beautiful disaster (gabriele)

01/ le regard de sa mère qui se pose une dernière fois sur elle. cette mère trop jeune. cette mère trop abîmée. et l'enfant qui l'observe de ses grands yeux déjà bien trop curieux. dernier regard. dernier baiser sur le front de l'enfant. et puis la mère qui s'éloigne sans un autre regard. les minutes qui passent. le froid qui balayent l'enfant et soudainement, les cris. les cris de cet enfant abandonnée. elle hurle, la petite blonde. après sa mère. après cette vie qui s'échappe. elle sait pas encore, la blonde. que ce n'est que le début de sa vie.  02/ elle longe le mur. petite vipère. elle sillonne les couloirs, sans un bruit. la nuit noire qui la cache. ses pas qui glissent sur le sol, dans un ballet intriguant. elle est petite, gabriele. mais futée. trop futée. ils disent qu'elle a huit ans. mais elle s'en fiche, la blonde. elle est tellement plus grande. alors elle fait le mur. les sœurs du couvent qui dorment et elle. elle qui fugue. encore une fois de plus. elle aime ça, gabriele. ses pieds qui rejoignent le trottoir et ce sentiment de liberté. grisant. elle observe la rue puis s'en va. elle a pas peur, gabriele. c'est la nuit qui a peur d'elle. de son regard déjà revanchard. de son sourire en coin. de ses poings serrés. elle sait, gabriele. elle a déjà compris. 03/ elle enchaine, gabriele. les familles d'accueils puis les foyers. et elle refuse de s'attacher. de s'apaiser. son esprit qui pense et qui panse les blessures. elle est une plaie béante, la blonde. une âme qui hurle mais que personne n'entend. au fond, elle voudrait bien être aimée, poser son front sur l'épaule d'un autre et pleurer. mais c'est pour les faibles. alors elle serre les poings et elle apprend à sourire. elle a compris, gabriele. que les masques qu'elle portera seront plus forts que ses poings. 04/ elle a le regard qui glisse sur la foule. impénétrable, la blonde. elle sait pas trop pourquoi elle est venue ici. dans ce bar berlinois qu'elle connait si peu. la paille qui roule sous ses doigts, le cocktail qui glisse subtilement entre ses lèvres. son regard qui se pose sur l'homme. il va. il vient. il semble pressé, occupé. l'ambiance de ce bar est étrange. quelque chose de différent. mais elle s'en fiche, gabriele. elle a pas peur du haut de ses vingts ans. elle observe l'homme. quelque chose de différent chez lui. intriguant. bientôt, le regard de l'homme qui se pose sur elle. et le début du déluge.  05/ mark.mark.mark. elle a que ce prénom à la tête, gabriele. ce prénom qui cogne dans son cerveau. qui l'empêche de réfléchir. elle comprend pas ce que c'est, la blonde. elle devient folle de penser à lui. elle a jamais connu ça. elle a connu les hommes dans son lit. les draps qui se mêlent, les langues qui se lient. mais jamais le coeur qui bat. mark. elle l'observe au bout de la pièce. leur appartement. baisse les yeux sur la bague qui orne son annulaire. qui aurait cru. pas elle. personne. 06/ six heures du matin. la porte qui claque. les hommes qui hurlent et soudainement, tout est chaos. son corps qui vole au sol. pourtant, elle ne pense qu'à mark. qu'aux accusations qui lui volent à la figure. trafic d'armes, qu'ils disent. elle hurle aux mensonges alors qu'elle sait, gabriele. elle sait l'ampleur de ce trafic. un des plus gros de la région, au moins. elle sait le drame que prend sa vie aujourd'hui. elle hurle le nom de son homme, comme un sirène sans fin. elle perd pied. et son regard qui se pose sur l'homme. l'homme qui lui arrache son coeur. qui brise sa vie.   07/ elle ferme les yeux, assise sur les toilettes. elle a la tête qui tourne, les pensées qui vacillent. c'est une ritournelle sans fin. elle observe sans un mot le sang qui coule de ses cuisses. elle comprend pas, gabriele. elle veut pas comprendre l'indicible. son esprit hurle. son corps hurle. mais aucun son ne sort de ses lèvres blanchis par l'effroi. sa main qui caresse son ventre. l'enfant qui y dormait il y a peu. l'enfant qui se meurt. leur enfant. elle qui ne pensait plus enfanter. on lui avait dit que ça ne marcherait jamais. son corps était aussi fracassé que son esprit. pourtant, l'enfant était là. mais il ne serait bientôt plus. la vie qui s'éteint au creux de son corps. et gabriele, elle a l'esprit qui vrille. les névroses qui explosent. le délire dans son esprit. elle n'a plus qu'un but : lui. cet homme qui a fait imploser son monde. il le paiera. bien plus cher qu'il ne l'imagine. elle est prête à tout, gabriele. elle a peur de rien.  08/la tête blonde de l'enfant qu'elle caresse doucement. elle a l'esprit ailleurs, gabriele. l'enfant qui dessine sans un bruit et la femme qui veille. elle réfléchit. elle élabore son plan sans un mot. franz. franz. elle a plus que son nom à la tête. plus que cette cible à tuer. mais elle ne le tuera pas. elle n'aura pas son sang sur ses mains. mais elle continuera de le saigner. de le faire crever. juqu'au bout. gabriele observe l'enfant. ce n'est pas son enfant mais celui de franz. elle était prête à tout pour se venger. trois ans déjà qu'elle a kidnappé l'enfant. un plan sans faille, si longuement réfléchi. et puis elle a observé franz descendre aux enfers. pourtant, ce n'est pas assez. elle veut plus de souffrance. plus de douleur pour assouvir sa vengeance. alors elle continue de le suivre. jusque dans le queens.