(wp #15) / jolene weisz.

Spoiler:

ça n'aurait pas dû se terminer de la sorte. si facilement. vos âmes se nourrissaient l'une de l'autre, semblables avec vos colères furies, calmée par cette divine sensation, quand ses iris tombaient dans la contemplation de celles qui étaient les tiennes.

celles de jo. noires comme les nuits d'hivers. sombres comme de l'obsidienne pure, polie par le temps. les rétines abîmées par les psychotropes, élargies par la poudre. les vaisseaux sanguins dilatés à cause de la folie qu'ils s'infligeaient, qu'ils créaient.

invincibles.
sans doute trop, qu'ils pensaient.
deux mômes perdus dans le tourment d'une vie qu'ils n'ont pas demandé. qu'ils subissent.
leurs crânes sont devenus apathiques au reste du monde. le monde tourne trop vite pour ces êtres anesthésiés. les formes sont floues, les sens se délient. les jours se ressemblent, ne semblent plus qu'être les mêmes, encore et encore. des morts vivants, que plus personne ne semble considérer, des bâtards jetés dans un caniveau, des ombres sur qui les regards ne se posent plus.
foutus prisonniers d'une boucle temporelle. ils l'ont choisi pourtant. ils ont choisi cette souffrance, ces larmes iodées, ces doses injectées. ils l'ont choisi inconsciemment, pour couvrir le noir qui s'est logé sous leurs omoplates, qui s'est infiltré dans leur chair, dans chaque recoin de ce qui constituait leurs êtres. pour oublier qu'ils ne valaient rien, qu'ils sont devenus poussières, une fournée de cendres dispersées sans regrets. ils sont ceux qu'on ne regarde plus tant les cernes se font marquées sous le creux des paupières. le nuancier se fait bleuté, violacé, rougi, presque trop pâle parfois, mais il n'y a plus que ces couleurs fades à percevoir, il n'y a plus que ces tristes couleurs pour habiller leurs visages décomposés.
ils sont naïfs silas et jolene. ils n'sont que des enfants prétendants avoir une raison saine, ils ne sont que des dégâts qu'ils s'infligent mutuellement, des ancres rouillées qu'ils plongent au fond de leurs peines, l'un entraîne l'autre. les deux s'entraînent dans une chute irresponsable, trop près du soleil, trop près du bonheur artificiel, des caresses partagées, parfois achetées, tant que l'artifice vient se greffer dans leurs myocardes affaiblis. même icare n'aurait pas voulu s'en faire témoin.
ils divaguent, se noient dans les propres mirages qu'ils ont créé, à défaut de les voir apparaître, à défaut de pouvoir toucher du doigt le nirvana promis. ils sont naïfs, faut pas leur en vouloir. ils sont naïfs, entachés par une vie dont ils ne voulaient pas. pourtant, ils s'étaient trouvés. dans des mondes trop lointains pour que la réalité ne les frôle pas, ils se croyaient maîtres du monde, maîtres de leur destin, de celui qu'ils avaient choisi, pas de celui qui leur avait été attribué. une drôle de liberté dans le sang. mais personne n'est invincible.
personne ne résiste à son propre dessein.
la môme se souvient, de ce jour. de la pilule proposée en trop, des lignes blanches soigneusement faites. de leurs corps entrelacés, de leurs mains reliées, de ces myocardes synchronisés, qui battaient à l'unisson. (invincibles, immortels, à quoi bon se soucier de la faucheuse? ce n'est pas le jour)
si. ce fut cette nuit là. nuit de débauche, une surdose. les stroboscopes cachaient les agonies. mais ils ne cachaient pas le sang qui s'était incrusté dans les paumes de main, ils ne cachaient pas les cris de jolene et la toux sanglante de silas. mais rien à faire, son âme fut prise, il fut enlevé de sa vie. brutalement. en un battement de paupières. agonisant, puis disparu.
elle l'a regardé. un long moment. ses mains étaient froides. celles de jolene étaient couvertes de sang, faute d'avoir voulu retenir le sang qui s'écoulait des lippes de silas. à eux deux, ils étaient la mort incarnée, les dévots de la faucheuse, ses plus fidèles serviteurs. je t'aime. je suis désolée. je suis désolée. les larmes perlent, rougissent les joues, la douleur s'empare de l'oxygène, (elle ne respire plus), les sanglots se font entendre, résonnent dans la pièce. le monde est silencieux.
la gamine est seule. totalement seule. elle savait pourtant que rien ne serait éternel, encore moins leur dépravation continue. mais c'est elle qui lui a donné le poison fatal, c'est elle la chimère qui ne faisait que défier la vie, reportant ses envies destructrices sur les autres. meurtrière. ça lui brûlerait la peau, n'en ferait qu'une simple bouchée.
elle l'a tué.