comme un cerf en colère (hyunjin)

tu soulèves négligemment ton t-shirt ensanglanté ; ta peau s'est étrangement colorée, tu grimaces quand tes doigts effleurent l'hématome qui recouvre tes côtes. tu lèves les yeux vers le reflet que le miroir te renvoie, tes cheveux sont en bataille, tu as des cernes sous les yeux. tu manques de sommeil, les traits de ton visage sont tirés par la fatigue. ta lèvre inférieure est enflée d'une blessure à nouveau ouverte par les étudiants de ton université. tu es dans un état pitoyable, hijo. mais tu as quand même réussis à pianoter un message à hyunjin pour lui demander de venir chez toi, sans rien préciser de plus. juste un appel à l'aide, la première (la seule) personne à laquelle tu as pensé pour ça. parce que tu n'as véritablement personne d'autre. ce n'est clairement pas auprès de ta famille que tu vas chercher du réconfort, tu les vois déjà rire et peut-être même te frapper encore plus. non, tu n'as vraiment que lui. et tu trouves ça quand même étrange de penser à lui en particulier, parce que lui c'est ton ancien bourreau. mais de toute façon t'as pas d'autre choix, de meilleur choix. un soupir caresse tes lèvres douloureuses. quand des coups sont portés à la porte d'entrée tu te précipites pour présenter ta sale gueule à ton ami. « j'ai besoin de ton aide. » mais tu caches des secrets, hijo. tu oublies de préciser que t'as aussi besoin d'aide pour ce qui se passe dans ta tête, que ton esprit souffre autant que ton corps. tu oublies de dire que les larmes trempent tes oreillers tous les soirs parce que tu ne trouves pas le sommeil, parce que les amis se font rare. parce que tu souffres de plus en plus et que tu ne trouves aucune issue.

La tête remplie de questions, Hyunjin ne porte aucune attention à son travail, aux clients qui rentrent. Son père ne cesse de le rappeler à l’ordre mais rien n’y fait. Pas envie. Pas le courage. La journée semble interminable.
Coup d’œil vers son téléphone, le jeune homme fronce les sourcils, son cœur s’arrêtant directement. Hijo demande à ce qu’il vienne chez lui. Rien d’autre. Ni une ni deux, veste en main, Hyunjin quitte sa place derrière la caisse et file vers la sortie passant devant le regard confus de son père. « Urgence » est son seul mot. Hyunjin se fiche qu’il lui reste encore une heure de travail. La boutique appartient à sa famille, quel intérêt s’il ne peut profiter de cet avantage ?
Poings serrés, ses pas se font rapides. Mauvais pressentiment, comme souvent lorsqu’il s’agit d’Hijo. Relation étrange, incompréhensible même mais jamais Hyunjin ne laissera son ainé. Plus maintenant. Il en a fait des conneries, contre lui. Bourreau de cette bouille d’ange. Regret, énervement, attachement. Hyunjin ne sait pas quoi ressentir pour lui. Il est spécial.
Le chemin se fait vite, il le connaît par cœur. Quelques stations de métro, deux ou trois angles de rues et il y est.
Lorsque ses yeux se posent sur Hijo, le sang de Hyunjin ne fait qu’un tour. Il est amoché. Trop. Et ça l’insupporte. « j'ai besoin de ton aide. » Il bouillonne à l’intérieur. Pourquoi ? Comment ? « Tu ne pouvais pas le demander avant mon aide, crétin ? » Hijo est son ainé mais Hyunjin a l’impression de voir un enfant. Trop doux, trop gentil, trop tout. Et ça le bouffe. Ça l’insupporte de ne voir aucune réaction. « Combien de fois encore tu vas subir ça ? »  Sa voix est sèche, agacée, il voudrait le secouer. Lui ouvrir les yeux.
D’un geste brusque, il attrape la main d’Hijo et le traine dans sa chambre. Sans lui laisser le choix ni même se préoccuper de la douleur que son ami peut ressentir, Hyunjin le force à retirer son t-shirt tâché de sang. « T’attends quoi ? De ne plus pouvoir te relever ? » Lui aussi a été un gamin naïf, tendre, croyant en la beauté du monde. Aujourd’hui, il ne croit plus en rien et surtout pas en l’être humain. Se défendre, ne pas se laisser faire. Il veut qu’Hijo en soit capable mais il ne sait pas quoi faire pour l’y aider.

tu n'es pas aveugle, tu vois toute la violence qui peuple le monde. tu vois que les êtres humains peuvent être méchants, odieux entre eux. non seulement tu le vois mais t'en es aussi victime. mais pourtant tu ne fais rien pour te défendre, t'as quand même envie de croire en l'humanité, de croire qu'au fond tes bourreaux ne sont pas si méchants qu'ils en ont l'air. t'en viens même à penser, parfois, que c'est exclusivement de ta faute, que t'as peut-être fait quelque chose pour les contrarier. tu pourrais te défendre, hijo, t'en as la force mais tu refuses de le faire parce que t'as peur. t'as la trouille de voir une personnalité de toi que tu ne connais pas, de voir à quel point toi aussi tu es habité par la haine, par la rancœur et la violence. t'as surtout pas envie d'être comme les autres, comme tes bourreaux. alors tu laisses les coups pleuvoir, tu laisses ton corps se recouvrir de plaies. et quand c'est trop tu appelles à l'aide.
au moins de ça tu n'as pas honte, demander de l'aide. tu sais très bien que tu peux pas te soigner tout seul, t'as besoin d'un peu de compagnie pour apaiser ton esprit. pour te rappeler que malgré tout, même si ils sont rares, t'as quand même des amis sur lesquels tu peux compter. même si ledit ami que t'as appelé te fait des reproches. d'ailleurs tu esquisses un sourire douloureux. « je sais me défendre, je n'ai pas besoin de toi pour leur donner une bonne raclée. » mais l'ombre d'une raclée tu ne la vois pas, pas pour eux en tout cas. il n'y a que toi qui la prend, la raclée. tu hausses les épaules négligemment, au fond t'as rien demandé, certainement pas à subir tout ça. tu veux juste vivre ta vie mais depuis ton enfance tu tombes sur des personnes qui ne sont pas d'accord avec ça. à croire que le malheur et la poisse sont collés sous ses baskets et te suivent partout. tu demandes juste à vivre mais les autres en ont décidé autrement. « ils finiront bien par se calmer. » des conneries, des mensonges. peut-être qu'ils finiront par se calmer mais tu sais que d'autres prendront la relève.
tu grimaces de douleur quand ton ami te force sans ménagement à retirer ton t-shirt. tu baisses les yeux comme un gamin que l'on gronde, t'as pas envie de mettre ton ami dans cet état. tu sais bien qu'il s'inquiète pour toi et tu regrettes presque de lui infliger ça, de lui avoir demandé son aide. peut-être que t'aurais mieux fait de te débrouiller tout seul, finalement. là t'as l'impression de le mêler à tes emmerdes. « c'est pas si grave que ça tu vois bien, c'est juste des petites égratignures. » mais une lèvre fendue et une côte violette ne sont plus des simples égratignures, hijo.

Hyunjin, ça l’agace ce comportement. Incompréhensible à ses yeux de se laisser faire. Pourquoi subir les coups ? Pourquoi ne pas réagir quand on est rabaissé, humilié ? Il voudrait que son ainé ouvre les yeux, comprenne qu’il ne doit pas sombrer ainsi. Ça l’énerve, oui, mais ça lui fout la trouille, aussi. Et si un jour Hijo ne se relevait pas ? Et si son ami partait lui aussi ?
L’abandon. Hyunjin ne veut pas y penser. Alors il s’est mis dans la tête de faire réagir Hijo. Seulement, son ainé ne semble pas vouloir l’écouter. «  Si tu n’as pas besoin de moi pour te défendre alors fais le toi-même. » Ce côté apathique l’horripile. Subir, encore et toujours. Bleus sur le corps, peau égratignée. Hyunjin découvre toute sorte de blessures à chaque fois qu’il reçoit un appel à l’aide. Parfois, ses yeux s’égarent sur les cicatrices qui ornent ce corps qu’il commence à connaître par cœur. Rien de sexuel entre eux. Hyunjin ne compte juste plus les fois où il a nettoyé le sang et les plaies sur cette peau qui aurait dû rester immaculée.
Malgré lui, ses doigts s’attardent sur une de celles un peu trop voyantes. Est-ce lui qui a laissé sa trace, est-ce l'oeuvre de ses propres coups ? Il regrette. Bien sûr. Oh oui qu’il regrette d’avoir fait partie de ceux qui l’ont bousculé, martyrisé. Aujourd’hui, il veut se rattraper. Il veut l’aider à s’en sortir. « Ils se calmeront peut-être quand ils auront eu ce qu’ils veulent… » Que cherchent-ils au fond ? Hyunjin n’en sait rien. Pouvoir, jouissance… Ces mecs là ne sont pas des tendres. Peut-être iront-ils trop loin un jour et le plus jeune ne supporte pas l’idée.
«  Petites égratignures ? » Le visage poupon de Hyunjin se tord de colère. «  T’en fais exprès ou ils ont frappé un peu trop au niveau de ta tête ? » Vérifiant chaque blessure, sa main finit par enserrer l’avant bras d'hijo alors que leurs visages se rapprochent. Les sourcils froncés, Hyunjin le scanne, essaie de comprendre ce qu’il se passe dans l’esprit de son ami. « Tu m’fais chier. Tu l'sais, mh ? » Sa main serre, de plus en plus, son ton devient menaçant. Il ne sait plus ce qu’est le calme, la douceur. Comment parler sans s’énerver…  « Tu n'peux pas être assez con pour subir. A quoi tu joues ? » Vivement, il tourne son ami face au miroir puis lui montre une photo de lui accrochée au mur. « Regarde-toi dans le miroir ! Regarde-toi maintenant et regarde-toi sur cette foutue photo ! » La différence est frappante pour Hyunjin et il est sûr qu’Hijo aussi en est conscient. Plus de sourire, la peau marquée, le teint pâle. « J’ai l’impression que tout ce que tu veux c’est qu’ils te détruisent ! Parce que peut-être que t’es trop lâche pour le faire toi-même ? » Il veut comprendre, il veut savoir. Pourquoi Hijo subit. Pourquoi ? Juste… Pourquoi ?

« mais je n'ai pas envie de me défendre hyunjin, je suis pas comme eux ! » tu plonges ton regard dans celui de ton interlocuteur, à une époque c'était lui qui martelait ton corps de ses poings. t'as pardonné mais c'est toujours ancré quelque part dans ta tête. et tu penses à ce que serait votre relation si t'avais rendu les coups à ce moment-là. même à l'époque, quand moins de poids pesait sur tes épaules, t'aurais pu craquer à tout moment et ne pas réussir à te retenir. maintenant les choses sont encore pires. si tu commences à frapper, qui diable sera capable de t'arrêter ? pas ta propre conscience en tout cas. « ils ne veulent rien. ils n'auront jamais les couilles d'aller plus loin. et si ça devait arriver ... » tu marques une pause et hausse les épaules. t'as bien envie de dire que tu te défendras mais t'en es même pas certain. peut-être que l'instinct de survie te fera réagir. mais les choses dérapent brusquement. tu fronces les sourcils en sentant la main de ton ami enserrer ton bras, tu rentres aussitôt les épaules comme un petit chien battu. ils haussent le ton. « arrête. » t'as pas envie de lui répondre, peut-être qu'il a raison au fond. t'as pas envie d'être violent mais t'as peut-être besoin d'avoir mal physiquement pour oublier la douleur mentale. « arrête hyunjin. » tu te retrouves la gueule face au miroir, tes yeux glissant d'une photo de toi, le sourire aux lèvres, au reflet boursouflé dans le miroir. oui t'as une sale gueule. et les paroles de trop, tu te retournes pour repousser violemment ton ami. « JE T'AI DIS D’ARRÊTER ! » ton poing s'est fermé et ton regard méchant fixe le visage de ton ami. tu déglutis avec difficulté pour te calmer et te retourne vers le miroir, tes mains agrippent avec fermeté le lavabo. « je ne suis pas lâche. c'était une erreur de te faire venir. » mais t'as pas envie qu'il parte.

ne pas être comme eux, comme lui. Hyunjin comprend. bien sûr il comprend qu’Hijo vaut mieux que ces abrutis dont il fait partie. il vaut bien plus que ceux qui frappent, se moquent, humilient. mais ne pas se défendre, se laisser faire, ça rend hyunjin dingue. à ce rythme, hijo finira par y laisser de trop nombreuses plumes. ça fait des jours et des jours qu’il essaie de le faire réagir, son ami ne fait rien et la situation s’aggrave. les mots ne suffisent plus, l’alerter ne change rien alors pour une fois, Hyunjin redevient dur avec lui. il s’était pourtant interdit de recommencer, hijo, il a déjà trop souffert par sa faute. mais Hyunjin est prêt à tout pour le secouer et s’il doit employer la manière forte alors… il le fera sans hésiter. les mots se veulent blessants, les gestes sont brusques. Hyunjin se déteste à l’instant en voyant son ami se crisper, faiblir mais il continue de l’invectiver. il veut une réaction, juste une. et il l’obtient. jamais il n’a vu hijo comme ça. presque déstabilisé, Hyunjin se retrouve dos collé au mur après la rebuffade de son ami. dans un autre cas, il se serait jeté sur l’homme face à lui et aurait répliqué encore plus mais là, il ne peut que contempler avec une satisfaction craintive les poings serrés d’Hijo. il a réussi. réaction obtenue. il n’est pas si doux, Hijo, et quelque part ça le rassure. peut-être se défendra-t-il si tout devient trop pour lui ? si ses assaillants s’acharnent plus que prévu ?
se décollant du mur, Hyunjin s’approche de nouveau d’Hijo mais ne le touche pas. la tension qui émane de son corps est impressionnante. il voudrait qu’il canalise cette énergie contre ceux qui lui font du mal. « je ne partirai pas. pas après ce que je viens de voir. » dire qu’il est surpris de cette réaction serait un euphémisme. bien sûr, c’est ce qu’il cherche, qu’Hijo se rebiffe, se défende. mais cette lueur dans ses yeux, il ne l’a jamais vue. « c’est comme ça que tu devrais réagir face à eux. mh ? tu le sais. » passant une main sur son visage, Hyunjin laisse échapper un long soupir finalement dépité quand il réalise qu’il a tout faux sur Hijo et son caractère. « en fait, tu n’as rien de lâche, n’est-ce pas ? tu ne fais juste rien pour te défendre, alors que t’en es parfaitement capable. » finalement, c'est pire que ce qu'il imaginait.

le diable s'infiltre en toi quand la colère te prend pour sa marionnette. t'as peur de toi-même, t'as peur de ce que tu pourrais faire à tes bourreaux si tu sombres, si tu te donnes corps et âme à la violence qui pulse dans ton cœur. tu regrettes déjà d'avoir éclaté, t'as laissé la haine exploser à l'extérieur de ton corps, t'as repoussé ton ami venu t'aider. tu sais que tu l'as pas blessé mais tu t'en veux, comportement d'animal sauvage soumit à la peur. « par-pardon. » seul mot que tu parviens à baragouiner. mais ton interlocuteur a l'air satisfait de la réaction qu'il a provoqué en toi. quand tu croises son regard t'as bien l'impression d'y voir une lueur d'espoir. ta main tremble contre le rebord du lavabo. t'as le cœur sur la main, hijo, tu peux pas te comporter comme un type violent. même si c'est pour te défendre. tes lèvres tremblent, tu retiens les larmes qui perlent à tes yeux. l'émotion est forte, t'as l'impression que tu vas tomber. que t'es au bord du gouffre. et t'as bien besoin de te retenir contre le marbre pour empêcher tes genoux de heurter avec violence le sol. parce que tu ne sens plus tes jambes, que t'as l'impression que la crise d'angoisse est proche. « oui, j'en suis capable. » tu fermes les yeux, te mords l'intérieur de la joue. « mais j'ai tellement peur, hyunjin. peur de ne pas être capable de m'arrêter. » tu marques une pause. tes yeux humides plongés dans les siens. t'es pas un tueur hijo, mais tu connais la violence qui bat en toi. et tu te sais incapable de la retenir si elle vient à exploser. « je me laisse faire parce que je n'ai pas peur d'eux. » tu baisses la tête comme un enfant ayant fait une bêtise. et tu reprends la parole d'une voix si peu audible. « j'ai peur de moi-même. »

sans un mot, hyunjin observe son ami, détaille chaque centimètre de son visage comme s’il cherchait la réponse à toutes ses questions. la surprise d’un tel comportement. pris au dépourvu, hyunjin essaie de replacer toutes leurs interactions. il a loupé tellement de choses. connaît-il réellement hijo ? c’est à se demander. hyunjin a presque honte de n’avoir rien vu. mais lui et l’amitié, ça fait deux. il ne sait pas consoler les gens, il n’est pas comme ça. du moins il ne l’est plus. il préfère de loin la provocation, les relations sans lendemain. ses amis, il les compte sur les doigts d’une main, souvent étonné de les voir toujours à ses côtés après plusieurs mois voire années. « t’excuse pas… » l’euphorie de la réaction s’estompe aussi vite qu’elle a été surprenante. désemparé, hyunjin regarde les yeux de son ami s’humidifier. tout ça par sa faute. il a honte. il se fiche de faire pleurer les gens mais hijo… ses paroles font mal, elles sont même sont terrifiantes. hyunjin comprend bien vite que tous deux n’ont pas le même rapport à la violence. le cadet n’a jamais été vraiment violent. il l’est devenu en se forgeant une stupide carapace après le départ de han. Au fond de lui, hyunjin est sensible et doux, seulement il a appris à effacer cette personnalité. hijo, au contraire semble se battre pour faire l’inverse. oublier la violence qui le ronge. insoupçonnable. hyunjin lui offrirait tout et n’importe quoi tant il inspire confiance. « c’est moi qui suis désolé… hijo. » jamais hyunjin ne s’excuse. ce n’est plus son genre mais cette fois, la situation est trop grave. tout ça est allé beaucoup trop loin. « j’aurais pas dû agir comme ça avec toi… j’aurais… » main dans ses cheveux, hyunjin les tire pour évacuer sa frustration. « j’ai juste peur pour toi. » non, il n’avouera pas qu’il tient à lui mais son comportement débile et ses actions maladroites ne se voulaient pas négatives. hyunjin veut juste aider hijo. « j’veux pas qu’il t’arrive quelque chose… » il a déjà perdu han, perdre quelqu’un de proche à nouveau est inenvisageable. doucement, hyunjin s’approche et vient frôler la main de son ainé. le contact physique, hyunjin déteste. il n’a plus l’habitude lui qui passait sa vie dans les bras de han il y a des années. « pourquoi tu m’as jamais rien dit.. ? » pétrifié, hyunjin ne s’est pas senti si faible depuis bien longtemps. voir son ami dans cet état le rend malade.

tu veux simplement lutter contre cette violence qui déferle dans ton corps ; c'est la faute des autres si t'es comme ça, hijo. tu n'as pas à culpabiliser d'être à deux doigts de craquer. depuis ton enfance tu supportes les remontrances de tes parents, les coups de ta famille. tu supportes les insultes qui sifflent à tes oreilles.
et tu ne dis jamais rien.
tu gardes toujours tout pour toi, préférant y répondre par un sourire poli plutôt qu'en montrant les crocs. tu as toujours refusé de te défendre pour ne pas être comme eux, peur de t'abaisser à leur niveau. puis avec ta famille ce sont rajoutés les élèves des différentes classes que tu as fréquenté. des remarques déplacées, des moqueries. toujours encore plus de coups. mais là encore tu as continué de leur servir un doux sourire, les laissant te prendre pour un idiot qui ne sait se défendre.
tes larmes seul ton oreiller en a vu la couleur. quand la nuit déployait son manteau étoilé sur la ville alors tu pouvais laisser éclater toute la tristesse de ton esprit malade. t'as tellement chialé, hijo. des nuits blanches et des yeux gonflés qui n'ont pourtant jamais alerté personne. parce que malgré tout t'as gardé le sourire. mais tu sens que les choses changent. tu commences à n'en plus pouvoir, tes mains tremblent quand les coups pleuvent. ton organisme se défend, ton cerveau se rebelle. et t'as envie de frapper tes assaillants, encore et encore jusqu'à trop frapper. alors tu résistes encore un peu, avec la peur au ventre d'éclater. « c'est déjà trop tard. mais je préfère ça à la prison. » parce qu'il faut être logique, la prison c'est pas pour toi gamin. tu ne survivrais certainement pas en cage. tu t'imagines déjà à tourner, rongeant les barreaux et creusant le sol pour t'enfuir jusqu'à faire saigner tes ongles. tu deviendrais encore plus fou que tu ne l'es déjà.
« te dire quoi, hyunjin ? » tu tournes la tête vers lui, d'un geste las de la main t'essuies négligemment tes yeux.
t'aimes pas montrer cette facette de ta personnalité. c'est le hijo solaire et souriant que tu veux montrer à la face du monde, faire croire que rien ni personne ne peut atteindre ton petit bonheur. mais devant ton ami tu craques. tu prouves que ton cœur a été trop longtemps piétiné pour avoir une maigre chance d'être à nouveau vraiment heureux. « que j'en peux plus ? que ça fait des années que je pleures toutes les nuis au lieu de dormir parce que j'ai une famille pourrie ? que j'ai quasiment pas d'amis. que personne ne remarque que je vais mal ? » ton regard est plongé dans le sien, mine grave et sévère. « ou qu'à tout moment je risque de tuer un de mes camarades ? » 

C’est dur de découvrir la détresse d’un ami, voir la peine d’une personne qui compte pour soi. Hyunjin s’est totalement trompé sur Hijo et ça le rend malade. Il se fiche de gens, de leurs états d’âme, des difficultés qu’ils éprouvent en temps normal. Mais lui, Hijo, il est différent. Hyunjin tient à lui. s’ils s’était rencontrés avant, hijo ne l’aurait jamais reconnu. Sûrement auraient-ils été bien plus proches et jamais hyunjin ne l’aurait forcé à réagir de la sorte. L’ancien Hyunjin n’était que tendresse et douceur tout comme l’image qu’hijo veut donner de lui-même aujourd’hui. Finalement, le cadet ne connaît pas si bien l’homme qui se trouve face à lui. personne d’autre à blâmer que lui. Il ne s’est jamais attardé plus loin que ce qu’hijo a bien voulu lui montrer. Aujourd’hui, toutes les émotions remontent, hijo dévoile une facette cachée alors que hyunjin lui montre qu’il n’est pas si dur que ce qu’il veut faire croire. Il ne sait pas où tout ça va les mener mais il sait que la route sera longue.

Blâmer Hijo pour le silence dans lequel il s’est enfermé n’est pas l’intention de Hyunjin, il aurait voulu comprendre, l’aider. Ça fait bien longtemps qu’il n’a pas ressenti un tel besoin de soutenir quelqu’un. Chaque mot prononcé n’est qu’un coup de plus au moral du plus jeune. Se foutre de tout et des autres n’est pas une solution quand on tient aux gens et aujourd’hui Hyunjin le regrette amèrement. « Je sais pas… oui ! j’aurais voulu savoir tout ça. » Seulement en est-il réellement digne ? Hijo ne supporte pas la solitude alors qu’Hyunjin la cherche. « il vaut mieux avoir peu d’amis mais des proches plutôt que des crétins qui se foutent de toi non ? » Hyunjin a connu l’amitié fusionnelle, les heures passées à parler, se confier à quelqu’un. Ça lui manque aujourd’hui mais sa carapace l’aide à cacher cette partie de lui.

«J’ai… remarqué que t’allais mal. J’ai mis du temps mais… putain Hijo tu peux pas rester comme ça. » Quelle solution trouver pour apaiser le cœur de celui qui ne veut qu’être heureux ? « La roue tourne Hijo. J’ai confiance en toi… » Il ne connaît que la douce facette du jeune homme mais Hyunjin ne peut pas l’imaginer tuer quelqu’un. « Ces mecs de ta fac, tu ne peux pas leur faire juste peur ? » Désemparé, Hyunjin se creuse la tête pour chercher une solution. « Et si… Je te provoquais, encore, et encore, pour que tu apprennes à te contrôler ? Tu m’as repoussé là, tu n’as rien fait de plus. T’es capable Hijo… » Ensemble, peut-être pourront-ils y arriver ?