survivor (lonàn)

garde nocturne pour le moins calme, pour l’instant. ta cigarette aux lèvres, tu sais qu’il suffit d’un rien pour que tout déraille. tu avales le fond de ta tasse, effluves caféinées qui envahissent tes papilles. tu es définitivement droguée, valero. le mythe du fumeur et de son café à la main, c’est toi. tu te dis qu’il est temps de retourner travailler, enfile de nouveau ta blouse avant d’entrer dans le bâtiment. ton secteur de soin n’est pas saturé; lorsque que tu croises l’écran géant qui régule l’activité du service. l’unique nom dans la salle d’attente attire ton attention. lonàn mcgrath, déjà installé en box. suspicion luxation tête humérale gauche et plaie d’arcade suite à une rixe. tu hausses les sourcils. pour changer. il pourrait au moins faire dans l’originalité, le lascar. lonàn, que tu es déjà qu’il est drogué comme pas possible. dans les limbes, non loin d’une overdose massive. tu es persuadé que ce déchet finira dans le caniveau, le myocarde à l’arrêt complet. tu soupires avant d’aller chercher un coude-au-corps, si le malfrat veut de l'immobilisation ça va de soi. tu te dis que tu vas encore le sermonner s’il ne le porte pas suffisamment, il peut courir des séquelles irréversibles s’il ne fait pas attention. autant dialoguer avec un mur, ce sera plus productif. tu arrives devant la porte, l’interne est présente et commence à préparer le chariot de suture. « pas la peine, erin. je m’occupe de celui-ci, merci. » elle te fait un sourire avant de quitter la pièce. « lonàn, ça fait longtemps, dis donc. » dis-tu, d’un ton sarcastique. il est allongé sur le brancard alors que tu t’approches de lui. « tu permets que je te tutoies, c’est presque une seconde maison ici. » même ton, léger sourire en coin. tu t’installes sur la chaise roulante, te connectant à ta session de travail avant te lever pour face enfin, lui faire face. ses pupilles recouvrent presque le bleu de ses yeux. « j’imagine que tu ne veux pas d’antalgiques pour que je te remette l’épaule ? » peut-être ce gaz hilarant, ça ne ferait que le fait un peu plus planer dans son délire. autant éviter. tu poses délicatement tes mains sur ton épaule endolorie, palpant doucement à la recherche de l’os sorti de logement. « tu as pris quoi, lonàn ? » dis-tu, attrapant son poignet. tu as besoin de savoir, pour le dossier mais aussi parce que ça te fait un pincement au coeur, cette fois-ci. impact dans le fuselage qu’est ta carapace de médecin, impossibilité de le sortir de là sans sa précieuse volonté. tu bouges doucement le bras, te concentre pour saisir l’instant et l’angle opportun pour aligner de nouveaux les os.

Allongé dans une salle où la lumière est trop lumineuse pour ses pupilles dilatées, Lonàn observe la pièce chanceler. Rien n’est fixé. Tout ne fait qu’onduler devant son esprit embrumé. La drogue qu’il a consommée en début de soirée continue sa danse effrénée dans son corps intoxiqué. Ce soir, le combat a dérapé et si son adversaire est dans un état bien pire que le sien, sans doute effondré sur le sol à patauger dans son sang séché, le camé a eu la chance – ou la malchance – de croiser des infirmiers alors qu’il tentait de rentrer chez lui. Son baratin n’a pas suffi à les amadouer et le voilà piégé aux urgences de l’hôpital. Les coups, il a l’habitude de les recevoir et les blessures, il sait les gérer. Même son épaule déboîtée, il est capable de la replacer. Qu’importe, si ça leur fait plaisir ? Ils ne seront pas déçus de leur bonté. Soigner un Lonàn défoncé c’est comme s’occuper d’un grand gamin chiant et effronté. Le chieur est dans la place et il est bien décidé à s’amuser.

Ce soir, le loup a envie de jouer
Prépare-toi Docteur à te faire malmener
Il n’y a pas que les gestes qui peuvent froisser
Tu ne devrais pourtant pas te sentir offusqué
Parce que ton patient est un habitué

Une voix le tire de ses pensées. Un coup d’œil et il remarque son médecin préféré. « Eh Docteur Rodrigo ! » Impossible de retenir le vrai prénom du docteur alors à chaque fois qu’il le voit, Lonàn l’affuble d’un nouveau prénom hispanique. Peut-être qu’il tombera sur le bon un jour, avec un peu de chance. Cet homme est plutôt cool, en règle générale et le dealer prend souvent un malin plaisir à l’emmerder. Ce n’est pas ce soir que ça va changer. « Tutoies-moi Doc’, fais-toi plais’. » Parce que lui ne se gêne jamais pour le faire. Le vouvoiement est bien trop pompeux pour un homme comme Lonàn. A quoi bon se faire chier avec les convenances des riches ? Tandis que Valero s’installe derrière son écran, il se redresse, l’irlandais, pour s’asseoir sur le bord du lit. Grand sourire aux lèvres, il ne quitte pas des yeux son vis-à-vis. « Oh, moi je prends tout tu sais. Si tu veux me filer une dose supplémentaire, j’t’en prie. » Des médocs en plus ? Il ne va pas cracher dessus, mais il n’est pas dupe, le médecin. Même un aveugle se rendrait compte que Lonàn est loin d’être clean ou à jeun. Comme si le mot « drogué » était inscrit en lettre lumineuse sur son front, c’est certain.

Le Docteur Maura semble inquiet pourtant lorsqu’il attrape son bras pour lui remettre l’épaule en place. Avant qu’il ne s’exécute, il prend tout de même le temps de faire la conversation et d'analyser la situation. Vaste question que voilà. Qu’a-t-il donc pris, Lonàn ? Tellement de choses. Sourire fleurissant de plus belle sur ses lèvres, le blondinet hausse son épaule valide. « Un coup de poing dans la gueule. Ça se voit non ? » L’arrogance se déverse sur sa langue comme un poison. Jouer au plus malin, il est doué pour ça, le garçon. Il ne peut même s’empêcher d’y ajouter une petite couche, il n’y a pas de raison. « Pour l’épaule, j’y suis peut-être allé un peu fort. » La mâchoire pétée de l’autre type peut en témoigner. « Ou peut-être que je suis mal tombé, qui sait ? C’est toi le Doc après tout, à toi d'me dire comment on peut s’déboiter l’épaule. » Cependant son sourire moqueur disparaît de son visage à l’instant où Valero la lui remet en place. « Oh putain ! » Ne peut-il s’empêcher de balancer sous la surprise. Il a beau plané à quinze mille, ce coup là, il l’a senti passer. « Pouah ça saisit ! » Mais ça va mieux. Lâchant un soupir pour reprendre ses esprits, son sourire malicieux revient se placer sur ses lèvres. « Dis-moi Pedro, tu habla espagnol ? Parce que ça me servirait bien. Faut que j’apprenne. » C’est pour le boulot. Qu’il s’abstient de rajouter. Les hispaniques ont d’importants réseaux de drogues alors parler leur langue serait un atout certain. Il a déjà Alejandro dans son camp mais ce n’est pas suffisant. Toujours plus, toujours plus loin, ça pourrait être la devise de la famille.

HRP:

ta garde bien calme est perturbée par l’arrivée d’un patient que tu ne connais que trop bien. allongé, là, sur ce brancard. tu secoues la tête, le regard dépité. lonàn a encore frappé, littéralement. ce petit malfrat qui vend de la poudre d’or, gestionnaire d’un réseau tentaculaire duquel est craché des déchets que tu récupères parfois, derrière. en plus d’être un drogué, il est vraiment détestable. une famille surprotégée, invulnérable. les mcgrath. rien n’est officiel, pourtant, tout le monde le sait. il te voit arriver, balance d’une voix presque éraillée, un mauvais patronyme. tu roules des yeux en fermant la porte derrière toi. arène close, tu vas avoir du travail avec lui. tu le salues, le sarcasme exacerbé. c’est lonàn, habitué avec qui tu peux t’acquitter de certains conventions sociales. de toute façon, dans l’état où il est, il ne risque pas de capter la subtilité. assis en face de toi, le bras sur la poitrine, tu constates qu’il connaît déjà les gestes pour se préserver. tu secoues légèrement la tête en posant la main délicatement sur son épaule. « oh, je ne suis pas certain que tu aies besoin de plus pour le moment. » ce sera vif mais rapide. à la palpitation, tu sens que la tête humérale est sorti de son logement. tu te concentres malgré tout, en profitant pour lui demander ce qu’il a consommer. l’arrogance rugit de son corps cabossé. « merci, pas besoin d’avoir fait médecine pour le voir. » sale gosse. « arrête ton numéro, tu veux. je noterai que tu ne veux pas me le dire et je soumettrai peut-être à un test sanguin. » en vérité, nul besoin d’une toxicologie sanguine. juste histoire de l’embêter un peu. l’amour vache, entre eux. seconde d’après, tu loges habilement l’os dans le bon alignement. petit craquement significatif alors qu’il râle sous le coup de la douleur. tu es déjà en train de lui installer le coude-au-corps pendant qu’il serre un peu les dents. il est bien résistant, ce petit. on ne pourra pas lui enlever. « tu me gardes ton épaule immobilisée pendant trois semaines avec ça sinon je te le colle à la peau moi-même. » s’il ne veut pas subir des pertes motrices et sensitives, il vaut mieux. « c’est pour toi que je dis ça, lonàn. t’en fais ce que tu veux. » c’est vrai. « allez, allonge-toi, je te recoudre l’arcade et après, tu iras passer ton scanner cérébral et passer la radio de ton épaule. » il obéit pendant que tu prépares ton matériel. soudain, il te pose une question qui te fait échapper un rire franc. tu frictionnes les mains alors que tu te tournes vers lui. il a, au moins, le mérite de t’amuser à des moments. « ¿si, porque ?» les syllabes enrobées de ton accent colombien. tu vois clair dans son petit jeu, soudain. « ¿para las drogas, si ?» tu enfiles tes gants stériles. « peu importe, tu t’en souviendras pas demain. » tu allumes plus de lumière, concentrée sur son visage. ta seringue d’anesthésie que tu présentes prêt de son sourcil maculés. « ne bouges plus, c’est de l’anesthésique pour que je puisse te recoudre tranquillement. sans que tu te tortilles. » tu esquisses un petit sourire, aiguille fine qui entre et sort stratégiquement dans sa peau. une dizaine de minutes pour une suture des plus simples, malgré son emplacement délicat. dextérité rudement acquise, parcours des plus exemplaires.