unordinary realities | joleo

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Joana Harper

Spoiler:

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Jamais en retard. Toujours l'étincelle qui ravive la salle de sa splendeur. La diva a enfilé une robe seyante, pas trop voyante, de celles qu'elle jugerait "sobres" alors que pourtant, elle semble une apparition divine dedans. Pénétrant dans le restaurant où les cousines ont l'habitude de se croiser, et de refaire le monde, elle trouve sans difficulté celle qu'elle est venue voir. Leo est entourée d'un nuage de fumée noire. La fumée émane de sa cigarette, le noir de son aura vilaine et mesquine.

A quelques centimètres de la table, Jo' fait tomber son long manteau pour le laisser glisser sur la chaise du restaurant aux allures intimes. Sa main se tend pour saisir la cigarette du bout du bec de son amie et soeur de coeur. « Tsss, on ne t'a pas appris que c'était mal élevé de fumer dans les endroits confinés?  » Elle sourit d'un air malicieux avant de plonger la fine cigarette entre ses lèvres et d'en tirer une taffe libératrice. Enfin assise, l'actrice jette un oeil aux gamins qui semble déjà traumatisé. «  Que lui as-tu fait à ce pauvre poupon? » Un clin d'oeil en direction du serveur et il se tourne, incapable de savoir comment réagir à la trentenaire qui lui fait ainsi de l'oeil. Un rire mauvais échappe à la brune. « Il m'ennuie déjà.  » La cigarette retrouve le cendrier de fortune qu'un dessous de tasse a convenu de remplir comme rôle éphémère et elle secoue la tête en se penchant vers sa cousine. « Pourquoi toujours ce lieu? Je déteste être dans un endroit qui dépend de ton père...  » Bien que cela soit jouissif de voir le personnel se plier en quatre pour elles, Joana n'a jamais de mal à imposer ce respect dans les restaurants qui ne sont pas tenus par des relations des Tendler. Or l'anglo-américaine voue une certaine haine aux hommes qui ont épousé leurs mères à Leo et elle. Le sieur Tendler n'y fait pas exception. Ils auraient dû mourir à leur place... Cette phrase a été dite et redite mille fois, comme une incantation, comme un espoir de changer le passé.

«  T'as pas passé l'audition pour le Chaperon Rouge revisité, t'as changé d'avis? » Joana aime jouer sur les mots et surtout sur les intentions. Elle sait très bien que si Leo n'est plus venue, c'est qu'il doit y avoir une histoire saugrenue derrière ce revirement de situation. « Le metteur en scène était mignon...  » dit-elle, lançant une perche qu'elle est quasi certaine de voir saisie par sa Leo.

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Joana Harper

Elle reste silencieuse lorsque sa cousine se penche vers elle et s’approprie la cigarette qu’elle détachait à peine de ses lèvres. Elle l’observe, à son tour, se délecter du goudron qui se répand dans ses poumons. « Je n’y peux rien c’est de famille. » Un sourir  se dessine sur les lèvres de Leonide alors que Jo lui demande ce qu’elle a bien pu faire à ce gamin qui a eu le malheur de s’attaquer à plus fort que lui, partageant le rire mauvais qui s’échappe de la gorge de son amie. « Je n’ai fait que lui rappeler où se trouve sa place. Rien de bien méchant. Pour l’instant. ». Elles prennent depuis toujours un malin plaisir à se jouer du monde qui les entoure, à malmener tous ceux qui tentent de les approcher, écrasant ceux qui ne veulent pas s’écarter sur leur passage. Elles partagent cet amour du jeu, cette passion pour l’attaque. Peut-être que sans la mort de leurs mères survenue trop tôt, sans cet après-midi pluvieux devenu tragédie, elles seraient un peu plus différentes, un peu plus douces, mais ça, jamais personne ne le saura. Leonide roule légèrement les yeux vers le ciel lorsque sa sœur de cœur s’agace de ce lieu de rendez-vous où l’empreinte du nom Tendler tapisse tous les murs. En vérité, s’il existe une seule véritable différence entre ces deux oiseaux de nuits, c’est leur rapport à leurs figures paternelles respectives. Quand Joana hait du plus profond de son être l’homme qui lui a donné son nom Leonide, elle, désespère de sentir se poser le regard de son père sur elle. « Car c’est ici qu’on trouve les meilleures cuvées de Dom Pérignon et les meilleurs oeufs brouillés à la truffe de la ville. Mais n’hésite pas à me surprendre la prochaine fois. » Elle prend soin de ne pas véritablement rebondir sur les derniers propos de la brune, ne souhaitant pas mettre ce sujet épineux sur la table. Pas ce soir.

Elle saisit sa coupe de champagne et l’attire jusqu’à ses lèvres, invitant les derrières bulles s’y agitant encore à dévaler son œsophage, alors que sa cousine lui demande, habile, la raison de son changement de plan de dernière minute. Et le simple fait d’y repenser ravive l’orage violent qui gronde en elle depuis plusieurs heures. « Disons que j’ai su trouver mon propre genre de grand méchant loup. Et puis, le rouge te va mieux au teint. » En réalité, elle est bouffée par la rage leo, celle de ne pas avoir réussi à vaincre, celle de l’avoir vu lui filer entre les doigts. Mais ça, elle n’en dira rien, bien trop fière pour le partager avec Joana. « Assez mignon pour que tu n’aies pas à passer l’audition ? » Elle repousse du bout des doigts sa coupe de champagne vide, agacée par cette courte attente qu’elle estime déjà bien trop longue. Elle lève alors la main, et en claquant des doigts interpelle le serveur qu’elle a malmené un peu plus tôt. Ce dernier  s’empresse de répondre à son appel en rappliquant en quelques secondes à leur table. « Je vais vraiment commencer à croire que tu ne tiens pas à ton travail Max. » Suffisante, elle veut le voir craquer sous la pression. Elle s'amuse de sa crainte. « Qu’est-ce que Max peut faire pour toi Jo ? » Elle regarde sa cousine en souriant, d’un sourire mauvais qui fait étinceler le noir dans ses yeux.

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

La cigarette passe de main en main, les cousines qui sont plus soeurs que relatives au premier degré, échangent tout. Tout sauf une denrée, celle qui est leur chasse gardée. Mais les mâles exceptés, et encore, Leo et Jo' sont de celles qui n'ont rien à se cacher. Trop fières de leurs mécréances, elles aiment se vanter de leurs méfaits. Ceci dit, bien qu'elles se disent tout dans la plupart des cas, il y a toujours des parts d'ombre pour ces femmes-là. Les secrets que leurs coeurs appauvris ne peuvent trahir, de peur de se voir jugées. Si bien que Leo ne sait pas ce qui a uni sa Jo' à James. Et Jo' ne sait pas qu'un mystérieux homme est fiancé à sa cousine. Mais ce qu'elles savent, c'est que cette soirée est là pour elles. Joana lance un clin d'oeil entendu à sa partenaire de crime et sourit « La prochaine fois, je t'emmène dans une cave.  » Petit rire qui pourrait laisser entendre qu'elle blague. Mais elle ressaisit cette phrase d'une ponctuation plus intense. « No jokes. Je t'emmènerai vraiment dans une cave. C'est un endroit à couper le souffle.  » Une cave à vin qu'elle a découverte trois ans plus tôt. Un lieu spécial où l'atmosphère froide contraste avec la chaleur de la déco. Des vignobles français sur les menus et des tables avec des chandelles. Plus le genre de petit coin intime où l'on traîne un chéri ou une chérie. Mais elles deux, elles se moquent de ce genre de considérations!

La discussion évite le padre de Leonide et se tourne finalement vers leur occupation commune. Un grand méchant loup... Joana sourit vilainement. «  Tu m'en diras tant, petite cochonne. » L'allusion aux trois petits cochons est maigre, Jo' fait surtout référence aux moeurs bien connues de sa soeur de coeur. Joana secoue la tête nonchalamment tout en tapotant les cendres dans le récipient utilisé à cet escient sur la table. « Ca fait longtemps que je ne couche plus pour un rôle. Tout au plus, je coucherai avec lui s'il me stimule intellectuellement pendant les répèt.  » Elle prend une longue taffe sur la cigarette qu'elle rend à son amie de toujours avant d'expirer. « Je lui ai mis mon CV sous le nez en lui disant "je ne pense pas que ça soit utile mais voilà mon résumé. C'est à prendre ou à laisser, je ne concoure pas avec les autres brebis du pré."  » Elle sourit, encore ravie de son audace qu'elle maîtrise à la perfection aujourd'hui. « Il m'a regardée de haut en bas, m'a demandé si c'était bien le rôle principal que je venais demander et j'ai soupiré que je ne demande jamais rien. Il m'a tendu la main et m'a dit bienvenue dans l'équipe. » Joana regarde sa cousine qui appelle le garçon avec autorité et se retient de rire, un rire méchant quand celle-ci humilie une nouvelle fois le petit. « Mmmmh, pas grand chose apparemment.  » Elle le toise, presque attirée par ce jeu vicieux des méchantes jumelles qui martyrisent un gamin. « Dis au chef cuistot que Joana est là et qu'il me suprenne.  » Elle lui adresse un clin d'oeil avant de le retenir en pinçant sa chemise. «  Et un verre de rouge, tu seras mignon. » Quand il s'éloigne, Joana retourne à sa cousine et soupire en sortant un script de son sac. Elle le tend à la brune incendiaire qui lui fait face « Tu as vu le prénom du personnage? Je n'ai pas encore essayé de négocier avec John mais clairement, je ne peux pas me faire appeler Daisy.  » Elle éternue à cause de la poussière que transporte ce script qu'elle a pris dans les loges. Car evidemment, Joana n'avait pas emporté le sien aux auditions vu qu'elle savait que ne les passerait pas. « Et toi cousine? Quelles nouvelles?  » La phrase sort banalement mais elle sait très bien que Leo a toujours quelques infos croustillantes à raconter!

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Joana Harper

D’aussi loin que Leonide s’en souvienne Joana a toujours fait partie du paysage. C'est pourquoi aujourd'hui un tableau dans lequel sa cousine n’apparaîtrait pas ne serait pas envisageable. Démunies trop jeunes de leurs figures maternelles, elles ont développé ce lien particulier. Plus sœurs que cousines, elles se sont en quelques sortes appuyées l’une sur l’autre pour grandir dans ce milieu d’hommes qui leur était imposé. S’endurcissant ensemble, développant des passions communes. Si aujourd’hui des parts d’ombres subsistent entre les gamines devenues femmes, elles sont rares et tiennent plus du domaine de la survie que de la cachoterie.

Leonide sourit à sa cousine lorsqu’elle évoque l’endroit somptueux où cette dernière souhaite l’emmener à leur prochain rendez-vous. Leo sait qu’elle peut suivre Joana les yeux fermés, et que si les termes « à couper le souffle » sont choisis c’est qu’ils sont adaptés. « Je ne demande qu’à voir » .  Elles chérissent ces moments passés ensemble, une constante que rien, ni personne n’aura jamais su ébranler. Une complicité qui a su relevé le défi du deuil, de la concurrence et du temps qui passe. Leonide hausse légèrement les sourcils alors que sa sœur de cœur fait allusion à ses mœurs plutôt légères, s’amusant à feindre une innocence qu’elle a depuis bien longtemps perdue sur la route. « Laisse-moi douter de sa capacité à te stimuler intellectuellement, il s’attaque au petit chaperon rouge, pas à Corneille. »  lui glisse-t-elle en récupérant du bout des doigts la cigarette que Joana lui tend. Elle ramène la Marlboro jusqu’à ses lèvres pour à son tour tirer une longue taffe tout en continuant d’écouter sa cousine lui dépeindre fièrement le toupet dont elle a fait preuve un peu plus tôt. Elle répond à son sourire en écrasant le mégot dans leur cendrier de fortune. « Il aura au moins eu la clairvoyance de réaliser que sans toi son adaptation serait insipide. »  À peine ses mots prononcés, le serveur qu’elle vient d’appeler à la manière d’un dictateur arrive. Elle s’amuse de voir sa cousine se prendre au jeu, et à son tour se jouer de ce pauvre garçon qui n’a rien demandé, qui a seulement eu le malheur d’être au mauvais endroit au mauvais moment. « Pas si vite Max. Je prendrai la même chose. Et fais-moi le plaisir de veiller à ce qu’il s’agisse d’un Côte de nuits Domaine Romanée-Conti pour le vin. » Autoritaire, Leonide ne laisse pas de place au doute ou à l’improvisation dans le choix du serveur.

À nouveau seules, Leo s’empare du script que lui tend sa cousine. Elle le feuillette, découvrant son contenu qu’elle n’avait pas pris la peine d’étudier au préalable, ayant conscience de ne pas en avoir besoin. « Nous sommes d’accord sur ce point, Daisy n’est pas une option. »  Le nez toujours plongé entre les lignes, elle continue « Je te fais confiance pour lui imposer le prénom qui te plaira. S’il est intelligent il écoutera tes conseils. » Elle referme le livret avant de le poser sur la table alors que Joana lui demande quelles sont les nouvelles de son côté. Un je vais me marier serait peut-être approprié mais Leonide y préfère « Owen m’a rappelée. Je vais reprendre le rôle de Lady Macbeth. Son adaptation va être rejouée au Majestic le mois prochain. » dit-elle un sourire amusé sur le bout des lèvres. « Et je cite il : ne pouvait pas l'imaginer être interprétée par une autre. »  Ce n’est pas nouveau, ce metteur en scène reconnu dans le milieu lui court après depuis des années sans jamais avoir réussi à l’avoir. « Sinon, j’ai coupé la tête d’un arrogant sur la place publique. » Une fierté malsaine se diffuse sur son visage tandis qu’elle s’apprête à dévoiler à Joana de quelle manière elle a coupé l’herbe sous le pied du fils Wyndham. « Ça a fait pas mal de bruit dans la presse, tu as dû en entendre parler. » Elle tease, prête à se vanter de la méchanceté dont elle peut faire preuve. Un aspect d'elle-même qui, elle le sait, sera loin de faire blêmir sa cousine.

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Elles sont comme des soeurs et pourtant, le destin les a séparées autrefois. Séparées pour mieux se retrouver et mieux régner ensuite. Joana sourit froidement quand elle se souvient de toutes les douleurs qu'elles ont traversées ensemble. Tout ça, pour devenir aujourd'hui les tyrans de New-York. Leur discussion a ce goût sucré amer des dames de la haute société qui méprisent leurs inférieurs. Pourtant Joana a abandonné ce monde lorsqu'elle a fugué de chez elle, préférant extirper leurs biens aux riches que de s'asseoir simplement sur son héritage. Cela fait des années qu'elle nargue son père, qu'elle ne le voit que par hasard et qu'elle s'amuse à lui jeter quelques piques acides au visage. Que Leonide soit toujours en quête de l'amour du sien, cela la dépasse. Alors elle se reconcentre volontiers sur les sujets futiles de leurs existences. Un rendez-vous est pris pour les caves et la piste est lancée concernant les scripts de la pièce de théâtre. « Tu es affreuse. Ce n'est pas un banal petit chaperon rouge, c'est revisité de manière philosophique. Je ne m'imaginais pas Freud avoir son mot à dire dans cette gamine ridicule qui s'en va dans les bois mais le metteur en scène a beaucoup de génie concernant l'adaptation, honnêtement. » C'est une critique très douce de la part de la vénéneuse Jo. De sa part, cela équivaut à un Oscar en bonne et due forme de la part de l'académie. Leonide se radoucit en concédant quelques points au metteur en scène et Joana laisse s'échapper un petit rire condescendant. Le môme est alors retenu par la vilaine Tendler et Joana observe amusée comme le petit serveur se désagrège. Le vin commandé n'a jamais été servi ici auparavant, elle le sait. Quand le serveur part, elle secoue la tête« Tss tss, tu veux vraiment qu'il se suicide en rentrant chez lui?  » Quelques secondes après, elles voient Max sortir des cuisines et enfiler une veste. Le pauvre s'en va sûrement acheter le crû que la princesse a commandé.

Tandis que Leonide parcourt le script, Joana s'allume une nouvelle cigarette et la laisse faire sans rien dire. Evidemment, elle ne contredit pas l'horreur de ce prénom farfelu. « Je sais déjà comment je vais la faire s'appeler cette femme qui se laisse séduire par le loup. » Un sourire violent sur les lèvres, elle laisse le prénom sortir avec malice « Leonide. » Joana sourit plus fort encore avant d'éclater de rire. Etait-ce une blague? Rien n'est moins certain. Les rires de Joana ne contredisent pas forcément ses dires. « Ben tiens. » Joana expire la fumée de ses poumons, roulant des yeux. « Owen a bien raison. Mais il manque d'ambition. Pourquoi refaire la même pièce? Il manque d'argent ou quoi? Tu ne t'ennuies pas à refaire les mêmes gestes et les mêmes textes? » Joana tire sur sa cigarette tout en se penchant vers Leo comme pour une confidence. « Allez soeurette, pourquoi t'uses pas de ton pouvoir pour lui proposer une pièce de ton choix? Tu sais très bien qu'il ne te refusera pas, pas toi. » Elles savent toutes deux le pouvoir qu'elles ont sur les hommes. Et cela se confirme quand Leo lui parle d'un scandale dont Joana est ignorante. Elle secoue la tête vivement et avec agacement « Arrête de faire durer le suspens et crache le morceau. Tu sais très bien que je ne lis les journaux que quand ça parle de moi. » Elle sourit, tous feux, toutes flammes.

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Joana Harper

Quand ton monde s’est effondré, qu’avec son départ elle a tout balayé. Quand la solitude s’est pointée, despotique, au coin du boulevard de ta vie. Quand il a fui, loin de toi et loin de lui. Joana était la seule toujours là. Un point de repère fixe dans un monde étourdissant.

Des différences se dressent entre Leo et sa cousine, mais les points communs sont trop nombreux pour qu'elles ne les séparent. Unies même dans l’adversité. Leonide ne peut s’empêcher d’afficher un sourire fier lorsque sa cousine la décrit comme affreuse. « Merci » lui glisse-t-elle satisfaite. « hm, finalement, tu coucheras peut-être avec lui. » Elle la taquine, comme elles s’amusent toujours à le faire. Mais si sa cousine utilise le mot génie, c’est que le mérite de cette adaptation est existant. Et Leo sera là, comme toujours, pour voir briller Joana dans l’obscurité de la première représentation. Car même si elle ne lui dit pas, elle est fière et fascinée par le talent naturel de la cousine. Jo s’amuse de sa méchanceté face au serveur dépassé par ses exigences. « C’est un risque à prendre lorsqu’on travaille ici. » Mauvaises, autant l’une que l’autre.

Les yeux de Leo parcourent les pages noircies par l’ancre sans perdre une miette de ce que lui raconte sa cousine, rebondissant sur ses remarques, soulignant ses arguments. Elle détache ses pupilles du script quand Joana lui indique avoir déjà trouvé le nom idéal pour la gamine au loup : le sien. « Quelle idée de donner mon prénom à une vierge. » lui dit-elle juste avant d’éclater de rire avec elle, faisant résonner leur aura vicieuse dans le restaurant. « Et qui te dit que je me laisserai séduire par le loup ? » Elle sait que sa sœur de cœur serait bien capable de mettre ses dires en application, rien n'étonne plus Leo quand il s’agit de Joana. « De ce que j’ai compris c’est une demande du directeur. Sa saison s’articule autour de Shakespeare cette année. Et non, je ne me lasserai jamais de souffler la folie du meurtre à l’oreille d’un mari imaginaire. » Imaginaire, il ne le sera bientôt plus. « Mais tu as raison, je devrais tirer avantage de son obsession presque malsaine pour un corps qu’il ne touchera jamais. Je vais y réfléchir. Une idée à me souffler ? » Elle se penche au-dessus de la table pour prendre la cigarette que Joana tient entre ses doigts et l’attirer jusqu’à ses lèvres. Répétitions incessantes. Elle tire sur la Marlboro alors que la curiosité dévore les iris de sa cousine. « Le fils Wyndham a été déshérité après la parution d’une sextape dans la presse. » Le visage de Leonide s’illumine à la lumière noire d'une satisfaction mauvaise. Joana sait qu’il est passé à plusieurs reprises dans le lit de Leo, et le nom du prince déchu est trop coté en bourse pour être oublié. « Il a fini par m’ennuyer. » dit-elle en laissant la fumée s’échapper entre ses lèvres. « Il a lui-même désigné son bourreau à s’attaquant à la seule personne qu’il ne fallait pas toucher. Stupide petite chose. » Un léger rire se fraye un chemin dans sa gorge alors qu’elle tapote sur la cigarette au-dessus du cendrier de fortune. « Et toi, à part cette audition qui n’en était pas une, rien de nouveau ? » Elle tend le poison à sa cousine, curieuse de découvrir ce que la seule femme dans sa vie a à lui raconter.

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Défier les autres, les attaquer, les tuer de leurs rires incendiaires, voilà ce qu'elles savent faire. Et les compliments entre les cousines sonnent différemment. Elles ne se plaisent pas dans la contemplation de ce que certains appellent des qualités. Ce sont les défauts qui les distinguent du commun des mortels. Car c'est là qu'elles excellent, là qu'elles dominent. Leonide remercie la brune tout naturellement. « Ne jamais dire jamais. » Un sourire fugace traverse son visage. Joana ne s'est jamais refusé un homme quand la passion du théâtre s'invitait dans son lit. Mais elle préfère éviter de tout mélanger. Si elle sait faire la part des choses, ses amants semblent parfois oublier qu'elle est un être indépendant et qu'elle n'aime pas faire dans le sentimentalisme. Elle balaie cette idée sans y accorder plus d'importance. Car, au final, coucher ou ne pas coucher, là n'est pas la question.

« Avoue que cela te ferait rire. » Joana jubile déjà rien qu'à l'idée. Elles rient ensemble, comme toujours. Leur mauvais caractère n'est que rarement destiné à l'autre. Car elles sont deux pièces d'un même morceau, deux actes d'une même pièce. « Oh arrête, tu te laisserais séduire par n'importe qui pour autant que tu y sentes quelque danger. » Joana le dit sans aucune arrière-pensée. C'est logique, naturel. « Et en vérité, si on y pense, si le loup ne venait pas te courtiser, il y a fort à parier que c'est toi qui irait le débaucher. » Ses yeux lancent des flammes pétillantes d'une lueur qu'elles connaissent trop bien : la malice.

Elles parlent du programme de l'ennuyeux metteur en scène. Joana sait que Leonide l'aime bien, malgré son plaisir à le torturer. Mais la harpie le trouve trop prévisible dans ses attachements. S'il trompait son attachement envers Leonide, il deviendrait enfin un peu plus intéressant. Là, il n'est qu'une autre proie dans les griffes de la menthe peu religieuse. « Je n'ai plus lu de pièce nouvelle depuis plusieurs semaines. Mais si tu souhaitais vraiment reprendre la une des journaux, propose lui d'écrire un truc avec. Il y verra une opportunité de passer du temps avec toi et toi... ça te fera une publicité magistrale d'avoir ton nom en tant que scénariste et qu'actrice. » Joana sait de quoi elle parle. C'est cette même idée qui l'a propulsée à la tête des journaux académiques deux ans plus tôt. Elle sourit faiblement, comme nostalgique de ses débuts en tant qu'auteur. Mais la tâche prend trop de temps et la femme préfère s'adonner à ses plaisirs quotidiens que de tout offrir aux pages blanches. Pourtant, elle en garde un merveilleux souvenir et elle sait que lorsqu'elle rencontrera le bon co-auteur, elle se relancera sûrement dans l'expérience. Mais seulement pour un chef d'oeuvre, rien de plus rien de moins.

Wyndham. Le nom lui parle mais elle ne se souvient plus si c'est à cause du scandale ou parce que Leonide lui a déjà raconté ses aventures avec cet homme. « Attends. » Joana digère les informations, réfléchit et sourit, affichant la fierté d'une mère envers son enfant prodige« C'est toi? » Elle n'en revient pas. Le culot qu'il faut pour ça. « Et on ne te voit pas sur la vidéo? » ajoute-t-elle, amusée.

Rien de nouveau? La question tombe et une vague de désespoir l'étrangle sans qu'elle ne puisse la montrer. Mis à part que j'ai revu James, qu'il m'a forcée à lui parler, à lui dire des choses que j'avais toujours enfouies en moi et que je me déteste en ce moment? Non. Rien qui ne vaille la peine d'être mentionné. « J'ai revu le petit Gardner à une soirée rooftop que tu affectionnes tant. Je me suis remise à fumer des Dunhill longues parce que je les trouve plus classes. Et ah oui, j'ai des insomnies qui me donnent de sales migraines et qui ont été jusqu'à engendrer quelques nausées désagréables lors des répétitions. Bref, que du bonheur. » Elle sourit sans détour et incline son visage dans un mouvement amical de celle qui n'a rien de vraiment passionnant à révéler. « Et toi? Les amours? » Lui relancer la balle avant qu'elle ne creuse plus loin. Joana veut éviter de penser à celui qui a occupé tout son espace mental ces derniers jours.

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Joana Harper

Leurs rires se mélangent et résonnent dans tout le restaurant. Leurs éclats éclipsent le temps de quelques secondes le reste du monde. Seules contre tous. « J’en serais même étrangement flattée si tu veux tout savoir. »  Bien que Leonide ne se considère par comme une gamine innocente et naïve, que sa cousine puisse envisager son prénom n’est pas pour lui déplaire. Elle secoue la tête alors que Joana évoque son attirance malsaine pour le danger, comme pour réfuter une information qui est pourtant loin d’être fausse.  Leo a toujours été attirée par l’obscurité bien qu’elle prétende aimer la lumière. « Hm, je n’y peux rien si la gentillesse m’ennuie. » Elle hausse les épaules pour souligner la fatalité de ce qu’elle vient de dire tandis que la malice qui luit dans les pupilles de sa cousine trouve un écho dans les siennes.

Joana lui conseille de saisir une opportunité que Leonide n’avait même pas envisagée: celle d’écrire. Mais si Joana s’applique à attirer les gros titres Leonide n’en veut pas, elle se contente d’une carrière presque morte dans l’œuf quand son talent méritait qu’elle s’envole au-delà des paysages dans lesquels elle se cache. Cette décision de ne pas trop briller elle l’a prise il y a plusieurs années déjà, quelques mois après être sortie de l’école, alors que son nom était dans toutes les bouches et que tous les regards se posaient sur elle. Pour Timeo elle s’est coupée les ailes. Elle a refusé des opportunités qu’une personne avec la volonté de grimper au somment n’aura jamais écarter. « Hm, je ne sais pas si j’ai envie de passer autant de temps avec lui. »   Elle réfléchit quelques secondes avant de reprendre, « mais il y a bien cette idée qui me trotte dans la tête depuis un moment… Je vais y réfléchir. »  Après tout, pourquoi ne pas jouer de son pouvoir sur Owen pour obtenir de lui de mettre en forme ce qu’elle aimerait jouer ?

Alors qu’elle évoque l’exécution qu’elle a ordonné sur la place publique pour le fils Wyndham, elle voit une lueur qu’elle connait bien s’animer dans les yeux de Joana. Une fierté malsaine qui encourage Leo à lui en dire un peu plus. « Exactement. »  clame-t-elle un sourire mauvais accroché aux lèvres. Joana lui demande si on l’aperçoit pas sur la vidéo, et leonide ne peut retenir un léger rire alors qu’elle réalise que sa cousine s’imagine qu’elle tient l’un des rôles principaux dans cette vidéo amateur.  « Hors de question qu’il m’entraîne dans sa chute.  Je ne sais même pas qui est la pauvre fille qui a été assez bête pour le laisser la filmer. Dans cette tragédie je ne suis pas actrice, seulement attachée de presse. »   Son sourire s’étire et ne dévoile pas l’ombre d’un regret, pas une once de remord. En envoyant cette vidéo elle a tordu le cou du destin d’Ezekiel, mais elle savait très bien ce qui résulterait de son geste et était plus qu’à l’aise avec ce dessein.

Elle demande à Joana ce qu’il y a de nouveau de son côté, et le tableau que lui dépeint sa cousine ne semble pas être éclairé par la nouveauté. Toutefois, les mots migraines et nausées retiennent son attention. « Manquerait plus que tu sois enceinte. »  Elle n’est pas sérieuse, c’est pourquoi elle accompagne ces quelques mots d’une pointe d’ironie et d’une pincée de mépris. Bien qu’à leurs âges nombreuses sont les femmes qui pensent à donner la vie, Leonide et Joana sont très loin des envies de maternité.  « Les amours ? »  Leonide grimace pour souligner l’étrangeté de la question de sa cousine. « J’ai trouvé de quoi occuper mes nuits depuis quelques temps. Un jeu de rôle plutôt rafraîchissant, mais qui finira par s’essouffler et laisser sa place à un autre. Comme toujours. » Faux. Si le moment serait parfait pour jouer cartes sur table avec Joana et enfin lui dire qu’elle est fiancée à un homme qu’elle ne connaît pas et qu’elle n’a pas choisi, Leonide n’en fait rien. Elle cache, dissimule, omet de dire la vérité. Elle n’est pas prête à affronter le regard de Joana, alors elle préfère leurs confessions habituelles et elle éloigne d’un revers de la main la simple idée de lui en parler. Dans l’intimité d’un restaurant où leurs exigences font frémir le personnel, elles profitent d’une normalité qu’il leur est propre mais qui en réalité n'existe déjà plus dans sa forme originelle. Elles ne sont juste pas encore prête à se l’avouer. Une autre fois.

◐ ◐ ◐  
{ unordinary realities }
crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Les confidences s'enchaînent. Les rires se succèdent et la soirée bat son plein. Joana n'en revient pas que Leonide ait osé dévoiler des ébats dont elle n'est pas la reine. Mais en vérité, cela rassure sa cousine de savoir que la Tendler ne risque pas des retombées médiatiques. Joana sait très bien ce que ce genre d'attention amène et ce n'est rien de bon. Elle soupire tendrement et écoute tout ce qui se dit sans broncher. L'évocation d'un marmot dans ses pans la fait rire sans détour. Enceinte de qui? Puis son visage apparaît comme il le fait souvent, au mauvais moment. James. Elle déteste la manière dont il s'impose quand elle n'en a pas envie. Alors elle le chasse tout comme cette ridicule idée qu'il pourrait y avoir une cause autre que la fatigue à ses symptômes. Et comme pour noyer cette possibilité, elle avale une nouvelle gorgée du vin prétentieux que Leo a commandé. Toutes deux savent que certains pans de leurs vies restent cachés, qu'elles ne jouent pas leurs cartes ouvertement mais elles se respectent assez que pour ne pas creuser. A quoi bon forcer des confessions que l'on n'a pas envie d'entendre ou d'énoncer soi-même ? La soirée se déroule tranquillement et les deux femmes finissent leur dîner avant de s'accoler l'une à l'autre et de se quitter pour se retrouver très probablement le lendemain ou un autre jour, très prochain. « Tu ne m'avais pas manqué. » dit Joana avec un sourire fourbe en s'engouffrant dans le taxi qu'elle a fait commander. Sa cousine et elle, elles se comprennent parfaitement. Nul besoin de se dire "je t'aime" pour qu'elles sachent ce qu'elles ressentent. Car s'il y a bien un seul pilier dans la vie de la Harper, c'est Leo. La voiture s'enfonce dans la nuit, et Joana se retrouve seule avec le hoquet. Fichu vin. Mais la peur est désormais plantée là, quelque part dans son esprit, se cachant et demandant à être oubliée.