cigarette et que tu rentres toujours déchirés ? Pourquoi les bleus te sont routines et les lèvres toujours asséchées ? Pourquoi tu souris plus ? Pourquoi tu n'essayes plus ? Papa. Papa. Elle ne respire plus. Elle est étouffée. Alors elle a tout cassé. Et Hurlé ! Et agonisé ! Dans le salon ! Dans la salle à manger ! Elle a crié, renversé chaque meuble, renversé son verre plein. Elle a plaqué ses mains sur la photo de famille. Reese, passée comme une furie, a brisé le cadre déjà fragile des Baskerville.

Mais elle crevait, la peau à feu et à sang.
Mais surtout brûlante. Bouillante. Les larmes sèchent.

Le sang sur ses mains. Le sang de ses veines. Le sang rouge, tâchant les pulls bleus. Et elle est partie, comme sa mère, comme tout le monde finit toujours par partir, sauf qu'elle n'a rien dit et rien demandé. Elle a disparu après le lycée. Elle a acheté une voiture d'occasion avec l'argent qu'elle s'était fait. Parfois elle le voit, mourir, las, sur le comptoir d’un bar.  Mais trop fierté, trop de mots amers, trop de colère. La haine dans ses yeux la possède, elle danse avec un démon, elle a succombé. Dans ses bras, la cruauté.

Dans un bocal, elle hurle, et la bué le pénètre, le détruit en boucle. Elle veut qu’il explose. Elle veut qu’il se brise. Elle veut le lacérer. Oppression oppressée.
Personne ne comprend rien. Et la pluie tombe, elle écrase son corps. Et elle s’éclate contre le goudron. Et elle s’écorche, la peau lui brûle, ses os se brisent. Faible. Et elle hurle, elle fait trembler le sol. Une rage qui n’a jamais eu la force de prendre vie. Elle se soulève, devient ouragan. Et elle brisera ce qui l’a détruit. Ses poings fracassent le sol. Elle sera séisme. Elle veut détruire ton monde comme tu as détruit le sien. Tu as brisé, encore, ce bocal plein.

Et elle se tue à la tâche.


La rue, la pluie, les fracas. Les ecchymoses. Et les bouts de verre.
Ceux d'un cœur. Ceux des 'blèmes.

Mais elle bat. Sa détermination plus puissante qu’un défibrillateur.
Mais elle s’est relevée. De la rue, elle est née. Reese. Aujourd’hui, plus que demain, elle respire.
Dans un tumulte qu’elle ne comprend pas, un orage gronde. Déchire le ciel d’un éclair.

Et elle le sait. Ouais, elle sait qu’elle est prête.
Prête à vaincre ceux qui pensaient l’avoir vaincue.

Le soir, ce soir, où elle l’a vu agoniser.