âme sœur égarée. (love)

Rien ne se transforme, parce que rien ne se crée de toute façons. Y a tes toiles trop blanches de leurs grains, toute la journée devant, toute la débauche dedans. Elles deviennent vite noires, puis rouges, restent souvent noir. Tu ne sers à rien, trop peur que dans un trait gris la courbe du sourire d'un fantôme vienne faire disjoncter ta tête. On se sort comment quelqu'un du système, de sous la peau ? Est-ce que c'est en y mettant quelqu'un d'autre, en faisant aussi mal à ce quelqu'un d'autre qu'on t'as fait mal à toi. Toutes ses questions belles et glauques qui restent en suspend devant la ville, perché dans ta tour. Celle encore empoisonnée par ses souvenirs qu'il est venu planter de force. Juste comme un dernier coup de balle avant de finalement t'achever d'un absence prolongée, probablement d'un non-retour. Juste ce qu'il faut pour te faire espérer, te laisser crever, dépérir.

Parce que la nuit, tous les chats sont pas gris. Toi t'es un sale matou avec ses pensées bien, bien noires. Celles qui flottent trop près du vide sur le bord de ton balcon au quarante-cinquième étage. Y a ta coke qui te fait de l'oeil et toi qui y résistes. Bon okay, t'en met un petit sachet dans ta poche au cas où, avant de filer hors de l'immeuble, toi et ta sale gueule. Tu finis par atterrir dans un bar, cette fatalité. Par boire, puis foutre le camp fumer dehors, puis encore boire et retourner te cramer les poumons, parce que tu vas probablement mourir jeune et que c'est pas grave. Même si en fait, t'es plus encore tout jeune. De moins en moins.

Après avoir été bien t'enfumer les entrailles, tu te reposes sur le coin du bar, le corps las, la tête légère, l'envie de milles conneries la poche au petit sachet blanc qui te démange, comme d'hab. Isa serait pas fière, Chris non plus. Tout est de la faute de Vivian et c'est maintenant, ta véritable carence. Y a des gens qui dansent, qui sont joyeux, c'est pas trop ton cas, pas envie de te déhancher, pas envie d'habiter ton propre corps plus qu'il ne le faut. Tu donnerais beaucoup pour juste être dans un lit, à planer, avec Bel, ce serait bien. Il te fait un peu oublier le reste du monde, lui. Te fais oublier que t'es pas normal.

Y a une gamine aux jambes légères qui bascule gracieusement jusqu'au comptoir, qui te remarque. Sûrement les tatouages, les jeunes trouvent ça cool et toi, t'en a à revendre du tatouage. Surtout comment les tiens on rien de beaux, n'ont rien à voir avec ses petits fuckboi qui se font tous tatoué les mêmes trucs pour avoir l'air cool, finissent par tous se ressembler. Parce que t'achèves de boire ton verre à toi, elle te demande si t'en veux un autre et tu lui adresses un sourire en coin tout en relevant tes yeux azur vers elle. « Avec plaisir, à moins que t'ai mieux à offrir ? » Que tu souffles un peu charmeur, un peu trop pervers, peut-être, c'est pas grave, toi, t'as de quoi mieux offrir, si jamais, de quoi te rattraper. Au pire elle sera dégoutée, elle fuira, ce serait pas la première. Vous ne serez qu'une anecdote dans la vie, l'un de l'autre. Même si à la fin, on est toujours une petite ou une grande histoire dans la vie d'autres. Tu la détaillais un peu, curieux de savoir, de voir si elle ne deviendrait pas importante dans ta vie, parce qu'on ne sait jamais. Parce qu'ils étaient où ses amis ? Est-ce qu'elle était aussi perdue que toi, est-ce qu'elle ne voulait pas se perdre encore plus creux, avec toi ?

Tu te forces à la regarder véritablement, à fondre tes yeux dans son propre firmament, à chercher la couleur de son âme dans le désœuvrement de ses prunelles. Relève le dos, quittes à faire basculer les petits démons qui se sont fait un château dans ta peau. De ses regards harpons auxquels aucuns échapperons. Quelque chose d'ésotérique, d'hystérique dans les souffles qui se coupent, dans les essences qui s'enlacent, se fusionnent, quitte à devenir brouillonne. C'est probablement que la deuxième fois que tu ressens ça, et encore là, tu gères pas. Comme une promesse secrète, même pour toi ; tant que je serais là, ne t'inquiètes pas. ton âme ne sera plus jamais veuve, plus jamais seule dans les épreuves. L'envie d'y croire, l'envie d'y boire, de t'y noyer, de l'enfermée, de la garder, de te désensevelir, peut-être même de recommencer à vivre. Tu te sens étrangement à l'abri au fond de ses iris, l'envie de la boire comme remède, l'envie de la prendre comme thérapie. Mieux que tout ce que pourrait vous servir la barmaid. Peut-être qu'un délire de ton esprit engourdi, une transe qui ne demande qu'à ce qu'on s'épanche sous les draps, une psycho qui ne demande qu'à ce qu'on y enfonce les doigts. Un sourire nouveau au bout du museau, de quoi te rendre un peu plus beau, un peu plus nigaud.

« Non... » Que tu souffles doucement, désormais libéré de tes tourments. Ceux que tu noies davantage d'un ricanement et du mouvement de l'alcool qui coule lentement dans ton œsophage comme un chatouillement, trop rapidement pour ne pas t'y casser les dents. Le cocktail, presque d'une gorgée avalé avant de lui susurrer. « C'est une bonne idée ! Viens, on va danser ! » Et avant qu'elle ne puisse protester, sa main, tu l'as dérobée, pour la faire tournoyer, pour la reprocher, l'accrocher et l'entrainer au loin sur la piste où la fouille vous engloutit pour mieux vous asphyxier. Déjà abrutis par l'appétit qui flotte au-dessus des corps tellement alanguis qu'ils en sont presque morts. Nouvelle manie dans le ralenti de ses hanches où tes mains franchisent déjà les interdits pour se faire incendies. Tes pattes ses nouvelles amies de la nuit, contre la mélodie aux notes aiguës d'une tragédie. De ses exultations et agitations qui ne piègent que les cons. Qui vous enferment dans un cocon qui déjà goûte trop bon. Des envies sans noms de faire se retrouver vos fronts, un emportement, une passion, un désordre miséricorde de ta vie qui soudainement prend une autre direction. Exaltation plus forte que la raison. Envie de danser jusqu'à plus penser à cette cocaïne dont t'as envie de te poudrer le nez pour tout oublier.