chienne chimère (constance)

traits de caractère / Gueule d'ange. Langue de vipère. Petit démon dessiné par Dieu. Pomme défendue, croquante, savoureuse. Météore tournoyant autour de la Terre sans s'y écraser. Allumette éternelle. Briseuse de cœurs. Chasse-moustique. Poisson des abysses. Princesse capricieuse fuyant sa tour. Comtesse sanglante. Reine des échecs. Éternelle insatisfaite. Cactus avide de câlins. Le pire cauchemar. Le meilleur rêve.

(aventureuse, charismatique, charmante, compétitive, curieuse, intuitive, inventive, maligne, passionnée, séduisante, sensible, sincère, capricieuse, colérique, cruelle, dominatrice, égoïste, excessive, fainéante, jalouse, manipulatrice, menteuse, orgueilleuse, possessive).

La scène était prête. L'assistant-caméra faisait les derniers ajustements. Le directeur photo annonça que son équipe était prête ; il n'attendait plus que le feu vert du réalisateur, occupé à relire une dernière fois le scénario. Une séquence très simple, moins de dix plans. Deux acteurs, à l'intérieur. Une scène de ménage. Dans le dernier épisode, le père et sa fille se querellaient. Elle voulait fréquenter ce garçon, il ne l'aimait pas. Dans cet épisode, le conflit se résolvait. Ce n'était que l'ouverture, elle le boudait toujours, il tentait de recréer un lien. Ils avaient pratiqué plusieurs fois la scène, tout serait parfait. Le réalisateur n'aimait pas la série. Il la trouvait contrefaite, rien ne la différenciait de toutes les autres. Il n'avait jamais voulu faire de la télévision, il rêvait au grand écran. Il commençait le travail sur son premier long-métrage, mais il n'était qu'un autre nom inconnu dans une ville où tout le monde veut  faire du cinéma. Il devait bâtir son curriculum vitae, se forger un nom. Cette série le lui permettait. Malgré sa banalité, elle était l'une des plus regardées par les Américains. La fille titre était la jeune actrice la plus en vogue d'Hollywood. On se l'arrachait. Le réalisateur n'avait pas encore travaillé avec elle, mais, lors des rencontres préparatoires, elle lui avait apparue très mature pour son âge. Peut-être un peu hautaine, mais à l'écoute, et elle le montrait en le fixant avec curiosité. Il n'était pas parvenu à soutenir son regard azuré. Quand elle le regardait, elle sentait qu'elle avait accès à tous ses secrets, même ceux les plus sombres. Il effaça l'idée de sa tête. Il devait se mettre à filmer, sinon il serait en retard. Il vérifia le cadrage, puis, après un simple hochement, son assistant demanda l'arrivée des acteurs. Celui jouant le père s'installa très rapidement, mais l'adolescente était absente. Le bras droit du réalisateur s'impatienta et alla chercher l'assistante de Constance, mais celle-ci apparue au même moment. Elle vint directement au réalisateur. Elle était exténuée.
- Et puis ?, demanda-t-il.
- Elle... elle refuse de venir.
Moment de surprise. Les techniciens, intrigués, s'approchèrent. Un petit groupe se forma autour de l'assistante et du réalisateur.
- Elle refuse ? Pourquoi ?
- Je ne sais pas. Elle ne veut pas me le dire.
- Où est-elle ?
- Elle est retournée dans sa loge.
Le réalisateur n'attendit pas. Il se dirigea vers les loges. Il entendit derrière elle l'assistante lui prévenant qu'elle n'écoutera pas, mais il avait déjà pris sa décision. Il n'allait pas laisser une crise d'adolescente gâcher sa carrière. Il devait faire respecter l'horaire, délivrer l'épisode comme prévu. Il arriva devant la porte et cogna. Aucune réponse. Il ouvrit sans s'annoncer.
- J'aurais pu être nue.
Elle était assise devant le miroir et le regardait à travers la réflexion. Elle le fixait. Son regard était sombre, mais elle lui souriait. Elle portait le costume, son maquillage était prêt. Il voulait la tirer sur le plateau.
- Viens, tout le monde t'attend.
- Non merci.
- Pourquoi ?
- Bof. Je n'en ai pas envie.
Soudainement, il se rappela qu'il ne parlait pas à une adulte, mais à une enfant capricieuse, née avec une cuillère d'argent dans la bouche.
- Ce n'est pas juste à propos de toi. Tu ne peux pas tout foutre en l'air.
- Ah oui, pourquoi ?
- Je n'ai pas besoin de te dire pourquoi. Tu sais. Beaucoup croit en ce projet, et en toi.
- Tu crois au projet, toi ?
- Oui.
- Vraiment ? Ton rêve est de réaliser de la télévision ?
Elle ne s'était jamais retournée, elle fixait toujours sa réflexion. Un grand sourire peignait son visage. Elle se moquait de lui.
- Tu te fiches pas mal de la série. Tu veux te faire un nom. Mais mon cher, ce n'est pas en réalisant une série de merde que tu pourras réaliser ton film à dix millions...
- S'il te plaît, viens, on...
- Et si je ne viens pas ?
- Je raconterais à tous à quel point tu es une peste.
- Ah, les menaces. J'ai si peur.
Elle se retenait de rire. Il s'approcha d'elle. Il voulait agripper son poignet, la tirer hors de sa loge. Elle le lit dans ses yeux.
- Si tu me touches, tout le monde saura que tu m'as violé.
- C'est un mensonge... personne ne te croira.
- Oui, souviens-toi. Dès notre rencontre, tu me déshabillais du regard. Tu n'arrivais même pas à me fixer tellement t'avais honte de ton désir. Mais, t'as pas pu te retenir. T'as bu un peu, puis, lors d'une répétition, tu m'as sauté dessus. Je n'ai pas pu me défendre. T'es une merde, assume-le.
- Arrête de mentir !
- C'est pour ça que je ne veux pas jouer aujourd'hui. Je ne pourrais pas recevoir des ordres de mon violeur. Te voir me bouleverse.
- Tu n'as aucune preuve !
- Aucune preuve ? Qui croira un réalisateur totalement inconnu ? Et, pourquoi est-ce que c'est toi qui est venu dans ma loge ? On envoie d'habitude l'assistant. Tu as insisté pour venir parce que tu veux que je reste silencieuse. T'as peur que je parle.
- Tais-toi !
Il allait exploser. Constance lui faisait toujours dos, le sourire au coin des lèvres.
- ... Qu'est-ce que tu veux ?
- Je veux que tu arrêtes le tournage.
- Ils demanderont pourquoi.
- Dis-leur que je ne me sens pas bien.
- Ils voudront reprendre le tournage demain.
- Demain, la série sera annulée.
Et le lendemain, plus personne n'avait d'emploi. Personne ne savait pourquoi la série était annulée. La nouvelle était arrivée très vite. On racontait que les scénaristes faisaient la grève, ou bien que les producteurs n'avaient plus d'argent. Constance n'avait jamais été suspectée. Après l'échec de la série, elle disparut complètement. L'adolescente chérie d'Amérique s'était évaporée.


Cet appartement n'était plus suffisant. Elle regrettait le loft qu'elle avait visité lors de son arrivée à New York. Grand, aire ouverte, éclairée, un balcon encore plus grand que l'intérieur. Un nid parfait, mais dans un coin du quartier qui ne lui plaisait pas, pullulant d'hommes d'affaire et de familles bourgeoises passant leurs week-ends dans les Hamptons. Ce n'était pas une vie de quartier qui lui plaisait, et l'endroit qu'elle avait choisi lui semblait nettement supérieur. Néanmoins, elle avait fait des compromis, et après deux années à vivre dans cet appartement elle avait envie de changement. Quelque chose de plus grand. Deux chambres, peut-être trois. De grandes fenêtres donnant sur un parc. Un bain et une douche vitrée. Un balcon, énorme, où elle pourrait se prélasser au soleil, nue, de préférence, donc à l'abri des voisins. D'ailleurs, aucune famille dans l'immeuble. Elle en avait assez d'entendre le bébé des voisins chialer à toute heure de la journée. Elle les avait pourtant prévenus : s'il pleurait encore à trois heures du matin, elle préviendrait la police, mais il avait pleuré, et elle n'avait pas appelé. La prochaine fois, elle le ferait. Les gens ne devraient pas faire d'enfants. Ils le font tous par narcissisme, mais ils ne servent à rien. Jamais elle n'en aurait. Des plaies. Puis, dans son futur appartement, elle n'en aurait pas la place. La première chambre, la plus spacieuse, sera la chambre à coucher. Un lit énorme, débordant de coussins, dans lequel elle pourrait plonger et resurgir quelques jours plus tard. Un tapis importé d'Orient. Elle l'a déjà, roulé, dans une armoire, parce qu'elle n'en a pas la place. La deuxième chambre serait un bureau. Elle ne va peut-être pas à l'université, mais elle n'est pas une idiote. Elle dessine, parfois, quand elle en a envie, et elle a besoin d'une surface pour le faire. Elle a aussi quelques livres et il lui faut des étagères, le bureau serait l'endroit parfois pour les installer. La troisième chambre, la plus petite, serait sa penderie. Elle n'a pas assez de vêtements pour remplir une pièce complète, mais elle en a assez de les voir coincer dans de petits espaces. Le tissu a besoin de respirer. Elle se demandait si son appartement de rêve était en vente présentement. Elle regarderait plus tard. Elle pourrait aussi contacter un agent immobilier. Des sangsues. Elle refusait de les payer. Mais regarder en ligne était ennuyeux. Peut-être qu'elle pouvait simplement changer la décoration. Le tapis pouvait aller dans le salon, les étagères dans sa chambre. Elle pourrait se débarrasser du lit dans la deuxième chambre et y mettre ses vêtements. Après tout, elle ne recevait jamais d'invités. En fait, personne ne dormait ici, même pas ses aventures. Son lit était le sien, jamais elle ne le partagerait avec qui que ce soit. Elle avait besoin de s'étendre sur toute la surface du matelas, sinon, elle ne s'endormait pas. Il lui fallait plus de coussins. Elle les commanderait. Peut-être un papier peint. C'était à nouveau à la mode. Quelque chose de simple, pâle, presque impossible à voir. Un papier peint minimaliste, qui fonctionnerait avec le reste du décor. Elle n'aimait pas quand son espace était encombré. Elle était un peu claustrophobe. De l'air, il lui fallait de l'air. Elle ouvrit la fenêtre et sentit  la douce caresse du vent d'avril sur son visage. Elle ferma les yeux. Elle sourit.


en vrac : de los-angeles, elle était actrice avant de prendre une retraite précipitée//enfant unique, ses parents sont tous les deux dans l'industrie du cinéma et de la télévision//malgré l'insistance de ses parents elle n'est pas allée à l'université//elle a déménagé à new-york il y a deux ans//elle n'a été qu'en couple une seule fois, avec une fille//elle est terrifiée par l'amour//elle ne se drogue pas, mais fume, et boit beaucoup, parfois seule//elle adore les plantes et les fleurs//elle sait qu'elle est une bonne manipulatrice, mais essaie d'être moins blessante. plus elle vieillit, plus elle a des regrets//elle dessine depuis qu'elle est toute petite. beaucoup de dessins de mode//en apparence très froide, elle garde ses émotions au plus fond d'elle//elle est une enfant gâtée et n'aime pas quand on lui refuse quelque chose//elle est totalement déconnectée de la réalité//elle n'aime pas recevoir des ordres. c'est elle qui en donne, dans toutes les sphères de sa vie//elle a toujours rêvé de réaliser un film pornographique, elle a quelques contacts dans le domaine//elle adore nager, et le fait souvent nue, après les heures de fermeture des piscines de la ville//elle se sent seule, mais ne sait pas comment laisser entrer les gens dans sa vie. elle se sent comme un nouveau-né, qui ignore encore tout de la vie.