maybe it's time to open the door. (w/bianca)

Murphy a le coeur qui bat à cent à l’heure. Si fort qu’elle reste assise. Assise par terre, le dos appuyé contre sa porte d’entrée. Le message est parti, et avec, son adresse exacte. L’endroit même où Bianca peut venir la retrouver. Elle a peur Murphy, parce que jamais encore elle n’avait envoyé son adresse à une nouvelle personne. Une personne qui fait partie de son présent, une personne qui a réussi à décrocher sa confiance, à faire palpiter son coeur. Murphy, elle ne s’était jamais attachée à qui que ce soit de réel à travers un écran. Parce qu’il y a tous ces personnages de séries, ces Lexa, Callie, Huck. Mais aujourd’hui, y’a Bianca. Le matin au réveil, le soir au coucher. Pour les coups de blues, les éclats de bonheur. Elle est là, tout le temps. Par message, au téléphone, dans sa boite mail. C’est par mail que Bianca lui envoie des photos. Pas des photos d’elle, des photos de son travail. Des photos du monde extérieur, celui que Murphy ne connait plus. Et elle, elle lui envoie ses dessins, le reflet de son âme, de ses craintes et de ses espoirs. À chaque bruit provenant du couloir, Murphy sursaute et son coeur s’emballe à nouveau. Et si je n’étais pas celle que tu attendais, Bianca ? Elle angoisse, mais en même temps, elle sait que c’est la meilleure décision qu’elle ait prise depuis bien longtemps. Elle porte une chemise blanche, un jean taille haute. La vérité, c’est qu’elle n’a jamais eu à s’habiller pour une première rencontre. Elle ferme les yeux et pense à Alix, imagine ce qu’elle lui dirait pour lui donner du courage. Puis y’a des pas qui s’approchent doucement de sa porte d’entrée. Des pas légers qui s’arrêtent là, juste là, de l’autre côté. Murphy bondit, elle se relève et vient coller son oreille contre la porte. « Bianca, c’est toi ? » Elle n’a même pas eu le temps de frapper. « Pardon je… Je crois que j’aurais dû attendre que tu toques. » Elle se mord la lèvre, la main sur la poignée. Mais elle n’est pas prête à lui ouvrir. Pas encore. Elle a besoin d’entendre sa voix, elle a besoin d’elle pour lui ouvrir son monde. Dis-moi que c’est toi Bianca. Raconte-moi comment tu vas, comment tu te sens. Est-ce que t’as peur, toi aussi ? Parce que moi, je suis tétanisée. Je suis tétanisée et si c’était pas pour toi, je crois que j’y arriverais pas.

« Murphy… Oui, c’est moi, Bianca. » Y’a tout qui tremble. Le sol, les murs, ses mains, ses jambes. C’est son monde entier qui tremble, à Murphy. C’est sa vie qui est bousculée, son quotidien qui s’apprête à changer. Enfermée dans son cocon, protégée derrière sa carapace, elle n’a jamais pris aucun risque. Elle s’est toujours contentée d’observer le monde tourner sans elle, les gens vivre et tomber amoureux par sa fenêtre. Y’a tout qui tremble. Tout, mais surtout son coeur. Parce qu’elle a bien conscience que celle qui se trouve de l’autre côté de sa porte est bien plus qu’une simple rencontre. Bianca est un morceau d’elle-même. Elle a besoin d’elle. De l’entendre, de lui parler, de la savoir là, avec elle. Et pour la première fois, de la savoir là. Si près d’elle. Juste de l’autre côté. Murphy a l’oreille collée à sa porte, le sourire aux lèvres, le coeur battant. Elle rêve de ce moment depuis des mois, elle en a tellement rêvé qu’elle a fini par douter, par se demander s’il finirait réellement par arriver. Elle pourrait regarder dans le judas Murphy, elle pourrait poser ses yeux sur Bianca pour une première fois, mais elle refuse de tricher. Elle veut que leur rencontre soit belle, qu’elle soit réelle. Parce qu’elle n’a jamais rien vécu d’aussi réel. « Moi aussi, je suis anxieuse, tu sais… » Elle imagine son anxiété, parce qu’elle ressent la même. Peut-être même un peu plus fort, elle qui connait les mêmes visages depuis qu’elle a neuf ans. Bianca est la première. Ce n’est pas un hasard, Murphy en est convaincue. Elle avait besoin d’elle depuis le début. Elle l’attendait. « Comment tu as su que j’étais anxieuse ? » Elle demande en riant légèrement. Presqu’une question rhétorique, parce qu’elle connait la réponse. Bianca la connait par coeur. Elle sait tout. Elle connait ses peurs, elle sait qu’elle ne sort pas, qu’elle ne rencontre plus personne. Et même, Bianca a sans doute appris à reconnaître l’anxiété dans sa voix depuis. Alors Murphy inspire. Tu es juste là, Bianca. Tu es juste là, je t’entends. Mais est-ce que… Murphy entrouvre sa porte, restant cachée derrière. Elle entrouvre juste assez pour que leurs mains puissent se toucher. Et elle laisse doucement la sienne sortir par l’entrebâillement. « Est-ce que… tu me donnerais ta main ? » Elle demande, timidement. Le coeur battant de plus en plus fort.

« Je te connais. » Murphy baisse la tête, sourire aux lèvres. Elle baisse la tête, comme pour s’avouer vaincue. Parce que oui, Bianca la connait. Elle la connait mieux que n’importe qui d’autre. Et c’est tout aussi rassurant qu’intimidant Bianca. On ne s’est encore jamais vues, quand bien même les choses s’apprêtent à changer, d’une seconde à l’autre. On ne s’est encore jamais vues mais j’ai pourtant l’impression qu’on s’est déjà tant donné. Est-ce qu’on peut aimer quelqu’un, d’un amour réel, d’un amour sincère, sans ne l’avoir jamais vu ? La porte est entrouverte. Il n’y a plus grand chose qui les sépare maintenant, plus grand chose qui les retient. Juste quelques centimètres. Et Murphy qui sort sa main par l’entrebâillement. Une main légèrement tremblante, et ses bagues, et son tatouage. C’est un peu d’elle-même qu’elle dévoile déjà à Bianca. Elle attend la sienne. « Je te donne même les deux. » Et tendrement, elle sent les mains de Bianca attraper la sienne. C’est un frisson qui parcourt son corps, qui secoue son coeur. Elle se mord la lèvre. Elle se sent comme une gamine de douze ans qui découvre l’amour. Elle est heureuse, heureuse mais terrifiée. Parce qu’elle ne sait pas ce qu’il adviendra d’elles deux, après ça. Est-ce que leur relation restera la même ? Est-ce qu’elle finira par leur échapper ? Ou au contraire, est-ce qu’elle n’en sera que plus belle ? Murphy espère tant de choses, et pourtant, elle a si peur et si peu confiance en elle qu’elle ne s’attend qu’à si peu. « J’ai tout mon temps, ok… Alors souffle un petit peu, je t’attends. » Bianca a toujours su la comprendre sans qu’elle n’ait besoin d’exprimer quoi que ce soit. Comme si elle lisait dans ses pensées, comme si elle lisait dans ses silences. Les doigts de Murphy caressent doucement la paume de sa main. Elle a la peau si douce, Bianca. Et à nouveau, il y a ce même frisson qui parcourt son échine. Les secondes s’écoulent, bientôt les minutes. Mais elles sont si douces. Murphy respire calmement. Elle sait que le silence n’est pas dérangeant, pas entre elles. Elle respire calmement, comme si elle se tenait au bord d’une falaise et qu’elle s’apprêtait à plonger. Coeur le premier. « Je crois que je suis prête. », elle murmure. Sa main s’accroche à celles de Bianca. Ne me laisse pas tomber, d’accord ? Et elle ouvre la porte, doucement. Centimètre par centimètre. Elle ouvre, et doucement, Bianca apparaît. Timidement, Murphy pose son regard sur elle. Elle est belle. Plus belle encore que ce qu’elle avait pu imaginer. Si belle qu’elle a envie de se cacher à présent, intimidée. Et ses doigts qui s’accrochent un peu plus à Bianca. Ne me laisse pas tomber…

La porte entrouverte, leurs mains accrochées. Si un voisin était passé à ce moment-là, il n’aurait sans doute pas compris grand chose. À vrai dire, dans l’immeuble les rumeurs circulent au sujet de Murphy. Elle le sait. Pour beaucoup, elle est « la folle au bout du couloir ». C’était douloureux, au début. Mais elle s’y fait. Elle sait qu’ils ne connaissent rien de sa vie, qu’ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’elle ressent. Elle a toujours eu peur de ne jamais rencontrer quelqu’un qui l’accepterait. D’être rejetée, tout le temps. Jusqu’à Bianca. « Moi aussi, je suis prête. » Elle a ouvert la porte, Murphy. Doucement, centimètre par centimètre. Elle a ouvert la porte et ses yeux se sont posés sur Bianca pour la première fois. « Wah… » Intimidée, Murphy se mord la lèvre, esquissant un léger sourire à son tour. « C’est toi… » Elle acquiesce, doucement. Elle s’accroche toujours à ses mains, parce qu’elle a besoin d’elle. Elle a besoin d’elle depuis les premiers messages qu’elles ont échangé. Et là, elle ne sait pas trop comment s’y prendre Murphy. Comment est-on sensé agir lors d’une première rencontre ? Est-ce qu’elle peut lui dire qu’elle est belle ? Se blottir entre ses bras ? Il y a tellement de sentiments qui se bousculent au fond de son ventre qu’elle voudrait faire mille et une choses mais qu’elle reste immobile. Tu es si belle Bianca, je crois que je pourrais juste rester là, les yeux posés sur toi. Finalement, les doigts de Murphy se mettent à bouger. Ils quittent les mains de Bianca pour glisser doucement sur la peau de son avant-bras tandis qu’elle fait un pas pour se rapprocher d’elle. Ses yeux plongent dans les siens. Elles ont réussi, elles ont traversé l’écran. Elles sont là, toutes les deux, juste là. « Je ne sais pas pourquoi j’avais si peur. » Elle avoue, la voix douce. « C’est toi. » Toi qui me connais déjà par coeur. Sa respiration est toujours aussi rapide, plus parce qu’elle a peur, mais parce qu’elle est heureuse. Parce qu’elle ressent tout un tas de choses, un tas de choses qu’elle pensait ne jamais connaître. « Tu sais que tu as changé ma vie ? » Elle la questionne, et son coeur qui bat si fort qu’elle a l’impression que Bianca pourrait l’entendre à travers sa poitrine. Est-ce que tu l’entends ?

Elle n’avait jamais imaginé ça Murphy. Elle n’avait jamais imaginé que le changement viendrait frapper à sa porte. Qu’elle retrouverait, là, une si jolie fille. Une fille qui voudrait bien apprendre à la connaître, une fille qu’elle apprendrait à connaître. Elle n’avait jamais réalisé que peut-être, elle n’était pas vraiment entière. Qu’elle n’était qu’une moitié et qu’un jour, elle trouverait la moitié qui viendrait la compléter. Elle n’avait jamais pensé qu’on puisse s’attacher à ce point à quelqu’un sans même le voir. Et Bianca est arrivée, comme une réponse à toutes ces questions qu’elle ne s’était encore jamais posées. « Toi aussi. Toi aussi tu as changé ma vie. » Même si elle lui a dit la même chose quelques secondes plus tôt, Murphy est gênée. Gênée parce que jamais personne ne lui a dit ce genre de choses. Elle n’a jamais changé la vie de personne. Elle reste là, enfermée chez elle, jour après jour. Elle est hors du monde, hors de la vie de tout le monde. C’est la première fois qu’elle a l’impression de compter vraiment. « Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien, aussi en confiance, qu’avec toi. » Timidement, Murphy baisse la tête. Son regard capte leurs mains, les doigts de Bianca contre sa peau. Elle en frissonne. « Je… Je n’avais jamais ressenti ça pour être honnête. » Elle articule enfin en relevant la tête pour plonger son regard dans le sien. Son coeur bat de plus en plus fort, comme s’il essayait de la pousser encore plus loin. Comme s’il essayait de l’aider à réaliser tous ces sentiments qui se bousculent à l’intérieur de sa poitrine. « Je peux entrer… ? » Murphy en avait presque oublié qu’elles étaient toujours là, sur le pas de la porte. Alors elle acquiesce, glisse à nouveau ses doigts sur son avant-bras pour venir attraper sa main. Ses doigts s’entrecroisent aux siens, et doucement, elle l’invite à entrer. C’est la première fois que j’ouvre mon monde à quelqu’un Bianca. Est-ce que tu es d’accord pour ne jamais le quitter ? À contre-coeur, la main de Murphy libère celle de Bianca. Elle veut la laisser découvrir son univers, pendant qu’elle s’occupe de fermer la porte à clé derrière elles. Elle réalise alors à quel point ça pourrait sembler bizarre. « Je ne veux pas t’enfermer, je… » Elle se mord la lèvre. « J’ai pris l’habitude de construire un tas de murs autour de moi. » Tu es la seule qui a su franchir ma forteresse. « Les clés sont là, si tu veux prendre la fuite. » Elle sourit timidement, déposant les clés sur la commode de l’entrée. Je me sens ridicule Bianca. J’ai l’impression d’avoir douze ans. Je ressens pleins de choses au fond de moi, des sentiments si contradictoires. Certains sont agréables, d’autres légèrement angoissants. Est-ce que c’est ça, que de tomber amoureuse ?