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 Le bruit et la fureur | Ella

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Message Sujet: Le bruit et la fureur | Ella   Le bruit et la fureur | Ella Empty Sam 31 Oct - 23:00


☾ ☾ ☾
{ Le bruit et la fureur }
crédit/ hyphen ☾ w/@Ella Gardner
A peine croit-on s’en être débarrassé, qu’aussitôt elle revient ventre à terre. Plus tenace que le lierre escaladant la façade d’un édifice désaffecté et ayant perdu toute vague notion de salubrité. Aussi indésirable et importun que le chiendent contestant l’uniformité taillée à la serpe du gazon de Wimbledon. Un fléau placardé sur les portes de l’ascenseur et répondant au nom de pancarte "Hors service". Prosaïque plaie typographique qui te nargue impunément. Et extermine par la même occasion, l’illusion d’enjouement qu’il te restait, au sortir d’une journée s’apparentant à un séjour en avant-première dans l’antichambre de l’enfer. "Comment onze lettres majuscules, couchées sur un lit écarlate, en robe blanche griffée Arial taille soixante peuvent-elles avoir autant de pouvoir … ?". Telle est l’existentielle question, agitant ton cerveau investi par un squatteur meurtrier. Cocon protecteur du mélodieux gagne-pain au creux de la main, et complet noir bas de gamme sous plastique - fraîchement récupéré au pressing – dans son asymétrique jumelle. Prenant racine tel un saule pleureur gangrené devant la désagréable information. Mesurant toute les implications que cela entraîne, avant d’obliquer du bonnet en direction de la cage d’escaliers. Une moue plaintive enchâssée sur le visage, et la complainte inintelligiblement exprimée par un gémissement élégiaque pour la forme. L’ascension du calvaire amorcée en traînant des semelles.

La quiétude et le silence monacal du rez-de-chaussée délaissés. Au profit d’une fugace immersion dans le tumulte du premier étage, où la mère célibataire du 103 s’échine une fois de plus à imposer un simulacre d’autorité à son infernale progéniture gémellaire. Si tu n’étais pas tant au fait de l’actualité communautaire de la vie au sein de l’immeuble, tu soupçonnerais la double possessions démoniaques. Ceci dit maintenant, et tout bien considéré … . Non, ne tirons point de conclusions hâtives, que seul un prêtre exorciste serait à même de poser. Preuve acoustique par trois, étayant ton postulat selon lequel les enfants sont dotés de prodigieuses vertus anaphrodisiaques, faisant d’eux le meilleur contraceptif qui soit au monde. Seul petit vice de fabrication à déplorer, et de taille : leur effet rétroactif. Nul doute que présentement - à l’heure où Mathéo rechigne à arrêter de mettre de la purée dans les oreilles de son frère – mère courage doit sans conteste partager ton point de vue. "C’est officiel : descendance rime définitivement avec dégénérescence. C.Q.F.D.". Argues-tu en ton for intérieur. Sourcils arqués et tête opinant, comme une de ces ringardes figurines articulées de chiens, que de non moins ringards conducteurs s’obstinent à asseoir sur la plage arrière de leur véhicule. La solution ? Pour les propriétaires has been de moyens de locomotion ou l’inéluctable déchéance de l’espèce humaine ? Oh. Dans l’intérêt général, tu es partisan que l’être humain cesse séance tenante de se reproduire. Ce qui permettrait de faire d’une pierre deux coups, et de résoudre à terme le problème des canidés miniatures et autres vahinés lilliputiennes en paréo de raphia ondulant des hanches sur les tableaux de bord. Tu aurais bien prôné la castration, sous forme d’hystérectomie et ablation du pénis universelles, mais parait-il que c’est criminel.

Deuxième étage. Là où l’entropie et le vacarme montent également d’un cran sur l’échelle des décibels. Théâtre d’une scène de ménage se tenant à huis clos, entre le couple de jeunes – mais vraisemblablement pas si heureux que cela – mariés du 201. Hmm ? Non, point d’affolement. Rien de bien grave, irrémédiable ou qui puisse constituer un motif de rupture valable. Juste une sombre histoire d’assiettes sales et de lave-vaisselle. A moins que … il ne l’ait cocufié avec son beau-frère ? Difficile à dire, étant donné que la nouvelle Madame Jenssen sanglote très fort et que seul le rythme de ses beuglements – ressemblant à s’y méprendre à celui de La Marche de Radetzky par Johann Strauss père – s’avère rigoureusement déchiffrable pour tes notables oreilles. "Les hétéros sont de grands malades.". Persistes-tu à croire en te pinçant l’arête du nez et hochant négativement du chef. Ainsi qu’une vaste et complexe énigme, que tu crains fort ne jamais être capable de décrypter, faute de temps encore imparti. Dommage. Cela fera indéniablement partie des choses qui te manqueront. De ne plus pouvoir les observer, avec ce mélange de consternation teintée d’émerveillement incrédule, tel Dian Fossey étudiant les gorilles dans les montagneuses forêts du Rwanda.

Troisième étage. Terminus, tout le monde descend. Dernière demeure avant le tombeau. Etonnoment calme. Comme une douce répétition de ce qui t’attend une fois le requiem parachevé. A condition de faire abstraction du tonitruant volume, émanant de la télévision du 305. L’antre du fossile acariâtre et sourde comme un pot, qui devait déjà sûrement être là sous la présidence de Lincoln. Croché métallique du cintre entre les dents, tu mues en invertébré épileptique et te contorsionnes pour extirper tes clefs de la poche d’un jeans résolument trop moulant. Poignée difficilement actionnée à l’aide d’une pression du coude. La porte qui se claque après s’être vue administrée un énergique coup de pied de mule. L’atour de piètre facture allongé sur le clic-clac défraîchi, affaissé et à la qualité de confort sévèrement émoussée. La star des instruments à cordes installée sur un de ces tabourets bar gyroscopiques. Ton buste qui s’avachit sur le comptoir, délimitant la cuisine de la pièce à vivre. Vision d’un phoque – dans tout les sens du terme - échoué sur la banquise. Nouvelles rafales de lamentations affectées, s’habillant cette fois-ci en râles sourds et traînants. Avec un peu d’imagination, et en fermant les yeux, on jurerait entendre le chant des baleines à bosse. Les opales accrochées tel des magnets à la porte du frigo. Et les commissures qui partent à la rencontre du lobe des oreilles. Comme un frêle regain d’entrain à l’idée d’incessamment sous peu célébrer de réconfortantes retrouvailles.

"Bonsoir à toi, Chardonnay mon pâle ami.". Comment ? Un grand cru ? Hahaha … non, pas du tout. Il s’agit là d’un plébéien nectar doté d’un ravissant bouchon à vis, et dont l’acquisition peut se faire dans un charmant vignoble nommé supérette du coin, contre la modique somme de trois dollars cinquante. Et dont il ne reste plus qu’un famélique fond de bouteille. Cela sera du meilleur goût dans un verre à pied de dégustation en cristal. Quoi ? Eh bah oui, les virtuoses jouissant d’un cachet de misère aussi, aiment les belles choses. "Autant fourrer une bague d’humeur multicolore dans un écrin Cartier. Putain … c’est tellement à côté de la plaque que cela en deviendrait presque branché.". Constates-tu en faisant tournoyer d’un air absent le rachitique contenu, avant de brandir le verre pour un mutique toast en solitaire. Lippes humectées de spiritueux. L’âcreté du liquide dansant sur les papilles, qui déchire les traits de ton minois en une grimace de répulsion. Quand la langue s’échine à faire serpillière contre le palais, pour en récurer l’infâme saveur. Super … ton pâle ami a tellement tourné que c’est devenu du vinaigre ! "Yerk !". Interjection rocailleuse se suffisant à elle-même, se passant de tout autre commentaire superflu et accompagnant le trépas du rafraîchissement – ayant toutes les qualités requises pour figurer sur la liste des armes biologiques – dans le siphon de l’évier.

Ainsi s’achève le réconfort, aussi doux, relaxant et reposant qu’un décapage de la gorge à l’acide caustique. Il faut déjà s’en retourner à l’effort. Faire fi de la fatigue et ignorer l’épuisement, tout en installant le pupitre portatif à côté de la table basse. Oter le Teddy aux couleurs de Columbia chiné dans une friperie, et l’abandonner en boule sur l’accoudoir du sofa. Dégainer le pleureur d’épicéa, installer la partition de Fratelli d’Italia et s’en retourner à son ouvrage. En vue de la rencontre diplomatique entre le Maire de la ville et l’Ambassadeur rital demain après-midi. Expliquant la présence du détonnant habit de pingouin végétant sur le convertible. Un fieffé passage de brosse à reluire pour préambule. Suivi d’une grossière onction de pommade à base d’arias de Rossini, Puccini, Verdi et autres compositeurs transalpins en "i", lors d’un assommant et protocolaire dîner dans la salle de réception du City Hall Park. Tu ne sais pas ce qui est le plus aberrant. Que l’on puisse avoir l’audace outrancière de retranscrire par un philharmonique un morceau de musique, appartenant au caractère identitaire de toute une nation et initialement composé pour cuivres ? Ou que les politiciens nous dirigeant, puissent être assez stupides pour penser qu’ils vont s’attirer les bonnes grâces de leurs homologues étrangers, en déployant un attirail culturel affligeant de banalité et empestant le stéréotype ethnique exacerbé ? Enfin, c’est ton opinion. Si d’aventure on venait à quérir ton avis, en matière de physionomie des relations diplomatiques internationales. D’ici là, c’est joue et tais-toi. Soit. Le carcasse plagie le profil d’Héraclès s’apprêtant à décocher une flèche. La table armée sur le trapèze et l’ovale du visage assis sur la mentonnière. Raide et droit comme la justice, tu dégages malgré toi cette aura altière, infatuée et hautaine, inhérente à la profession.

L’archet va et vient. Noires et blanches s’entremêlent et colorent le silence. L’œil hagard et perdu dans le vague, se raccroche sporadiquement à la partition. Technique tutoyant la perfection. Sons purs, notes rondes, accords justes. Mais rien ne se passe. Une boîte à musique, un automate ou un juke-box parviendraient à véhiculer plus d’émotions. Tout est si glaciale et figé. A l’image de ta trogne diaphane. Monolithique et lourd. Comme le corps ancré au sol. Distant et mécanique. Tel l’esprit paramétré sur pilote automatique. Impersonnel. Attiré par la mélodie, un inopportun auditeur quitte sa léthargie pour profiter du spectacle. Réquisitionnant ton nerf optique en strapontin. Les lignes des portées se distendent. Le brouillard engloutit croches, trilles et soupirs. Tombent les ténèbres de la nuit, tandis que show must go on. Paupières closes, tu n’as d’autre choix que de poursuivre en jouant d’oreille. Peur, colère, panique s’épanouissent dès lors sur le stérile terreau du stoïcisme. Le souffle court, haletant et chevrotant. Le rouge rehaussant la trombine opaline. La carotide qui tambourine contre le bois vernis. La sueur qui s’échappe des pores cireux. Les larmes embourbées dans les cils. Menaçant de sortir du lit de leur rivière. Et les lèvres tressaillantes qui susurrent balbutiantes les paroles de l’hymne. Dans une maîtrise de la langue de Dante très perfectible et approximative. Ca y est. Il se passe enfin quelque chose. L’ectoplasme de la faucheuse plane, et insuffle paradoxalement la vie à l’interprétation. La musique prend corps. S’anime. Vibre. Au détriment de la technique, puisqu'une fausse note entache l’entame de l’apothéose finale et perce tes tympans. Plus déplaisante qu’un larsen, l'ignominie sonore t’arrache une grimace de mécontentement entre tes dents serrées.

Le silence reprend ses droits. Le Stradivarius de pacotille hâtivement abandonné, sur le couvercle de sa demeure dans un équilibre précaire. Glissant de ta paume moite et tremblotante, l’archet se fracasse à terre. Empans postés sur le comptoir et torse plié. Hors d’haleine, comme un sprinter s’appliquant à recouvrer une respiration placide. Lentement mais sûrement, la lumière se redessine et ton acuité visuelle recouvre ses pleines facultés. L’orage gronde, et le chaos bouillonne dans les tréfonds. L’explosion d’un cri rageur pourfendant le vide, mêlé à un violent revers de la main, qui envoie le pupitre au tapis. L’automne s’invite dans ton foyer. Des feuilles d’un tout autre genre virevoltent élégamment, et viennent gésir sur les lattes du plancher. Tiré par le désespoir, tu chois lentement avec elles. Les genoux recroquevillés sur les pectoraux et le front humide échoué sur les rotules. Alors que la tête dodeline négativement. Non … . Non, ce n’est pas aussi simple d’accepter la résignation. Quand bien même on s’efforce de s’en convaincre. Comment concevoir que cela puisse être déjà la fin, alors que l’on n'est même pas à la moitié de l’histoire ? T’aurais aimé qu’il y ait davantage d’encore. Encore des choses à vivre. A faire. A découvrir. A savourer. Un peu plus d’ensemble. Rire ensemble. Pleurer ensemble. S’aimer ensemble. Vieillir ensemble.

Bref intermède. Les percussions prennent la relève des cordes, et battent la mesure à ta porte. Le buste lesté d’abattement se redresse et rigidifie nerveusement. Quelques raclements de gorge destinés à éclaircir la voix. "Un … un instant.". Pries-tu la voix chevrotante et toujours quelque peu étranglée par l’émotion. Encore un peu de temps, s’il vous plaît … . Pour rassembler les feuillets épars disséminés et déblayer les ravages d’un accès d’humeur empli de désolation. Entre autre. Bipédie regagnée, tu saisis l’ourlet de ton débardeur et éponges l’alliage de sueur et de larmes, maculé sur ta face blafarde. Prunelle noisette lorgnant à travers l’œilleton, par acquit de conscience. L’image déformée d’un petit bout de femme furibarde qui s’imprime dans ta rétine. La peau dorée. Des yeux ténébreux où éclatent des orages rogneux. Une chevelure noire encadrant une frimousse à l’expression aussi renfrognée qu’une hyène. "Oh non, pitié … tout mais pas elle.". Marmonnes-tu en levant le nez au plafond, et interrogeant le grand patron afin de savoir ce que tu as bien pu faire de si impardonnable dans cette vie – ou au cours d’une existence antérieure – pour que les châtiments et les épreuves n’aient de cesse de joncher ton tortueux chemin.

Il ne manquait plus que cela : la casse-couilles du 303. Une espèce de mégère apprivoisée. Irascible, ombrageuse et irritable. Pourvue d’une tolérance, d’une compréhension, d’un sens des compromis et des concessions étriqués. Ne supportant rien, ni personne – ou presque. Plus urticante qu’un bouquet d’orties et rêche que du papier de verre. Et qui pourrait aisément passer pour la fille cachée du fossile acariâtre du 305. Exactement ce qu’il manquait pour que cette journée passe du statut de fiasco à cauchemar éveillé. Absolument rien ne t’auras été épargné … . Tu imposes des travaux forcés à tes zygomatiques, en multipliant les sourires. Histoire qu’ils soient à minima avenants et sympathiques. La porte s’entrouvre alors sur le dixième cercle de l’enfer de Dante. "Oui ?", demandes-tu en laissant simplement le versant droit de ton anatomie dépassé de l’embrasure de la porte. Le ton passif-agressif. La risette forcée, crispée et hypocrite - en dépit de la gymnastique faciale. Harmonieux accord avec la fatigue et l’épuisement, incrustés sur les traits de ta demi-lune au teint maladif. On ne pourra pas dire que tu n’as pas fait un effort. Malheureusement, et même avec toute la meilleure volonté du monde : tu es à ton maximum et ne peux guère mieux faire.
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Message Sujet: Re: Le bruit et la fureur | Ella   Le bruit et la fureur | Ella Empty Mar 10 Nov - 20:45


☾ ☾ ☾
{ le bruit et la fureur }
crédit/ tumblr ☾ w/@Laurynas Mykolaitis  
Ça hurle à l’enfer,
ça hurle dans sa tête,
fulgurante migraine,
fracture crânienne
la gueule de bois d’un lendemain de fête,
ça hurle dans sa tête,
et ça hurle, aussi, dans ce putain d’immeuble.

La douleur dans sa boîte crânienne est telle, qu’elle a la sensation d’entendre – plus encore que d’ordinaire, tout ce bordel, comme si elle y était. Les chiards du premier, qui semblent littéralement en train de se faire exorciser, ils crient comme des bêtes enragés. Et la mère désespérée, qui les supplie parfois, qui crie aussi, beaucoup trop souvent. Ils sont à peine endormis – ou égorgés, tout est possible – que c’est le couple qui se prétend heureux qui s’y met. Les plaintes sur les tromperies seraient presque intéressantes à écouter, si la blonde du dessous ne possédait pas les mœurs aussi légères que le marié. Rien n’y fait, voilà plusieurs heures où, plongée dans cette tortueuse torpeur, l’âme en perdition supporte le chaos qui règne dans le bâtiment miteux.

Et enfin, le silence,
elle est toujours là, la souffrance,
mais il résonne comme un parfum de délivrance.


Les paupières closes, la camée laisse ses phalanges frêles presser ses tempes comme pour évacuer la douleur ; la sentir autrement, juste quelques instants. Mais le répit accordé est de bien courte durée. C’est le musicien maintenant qui s’y met. Et si elle peut, très difficilement, tenter de comprendre la mère dépassée incapable de calmer ses marmots, si elle peut accepter les effets ravageurs d’une passion consumée, si elle peut tout comprendre, tant bien que mal, malgré la torture abyssale éprouvée… ça, non, elle refuse de l’accepter. Elle refuse d’entendre les jérémiades jouées de son maudit violon, comme autant d’appels à la perdition. Elle déteste cet instrument de musique, Ella, elle le déteste depuis qu’elle est devenue sa plus proche voisine. Elle ne voit même jamais le dénommé Laurynas, bien moins qu’elle entend les mélodies monocordes et bien trop morbides à son humble avis. Jusqu’au cri qu’elle entend, comme si l’artiste se trouvait soudain en pleine agonie. Elle pourrait le croire blessé si elle ne connaissait pas par cœur ses changements d’humeur cyclique, son tempérament lunatique.

Coup de sang,
coup d’impulsion,
elle se lève d’un bond.


Elle quitte le canapé usé pour rejoindre sa porte d’entrée. À peine inquiète de la tenue négligée enfilée, elle pourrait de toute manière bien être en train de de dormir étant donné l’heure qu’il est. Furibonde, elle laisse son poing frapper contre la porte à la peinture écaillée, suffisamment fort pour qu’il puisse l’entendre malgré tout son capharnaüm. Et, enfin, elle voit la porte s’ouvrir, à peine, comme si le musicien redoutait de se retrouver complètement face à elle. Elle lui laisse tout juste le temps d’aligner un mot que, déjà, la sulfureuse s’empresse de lui exprimer le fond de sa pensée. «  Je te fais remarquer que tu ne vis pas seul dans ce putain d’immeuble ! » elle commence fort, mais ce n’est qu’un avant-goût de tout ce qu’elle désire lui faire comprendre. Dépourvue de patience, Ella, elle est aussi facile à mettre en colère qu’une môme en plein caprice. Irascible, fatiguée, elle peine déjà à supporter son foutu mal de crâne pour devoir, en plus, encaisser les fausses notes d’un artiste dépressif. Et si elle le laissait faire, en plus, il serait bien capable de poursuivre jusqu’à la fin de la nuit. «  Tu veux réveiller les gosses du premier, c’est ça ? Parce qu’ils seront pas les seuls à hurler si tu continues à faire couiner ton violon comme si t’allais crever. » violente, Ella, toujours, dans ses paroles. Comme une arme de destruction massive, sa colère est ravageuse. Elle est ce qui la protège de tout et rien, même de ce qui ne devrait pas l’être, puis aussi de tout ce qui pourrait la mettre plus bas que terre. Pourtant, il y a quelque chose qu’elle remarque, quelque chose qui brille dans ses opales. Quelque chose qui voile son regard. Quelque chose qui rend son sourire encore plus hypocrite que celui qu’il lui offre d’ordinaire, toutes les autres fois, où elle a pu venir frapper à sa porte à bout de nerfs. Intuition, sentiment désagréable, impossible à expliquer, pourtant bien réel, elle a le mérite de la faire taire. Le mérite qu’enfin, elle retrouve le silence, en sa présence.
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