candide crush.

16 août 2007. l'enfant rieuse rend la routine moins fade, disperse des vagues colorées autour de son corps enfantin. elle est une étoile qui ne brille pas encore, mais à six ils forment une galaxie à part entière. des journées passées à se rassurer, à inventer  un avenir radieux pour chacun d'eux. six frères et soeurs c'est plus que les doigts d'une seule main, c'est une force surhumaine qui rallume les astres quand la nuit vient éteindre les rires. la progéniture est désirée, les parents s'épuisent à les couver, ignorant le désastre à venir. 3 novembre 2014. vision d'horreur au petit matin, l'esprit est trop embrumé par la soirée de la veille pour réaliser immédiatement, jusqu'à ce que l'odeur nauséabonde s'infiltre dans ses narines pour ne plus les quitter. la glace se forme déjà dans sa poitrine face aux dépouilles de ses parents. les hurlements ne sortent pas, bloqués par la boule formée dans ses tripes. elle le voit, ce couteau posé juste à côté. elle devine la folie, la trahison qui s'est invitée dans leur groupe si uniforme. alors elle fuit mabel, elle s'échappe de ce cauchemar pour rester dans le déni et tenter de sauver ce qu'il lui reste de lumière. pas assez forte pour porter le poids de six orphelins sur ses épaules, elle court à en perdre haleine. jusqu'à se perdre. la vie redéfinie qui s'impose, les mots d'excuses à peine griffonnés sur la scène de crime. 10 mai 2018. jeunesse à l'allure folle sur les sentiers perdus, même pas la vingtaine qu'elle se sent pousser des ailes avec l'impression d'avoir tout vécue. elle ne prête pas d'attention à sa dignité qui s'étiole quand ses mains se tendent pour réclamer assez de sous pour survivre. elle sourit sans trop y croire, habituée à la vie de sans domicile fixe, ceux que personne ne regarde par peur que la précarité soit contagieuse. elle est invisible mabel, n'ose même plus prendre des nouvelles de la fratrie à laquelle elle appartient. mabel elle pleure, parfois. elle vit, souvent. l'immaturité lui chatouille le ventre quand elle trouve un peu de réconfort dans les paradis artificiels ou les vols qui ne valent pas grand chose si ce n'est la sensation des mains poisseuses en sentant le métal des pièces de monnaie s'entrechoquer dans ses poches trouées. à force de tanguer dans le noir, elle s'écroule dans des bras, dans des draps, jusqu'à croiser le chemin de ses âmes sœurs. 1 juillet 2020. le coeur dans les ronces. il y a vito. il y a enio. et il y a elle, l'intruse, la petite amie d'enio qui vient s'intégrer à la colocation pour voler leur attention. ils sont tous aveugles, mabel la première. quand les rayons lunaires radoucissent l'appartement, c'est l'heure où la belle laisse ses rêves s'exprimer, elle espère secrètement rejoindre vito sans un bruit, innocente aux doigts de fée. il n'y a qu'avec lui que les flammèches entre ses doigts s'apaisent, juste dans ses bras que les cauchemars lui semblent hors de portée. elle clame tout  haut qu'elle le connait par coeur, sans réaliser qu'elle ignore tout de lui.