electric souls – cassandre.

la pulpe d’tes doigts qu’embrasse l’écran lumineux, t’es déjà en train d’élucubrer ta prochaine attaque sournoise.
en attendant.
mais t’en as marre d’attendre.
t’quittes ton portable des yeux, adresses un léger r’gard au chauffeur dans l’rétroviseur en soupirant.
– ça fait combien d’temps, là ?
– vingt-trois minutes, très exactement, m’sieur.
vingt-trois minutes qu’t’es garé à deux rues d’son domicile.
vingt-trois minutes d’retard sur votre planing.
vingt-trois minutes qu’tu t’laisses désirer.
p a r f a i t .
– bon, ça ira !
voiture qui s’remet en marche, qui s’stationne d’vant l’entrée d’votre point d’rendez-vous. tu t’extirpes de c’te dernière, nonchalant, rajoutes des grains d’sable au sablier du temps qui t’sépare d’l’objet d’tes désirs.
index qui s’écrase contre la sonnette avant qu’la porte s’ouvre, avant qu’sa silhouette réfléchisse – enfin – dans tes iris flamboyants.
opales enflammées, lèvres incandescentes, langue corrosive qui n’tarde pas à s’mouver.
incendie imminente.
– bonjour, cassandre.
bouche en cœur.
œillade charmeuse.
t’as revêtis tes habits les plus luxueux, exprès pour la délicieuse cassandre et ses beaux yeux. elle et sa peau satinée qu’tu rêves d’pianoter davantage que c’putain d’clavier.
la patience est une vertue, semble-t-il, mais, toi, maddox, c’t’une qualité qu’tu n’possèdes pas, malheureusement.
par contre, tu sais parfaitement bien mentir,  t’es même plus-que-doué dans l’art d’la tromperie. t’remercies ta gueule d’ange qui t’facilite la tâche parce que personne peut t’soupçonner d’abriter un monstre à l’intérieur de toi.
créature maléfique, sanguinaire drapée d’un voile enchanteur. illusionniste jusqu’à la cime d’tes cils, t’envoûtes d’un simple clin d’œil, ces d’moiselles qui tombe dans l’panneau, sous l’charme d’l’image utopique qu’tu projettes.
t’es jeune. t’es beau.
hypocrite et opportuniste.
manipulateur et mythomane.
– mille excuses pour l’léger retard… j’dois changer d’chauffeur.
sourire discret qu’étire – à peine – tes lippes, rien qu’assez pour satisfaire ton envie machiavélique d’salir ses draps.
ou son canapé.
ou l’comptoir d’sa cuisine.
ou les trois.
– au fait, s’êtes esseulée, aujourd’hui ?
question banale.
question qu’ombrage mille et une nuances et sous-entendus.
parce que tu veux savoir, toi. tu veux savoir si c’est aujourd’hui qu’t’ajoutes son nom à ton tableau d’chasse. tu veux savoir si c’est aujourd’hui qu’elle hurlera l’tien.
– non, parce que j’pas vu la bagnole d’votre… char-mant époux dans l’parking.
perspicace, mad. tu t’informes sur les allers et venus, n’voulant pas être pris en flagrant délit, en train d’flirter avec la chair ardente d’la femme du propriétaire. les coquards, t’évites d’te les prendre.
– à moins qu’elle soit planquée dans l’garage, mais ça s’rait dommage d’cacher une caisse comme celle-là…
tu bats des cils pour balayer tous les soupçons d’ta curiosité malsaine, masquant tes lubies d’un faux intérêt. tu t’en branles d’son tas d’ferraille. tout c’que tu désires, toi, c’d’avoir l’feu vert pour lui exposer tes fantaisies.
celles qu’ton alter-ego imaginaire s’amuse à t’implanter dans l’crâne depuis la toute première fois où qu’tes prunelles s’sont accrochés à ses courbes aphrodisiaques.

@cassandre pinheiro

Les mois de solitude allaient cesser. Durant bien trop de temps, Cassie s’était enfermée dans un mutisme protecteur, afin de faire son deuil de sa relation avec son ex-époux. Trop de temps passé à ruminer, à faire de sa vie une histoire dont elle n’était plus actrice.
Elle avait décidé de reprendre les choses en main. Un nettoyage avait été fait dans toute la maison, de quoi remettre un coup de neuf pour un nouveau départ. Les sols étaient lustrés, les meubles brillants et l’atmosphère dégageait une odeur enchanteresse. La même odeur que portait Cassandre malgré elle, parfumée naturellement. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas rappelé son ancienne femme de service, et n’avait pas eu à coeur de le faire pour une si minime occasion.
L’arrivée de son élève.

Si tout avait été modifié dans le cours de sa vie, ses cours de piano en avaient également subit les conséquences. Elle n’avait plus enseigné cet art, et n’avait même plus posé ses doigts sur les touches noires et blanches de l’instrument. Peu habilitée à produire de mélodieuses compositions, quand même son coeur ne produisait plus de mélodies convenables. Elle ne chantait plus. Elle ne fredonnait plus. Et les seuls sons harmonieux qui franchissaient ses lèvres, étaient les éclats de voix qu’elle offrait à sa fille lorsqu’elle avait le bonheur de la serrer dans ses bras. Mais depuis sa dernière visite chez Andrea. Depuis son entrevu avec sa nouvelle petite amie, moins âgée de dix ans, Cassie avait pris de nouvelles résolutions. Elle devait également refaire sa vie. S’éprendre d’un nouveau coeur, et butiner de nouvelles herbes.
Alors, pour toutes ces raisons, et pour la joie de reprendre ses activités, Cassandre était d’une humeur plus que joviale. Elle attendait son élève avec impatience, heureuse de pouvoir le revoir, et lui enseigner son savoir. L’horloge du grand salon lui annonçait qu’il était déjà en retard. Quelques allées retour dans la cuisine. Une pomme engloutie. Quelques soupirs poussés. Et il n’avait toujours pas fait acte de présence. Elle ne lui en tenait pas rigueur, et évidemment cela n’enlevait rien à son humeur, mais elle commençait à s’impatienter, se demandant s’il allait décommander ou non. Debout dans l’entrée, Cassandre commence à faire les cent pas, l’esprit réclamant des explications. Elle ne voulait pas passer sa journée seule, pas avec le bonheur que lui avait procuré l’idée de donner cours à une personne qu’elle aimait bien.
C’est finalement la sonnette qui l’extirpe de ses peurs. Un sourire élargie ses lèvres, alors qu’elle s’empresse d’aller ouvrir. Souriante. Radieuse. Un éclat nouveau dans le regard. « Bonjour, Maddox. » Elle est heureuse de le voir, cet élève si doué. Levant une main pour balayer ses excuses, elle s’empresse de le rassurer. « Ne t’en fais pas, nous ne sommes pas pressés. » Dans la foulée, elle allait s’éloigner de l’entrée afin de l’inviter à prendre place dans la maison. Mais une question de sa part l’arrête dans son élan. Elle perd son sourire, essaie de ne pas se montrer trop en détresse. Elle reste à le regarder, lorsqu’il ajoute ne pas avoir vu de preuve de la présence d’Andrea dans les parages. Et pour cause, il n’était pas là. Il n’était plus là. Il ne serait jamais plus là. Cassandre ne sait que répondre à cette marque de curiosité, certainement innocente, de la part de son élève. Elle se contente alors de baisser doucement les yeux, comme pour trouver une formule appropriée et se contente de relever son regard sur lui, moins joviale que quelques minutes auparavant. « Il n’est pas là. » Elle attend un léger moment avant d’ajouter, en faisant en sorte que la tristesse ne se lise pas dans son regard, ni dans sa voix. « Nous avons divorcé. » Le ton est sec, pour ne pas être tremblant. Elle avale difficilement sa salive, et reprend un sourire légèrement plus forcé, afin de ne pas perdre sa bonne humeur. La seule pensée d’Andrea lui faisait perdre ses repères, elle en devenait plus faible qu’à l’habitude. Elle se reprend en main, et s’écarte de la porte en lui faisant un signe de la main. « Je t’en prie, entre. » Elle se décale enfin, et referme la porte derrière lui.
Arrivée au salon, où le piano trône fièrement dans un coin de la pièce, Cassandre n’en oublie pas ses bonnes manières d’hôte. Elle tapote le canapé afin de l’inviter à s’assoir, et propose ses services en bonne femme de maison. « Avant de commencer, tu veux boire ou manger quelque chose ? » Elle n’était pas pressée, et savait que ses élèves aimaient casser la croûte avant de se mettre au piano. Et, même si Mad était différent des autres, par bien des aspects, il en aurait peut-être envie également. Elle essayait d’éviter son regard, de ne pas tomber dans le bleu de ses yeux, sous peine de s’y voir aspirer. Ce jeune homme avait une lueur inquiétante dans le regard, quelque chose d’hypnotisant qui ébranlait parfois Cassie lorsque ses prunelles s’intensifiait en la regardant.