$$$ (LOUP)

((tes yeux se perdent dans mes nuits)) stella, elle avait ces yeux dont il était impossible d’entrer sans les crever. Ils étaient comme dotés d'une profondeur défendue, pourtant ils avaient une telle clarté, une transparence latente. loup se demandait ce qu’il aurait pu trouver à l’intérieur, d’ces yeux rieurs, d’ce regard enjôleur. il aurait voulu avoir les clés pour ouvrir les p’tits tiroirs, pour voir les souvenirs, réminiscences et l’essence de son être. il imaginait les cavités arquées, les sillons creux, se faire explorateur de trésors du bonheur. il réfléchissait à plonger dans ses abîmes, intimes colorées d’injustice, artifices larmoyants d’un passé émouvant. et pourtant, à côté, il vibrait d’obscurité.
parce que c’était elle, sa lumière.
l u m i è r e
(ça résonne parfois encore dans tout son être).

((extrait d’une séance chez le psychiatre)) « Lorsqu’elle dormait avec moi, elle se mettait toujours sur le flanc, je ne pouvais plus contempler son faciès construit d’étoiles avec quelques coins de poussière, qui parfois s’affadissait, dépourvu de couleurs et de lumières, juste croqué avec des contours parfois flous.
(Et pourtant, il l’avait appris par cœur.)
J’épousais l’arc de sa silhouette précellence étroitement avec la mienne, je la tenais serrée comme si j’avais peur qu’elle s’évapore. J’étais tellement con, tu vois, parce que je pensais réellement avoir de l’emprise sur elle. Oui, j’étais un con. Je la serrais tellement fort que je lui faisais sans doute mal. Dans le fond, elle avait juste besoin de sa liberté. Alors elle s’est échappée. Évaporée. Elle, elle était comme ça. Partie comme une étoile filante. Un peu ambivalente, un peu bancale. On marchait toujours sur un fil avec elle et ce fil si fin, cette vie si peu précieuse à nos iris à l’époque, ne faisait que s’effiler. Nous n’avions pas appris à coudre non plus.
Elle est restée dans le royaume de mon être sans en être le sujet ou l’attribut…
Elle était le centre, le contour de ce royaume, l’épiderme de mon existence et pourtant, c’était moi qui la protégeais. Au début. C’était un paradis-fiction. Elle était amoureuse de moi. Je ne l’ai pas vu assez tôt. (Il tourne la tête, il avait les larmes aux yeux.) Était-ce la mort dont j’étais le ciel à cette époque? Je ne me voyais pas, je ne voyais qu’elle mais ce n’était pas suffisant. A deux, nous connaissions les terreurs, les doutes, les trous noirs et les trous blancs, les puissances, les étreintes éternelles. Dans le noir, je lui contais des histoires de quand j’étais petit et elle se taillait une enfance dans la mienne. Je le sentais bien, elle avait des souvenirs de choses qu’elle n’avait jamais vu, elle racontait des choses qu’elle n’avait pas vécu. On avait pris la porte d’entrée pour porte de sortie. Elle n'est plus là maintenant. Stella est partie. Je me souviens ces matins où j'entendais toquer timidement à ma porte, nous étions tous les deux en pyjama et elle voulait seulement terminer sa nuit avec moi, alors elle se réveillait tôt. Les parents ne disaient rien parce qu'ils en avaient pris l'habitude. Parfois, elle ne parvenait pas à dormir alors elle s'asseyait sur la chaise près du lit, avec deux thés même si je dormais. (Au cas où.) Maintenant, je continue à me lever, à aller ouvrir cette porte, il n'y a plus un matin où je continue à dormir, il n'y a plus une nuit où je continue à compter les étoiles dans le ciel. On se racontait toujours que le nez géant de la terre, c'était les arbres, parce que grâce à eux, on avait de l'oxygène. Mon nez géant à moi, c'était Stella, Stella au regard-soleil qui ravivait toujours mon esprit, qui guérissait mes ecchymoses. (Il se met à trembler, ravale ses larmes dans un bruit fracassant.) »

((JE ME CASSE DANS LA PAUME DE TES MAINS)) Loup, c'est sûrement avec les larmes qu'il a versées qu'il a créé la mer que Divna veut devenir. Ils s'y sont un peu tous noyé, comme dans les bouteilles qu'ils partageaient. C'est la mort désastre, l’amour des astres. Stella c’était les narines par lesquelles Loup parvenait à respirer. Comme les arbres pour les forêts. Comme l'oxygène pour l'humanité. Dans les cendres son âme frémit le renouveau de baisers, dans les draps de voies-lactées, draps teintés des sentiments qui implosent en particules de manque. Le faciès recherché parmi les foules et son coeur qui s'amenuise dans la houle. Signe d’un phœnix pas comme les autres, sévices qui serpentent les veines et danse l’espoir essouflé de retrouver son amour pour qu'elle chasse le noir qui grignote son myocarde en dentelle. Mélopées dans un hôtel à l'abandon qui signe le pardon d'une trêve animée de guerre. et il y a divna pour remplacer l'ange solitaire, avec ses cheveux d'or sentant le miel, virevoltant au vent, toujours lâchés, comme la sauvage qu'elle était. Divna elle aimerait y croire, quand Loup vient la voir, que ce sont de ses courbes qu'il rêve, que ce sont de ses lèvres qu'il crève mais Divna se voile la face, mais Divna se ment et met un casque sur ses oreilles même lorsque Loup la crie Stella le matin au soleil, une bouteille à la main et les yeux embrumés, le regard fumé. Divna fait abstraction quand ses parents dragons crient que tout est de sa faute à ce petit con, que s'il n'avait pas été là Stella ne serait pas partie rejoindre les autres constellations, elle préfère refuser leurs délations. Portions de haine saupoudrée de rancoeur veine, elle ferme les yeux Divna et oublie tout ça. Alors ils se recollent tous les deux, de ce big bang qui avait explosé en millier de particules dans leurs myocardes à la dérive (mais toujours attirés par d'autres rives), ils seront éternels amoureux de l'au-delà mais toujours reliés à la même voie lactée.
Et pour toujours, de pâles lumières embourberont leurs souvenirs dans ce cocon à vomir.

((extrait casier judiciaire)) relevé des condamnations à des peines privatives de la liberté
concernant m. loup malgani
fils/fille de pablo malgani et de katia malgani
né(e) le deux avril mil neuf cent quatre-vingts dix-sept à
état civil célibataire
profession étudiant
nationalité américaine

date des condamnations le douze octobre deux mil quinze.
nature des infractions usage illicite de stupéfiant et vente de stupéfiants (cocaïne, héroïne, méthamphétamine et extasy).

vu au parquet le quatre décembre deux mil quinze.

((brocante de faits))  il a été envoyé en détention pour mineurs, dans la douleur après que stella n’ait fait une overdose des bonbons colorés qu’il lui avait refourgués. + fratrie en sursis de six, foyer décomposé d’étoiles éloignées. + Maman est comme Dory, son cerveau est endolori de ces réminiscences passées, de ces souvenirs embués. C’est sûrement à cause de l’effet-mer, d’ce goût amer qui égratigne la langue, d’ces mots qui tanguent dans l’esprit meurtri. + papa est un pourri, d’ces absences ecchymoses au cœur, d’ces mensonges avalés et d’ces tatouages a tout jamais encrés sur la peau de loup. pauvre crevard qu’aurait dû finir dans l’caniveau, pauvre avare qui s’écorche la peau contre des briques pourries. + loup il était premier au lycée avant d’tout gâcher, avant d’se laisser emmener dans les désastreuses aventures de stella bird. creuse les blessures dans l’avenir avorté, loup s’est perdu au détour d’une rue incendiaire qu’a fini meurtrière pour ses ailes d’ange perché.