You're breaking all these promises we made maybe time will make it right - Warston

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{ falling into you }
crédit/ tumblr ♛  w/ @nikolaï Warren

C’est la fraîcheur des draps trop légers qui vient doucement la réveiller. L’échine frissonnante, elle ouvre à peine les pupilles, juste assez vite pour voir la porte de la chambre se refermer. L’ombre de Nikolaï, échappé, à peine le matin commencé. Elle se redresse lentement, faiblement. Comme si elle se sentait déjà à bout de force alors que sa journée n’a même pas encore débuté. Elle sent l’énergie lui manquer, ces derniers temps, elle sent son enthousiasme s’envoler. Ce serait presque étrange, au moment même où, justement, elle prend quelques jours pour se reposer. Ce séjour en famille, à la montagne, est l’idée parfaite pour se ressourcer. Elle le serait, tout du moins, si tout allait bien. Mais tout ne va pas bien. Elle, Isabella, ne va pas bien. Elle ne va pas bien depuis que les tensions ont envahi son couple il y a encore peu si idéal. Elle se souvient, Noël dernier, combien elle était heureuse à ses côtés. Combien leur couple était au plus haut, jusqu’à frôler les étoiles comme elle n’aurait jamais osé l’espérer. Ils étaient si heureux, tous les deux. C’était il y a seulement un an, et pourtant. C’est comme si tout avait changé, comme s’ils avaient changé. C’est le même schéma qui se reproduit qu’avec toutes les relations qu’elle a connues, tous les hommes qu’elle a rencontrés. Les relations idylliques finissent toujours par laisser place aux souffrances désillusionnées.

C’est peut-être ta faute, Isabella,

C’est peut-être toi qui ne sais pas y faire,
Toi qui fais tout de travers.

Elle se replie sur elle-même, elle se renferme. Elle s’enfonce dans ses ténèbres au lieu de s’expliquer. Au lieu de lui expliquer, tout ce qu’elle peut bien éprouver. Au lieu de le pousser à réaliser, qu’elle a besoin d’être rassurée. Mais ne pourrait-il pas s’en rendre compte tout seul ? Ne pourrait-il pas comprendre qu’elle a besoin qu’il soit proche d’elle, non le contraire ? Apparemment non. Depuis leur dernière dispute, rien n’a changé dans leur relation. Ils s’évitent toujours autant. Pire encore, depuis qu’ils sont arrivés dans ce chalet, ils font semblant. Ils font semblant, devant les autres. Comme il devait le faire avec Claire, comme elle a fini par le faire avec Luke. Elle déteste cette sensation, elle déteste cette situation. Mais elle n’a aucun contrôle sur ce qui est en train de se passer, elle ne peut pas faire autrement que tout supporter. Jusqu’au moment où elle n’y arrivera plus, jusqu’au moment où elle finira par craquer. Elle commence sérieusement à se poser des questions sur l’avenir de son couple, Isa. Elle l’aime, elle l’aime toujours autant. Mais elle ne sait même pas si leur couple en vaut la peine, pas en ces circonstances Elle ne sait même pas s’ils sont encore vraiment ensemble. Ou peut-être font-ils juste semblant, peut-être que tout s’arrêtera après les fêtes. Elle ne sait plus, elle est complètement perdue. Comme elle l’a rarement été. Il y a même l’envie de reprendre ses calmants qui l’a traversée. Envie aussitôt réprimée car, elle le sait, elle ne ferait que tout empirer. Mais elle vit mal cette situation, elle vit mal cette relation. C’est malsain, c’est mauvais. C’est bien loin de ce qu’ils ont toujours été.

Tu voudrais le retrouver,
Mais tu ne sais pas comment y arriver.

Une partie d’elle avait l’espoir. L’espoir que ce séjour loin de leur maison, entourés de leurs proches, les aiderait à ne plus voir tout en noir. Elle le souhaitait réellement, Isabella, mais cela n’a pas été le cas. Si les moments passés avec les autres sont beaux, agréables, ils perdent leurs sourires quand ils se retrouvent. Alors que cela devrait être l’inverse, alors qu’ils ne devraient attendre que cela, d’être en tête à tête. Mais il n’y a plus la passion, juste ce malaise. Ce persistant malaise qui est en train de les ronger. Elle avait beau espérer, la Latina, elle est tombée des nues à peine arrivée. Quand elle a compris, qu’il ne voulait pas dormir à ses côtés. Le voir s’allonger à même le sol, pour y passer la nuit, plutôt que dans leur lit. Plutôt qu’avec elle. C’est tellement douloureux, tellement cruel. Elle a tenté de le faire changer d’avis, elle a même insisté pour qu’il oublie cette idée. Mais il n’a pas lâché, il ne lui a pas laissé le choix. Et elle l’impression qu’il lui file un peu plus entre les doigts. Il lui manque, Nikolaï, il lui manque terriblement. Cruellement. Elle a l’impression de mourir à petits feux, sans lui. Elle doit seulement se contenter de quelques mots, quelques regards, quelques conversations échangées, avant que chacun ne retrouve son mutisme. Ce matin encore, c’est sans elle qu’il s’est levé. Sans elle que la chambre il a quitté. La laissant, ici, toute seule, dans ce lit beaucoup trop glacial. Elle ne perd pas de temps pour se lever, la belle n’est pas du genre à flemmarder. Encore moins sans lui à ses côtés. Elle se prépare rapidement, s’habille chaudement. Et, enfin, elle quitte à son tour la pièce pour rejoindre le salon.

Il est là,
Si proche, mais si loin, à la fois.

Elle a les opales posées sur lui. Ce corps qu’elle n’ose plus réellement regarder, qu’elle ose encore moins toucher. Elle le contemple, de dos, observer le paysage qui s’offre sous ses yeux, juste avant qu’il ne sursaute quand la porte vient à se refermer. Il finit par se retourner, lui faire face, un faible sourire sur le visage. – Ce n’est rien, je ne dors pas beaucoup. dit-elle, sans savoir si c’est pour lui rappeler qu’elle n’a besoin que de quelques heures dans les bras de Morphée. Ou lui avouer que, sans lui, elle ne parvient pas à trouver le sommeil. Elle acquiesce d’un petit signe de tête devant sa remarque sur le café, mais elle ne bouge pas pourtant. Le regarde toujours autant. Il paraît fatigué, sûrement parce que sans un lit, c’est bien difficile de se reposer. – Nikolaï, tu n’es pas obligé de dormir par terre, tu sais. Il pourrait dormir à ses côtés. Dormir avec elle, parce que c’est ce qu’il est censé faire.

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Garder une distance avec elle, est la dernière chose à faire. C’est empirer une situation déjà beaucoup trop assombrie, c’est affaiblir un peu plus un lien déjà trop fragile. C’est comme un cercle vicieux dont ils n’arrivent pas à se défaire. C’est comme s’ils se retrouvaient dans deux mondes différents. Au même endroit, mais, pas en même temps. Une réalité qu’ils ne maîtrisent plus alors qu’ils continuent de s’éloigner. Alors qu’ils oublient comment s’aimer. Elle a le cœur lourd, Isabella. Le cœur encore plus chargé qu’à son habitude. Car il est celui qui l’allège, Nikolaï, celui qui l’apaise. Il sait adoucir ses tourments comme personne ne l’a jamais fait avant lui. Mais elle réalise aussi qu’il peut les intensifier, pour qu’ils l’envahissent, la submergent, sans qu’elle ne puisse plus s’en sortir. Sans qu’elle ne puisse plus s’en dépêtrer. C’est peut-être pour cette raison qu’elle a tant de mal à passer au-delà de tout ce qui s’est passé. Elle n’arrive pas à oublier, son cœur n’arrive pas à oublier. Ce n’est pas la rancune qui parle, c’est la souffrance qui prend possession d’elle. C’est le manque qui s’y ajoute et ne favorise encore que davantage sa détresse. C’est de s’endormir sans lui, c’est de se réveiller et de voir qu’il a disparu. Le vide laissé, elle ne perd pas de temps pour le retrouver. Tout le monde dort encore, dans la maison, il n’y a que lui en train de boire son café. L’air songeur, il paraît complètement ailleurs. Elle le pousse même à sursauter devant sa présence, avant qu’il ne lui présente ses excuses pour l’avoir réveillée. Mais ce n’est pas de le voir partir qui rend son sommeil si léger, c’est de sentir son absence tout au long de la nuit. Il ne dort pas beaucoup, lui non plus. Elle veut bien le croire, allongé à même le sol, au lieu de rejoindre sa petite-amie. Elle tente de lui faire comprendre que ce n’est pas là sa place, mais dans leur lit. Elle a presque la sensation qu’il ne supporte plus d’être loin d’elle… Mais sa réponse vient lui assurer le contraire. Il a peur d’être incapable de garder ses distances avec elle. Peur qu’elle le rejette. Peur qu’elle le repousse s’il en venait à s’approcher d’elle. Elle sent sa gorge se nouer, la Latina, alors qu’elle baisse les yeux sans savoir comment agir. Le trouble est venu l’envahir. La dérouter un peu plus alors qu’elle ne sait ce qu’elle est censée ressentir. Mais c’est la tristesse qui surplombe tout le reste. Un bref silence répond à ses paroles, avant qu’elle ne finisse par répondre. – Alors prends le lit, je peux dormir avec Peyton. Elle l’a fait tant de fois. Ce serait bien mieux plutôt que la culpabilité qu’elle ressent de le voir s’endormir sur le sol si froid. Mais le problème n’est pas là, elle le sait, Isa. Ils ne peuvent pas rester comme ça, dans cet état. Ils ne peuvent pas continuer à se faire du mal. Sur cette pensée, elle le remarque à peine s’éloigner pour aller lui servir un café. C’est quand il revient qu’elle l’attrape distraitement, la tête encore bien loin. – Merci... lance-t-elle, la voix faible, avant de relever la tête vers lui. Ses opales assombries viennent rencontrer les siennes, alors qu’elle essaie de savoir quoi lui dire. Savoir comment agir. – Tu veux sortir… ? Nous pouvons… aller faire un tour. propose-t-elle, comme un lointain signe de rédemption. Elle essaie de renouer ou, au moins, de lui parler. Qu’ils cessent de s’ignorer, qu’ils puisse au moins discuter.

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Peut-être qu’avec un autre, ce serait déjà terminé. Peut-être qu’avec un autre, elle aurait déjà tout arrêté. Elle ne peut pas se battre incessamment avec la personne qui partage sa vie. Elle se bat déjà suffisamment contre elle-même. Contre ce passé qui la hante, contre sa souffrance et tous ses tourments. Elle passe son temps à affronter tout ce mal-être qui la ronge, elle n’a pas besoin d’en supporter davantage. Elle n’a pas besoin d’être brisée davantage. Mais elle ne peut pas se résoudre à se séparer de Nikolaï. Elle a été tellement heureuse avec lui, peut-être qu’elle a encore l’espoir de le redevenir. Qu’ils redeviennent, tous les deux, ce qu’ils ont été. Ce qui les a poussés à autant s’aimer. Il y a cette lueur en elle qui espère, mais elle est de plus en plus faible. Plus faible encore quand elle comprend qu’il tient volontairement cette distance avec elle… Pour ne pas essuyer un rejet de sa part. Mais s’ils agissent tous les deux avec froideur, rien ne s’arrangera jamais. Peut-être qu’elles ne s’arrangeront jamais. Il lui a promis, plusieurs fois, de tout donner, tout réparer. Mais elle ne voit aucun changement, au contraire, la situation est de plus en plus intenable. Au point qu’il dorme par terre, sur le sol glacial. Au point qu’elle lui propose d’aller, elle, dormir auprès de sa sœur. Et elle ne se rend même pas compte qu’elle fait un pas de plus loin de lui. Il a quitté le lit conjugal, elle lui propose de quitter à son tour la chambre. Mais elle ne peut pas tolérer de le voir s’allonger chaque soir à même le sol, elle ne pourrait supporter cette image avec personne.

Et surtout pas avec lui.

Mais elle n’a pas vraiment le choix sur sa décision. Comme lui n’a pas l’air bien emballé par sa proposition. Elle le regarde partir, sans un mot, en essayant de trouver ceux qu’il faut. C’est pour essayer d’oublier cette tension dès le réveil qu’elle finit par lui suggérer d’aller se balader. Ils n’ont guère pris le temps de beaucoup en profiter. Pas ensemble, pas tous les deux, pas comme deux amoureux. Il accepte tout de suite son invitation, il semble même plutôt content. Elle hoche la tête devant ses paroles emplies d’attention. S’il savait combien cela lui manque, combien, lui, il lui manque. – Oui, ne t’inquiète pas. assure-t-elle tout en buvant une nouvelle gorgée de son café. Elle ne perd pas de temps pour le terminer. Et, après un rapide passage par la salle de bains, elle est prête à s’en aller. Elle enfile l’un de ses manteaux, puis le suit sans avoir aucune idée de comment ce moment va se dérouler. Au début, ils ne parlent pas beaucoup. Ils se contentent de marcher, l’un à côté de l’autre, sûrement chacun perdu dans ses songes. C’est, comme souvent, Nikolaï qui engage la conversation pour évoquer ce séjour en famille. Ce séjour agréable, mais auquel il manquerait une personne, pour qu’il soit complet… – C’est mon frère… dit-elle, dans un semblant d’explication. Il est comme ça, il apparaît, disparaît. C’est ainsi qu’il a toujours fait. Laissant son cœur se gonfler d’espoir, chaque fois qu’il revient, pour s’anéantir un peu plus chaque fois qu’il repart. Elle s’y est faite, elle l’a accepté. Ce n’en est pas moins douloureux mais elle ne peut rien y changer.

Il est heureux d’être avec toi,
Pourtant, il ne l’est pas,
Plus vraiment.

Sortant de ses pensées devant la petite déclaration de son petit-ami, cette fois, elle n’ose y répondre. Il ne la croirait pas, comme il ne l’a pas crue la dernière fois. – Oui, c’était une bonne idée. Tout semble bien se passer pour tout le monde. Elle pense notamment à la petite Arya, avec son père. Cela ne doit pas être évident pour elle, pour eux. Ils se retrouvent loin du chalet, dans les bois, elle essaie de bien observer les lieux pour éviter qu’ils n’aillent trop loin. Mais les paroles de Nikolaï viennent la sortir de ses préoccupations, pour d’autres, bien plus douloureuses. Son regarde ébène qu’elle pose sur lui, elle le contemple quelques instants. Elle voit qu’il souffre, lui aussi, de la situation. Peut-être qu’il ne supporte plus cet entre-deux, peut-être qu’ils devraient redéfinir leur relation. Mais elle ne sait même pas ce qu’elle est censée lui répondre. Ce n’est pas un plaisir, pour elle non plus, de vivre de cette façon. Elle voudrait, elle aussi, que tout redevienne comme avant. C’est peut-être impossible. Le silence en écho, elle continue d’avancer sans prononcer un mot. Elle ne veut pas se disputer avec lui, elle ne veut pas se battre contre lui. – Comment ils font, les autres ? Ils s’embrassent, et c’est terminé ? Elle demande, comme une recette dont elle ne détient pas la clé. Un bonheur auquel elle n’est pas habituée. Ses prunelles s’accrochent aux siennes. – Comment faisais-tu avec Claire ? Il a été marié avec elle durant des années. Peut-être que tout s’est mal terminé. Mais, pendant toutes ces années, ils ont dû tout de même vivre quelques disputes et se réconcilier. Elle voudrait bien comprendre, Isa, comment on peut aller au-delà de cette douleur. Comment on peut réparer un cœur.

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C’est la première fois qu’ils se retrouvent rien que tous les deux. La première fois, depuis qu’ils sont arrivés, qu’il ne sont que tous les deux. Les nuits ne comptent pas, ils les passent loin l’un de l’autre. Mais, ce matin, la jeune femme essaie de faire un pas vers l’élu de son cœur. Elle essaie de renouer avec lui, retrouver un semblant de complicité, ne serait-ce qu’une conversation comme elles viennent à manquer. C’est immédiatement qu’il accepte, Nikolaï. Comme s’il attendait qu’elle fasse ce premier pas, comme si c’était ce dont il avait envie. Elle en venait à en douter quand elle le voyait entretenir cette distance avec elle. C’est vrai, c’est elle qui l’a imposée. Mais elle a ses raisons, Isabella, elle a surtout besoin qu’il lui donne envie de faire le contraire. Pas qu’il reproduise la même chose qu’elle. Femme complexe aux besoins indéchiffrables, elle ne sait pas comment exprimer ses ressentis. Elle peut juste essayer de faire ce pas vers lui. C’est ainsi qu’ils commencent à s’aventurer dans les bois qui entourent le chalet. Elle a eu le temps de découvrir les lieux, avec Peyton, avec Arya, avec tout le monde en réalité. Tout le monde sauf lui. C’est presque étrange de se retrouver en tête à tête avec Nikolaï après tout ce temps passé à se fuir. Mais, par chance, il efface le silence qui s’installait, le silence qu’elle aurait certainement bien trop fait perdurer. Il lui parle de son frère, absent, comme souvent. Comme tout le temps. Elle n’a même pas pu le joindre sur son numéro, Isa. Elle a seulement laissé un message, sans réponse, sans surprise. Elle n’est guère étonnée par l’attitude de son petit frère. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle n’en est pas peinée, c’est tout l’inverse. Mais elle a appris à faire avec. Appris à faire sans, surtout. C’est ce qu’elle a toujours fait. Fait sans sa mère, fait sans un véritable père, fait sans stabilité financière. C’est peut-être pour cette raison qu’elle s’acclimate à cette distance avec l’homme qu’elle aime. Elle a toujours appris à tout encaisser, tout supporter.

Pourtant, tu n’y arrives pas avec lui,
Tu n’y arrives plus.

Le silence s’installe à nouveau entre les deux tourtereaux. Elle ne saurait comment l’effacer, mais c’est lui qui trouve les mots. Lui qui lui confie combien il souffre de la situation, combien il souffre de leur relation. Il ne veut pas la perdre, elle sent bien qu’il ne veut pas la perdre. Mais il ne fait rien pour l’empêcher, et elle, elle est incapable de se rapprocher. Elle ne sait pas comment y arriver. Elle finit même par lui demander, comment on fait.

Comment on fait quand la personne que l’on aime ne nous comprend plus,
Comment on fait quand elle nous échappe autant qu’on la fuit,
Comment on fait quand on n’est plus sûr de cet amour,
Comment on fait pour que ça dure ? Quand on ne fait rien pour que ça perdure ?

Et il y a le froid qui l’enlace. Le froid de ce climat hivernal, le froid de cette distance abyssale. Et il y a les mots qui font mal. Lui qui n’a pas de réponse, lui qui souffre comme elle, mais qui sort enfin du silence. Les prunelles aux couleurs ébènes s’ancrent dans les siennes, elle le regarde et l’observe.  Rien qui la rassure, visiblement rien non plus qui perdure. Mais il lui affirme que, contrairement à Claire, elle, il a peur de la perdre. Elle ne sait pas comment le prendre, Isabella. Elle ne sait pas si c’est la preuve qu’il tient terriblement à elle. Ou que leur relation ne tient presque plus sur cet équilibre précaire. Elle ne sait pas si c’est lui qui l’aime tant, ou elle qui est si peu rassurante. Elle prend une profonde inspiration avant de détourner son regard, le fixant droit devant eux, plutôt que sur lui. C’est trop dur de le regarder lui. Surtout quand il lui confie combien il a peur de mal faire, combien il a peur de définitivement la perdre. Elle aimerait le rassurer, lui dire qu’il ne la perdra pas. Mais elle n’en est même plus sûre, Isa. Plus sûre de rien. – Je suis désolée de te mettre dans cet état. dit-elle doucement, presque dans un murmure. Elle ne veut pas le blesser, c’est vrai. Mais elle voit bien qu’il souffre, elle voit bien qu’il est remué. – Je crois aussi que le temps n’aide pas. confie-t-elle en s’arrêtant subitement. Elle ne peut pas le nier, ce temps qu’ils passent loin l’un de l’autre, il est en train de les éloigner. Il est en train de les tuer. Et elle est de moins en moins certaine de le retrouver. – Si j’ai autant de mal à passer au-dessus de cette histoire, c’est… c’est parce que tu m’as tellement incitée à m’ouvrir à toi, Nikolaï. Je n’ai jamais fait une chose pareille, je… je ne me suis jamais autant livrée à personne d’autre. Même pas sa famille, même pas ses amis. Encore moins l’un des hommes qui a partagé sa vie. Elle lui a donné un bout de son âme pour réaliser que… lui n’a pas ressenti le besoin d’en faire de même avec elle. – Quand j’ai appris pour la maladie de Peyton, je te l’ai dit tout de suite. Alors que je n’en avais aucune envie, aucune envie d’en parler, de rendre… de rendre tout encore plus vrai. Elle se mordille la lèvre inférieure, comme pour empêcher toute l’émotion de sortir de son cœur. Mais, les opales brillantes, elle le contemple. – Je ne peux pas me donner autant à quelqu’un si je ne sens pas qu’il en fait de même, je… Tu comprends, je n’y arriverais pas si tu me tiens à l’écart.

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Se couper du monde autour, oublier tous ceux qui les entourent. C’est peut-être ce dont ils ont besoin, pour parler librement. Et, enfin, pouvoir se livrer sincèrement. Trop souvent, les conversations sont écourtées. Mises à mal par une arrivée inopinée, ou bien ce sont eux qui n’osent pas discuter véritablement en sachant qu’ils ne sont pas seuls. Elle n’est pas de ceux qui apprécient d’attirer l’attention sur eux, Isabella. L’idée même que quelqu’un puisse assister à l’une de leurs disputes, ou être témoin de la souffrance qu’ils ressentent, l’un comme l’autre, cela la met mal à l’aise. Non, elle n’est pas à son aise. Ce n’est pas non plus comme si la perspective de faire un premier pas vers Nikolaï lui était facile. Elle ne saurait comment engager une réelle conversation, sérieuse, à cœur ouvert, entre eux. Elle a seulement été capable de lui proposer cette sortie, en tête à tête, loin du chalet. Loin de tout, seulement tous les deux. C’est le jeune homme qui trouve le courage de confier un peu de tout ce qu’il peut éprouver. Il fait un nouveau pas vers elle, dans une déclaration informelle, mais qui la touche en plein cœur. Elle est chamboulée, touchée aussi, mais ses inquiétudes ne sont pas pour autant effacées. Sa douleur n’est pas pour autant oubliée. Elle s’en est juste acclimatée. Comme une mauvaise habitude dont elle ne saurait se passer. Chacun a sa dépendance, chacun a son addiction.

Peut-être que toi, c’est à la souffrance que tu es addict’,

Peut-être que tu ne vis qu’à travers cette douleur,
Peut-être que tu ne guériras jamais de cette noirceur,
C’est là, quelque part, dans ton cœur.

C’est comme si elle voulait se faire du mal. Comme si elle en avait besoin. Sensible, elle est surtout plus fragile qu’elle n’y paraît. En proie à ses émotions, elle devient vulnérable, à la merci de ce qu’elle peut éprouver. À la merci de la détresse qui peut la submerger. C’est ce qu’elle ressent, en ce moment, alors qu’elle est incapable de dépasser la douleur infligée depuis les confessions de Nikolaï. Elle essaie bien de lui expliquer, pour la première fois, elle choisit de se confier. Parce qu’il l’écoute, aussi, il la laisse parler. Il la laisse se livrer tout en acceptant, lui aussi, de se dévoiler. Les prunelles posées sur lui, la belle ne sait comment réagir, devant ses mots. Elle ne sait pas si c’est une bonne chose, que tout soit différent avec elle. C’était peut-être plus facile avec Claire. Ce serait peut-être plus facile avec une autre femme. Une qui n’est pas aussi écorchée, une qui n’est pas aussi abîmée. Il n’aurait pas peur de la casser chaque fois qu’il ouvre la bouche. Il n’aurait pas peur de la perdre chaque fois que sa langue fourche. – C’est peut-être plus difficile, avec moi. laisse-t-elle échapper en détournant le regard, déjà trop envahie par l’émotion.

Toi aussi, tu découvres l’amour avec lui,
Le vrai amour, le pur,
Celui qui peut sauver une vie,
Mais aussi la détruire.

C’est plus difficile encore de contenir ses réactions quand elle commence à exposer ses sentiments. Cette souffrance d’avoir été mise de côté, cette douleur de se sentir rejetée. Il essaie de lui dire qu’il comprend, il essaie aussi de lui dire combien il lui est reconnaissant. Mais ce n’est pas des remerciements qu’elle attend. Ce qu’elle voudrait, c’est qu’il réalise, combien c’est compliqué pour elle de lui dévoiler son âme comme elle le fait. Mais elle l’a quand même fait, un nombre incalculable de fois. – C’était la seule fois où tu pouvais réellement me montrer que tu partageais tout avec moi. déclare-t-elle dans un murmure, pour lui rappeler. Il n’est pas comme elle, Nikolaï. Il n’est pas plongé dans l’obscurité, il n’atteint jamais les ténèbres, sauf peut-être avec elle. S’il ne lui a pas parlé des soucis de sa sœur, c’est simplement qu’il n’en avait pas besoin. Qu’il n’avait pas besoin qu’elle affronte cette épreuve avec lui.

Qu’il n’avait pas besoin de toi,
pas besoin de toi.

C’est tellement douloureux, tellement tortueux, que les larmes commencent à remonter. Les sanglots qu’elle réprime, elle ne peut pas pour autant empêcher ses opales de briller. Les billes noires, posées sur lui, elle le contemple alors qu’il s’approche. Sa main dans la sienne, leurs doigts qui s’entremêlent. Et la douceur de ses lèvres contre elle, puis de sa main à elle contre son cœur. C’est le sien en proie aux émotions qu’elle écoute ses déclarations. Elles la touchent… ils la touchent. Ils l’atteignent, parce que c’est ce dont elle a tant douté, ce qui l’a tant effrayée. C’est surtout ce qui la fait souffrir depuis des jours, l’idée qu’il mette ce mur entre eux. Entre son âme et elle, son cœur et elle, sa vie et elle. – Je voudrais ne pas seulement savoir toutes ces choses, je veux les vivre avec toi. Je veux… que lorsqu’il t’arrive quelque chose, de bien ou de mal, tu ressentes tout de suite le besoin d’en parler avec moi. Je veux que tu aies besoin de connaître mon opinion, mon ressenti, qu’il t’importe presque autant que le tien. Elle sent lentement ce poids en elle se libérer, alors qu’elle vient à se confier. Elle vient, surtout, à se délivrer. – Je veux que tu t’en remettes à moi, autant que moi, je peux m’en remettre à toi. Et peut-être qu’elle ne l’a pas toujours montré, peut-être qu’elle  n’a pas toujours su le prouver. Mais, c’est vrai, elle a toujours eu besoin de l’avoir lui. Besoin de lui plus que de n’importe qui. – Je veux que tu aies besoin de moi.  Et elle le sait, c'est mal. Elle n'est pas comme ça. Elle a presque honte de l'avouer, ainsi, pas préparée elle-même à une tel aveu. C’est peut-être la chose la plus égoïste qu’elle n’ait jamais dite. C’est peut-être la première fois de sa vie qu’elle est égoïste. Mais, c’est vrai, elle a besoin qu’il ait besoin d’elle. Comme elle, elle a besoin de lui.