Sujet: Never & Always | ft. Beanis #1 Lun 1 Mar - 14:11
For never and always
Bea & Ado
Les lumières de la ville sont les seules à encore laisser quelques traces dans les rues. La nuit est tombée depuis plusieurs heures, New-York ne dort pas, le Queens non plus. Quelque part, dans une galerie vidée de ses acheteurs et de ses négociants douteux, une métisse vaillante ferme les portes de la boutique. La rue n'est pas un endroit où l'on doit se promener seule à ces heures avancées. Pas quand on est jeune, pas quand on est belle, pas quand on est femme. Mais la rebelle aux tresses soignées et à la peau tatouée sort sans la moindre peur et parcourt les ruelles avec bonne humeur. Les ventes étaient calmes ce soir, les clients divers et variés. Elle sourit devant son téléphone noir de messages qui lui indiquent qu'elle est attendue à plusieurs soirées. Un coup d'oeil rapide à sa montre lui indique qu'elle pourrait y être avant quatre heures. Mais elle se sent plutôt l'âme à voler dans d'autres horizons. Tu ne l'as plus vu cette semaine et il te manque. C'est comme l'air qui vient à te manquer quand tu penses qu'il pourrait se passer une autre semaine sans lui. Une cigarette aux lèvres, tu épuises tes poumons dans le désir de l'aspirer lui et son âme ce soir, ce matin, cette nuit.
Un taxi la dépose devant l'immeuble tandis qu'elle finit de se démaquiller. Ses yeux pandas luisent d'un éclat bien à elle. Elle sourit devant le reflet que la vitre de la porte lui renvoie. Elle utilise sa clé pour débloquer l'entrée et s'engage dans le cagibi avant de s'arrêter pour enfiler son pull en petite mailles par-dessus son top trop affriolant. Adonis et elle, c'est des hauts et des bas. C'est surtout des hauts et des folies qui retentissent après minuit. Mais elle voit plus en lui que l'assouvissement d'un désir charnel. Et s'il lui manque, c'est parce qu'il a été incroyablement distant ces derniers temps. Mais Bea n'est pas le genre à demander des comptes. Il ne lui appartient pas d'exiger quoique ce soit de lui. Libre, tu es libre et lui aussi. Mais la liberté n'empêche pas de vouloir côtoyer la beauté de son âme déchirée. Elle pénètre la piaule de son ami, amant, frère, de son homme, de son enfer. Les lumières sont partout fermées. Il dort ou est absent. Beatrix saisit le roman qu'elle a laissé sur la table de la cuisine quinze jours plus tôt et l'emmène avec elle dans la chambre à coucher où une boule sous les draps lui indique que le bel Adonis repose. Elle fouille dans son sac à la recherche de ses lunettes de lecture, celles équipées d'une petite lampe de poche qui lui permettent de voir un peu dans le noir. Tu vas te bousiller les yeux Bee. La voix de sa mère lui décroche un sourire tendre tandis qu'elle s'emmitoufle sous un plaid et se plonge dans les pages qu'elle a abandonnées deux semaines plus tôt.
Lorsqu'elle se réveille, l'horloge mural indique neuf heures trente. Le lit est vide. Elle se lève et s'installe au bar de la cuisine, posant son visage dessus et soupirant. « Tu partages ?» Elle regarde son bol de céréales, l'invitant à venir la rejoindre avec une cuillère supplémentaire. Beatrix est ce genre de femme mignonne et allumeuse malgré elle. Son sourire d'éveil est à croquer et son regard tue. « Tu m'as manqué. » Il n'y a pas de faux semblant, pas de jeu. Elle ne joue que pour séduire mais l'amour n'est pas à décrypter. Elle aime comme on respire. Et certains hommes l'enivrent plus que d'autres, certains sont son opium et son oxygène. @Adonis Worall
Les heures passent alors qu’il mélange les réalités sur la toile. Sous ses doigts naissent des visages informes, des objets délirants, se mêlent des corps dans une violence dérangeante bien qu’esthétique. Emporté par un élan d’inspiration, par un besoin viscéral de noircir le lin, son pinceau étire la peinture dans des mouvements qui transpire la colère. Un joint pincé entre les lèvres, Adonis se laisse porté par le rythme froid et synthétisé d’un rock anglais qu’il n’a jamais cessé d'écouter, qu’il écoutera toujours. Les Cure pour être un peu plus près de toi. Parfois, quand son pinceau se détache de la toile, ses paupières se ferment et son corps se balance, animé par des incantations que seule une bonne ligne de basse parvient à formuler. Absorbé par le temps qui se déforme dans des montres molles, il ne réalise pas qu’il n’est plus seul. Ce n’est que lorsque la musique s’arrête enfin, qu’elle laisse place au silence qui réanime ses pensées qu’il sent son regard se poser sur lui. « Encore toi. » Sa voix est grave, sèche. Il se retourne et l’aperçoit, le fantôme de l’homme qui a brisé son enfance. Une colère délirante s’agite alors en lui, elle éteint les lueurs de raison qu’elle trouve sur son passage et le pousse à saisir la bouteille de whisky posée près du châssis. Sans quitter le mirage noir et inquiétant installé sur un tabouret de la cuisine, il s’avance vers un des placards pour un sortir un verre qu’il remplit. Il fait glisser le whisky d’un mouvement de main sur le formica. Une offrande à ce monstre qui lui apparaît malgré les années et les kilomètres qui les séparent. Il pourrait s'installer sur l’autre tabouret, mais il préfère laisser toute la largeur de la pièce entre le fantôme de ce père et lui. Il s’assoit à même le sol à l’opposé, et incline légèrement son crâne en arrière pour le poser contre le mur bétonné alors qu’il rallume le joint entre ses lèvres. Il dévisage cette apparition d’un regard noir, la mâchoire serrée. Presque résigné face à la folie qui semble s’éprendre de lui, il respire la haine et la laisse se diffuser dans ton son être. Il est comme dans ses souvenirs, le même visage marqué par l’alcool et la colère, le regard lugubre et assassin. Et malgré les années, malgré cette vie qui est passée, l’enfant effrayé est toujours là, tapi dans l’ombre enragée d’un Adonis brisé.
Il a fini par traîner son corps fatigué jusqu’au matelas posé à même le sol dans un coin de son atelier et s’y endormir. Quand il se réveille, Adonis n’est toujours pas seul. Mais si la nuit dernière il a été visité par son plus grand cauchemar, ce matin c’est un doux rêve qu’il découvre allongé près de lui. Bea. Il reste près d’elle à la regarder dormir un long moment. Es-tu réelle ou toi aussi n’es-tu qu’une hallucination de mon esprit abîmé ? Sa peau couleur ébène choque avec la blancheur des draps, et ses longues tresses serpentent le lit, y dessinent des formes inconnues où Adonis croit reconnaître des visages. Il ne s’attendait pas à la voir ici, il ne s’attend jamais à la voir. Car elle est comme ça Bea, portée par le vent de ses envies, aussi imprévisible que le temps qui change. Un oiseau qu’il ne faut jamais mettre en cage.
Il se glisse hors des draps, enfile un jogging qui traine à côté du lit sans prendre la peine de mettre un t-shirt et se dirige silencieusement vers la cuisine. Les yeux rivés sur la toile inachevée qui trône de l’autre côté de l’unique pièce qui lui sert d’appartement, en même temps qu’il nourrit son corps fatigué par cette nuit agitée il réfléchit à son prochain coup de pinceau. Puis, il l’aperçoit du coin de l’œil virevolter hors du lit et s’approcher du bar. Son regard encore embrumé par l’herbe qu’il a fumé la veille se pose sur elle. L’oiseau de nuit a faim, et c’est sans un mot qu’Adonis la rejoint près du tabouret où elle est assise, qu'il s’accoude au comptoir tout en restant debout et lui tend le bol à moitié plein pour qu’elle le finisse. Proche d’elle et de sa lumière, il savoure son retour au milieu du chaos qui lui sert de vie. Toi aussi tu m’as manqué. J’ai accompagné Monet à San Francisco pour la transaction des Glaneuses ». Il attrape un paquet de cigarette qui traîne et invite le poison entre ses lèvres. « Tout s’est bien passé ces derniers jours ? L’autre con n’a pas remontré sa gueule abîmée ? ». Il fait allusion à un acheteur qui leur a posé problème quelques jours plus tôt et qui a nécessité une intervention musclée. Il allume sa cigarette, et dépose son menton contre son épaule pour laisser ses yeux parcourir la beauté de cette femme qu’il a détesté si fort quand elle est entrée dans sa vie. La fumée s’échappe d’entre ses lèvres quand il repense au vide qu’elle laisse aujourd'hui derrière elle à chaque fois qu’elle s’envole. « J’ai besoin de ton avis sur ça. ». Il indique d'un coup d'oeil la toile inachevée qui trône au milieu de la pièce. Une toile qui n’est pas à vendre, une toile qui n’est pas une copie. Le squelette incomplet d’une partie de lui qu’elle ne pourra peut-être pas comprendre, mais qui lui sert d’excuse pour la retenir un peu plus longtemps près de lui.
Sujet: Re: Never & Always | ft. Beanis #1 Mar 2 Mar - 9:51
For never and always
Bea & Ado
Dans cet appartement, elle respire les douleurs d'un passé trop accablant pour être discuté. Tous les deux, ils savent que des ombres noires dessinent leurs âmes quand la nuit tombe sur leur sommeil. Tous les deux, ils ont appris à faire avec les démons de l'autre, à les exorciser comme s'ils étaient prêtres et prêtresses pour les esprits qui ne peuvent trouver leur repos. Une dizaine d'années les unit et pourtant, leur lien est encore si frais qu'il pourrait s'étioler sous les rayons du soleil. Beatrix est arrivée en plein milieu de la nuit sans se soucier de ce qu'elle trouverait ici. Adonis lui appartient tout comme une part d'elle est sienne. Mais cette appartenance est sans contenance, sans menotte. Libre, elle erre dans le studio, remarquant ce que la pénombre du matin avait caché à ses yeux. Des cadavres d'alcool traînent dans l'atelier, un drap souillé de couleurs obscures parsème le sol qu'elle foule de ses pieds nus. Et un sourire se colle sur ses lèvres quand elle voit l'homme, à moitié dévêtu qui tourne autour d'une oeuvre nouvelle qu'il semble tenter de cerner, d'apprivoiser, comme si elle n'était pas sa création, son bébé.
« Ah. » répond-elle, peu satisfaite de cette réponse. Il n'y a plus de jalousie pour l'affection de Monet aujourd'hui. Ils ont compris que Monet les aimait à force égale mais avec des flèches différentes, perçant leur coeur à la manière que chacun requiert. Mais elle n'est pas soulagée de cette réponse. Cela ne réprime pas le manque, au contraire. Bea soulève les épaules à l'évocation du client intrusif et répond vaguement « Non, non, tout s'est bien passé. » La fatigue ou le sentiment que quelque chose les désunit, elle ne sait pas, mais elle se sent loin de lui. Et cela ne lui donne pas l'envie de parler boulot. « Et SF, tu t'es bien amusé? » Pas d'arrière-pensée, juste le besoin de briser le silence qui pourrait s'installer. D'autres femmes poseraient la question pour s'enquérir des aventures de leur chevalier. Mais Beatrix n'a jamais eu cette curiosité, jamais par vanité en tout cas. Tu me manques tellement en ce moment. Donne-moi quelque chose, absous-moi du besoin de te voir vibrer à nouveau avec moi. Adonis, Ado, je t'ai dit que tu me manquais... cela ne compte pas? Et comme s'il pouvait lire en elle, il lui désigne un morceau de lui, étendu sur la toile, qui attend sa critique. La petite cuillère en bouche, elle se lève. Les jambes nues sous la chemise qu'elle a volée à l'artiste pour recouvrir son top avant de se coucher, elle s'avance vers l'oeuvre maudite. « C'est spécial. » dit-elle en inspectant le tableau qu'elle estime inachevé. Ses yeux partent alors dans la pièce, à la recherche d'autre chose que de sa palette de couleurs. Elle trouve rapidement ce qu'elle savait qu'elle trouverait : un joint écrasé dans un cendrier. « Ton tableau pue la drogue et le manque d'estime de soi. Rien de nouveau pour toi. Mais on dirait que t'étais pas seul en dessinant, comme si un vieil ami t'avait prêté main forte. » Perspicace, elle revient près de lui et s'assied sur le haut tabouret avant d'enfourguer des céréales dans la bouche de celui qu'elle aime tant. « Si t'as besoin d'un critique artistique, demande à Claudel ou Monet. Si t'as besoin que je t'enfonce, dis-moi pourquoi. » Dis-moi pourquoi. Mais tu sais que je ne le ferai pas. Parce que tu n'as pas besoin de moi pour ça. @Adonis Worall
Le bol dans une main, la cuillère dans l’autre il scrute la peinture pas encore tout à fait sèche sur la toile tendue. Le jour lui donne un tout autre visage, et cette nouvelle identité ne plait pas à Adonis. Alors, il fixe, détaille, se penche légèrement pour en découvrir tous les angles et parvenir à les appréhender avec le regard nouveau du matin. À la recherche de ce qui pourrait bien lui manquer, de la juste nuance à y ajouter pour en parfaire l’horreur. Car la peinture d’Adonis est violente, elle ne se décrit pas par le beau. Le beau il aime le détruire, et lui préfère le splendide des corps abîmés, l’étrange harmonie des gueules cassées. Et soudain, alors qu’il commence à se perdre dans les vestiges d’une visite qu’il préférerait oublier, elle se réveille. Elle quitte ses songes qu’il aimerait parfois découvrir pour le rejoindre parmi les vivants. Il s’approche d’elle quand elle lui demande, incapable de résister à l’appel de sa lumière. Elle lui dit qu’il lui a manqué, et bien qu’il ne le montre pas cette confession a l’effet d’une douce caresse sur son cœur. Mais il ne peut pas lui répondre avec des mots, Adonis est incapable de conjuguer ce genre de douceur à haute voix, alors il lui montrera autrement, à sa propre manière, par des gestes et des attitudes qu’elle saura comprendre.
Il entend au ton de sa voix qu’elle est déçue par cette réponse qui tombe à côté, mais ça ne l’empêche pas pour autant de continuer sur sa lancée. Il glisse une cigarette entre ses lèvres en l’écoutant lui répondre que tout s’est bien passé. Il le savait déjà, mais il voulait l’entendre le lui dire. Bien qu’il ne le formule pas, il a une peur constante qu’il puisse lui arriver quelque chose. Il penche légèrement la tête quand elle demande comment s’est passé son séjour à San Francisco. Il déteste aller dans cette ville, car c’était la leur. L’Eldorado qu’Anthea et lui avaient choisi pour fuir l’horreur. Il déteste cette ville car c’est là-bas qu’il les a foutus en l’air, parce qu’il a l’impression que sa soeur va apparaître à chaque coin de rue ; parce qu’elle lui rappelle tout ce qu’il a perdu. Et chaque fois qu'il y va, c'est comme si une infime partie de lui-même n'en revenait pas. « Aussi bien que ça puisse se passer. Monet était en forme. » Une fois la transaction terminée je me suis éclipsé dans la nuit, et j’ai bu tout ce que j’ai pu. J’ai creusé un peu plus profondément la tombe qui m’est destinée. Il relâche la fumée de sa cigarette dans l’air en proposant à Beatrix la découverte d’un bout de lui-même qui ne lui appartient pas encore.
Quand elle se lève, que ses jambes nues attirent son regard alors qu’elles prennent la lumière timide du matin, il s’émerveille devant la beauté de cette femme oiseau qui aujourd’hui est venue se poser près de lui. Et si d’habitude il aime détruire le beau, abîmer la beauté de Bea serait un sacrilège, car elle resplendit dans toutes les douleurs qu’elle tait, dans l’écho de tous ces secrets qui l’ont déjà brisée. Glissée dans une de ses chemises, Beatrix s’avance vers la peinture étalée. Approche-toi encore un peu plus près de moi. Elle se penche, observe, et rapidement lui apporte la réponse qu’il attendait. Touché. Dans le mille, comme elle l’a toujours fait, comme elle le fait si bien. Bea a cette capacité à lire en lui comme aucune autre personne encore en vie n’arrive à le faire. Sa perspicacité sans détour lui décroche un sourire alors qu’elle s’approche à nouveau de lui. « Plutôt un vieil ennemi. » Il ouvre la bouche pour accueillir la cuillère qu’elle lui tend, et l’écoute lui demander de s’ouvrir, de se donner. Tout en mâchant les céréales, il accroche ses pupilles aux siennes, et lui fait passer un message qu’il ne prononcera pas à voix haute. Que veux-tu que je te dise Bea ? Que je suis en train de dérailler et que je me laisse glisser ? Tu veux que je te décrive ma folie, que je te présente les fantômes avec lesquels je danse la nuit ? Je ne peux pas, cette sentence ne concerne que moi. « Ce n’est pas ce que tu es venue faire ici ? Tu me décevrais presque, je t'ai connue plus acide. » Il se penche pour déposer un baiser sur son front, une main glissée contre sa nuque pour sceller cette étreinte éphémère. « Je ne t’attendais pas cette nuit, ce n’était pourtant pas la pleine lune. » lui dit-il taquin, avant de coincer sa cigarette entre ses lèvres et de contourner le bar pour aller leur préparer du café. Ne t’envole pas tout de suite.
Sujet: Re: Never & Always | ft. Beanis #1 Mar 2 Mar - 13:43
For never and always
Bea & Ado
Elle ne déploie jamais ses ailes auprès des inconnus qui la laissent de marbre. Les inconnus, Bee, elle les targue et puis les nargue. En boîte, c'est son regard qui édulcore les yeux avant que cela ne soient ses pilules, ses comprimés heureux. Elle n'abuse pas de ses propres mets. La drogue, c'est comme les crêpes, si l'on touche à notre création avant de l'avoir finie, on l'aura fini avant de l'avoir achevée. Adonis, lui, a ses propres faiblesses. Mais il n'est pas un inconnu. Elle ne juge pas. Elle regrette juste qu'il ne s'ouvre jamais plus, comme si le passé était un mur instauré entre eux, pour les séparer. A leur perte, jamais destiné. Et leur perte se consume quand il s'agit de San Francisco, cette ville où il semble avoir perdu le goût de vivre. Elle l'a déjà remarqué lorsque Monet les y a traînés plusieurs années auparavant. La belle métisse était en pleine contemplation des immeubles tandis qu'Ado avait le regard vide, happé par quelque démon que seul lui connaît, qu'il ne présente jamais.
Monet était en forme. Beatrix sourit. Comme si la matriarche du Dark Mist pouvait être autrement qu'en forme. Mais le sujet ne la captive pas. A moins que son apollon moderne ne souhaite lui dire ce qui le pèse et pourquoi SF est tellement tabou, elle n'a pas envie de savoir comment s'est passée cette expédition loin du Queens, loin d'elle. Elle s'aventure près de la toile au goût amer et elle vise juste. Adonis ne contredit pas son amie, il soupire, chavire. Un vieil ennemi. Quels gens peuvent donc ne pas être les ennemis de Worall, cet homme si intransigeant, si exigeant. Elle s'étonne un moment de ne pas être elle-même un des fantômes qui torture ce frère d'infortune. « Et moi, je suis quoi? » Elle le toise sans daigner bouger, le temps de saisir les crispations de sa mâchoire, le temps de se nourrir de son désespoir. L'aigle noir vole doucement jusqu'au bar et s'y accoude lentement, laissant Adonis déposer un baiser non loin de ses tempes. Il évite le sujet, chasse ce qu'il ne lui convient pas d'aborder. Et Bea est trop maligne que pour creuse. Avec lui, rien ne sert de s'obstiner. « Je me vois plus comme sorcière que comme un loup-garou. Mais j'apprécie l'appartenance mystique, merci. » Elle sourit malgré elle, faisant bonne figure tandis qu'elle se relève pour aller déposer le bol dans l'évier où s'entasse la vaisselle. Elle pourrait la laver mais ce n'est pas son devoir. Elle n'est pas son épouse, pas sa femme de ménage, pas même une amie qui se soucie de la propreté du taudis. « Je devrais peut-être y aller. » murmure-t-elle en retournant chercher ses affaires qui traînent au sol près du lit. Le matelas n'a pas été éprouvé de leurs ébats cette nuit, cela fait un moment que leur passion s'est éteinte dans un ennui de l'autre. Pas parce que l'envie n'est plus là mais parce qu'ils ont des barrières, des limites qu'ils ne franchissent pas. Elle enfile son pantalon par dessus les dessous que la chemise cachait, se débarasse de la chemise de son hôte pour attacher son pull en mailles autour de son cou. Toujours ce côté nonchalant qui la caractérise tandis qu'elle serre ses tresses dans un mouvement désabusé et retire la pince qu'elle tenait entre ses lèvres. Son sac sur l'épaule, elle caresse le livre qu'elle n'a toujours pas fini, comme une promesse de revenir un jour. « Don't be a stranger, right? » Ou plutôt ne le redeviens pas. Car je sens dans mon corps, tous mes muscles qui se tendent tandis que je te quitte. Je sens comme tu es loin, trop loin pour que mes doigts puissent te toucher. Je retiens mon envie de courir auprès de toi pour te serrer contre ma poitrine, sentir ton souffle sur ma peau. Car je sais. Je sais que je me heurterais au vide à nouveau. Et ton vide à toi, il m'effraie. Alors elle retient ce besoin de lui et sourit en quittant l'appartement sur la pointe des pieds, comme si elle cherchait à ne pas le réveiller. @Adonis Worall
Adonis observe Beatrix s’aventurer près de cette partie de lui étalée sur la toile, ses yeux accompagnent chacun de ses mouvements. Elle a l’esprit vif, le verbe juste, elle lui renvoie sans détour et en pleine face son pathétique. Alors il ne peut pas la contredire, il pourrait vouloir se défendre mais quel serait l’intérêt de nier une vérité qui crève les yeux ? Il se contente de rectifier son unique erreur, hier soir le fantôme qui lui a rendu visite n’était pas le mirage d’un ami. Il s’agissait de celui qui a détruit l’enfant qu’il a un jour été et qu’il est toujours un peu. Droite près de la toile, Bea semble une nouvelle fois insatisfaite par les mots qui sortent de sa bouche. Toi ? Tu es le e dans mon a. Tu es le feu follet qui tourbillonne dans ma poitrine. Tu es la sorcière thessalienne qui a envouté ce qu’il reste de mon cœur. Tu virevoltes au milieu du chaos, tu domptes les chimères et attrape la lumière. « Une jeune amie. » Leurs débuts ont été difficiles, longtemps l’affront et le conflit étaient seuls synonymes de la combinaison de leurs prénoms. Mais de cette haine est née autre chose, quelque chose qu’il n’arrive à prononcer, pas même à lui-même. Elle est un tout qu’il ne s’accorde pas. Un astre qu’il ne veut jamais voir s’éteindre.
Elle revient près de lui, et il peut sentir dans le moindre de ses gestes qu’elle s’éloigne pourtant de plus en plus. Ses lèvres se dépose sur sa peau, et il emporte avec lui son goût sucré quand il contourne le bar pour aller dans la cuisine. Il tente maladroitement de lui dire à sa manière qu’il est heureux de la voir. Elle lui répond, elle lui sourit mais il sent le vent qui tourne. Elle est sur le point d’à nouveau s’envoler. Et alors qu’il la regarde déposer son bol dans l’évier, qu’elle récupère ses quelques affaires, qu’elle se sépare du bout de tissu imprégné d’un peu de lui et qu’elle attache ses beaux cheveux noirs, il aimerait la retenir. Il aimerait saisir délicatement son bras pour l’attirer contre lui, l’envelopper de son ombre, et redécouvrir chaque centimètre de son visage. Mais il n’en fera rien. Il ne la retiendra pas, il ne la retiendra jamais. Une incapacité viscérale doublée d’une promesse qu’il s’est fait à lui-même. C'est pour ça qu'il ne réagit pas quand elle passe près de lui son sac sur le dos, il laisse l’oiseau de nuit déployer ses ailes pour s’envoler loin de lui. « See you around bee. » Il lui sourit avant qu’elle ne disparaisse. La voir partir est douloureux, mais la voir se briser entre ses mains le serait bien plus encore. Elle emporte avec elle la lumière et Adonis se retrouve à nouveau dans le noir, face à face avec son ombre sur la toile.