watch out. (colomba)

il le sentait au regard de son rédacteur. il l'observa parcourir les lignes, relire le titre de l'article, poser ses lunettes. il avait ce regard un peu triste, un peu déçu de lui avoir donné sa chance. ça faisait quelques mois désormais. l'engouement autour de la mort tragique de la future madame andreani s'éteignait peu à peu. alors son patron regrettait sûrement de s'être emballé. il comptait sur la soudaine notoriété d'edoardo pour ramener des lecteurs. ça avait marché le premier, le deuxième mois. mais maintenant, le journaliste en face de lui était retourné à sa place de gratte papier, d'homme de l'ombre. sauf que ces articles étaient bateaux. ils étaient bien écrits, mais à force de relecture, de rectifications, ils perdaient de leur scandale, ils se faisaient doubler sur les informations par les journaux concurrents. il parcourut new york en sens inverse. retourner à la maison. il y avait encore trop de cartons. alors il se perdit dans les rues, dans un bar où il but une ou deux bières avant de reprendre sa route. il avait besoin d'une grosse histoire. il fallait prendre le risque, c'était maintenant ou jamais. prouver que sa promotion, il la méritait. il ne voulait plus sentir le regard de ses collègues pendant les conférences de rédaction. il ne voulait pas être celui qui ne devait sa réussite qu'au destin. alors ses pas s'arrêtèrent pour lui laisser le temps d'écrire à colomba. il était tombé sur ce théâtre par hasard. la présence de colomba dans ses murs avait été une aubaine. il avait fait mine de ne rien voir de suspect, il avait tourné les talons. maisil savait qu'il y avait quelque chose à gratter et ses connexions presque historiques avec la brune s'avéraient être une véritable aubaine. il fixe le rendez-vous dans un restaurant plutôt réputé du quartier. il mettait les formes, lui ayant promis une soirée de retrouvailles entre deux vieux amis. il l'attendait devant, le regard dans le loin comme s'il cherchait à voir à travers les rangées d'immeubles jusqu'au théâtre qui devenait maintenant son obsession. il écrasa sa cigarette à l'arrivée de la brune pour la saluer. tu es charmante, comme toujours. je suis content que tu aies accepté. je sais que ça sort un peu de nulle part cette invitation mais avec les récents événements, j'avais besoin de revoir des visages amis. il lui dit avec un sourire et un regard à vous en fendre le cœur. il ne mentait pas et il ne s'en voulait même pas d'utiliser cet argument pour parvenir à ses fins. on devrait y aller, notre table doit nous attendre. dit-il en passant un bras dans le dos de colomba pour la guider. la partie pouvait commencer, et à ces jeux-là, il savait sa partenaire implacable.

elle ne s'était pas attendue à une telle invitation. lorsque son téléphone avait annoncé une notification et qu'elle avait lu le prénom de l'homme, un grand étonnement s'était lu sur son visage. en compagnie de son mari, il lui avait fallu prétexter un message d'affaire important. l'idée de revoir edoardo lui plaisait. elle s'était toujours entendu avec lui, et avait passé en sa compagnie des instants délicieux. elle avait appris, il y a peu, qu'un malheur avait frappé sa vie, et se demandait si son envie de la revoir avait un lien avec cet évènement. sans réellement se poser la question trop longtemps, elle s'était empressée de répondre à son invitation par l'affirmative. cela la ferait sortir, elle qui n'avait rien de prévu cette soirée. elle n'avait pas mis longtemps à se préparer. chaque jour, elle s'habillait comme si elle avait un rendez-vous important. l'image qu'elle renvoyait lui importait énormément et elle ne pouvait pas se permettre de ne pas être somptueuse. sa robe enfilée, bijoux et le peu de maquillage pour accentuer sa beauté, elle est fin prête. en quelques mots, et après un baiser entre fougue et pudeur, elle prévient son mari d'un rendez-vous avec une vieille connaissance et prend le chemin de la sortie.
sur le chemin, elle ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi il l'invitait ainsi. après tout ce temps. après ce silence radio, des deux côtés. elle marche doucement vers le lieu de rendez-vous, restaurant réputé dans lequel elle n'avait encore jamais mis les pieds. jusqu'à ce qu'elle rencontre le regard de son ami. lui offrant un sourire divin en retour, elle s'approche afin de le saluer. « tu es charmante, comme toujours. je suis content que tu aies accepté. je sais que ça sort un peu de nulle part cette invitation mais avec les récents événements, j'avais besoin de revoir des visages amis. » penchant doucement la tête sur le côté, elle plisse les yeux en murmurant. « quel charmeur. » elle n'est pas certaine de pouvoir croire à ce soudain besoin de la voir. évidemment qu'elle savait qu'il avait besoin de s'aérer l'esprit. mais, elle avait l'habitude de se méfier de tout. depuis qu'elle était dans les affaires de son mari, elle avait développé un sens aigüe pour ce genre de chose. « on devrait y aller, notre table doit nous attendre. » elle acquiesce et se contente de le suivre à l'intérieur du restaurant. se laissant guider vers la table réservée, colomba s'installe à son siège. déposant son sac à ses pieds, elle se redresse et croise ses jambes sous la table sans quitter edoardo du regard. « alors, comment vas-tu ? j'ai entendu dire que tu avais su gravir les échelons depuis notre dernière entrevue. » elle pose sa main sur la table et y fait clapoter ses doigts. son alliance luisant à son index. ses ongles vernis. elle continue de le regarder.

l'apprentissage le plus important de son métier avait finalement été de savoir composer avec ce genre de situation. edoardo avait toujours su jouer avec le feu sans trop craindre pour lui. il ne lui mentait en lui disant que cette rencontre lui changeait l'esprit. depuis son décès, rien n'avait été assez palpitant pour lui faire oublier les derniers mois de bonheur et la brutalité de sa disparition.  revoir colomba présentait l'avantage de lui faire passer un moment agréable et ton son esprit était concentré autour du mystère qui entourait la position actuelle de la jeune femme. elle avait toujours eu cette part de secret, qui lui donnait un charme tout particulier. colomba avait toujours suscité une curiosité chez le trentenaire mais ses petites recherches personnelles n'avaient fait qu'accentuer son intérêt. elle arriva, renversante de beauté, attirant immédiatement le regard des femmes et des hommes autour d'elle. et c'est avec un certain plaisir qu'il lui présenta son bras pour l'accompagner à l'intérieur. il mettait un peu les formes, avec un sourire puant de sincérité. mais il ne fallut pas longtemps pour qu'edoardo la sente un peu suspicieuse. elle s'installa, la mesure dans ses gestes. il fit signe au serveur pour commander deux verres de vin et réclama la carte avant de lui répondre. je vois que ma réputation me précède, je bosse dur pour rester à cette place. il dit en hocha doucement la tête, un air modeste au visage qu'il ne feignait pas. il savait très bien à qui il devait cette ascension vertigineuse et il devait effectivement faire ses preuves chaque jour un peu plus. et sans le savoir, colomba allait l'aider. ce n'est qu'à ce moment-là qu'il remarqua le gros diamant qui scintillait à son doigt. comme volontairement dirigé pour qu'il ne voit que ça. inévitablement donc, edoardo lui posa la question qui lui brûlait les lèvres. il désigna du bout du doigt la bague que colomba arborait fièrement. je n'avais pas été mis au courant de ça. tu as dû briser des cœurs. il espérait qu'avec ses quelques questions innocentes il arriverait à lui tirer les vers du nez et peut-être à en savoir plus sur l'identité de l'homme qui partageait sa vie. il n'était pas tout à fait convaincu par l'idée d'une histoire d'amour ou d'un véritable rangement de la brune et il espérait bien obtenir quelques informations assez croustillantes pour les coucher sur le papier. leurs verres servis, il leva le sien en direction de son amie. à nos retrouvailles? dit-il, conscient du rapport de force qui s'était se créait doucement entre eux. il allait perdre des plumes c'était inévitable. elle n'en sortirait pas moins endommagée. il avait sa carrière en jeu, et en quelque sorte il menaçait aussi celle de la jeune femme. et derrière son menu, edoardo jaugeait son adversaire.