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 |  Sujet: tard dans la vie. (antigone)  Dim 9 Fév - 17:43 |
|  « Je suis dur
Je suis tendre
Et j’ai perdu mon temps
À rêver sans dormir
Partout où j’ai passé
J’ai trouvé mon absence
Je ne suis nulle part
Excepté le néant
Mais je porte accroché au plus haut des entrailles
À la place où la foudre a frappé trop souvent
Un cœur où chaque mot a laissé son entaille
Et d’où ma vie s’égoutte au moindre mouvement »
pierre reverdy
Il était dans les rues. Celles plus sombres et sinueuses de la ville. Dans la profondeur du Bronx, les prostituées le long des trottoirs lui semblent plus délicieuses. Si désespérées et blasées qu'elles n'essaient même pas de négocier les prix.
Il porte encore sur ses épaules le masque du prédateur. Ses cheveux en bataille se plaquent sur son front humide malgré la fraîcheur de la nuit. Sitael ne peut pas changer de visage en un claquement de doigt. S'il voudrait être plus clair avec lui-même en s'approchant de cette gamine, tout cela lui est impossible.
Son esprit danse encore dans les vapeurs de sexe. Les cuisses écartées de cette fille sans visage ni prénom lui ont volé sa raison et ce n'est qu'un reste d'abruti qui déambule jusqu'à elle. Visage fermé, il a pourtant envie de lui sourire mais n'y arrive pas.
La vie l'a figé, il est aussi expressif que le marbre.
Qu'est-ce que tu fous là ?
Il montre les crocs, tendu. Monroe ne veut pas qu'elle voit l'animal. Il prenait soin de le lui cacher pour ne pas qu'elle réalise qu'il est aussi sale que les clients qui lui passent dessus. Sur la défensive, il sait pourtant déjà qu'il ne va pas la laisser là, à moitié glacée sur les marches de son immeuble alors que son petit appartement puant la clope et la solitude les attend, plus chaud et confortable. Instinctivement, il tend sa large main en sa direction pour l'aider à se redresser. Son regard reste aussi froid que le vent frais qui les caresse.
Sitael la met en garde.
Ses pensées saturent et malgré l'oubli que lui procurent les corps, il n'est pas certain d'être celui qu'elle attend ce soir.
Cette sensation de ramasser une cendrillon lui refile la nausée. Si Antigone pouvait avoir perdu son soulier et non son âme. Si elle pouvait cesser, baisser les armes, accepter qu'on ne la lui rendra jamais.
On rentre. Il enlève sa veste et la pose sur ses épaules. Son timbre ne lui laisse pas le choix. Ses instincts brouillés par les phéromones de toutes ces créatures nocturnes ne parviennent pas à détruire ses réflexes de protection la concernant.
Si sa fille était encore là, elle aurait plus ou moins l'âge d'Antigone. Il supporte mal l'idée qu'elle puisse être si souillée. C'est égoïste mais la paternité est une corde rare qu'il sent vibrer lorsqu'elle se présente à lui, mine déconfite et joues rosées du froid nocturne. |
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