Ariel ~ Little fish in his bubble

Born this way.❦ Deux. Vous êtes nés à deux, dans le chaos de la vie le plus total. Trop petits pour vous en souvenir. Et pourtant le vide qui s’est installé à vos tous débuts restera pour toujours gravé en toi. Ça aurait dû être toi et ton frère, ta grande, et puis Papa et Maman. Mais Papa n’est pas resté. Il vous a tous abandonnés. Papa n’est donc pas Papa. Papa ne mérite pas qu’on l’appelle ainsi. Il n’est juste que votre géniteur, et rien de plus. Assez généreux seulement pour vous léguer un nom, que tu portes presque à contrecœur aujourd’hui. Et puis y’avait Maman, à peine plus présente que le père absent. Parce que Maman préférait se raccrocher aux souvenirs d’un homme parti loin, que le reste de sa famille dans le besoin. Maman n’était plus vraiment Maman. Maman qui ne mérite pas vraiment qu’on l’appelle comme ça. Maman qui n’est qu’une ombre qui passe, dont on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’elle est un désastre à elle seule. Puis y’a Prune. Ta grande sœur, qui a grandi trop vite. Qui a endossé le rôle de mère à la place de votre épave de génitrice. Ta sœur, ton frère, ils étaient tout ton monde.

The other half.❦ Tate. Ton jumeau. Ton autre moitié. Ton autre toi. Différents, et pareils à la fois. Le même corps, le même visage, la même voix. Tous les deux dysfonctionnels. Mais pas les mêmes troubles, pas la même personnalité, pas les mêmes gouts. Mais rien l’un sans l’autre. L’un épileptique, l’autre autiste, la belle paire d’enfants ratés. C’est comme ça que vous vous voyiez. Même sans souffrir de la même chose, vous vous êtes toujours compris à merveille. Pas même besoin de mots. On dit que les jumeaux possèdent cette connexion privilégiée. Tu crois que c’est vrai. La nuit, tu te réveillais juste avant qu’il ne commence ses convulsions. Il accourait lorsque tu t’apprêtais à frapper frénétiquement ton front contre le mur. Vous le sentiez quand l’autre n’allait pas bien. C’était vous contre le monde.

Why can’t I be normal ?❦ T’étais pas à ta place à l’école, et pourtant ça t’a collé à la peau un long moment. Parce que les professeurs particuliers, ça coute trop cher. Et les écoles spécialisées plus encore. Alors c’était l’école classique ou rien. Mais ton frère et toi ne vous y êtes jamais faits. Vous preniez constamment du retard, vous ne compreniez pas, vous étiez dans votre monde. Et on sait comme les gamins sont ingrats. On s’est moqué de vous à la récré. On a plus d’une fois volé votre gouter. On vous a poussé dans les caillasses, ou on vous a envoyé le ballon dans la tête. Parce que c’était drôle, de vous voir faire des crises. Si bien que vous aviez décidé de passer toutes vos récréations seuls, dans la classe pour avoir un semblant de tranquillité. Après tout, vous étiez bien mieux à deux.

When the life is upside down.❦ Y’a eu ce soir tragique, où ta vie elle a pris un tournant dramatique. Ce soir où t’étais tout prêt de ton frère, quand il a commencé une énième crise. Et t’as senti. T’as senti que c’était pire que d’habitude. Et t’as eu peur. T’as eu raison d’avoir peur. Te mettant à pleurer sans plus pouvoir t’arrêter, alors qu’assis sur le sol, tu te balançais d’avant en arrière, comme un fou. Tu revois ta sœur, qui tente de venir l’aider. Tu la vois se figer, et tu comprends pas. Même quand tu vois le liquide carmin se répandre, tu ne comprends pas. Continuant de plus en plus à te balancer. Tu t’es arrêté soudainement, lorsque t’as senti un grand vide en toi. Et t’as commencé à l’appeler, à le quémander, même quand les secours sont arrivés pour l’emmener. « - Tate… Tate, reviens... S’il te plait… Tate… » Des jours à appeler son nom, à le chercher. À essayer de retrouver cette partie de toi qui venait de s’évanouir. Et t’as fini par comprendre que c’était terminé. Qu’il reviendrait pas. Et que ce vide, il t’accompagnerait pour toujours, jusqu’à ce que tu le rejoignes.

Scattered mind.❦ Après ça, t’as passé toutes tes nuits à pleurer l’absence. Tu ne parlais plus beaucoup. Tu ne souriais plus. Et tes crises à toi se faisaient de plus en plus régulières, plus impressionnantes qu’avant. T’étais encore plus cassé que tu ne l’étais déjà. Y’avait que ta sœur qui pouvait encore espérer te toucher sans que tu ne deviennes hystérique. On ne pouvait plus prononcer le nom de ton frère sans que tu ne deviennes violent. Chaque son trop exacerbé te donnait envie de te frapper le visage avec tes mains, chaque lumière trop vive te donnait des crises d’angoisses. Et chaque contrariété te poussait à te cogner le front contre un mur, une porte. Évidemment que la pauvre Prune pouvait plus gérer, c’était pas à elle de faire ça. On t’a placé en centre de soin. Mais tu l’as pas bien vécu. Pendant longtemps. Tu t’es muré dans le silence. Tu ne parlais pas au personnel soignant. Encore moins aux psychologues. T’essayais même de leur mener la vie dure. Au début, t’en as voulu à ta sœur. « - Pourquoi tu me laisses ici ? Je les connais pas tous ces gens, ils me font peur. J’ai pas le droit de sortir, on me parle tout le temps alors que j’ai pas envie… C’est une prison… Pourquoi… ? » T’as dû lui faire de la peine. Mais toi aussi t’avais de la peine. T’avais l’impression que tout le monde t’abandonnait. Ton père, qui ne t’a jamais aimé, qui ne vous a jamais aimé ton frère et toi. Parce que vous n’étiez pas normaux, il n’a pas voulu de vous. Ta mère, qui ne s’est jamais correctement occupée de vous, elle ne devait pas vous aimer non plus. Ton frère, qui était parti pour toujours. Et maintenant ta sœur, qui se débarrassait de toi car t’étais un boulet accroché à sa cheville. Et t’as vu les choses comme ça un moment.

Step by step.❦ T’es resté longtemps borné, et très peu coopératif dans ce centre. Tu finissais par parler à des gens juste pas ennui. Mais pour autant tu ne leur as pas simplifié la tâche. T’aimais pas être ici, t’aimais pas les gens qui voulaient t’aider, et t’aimais encore moins le comportement qu’ils prenaient avec toi. Jusqu’à ce qu’on t’assigne une nouvelle psychologue. Nouveau rendez-vous, silence de mort dans la salle. « - Pourquoi es-tu en colère, Ariel ? » Elle t’a pris un peu de court, avec sa question. Et t’as eu envie de vite t’en débarrasser. « - Je suis en colère parce qu’on me prend pour un fou. On me parle comme un bébé, ou pire, un petit animal mignon. On me traite pas comme on traite les gens normaux, on me regarde avec compassion, et on essaie de me faire faire des progrès en me promettant des cadeaux comme si j’étais un petit chien qu’on essaie de dresser. » Et c’est parti comme ça. Et elle, tu l’as bien aimé. Elle, elle t’a fait avancer. Elle, elle t’a aidé à faire de vrai progrès. Et c’est elle qui t’as mis sur la route de ce petit lapin. Un petit bébé, tout blanc, avec les oreilles et le contour des yeux caramel. Et c’est comme ça que le célèbre duo Ariel et Polochon était enfin réuni.

I’ll be better now.❦ Tara, elle a fait plus que son boulot de psy avec toi. Tara, c’est devenu une amie, une confidente, un professeur. Elle t’a encouragé dans la voie que tu voulais suivre. Elle t’a aidé à étudier. Elle t’a aidé même quand t’es sorti du centre. Aidé à trouver un endroit pour vivre, aidé à être indépendant, aidé à trouver un boulot aussi. Tu lui dois beaucoup à Tara. Car sans ses coups de pouce t’aurais sûrement pas réussi tout seul. Alors tu ne roules pas sur l’or, non. Mais tu t’en sors bien assez pour vivre, et pour être content de ce que tu fais. Parfois tu fais au mieux pour aider ta sœur aussi, lui rendre la pareille. Parce qu’elle a fait beaucoup pour toi, tu le sais. Tara, tu lui parles toujours. Tu la vois toujours. D’ailleurs Tara ne s’appelle pas Tara. C’est juste toi qui l’appelles comme ça, tout bonnement parce que tu avais envie.



Petits trucs à savoir : 01.❦ Même si les choses vont mieux à présent, t’as toujours plein de manies et tocs. T’es hyper sensible aux bruits forts et stridents, ainsi qu’aux lumières vives épileptiques. Lorsque tu y es exposé, tu te caches les yeux ou bien te bouches les oreilles, et t’en éloignes le plus vite possible. Une trop longue exposition peut entraîner une crise. Tu peux avoir des gestes ou paroles brusques lorsqu’on te touche sans que tu ne le veuilles. Tu as toujours de la musique dans les oreilles dans les transports ou quand tu te déplaces, et ne calcules plus le monde autour. Souvent sujet au stress, t’as tendance à te pincer la peau entre le pouce et l’index. Quand t’es fatigué, tu caresses doucement le bout de ton nez, et tu fais de même avec ton oreille quand tu t’ennuies. Quand quelque chose t’agace, tu te frappes le front avec ton index et ton majeur. Et ça t’arrive encore de te balancer quand ça ne va pas bien. Et malgré les thérapies, le sujet de ton frère reste difficile à aborder, sans que tu n’en viennes à perdre tes moyens.

02.❦ Polochon est un lapin de thérapie. Il sent quand tu ne vas pas bien, et vient te consoler immédiatement. En plus d’aimer ton lapin par-dessus tout, il est indéniable qu’il te calme grandement. C’est un animal très joueur et sociable. Et il aime qu’on le promène, comme les chiens. Et il sait même faire quelques tours. Les amoureux des animaux t'envient.

03.❦ Tu possèdes pas mal de livres, tous rangés par couleur sur les étagères de ta chambre. C’est joli, c’est pratique, c’est harmonieux et ça habille merveilleusement le mur. Tu connais par cœur l’emplacement de chacun d’eux. Très efficace quand on cherche un ouvrage en particulier.

04.❦ Tu adores le chocolat, sous toutes ses formes. Qu'il soit en tablette, fondu, en gâteau, en chantilly ou bien en meringue, en mousse, en pâte à tartiner étalé sur une crêpe, ou chaud mélangé à du lait, si on veut te faire plaisir, c'est là-dedans qu'il faut taper.

05.❦ D'ailleurs t’aimes bien cuisiner et pâtisser. Ça te détend. Et comme tu aimes beaucoup manger, c’est tout bénef. T'apprécies préparer des petites pâtisseries lorsque tu as du temps avant de rendre visite à quelqu'un.

06.❦ T'es un homme coquet. Tu aimes être bien habillé, te parfumer, prendre soin de ta peau. Le genre qui passe une éternité dans la salle de bain. Et parfois, t'avoues utiliser de l'anti-cerne pour avoir bonne mine.

07.❦ Tu n'es pas très bon nageur. De ce fait, l'eau te fait peur dès lors que tu n'as plus pied. Un comble quand on s'appelle Ariel. Et t'as jamais vraiment songé à prendre des cours.