i am become death, destroyer of worlds (cosimo)

01/ t’es le gamin d’une bonne famille. T’es pas celui qui vient du queens et qui paraît être le révolté. T’es pas non plus celui qui trempe dans les trucs louches. Tu fais partie de ce côté de la pop qui n’a jamais manqué de rien. Mais t’as jamais été trop avare. Jamais trop fier de ce que tu avais. Parce que, t’as toujours eu des amis plus en difficulté que toi. D’ailleurs, t’étais plutôt celui qui partageait son goûter. Gamin, t’étais plutôt celui qui se faisait racketter plutôt que celui qui terrorisait les autres. T’étais pas méchant, tu l’as jamais vraiment été. T’avais juste ce qu’il fallait. Tu savais juste quand il fallait que tu te défendes, juste quand il fallait que tu sortes les poings. Mais sinon, t’étais pas le turbulent. T’étais pas celui qui se faisait renvoyer ou qui traînait dans le quartier. T’étais le gamin banal, sans histoire. Le mec moyen niveau note. Pas le plus nul, pas le plus doué mais t'étais doué avec la mécanique, avec les fils. Tu t’en sortais comme toujours. T’étais celui qui se fondait dans la masse tout simplement. 02/ c’était un truc, entre ton meilleur ami et toi. Vous étiez deux gamins et comme tel, vous l’aviez fait ce pacte : rester toujours ensemble. Être des héros, à deux. Faire la guerre, à deux. Ca a toujours été votre truc. Tu t’es engagé avec lui. Ensemble. C’était logique. Après avoir été frère dans la vraie vie, vous deveniez frères d’armes. Vous n’étiez pas plein de d’illusions En tout cas, toi tu ne t’en faisais pas. T’avais toujours compris ce qu’était l’engagement. Que c’était bien loin de vos jeux d’enfant dans le jardin, puis de ceux d’ordinateur. La guerre, ça faisait mal. La guerre, elle tuait. La guerre, c’était tout autre chose que ton quartier du queens. La guerre, c’est celle qui au final t’as pris ton meilleur ami. Celui qui était amoureux de la vie. Celui qui allait bientôt devenir papa. Celui qui a crevé dans tes bras avant de te promettre de prendre soin de ceux qu’il quittait, sa femme et son futur garçon. Il est mort, dans tes bras, alors que t’appuyais comme un malade sur sa plaie au crâne en attendant l’aide aérien et les secours. Il a crevé alors que toi t’avais tes mains souillées de son sang et d’autres trucs que tu voulais même pas savoir.  T'aurais presque sa mort sur la conscience. On te dit que non mais toi, comment tu peux faire ou penser autrement ? C'était toi le démineur. Repérer la mine n'aurait rien changé, on te le dit parce que tout ce cauchemar n'a pas débouché d'un pied sur des fusibles prêts à exploser. C'était une embuscade, même sans le pied de l'un de tes anciens frères d'armes sur la mine, vous auriez essuyé. 03/ tu sais que t'as merdé, avec elle. Vous avez tous les deux merdé. Toi, l'homme en deuil, en colère, t'as trouvé le réconfort avec l'ex-fiancé de ton meilleur ami. C'était pas ce qu'il t'avait demandé.. seulement et surtout de prendre soin d'elle. Mais c'est arrivé comme cela. C'était votre manière de faire. De vous réconforter mutuellement. C'était que des calins au départ. Puis c'est devenu plus que cela, plus que de l'amical. T'as été là pour elle. Et pour lui, ce bébé qui grandissait dans son ventre, celui qui verrait le jour sans voir pourtant son père. Ni ce jour, ni un autre. Mais il te verrait toi. Ou pas, parce que si vous vous êtes rapprochés par le passé et à cause de la douleur de la perte partagée, la réalité a fini par vous rattraper. T'as jamais aimé cette fille et elle non plus. Ou du moins, pas d'un amour réel. A vrai dire, elle est même plutôt chiante. Tu serais tenté de dire qu'au final, maintenant que t'as ouvert les yeux, que tu la considères plus comme une sœur. C'est glauque quand t'y penses, t'aurais couché avec ta soeur ? Tu dirais erreur de parcours. Cette fille, t'as un lien fusionnel. Elle en impose dans ta vie, elle s'y impose. Entre vous, c'est maintenant l'amour fraternel, la protection mutuelle. 04/ T’es traumatisé. Tu parais être le mec normal quand on te regarde mais en toi c’est le chaos. T’as ces images douloureuses qui s’emballent et tournent dans ton crâne à chaque fois que tu fermes les yeux. Alors, t’appréhendes chacune de tes nuits. C’est pourquoi tu dors le moins possible. Tu veilles tard jusqu’à ce que t’aies les yeux éclatés, jusqu’à l’épuisement, juste parce que tu ne veux pas revivre ça. Et parce que t’y peux rien, parce que tu peux rien empêcher, comme lors de ce jour-là, tu les revis. Chaque nuit. Chaque fois que tu dors. Tu vois et revois cette même scène d’horreur. Tu revois ces corps, ces bruits sourds et ces cris. Tout ce sang sur tes mains, à chaque fois ton regard tombe sur elles. Maculées. Rouge pourpre et noir. Et t’ouvres les yeux en hurlant. À chaque fois ou presque. Tu hurles ou tu gémis. Tu paniques et transpires. Chaque matin. Ou non, c’est à chaque fois que t’ouvres les yeux sur le plafond de ta chambre. Et t’es sûrement maso, parce que militaire, tu continues de l’être. Tu continueras sans doute jusqu’au point de non retour ou quand on considérera définitivement barjot. Tout ça, juste pour une vengeance. Tout ça parce qu’ils t’ont pris un être cher. 05/ tu sais qu’ils s’inquiètent mais tu mens. Tu vas bien. Mensonge. Tu dors bien. Mensonge. Tu continues de parler à Coleman, ton psy. Mensonge. Trois mensonges parmi tant d’autres. Juste pour qu’ils te foutent la paix. Juste parce que tu sais que tu t’en sortiras tout seul. Ou simplement parce que tu crois que t’as pas besoin d’aide. Tu les aimes mais ils t’empêchent de respirer en te couvrant ainsi. Alors oui, tu mens encore et encore. Alors t’as juste accepté cette histoire de coloc parce que t’as un animal de compagnie mais surtout parce que t’as l’impression que ça les rassure. T’es pas con, quand ta soeur te dit qu’elle ne peut pas venir nourrir ton chat tous les jours, tu sais que y a pas que ça. Rassurer de quoi ? T’en sais rien. Parfois, t’as l’impression qu’ils pensent qu’un jour tu pourrais mettre fin à ta vie. Tu n'es pas suicidaire putain. T’as vu assez de vie partir, t’as pas envie d’être des leur. T’as juste pas envie de parler de tout cela. T’as juste pas envie qu’on se mêle de ta vie. Personne ne peut te comprendre. Encore moins cette nounou de coloc. Parce que tu sais que c’est pour cela. T’es persuadé que ta soeur lui demandera comment tu vas. Ta soeur la casse-pied, tu lui avais pourtant dit que c’était un mec que tu voulais pour la coloc. Pas une nana.