danse salvatrice, nunzia

Au-dessus des toits et parmi les étoiles, c’est ainsi qu’elle lui était apparue. N u n z i a. Cette perle légère dorlotée dans le luxe doré, aux teintes sévères du pâle, de l’immaculé envoûtant. Elle avait, tout autour de lui, rendu l’atmosphère fragile, menaçant la naphte du ciel d’une secousse qui le ferait céder aux baisers de la lumière. De ses mots, était venue briser le halo de fumée qu’il perdait entre ses lèvres pour se perdre un peu lui-même. En voulant échapper aux braises de la nuit, des brins d’or s’était approchés pour pourfendre l’accalmie rêvée et bercer l’éphèbe de leur éclat lunaire. La promesse de se tenir loin de ses tourments, l’irrépressible désir de s’en absoudre et l’étalage de mensonges pour nourrir une conversation qui n’aurait dû advenir tant leurs desseins respectifs les séparaient. En d’autres circonstances sans doute, il aurait nargué cette rose virginale, frapper sa candeur d’un rire sardonique, balancer cette invitation dans la poubelle de son âme. Au lieu de quoi, il avait exulté quelques répliques en papier-mâché à ses mots à elle, bien largement sculptés par l’éducation. Et si en aucun instant il n’avait songé à honorer la douce, il était pourtant, une fois de plus, plongé là dans l’ombre, à l’orée d’un troupeau dont il exècre les traditions. Et il y a la scène où l’oiseau de soie s’élance d’allégresse, majestueuse poupée de ses illusions décharnées. Enfant enchanteresse à l’épiderme qui se confond dans le voile blanc de ses élans, tissus fébriles qu’il crève d’envie de lui arracher. La Vierge, nue, serait-elle encore aussi belle à ses yeux carnassiers? Pensées scabreuses qui s’évaporent car la grâce dont elle se pare n’a de lubrique que les fourmillements qui font bouillir ses idées noires. Le cortège d’arriérés qui jadis avait fouetté son amertume et son mépris semblait s’être évanoui, rendu invisible aux charmes extatiques de l’enfant qui terminait de se mouvoir sur son terrain de bois. C’est à son tour à elle de disparaître dans des confins lointains, contrés dans lesquelles Côme ne s’aventurera pas. Cette satiété qui l’avait conduit jusque-là avait disparu, et avec elle, le gamin devait disparaître également. Finie la tendresse des remous graciles qui s’étaient échafaudés sous ses opales. Finis les leurres d’avoir quelque chose à partager avec ce suppôt de vertus. Cependant, alors qu’il traverse le grand corridor du théâtre, capté par le gèle extérieur, il y a ce timbre qui se soulève, interpelle le fugitif. Il se retourne, suffisamment poli pour accepter ce nouvel échange, les mains enfoncés dans ses poches, bâtons mortels et inanimés entre ses lippes.

@Nunzia Baratteri danse salvatrice, nunzia 3227196488

La main s’élève, fendant l’air avec une délicatesse infinie, répandant son innocence dans l’air comme un lancer de confettis. Elle a le rôle titre ce soir, l’italienne, dans cette petite pièce chorégraphiée par les professeurs. Spectacle en deux actes écrit selon les codes du ballet classique, parlant d’amour toujours, à la fois tragique et romantique. Un poème adapté en pas de pointes. Une héroïne naïve et vierge qu’elle incarne à la perfection. Elle sait en jouer désormais Nunzia, plus si innocente, néanmoins toujours aussi pure. La fleur des champs n’a eu qu’à se remettre dans la peau de celle qu’elle était encore il y a peu et qui n’a que peu changé depuis d’ailleurs, si ce n’est cet attrait soudain pour l’amour et cette once de mélancolie qui s’accordent parfaitement avec le personnage. Elle a la grâce, le pied léger et quand elle se meut, tout parait si facile. Derrière tout cela, il y a un travail acharné et de dédication, il fallait convaincre aussi pour obtenir ce rôle, mais elle a su montrer ce dont elle était capable, maintenant que sa conscience s’éveille au monde. Elle, se révèle. Dans toute sa douceur. Pourtant le corps fatigue, elle ne fait pas assez attention Nunzia.

Jeune campagnarde qui tombe amoureuse du mauvais bougre, un brigand qui se faisait passer pour un noble, il vole son coeur et la trahit. La candeur sur pointe finit le cœur meurtri, emportée par la folie, sa crédulité incapable de survivre à l’imposture. Le second acte s'enveloppe d'ombres, l’âme vengeresse, être sépulcral, le hante jusqu’à le faire sombrer lui aussi. Il s'achève dans l’au-delà, dans le pardon et l’amour retrouvé. Elle a été parfaite Nunzia dans ce premier acte, puis elle a été majestueuse dans ce second. Envoûtante de mélancolie et de tristesse. S’envolant avec une dextérité merveilleuse dans les bras de son partenaire. Ensemble et avec le reste du corps de ballet de l’école, ils ont emporté leur public dans un tableau digne d’un songe, paré de chimères, mystérieux. Nunzia est euphorique lorsque les applaudissements retentissent, cadeaux et bouquets rejoignent sa loge comme si elle était déjà étoile et derrière l’espoir de retrouver le rôle titre pour la dernière représentation. Elle redescend à peine en retrouvant sa propre peau et en quittant sa loge, même si elle n’est déjà plus personne, quand bien même on ne parle que d’elle, elle passe inaperçu dans les corridors, douceur au visage inconnu.

Peu lui importe, car ce qu’elle scrute c’est la silhouette de celui qu’elle a invité. Ce menteur qu’elle ne saurait révélé, même sous la lueur des étoiles. Juste un homme croisé au hasard, sans savoir, sans jamais se méfier et sa crédulité pour seul rempart.

- Côme !

Elle l’interpelle, le rejoint avec ce sourire si passionné, la tête encore un peu sur scène, l’allégresse dans le cœur.

- Tou es venu ! Tou as aimé ?

Elle a toujours son joli accent, nettement moins marqué cependant les mois passant.

- Je meurs dé faim, tu veux aller mangier quelque part ?

@Côme Bennett

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