On allait me demander d'expliquer, et je ne savais pas quoi dire. Je n'avais écouté qu'un message, en revenant en ville. L'un de dizaines. Mon boss. Il m'avait sûrement virée, je le saurai quand j'aurai écouté tous ses messages vocaux. Mon appartement, de toute évidence, avait été vidé. J'avais disparu, du jour au lendemain. Je n'étais pas censée faire ça. Au départ, j'avais seulement eu besoin de quitter la ville pour le week-end. Puis le week-end s'était transformé en une semaine, et la semaine en mois, et plusieurs mois s'étaient écoulés. Janvier avait sonné ses cloches, et mes yeux essayaient de s'ouvrir. Mais le retour à la réalité était impossible, pas tant que je n'avais pas réglé une affaire urgente. J'avais essayé de comprendre pourquoi je n'arrivais pas à avancer, à poursuivre ma vie. J'avais essayé de travailler sur moi-même. Mais plus je m'éloignais, et plus je me rapprochais d'elle. C'était comme si plus j'essayais de l'oublier, plus je prenais de la distance, plus je la désirais.
Alors j'étais revenue. Et mes pas m'avaient guidée jusqu'à sa porte. Elle avait encore déménagé. Mais tout comme je ne pouvais lui échapper, elle non plus ne pouvait se cacher de moi. Je la retrouverai toujours, même sans le vouloir, comme si les Parques s'amusaient à entremêler nos fils, attendant de voir laquelle de nous deux tirera trop fort et rompera nos liens, nous tuant toutes les deux. Les mains dans les poches, le pied droit tapotant le sol, j'attendis qu'elle ouvre la porte, sachant déjà quoi faire, impatiente d'enclencher enfin le vrai processus de guérison. J'avais trop réfléchi. Je n'aurais jamais dû réfléchir autant. Dès le jour où j'avais senti que mon désir pour elle devenait une addiction, j'aurais dû agir, et non attendre, espérer que ça change. Mon voyage m'avait appris une chose importante, et j'allais le lui enseigner. Il faut que tu saches, Heaven. Il faut que j'arrive enfin à te l'exprimer.
Sujet: Re: knocking on Heaven's door - (hell in Aiven) Jeu 18 Fév - 11:00
counting days, counting days since my love up and got lost on me. and every breath that I’ve been taken since you left feels like a waste on me. i’ve been holding on to hope that you’ll come back when you can find some peace. 'cause every word that I’ve heard spoken since you left feels like a hollow street.
Dans l’embrasure de la porte, telle une apparition fantomatique, Aidan m’apparaît. Si mon corps demeure désespérément immobile, comme changé en statue de pierre, j’ai pourtant l’étrange sensation de quitter mon enveloppe corporelle. Je manque de défaillir mais mon corps persiste au stade qui le précède : la confusion m’anime, l’environnement vacille. Même les aboiements du chien ne parviennent à me sortir de ma léthargie, ils stationnent dans mon esprit et retentissent comme dans un souvenir, lointains, étouffés.
Dans mes rêves, Aidan frappe à ma porte et je lui saute dans les bras. Nous recommençons notre histoire et personne n’évoque plus jamais cette histoire de pomme. Parfois, je la sauve d’un ravisseur ou d’un immeuble en feu. Je prends l’avion car je n’ai plus peur que d’une chose, de la perdre.
À mon réveil, la réalité me frappe de plein fouet et je me contente de hurler sur le détective privé que j’ai engagé et qui ne m’apporte que des fausses pistes. Je feuillette méthodiquement chacun de ses rapports, échafaude des théories sous emprise et, lorsque la descente survient, je me réfugie dans les affaires d’Aidan dans lesquelles je trouve du réconfort – toujours éphémère cependant. Ses affaires s’entassent dans un appartement que je ne me suis toujours pas approprié ; la décoration est inexistante, mes propres cartons jouxtent les siens. Un lit, un canapé, une télévision, une table. Le mobilier sommaire tranche avec l’immensité des lieux, les ornements et les moulures. Tout n’est que contraste, à l’image de sa locataire, des enceintes bang et olufsen au canapé ikea. À quoi bon ? La réalité est une horreur absolue. Depuis la disparition d’Aidan, rien n’a plus d’importance.
J'avais toute une histoire à raconter. Je m'y étais vue plusieurs fois, entre deux divagations. Assise à une table auprès d'Heaven, je lui avais longuement expliqué les raisons de mon départ. Je lui avais dit sincèrement ce qui me pesait, je lui aurais avoué ne plus supporter notre relation, que le dernier pont entre nous devait être détruit quitte à ce que je sois privée de Beaver. Mais dans le rêve, je n'avais pas à confronter son regard. Maintenant que je l'avais devant moi, tout avait changé. Et je savais que je n'aurai jamais vraiment le courage de m'expliquer. Même à un psy, je n'y parvenais pas. Alors à elle ? Non, pour elle, j'avais un tout autre plan. Et il commençait maintenant.
Je m'approchais, comme un fantôme resurgi du vide, et saisit sa taille. Je ne l'attirai pas à moi, je vins à elle. Je profitai de son choc pour abattre ma dernière carte. Je saisis ses lèvres des miennes, comme si cela allait la faire taire. J'en avais eu besoin, ces derniers mois. Longtemps je m'étais réveillée, en sueur, car j'avais rêvé d'elle et qu'un courant anxieux crampait tous mes muscles pour me rappeler son absence. J'avais essayé d'embrasser d'autres femmes, rien n'y faisait. Heaven était toujours là. Je n'aurai jamais mon salut.
Cette fois, ça sera la dernière dose. Je me l'étais promis, en sachant que je pouvais rechuter et m'enfoncer plus pronfondément qu'avant dans le bourbier infernal dans lequel Heaven m'avait entraînée. Mais j'avais un ultime espoir égoïste. Peut-être que, cette fois, Heaven m'en voudra assez pour me rejeter, m'envoyer paître loin de Beaver et elle, et prononcera cette ultime malédiction qui me sauvera la vie : "Ne t'approche plus jamais de moi." Un beau rêve, pour un sale cauchemar. A moins qu'elle agisse autrement, et dans ce cas je me donnerais toujours la même excuse : c'est de sa faute.
Sujet: Re: knocking on Heaven's door - (hell in Aiven) Ven 5 Mar - 15:47
En guerre comme en amour, pour en finir, il faut se voir de près (Napoléon Bonaparte).
Ses lèvres, douces et soyeuses, s’abattirent sur les miennes en une fraction de seconde. Je n’eus pas le temps de protester et quand bien même, l’aurais-je fait ? L’empreinte de ses mains sur ma taille me brûlait la peau, j’en voulais plus. Je me jetais à son cou, à défaut de tomber à ses pieds, pressant sa tête contre la mienne, dans un gémissement empreint de désespoir. Je ne l’avais jamais cru morte. Je n’avais pu m’y résoudre. Ça ce s’rait apparenté à de l’abandon. Et on n’abandonne pas ceux qu’on aime. Jamais. Quand bien même on aurait retrouvé son corps, je n’y aurais pas cru.
Je profitais d’une respiration opportune pour me détacher de son emprise, l’observer sous toutes les coutures. Elle ne semblait ni blessée ni dénutrie et n’avait pas le regard fuyant d’une personne en cavale, en outre, rien n’indiquait qu’elle eut échappé au destin. Je voulus lui crier dessus, songeant à la gifler mais lorsque mes mains retombèrent dans sa direction, ce fut uniquement pour l’enlacer à mon tour. Je déposais quelques baisers le long de son cou, tandis que je me noyais dans mes larmes, sanglotant péniblement. « Ne… m’abandonne… jamais… pourquoi… »
Elle avait réagi à l'inverse de ce que j'aurais dû espérer. Elle ne me rejetait pas. Elle ne m'engueulait pas. Elle me regardait, avec des étoiles dans les yeux, soulagée de me voir ainsi devant elle, vivante, en bonne santé physique. Elle ne voyait pas sur mon visage tout le mal qu'elle m'avait fait, le trou béant qu'elle avait creusé dans mon âme avec ses manipulations, les espoirs surlignés, les pages déchirées de notre couple déchu. Tu parles d'un paradis.
Je la laissai me prendre dans ses bras. Je la laissai m'embrasser. Je respirai son parfum, caressai ses cheveux, en sachant que ça n'allait pas durer. Non car ça ne le devait pas, mais car j'allais moi-même y mettre un terme. Je n'en pouvais plus d'errer dans les limbes. Je débutai ma rédemption en sussurrant ces quelques mots à son oreille : - Heaven, je t'aime. Puis je la repoussai, rompis abruptement le contact. - C'est pour ça que tout doit se terminer. Pour de bon. J'espérais que ça lui fasse mal, aussi mal que je souffrais depuis que nous nous étions quittées. Je voulais lui porter le coup de grâce, et sourir dans ma solitude le soir, quand l'addiction se glissait dans mon lit pour me noyer de manque. Qui sait, j'allais peut-être en mourir. Mais je ne mourrai pas aux pieds d'Heaven. Son règne était terminé.
Sujet: Re: knocking on Heaven's door - (hell in Aiven) Mer 14 Avr - 15:10
« Heaven, je t'aime. » Mes paupières se ferment malgré moi. Je n'ai pas le temps de m’appesantir sur ce que ces mots provoquent en moi, à l'exception du sang qui afflue dans mes tempes que deux mains me repoussent avidement. « C'est pour ça que tout doit se terminer. Pour de bon. » J'ai la sensation d'avoir été conduite à l'abattoir. Pas dans l'une de ces usines de la mort où l'on agonise jusqu'au trépas mais dans l'une de ces fermes où l'on isole l'animal pour ne pas qu'il se débatte, avant de lui trancher la gorge d'un coup sec. Je murmure un « quoi » tandis qu'un sanglot silencieux me déchire la poitrine.
Je crache quelques mots inintelligibles avant de former une phrase plus cohérente « ... parce que tu pensais que me dire je t'aime avant aiderait à faire passer le message ? ». Mon poing s'abat bruyamment sur la porte qui claque aussitôt contre le mur dans un bruit sourd, mes phalanges craquent et je m'exclame « ... et puis... qu'est-ce qui doit se terminer au juste ? ». Mes doigts tressaillent, la douleur se réveille brusquement, sournoise et lancinante. Je grimace et profite de cette distraction pour me pincer l'intérieur des joues à l'aide de mes dents. Pas pleurer, pas pleurer, pas pleurer. Je hurle pour exprimer les pensées qui m'obsèdent, croisant les bras pour enfoncer mes mains sous mes aisselles. Ça fait un mal de chien.« T'étais ou bordel ?! T'peux pas disparaître comme ça et revenir comme si de rien n'était ! »
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Sujet: knocking on Heaven's door - (hell in Aiven) 
Sam 23 Jan - 1:09
