back to black.

Leone.
Sa lionne.
A terre le temps de cet après-midi d’hiver, entourée d’cartons poussiéreux qui transportent une montagne d’souvenirs douloureux. Cami compatit, elle a comme l’envie d’briser ce silence de mort qui la fout en vrac. Elle sait plus trop d’quoi elle-même est faite. D’bric et d’broc montés sur des pieds taille 36.
Elle aide à ranger, s’perd dans le passé.
Son doigt érafle les moutons blancs qui s’envolent dans l’rayon de soleil de la fenêtre. Elle voit les trombines heureuses, l’tableau parfait d’une famille à ce jour brisé. Il n’est plus. Plus d’ce monde pourri ramolli par les pêchés de ses habitants. C’est si lourd tes cartons, fallait me prévenir si fallait être bodybuilder pour participer à c’truc. Elle est pas vraiment douée pour les discours Cami, elle préfère l’ouvrir pour laisser filer son cynisme arrosé au sarcasme. Elle préfère continuer d’être elle plutôt qu’la crever de cet apitoiement surfait qu’elle a trop entendu. Leone elle mérite pas qu’on soit fait d’bonté avec elle. Elle mérite seulement ce foutu bonheur qui toque aux portes loin de chez elle. La gosse se pointe et pose son cul sur le bureau anguleux qui lui fait face. Leo. Elle cherche son regard sans vraiment savoir comment l’trouver, elle impose juste le silence avant de la dévisager. Raconte moi des souvenirs avec lui, t’vas pas me faire subir ce silence tout le long non? T’sais très bien que je peux pas me la fermer en plus, j’ai b’soin de m’exprimer. Elle a l’sourire mutin flanqué sur sa gueule angélique, elle a envie de lui tirer un rictus comme on tire l’numéro gagnant du loto. Son index frappe le bureau avec douceur, elle voudrait pas briser le peu qui reste de sa vie fracassé.
Le temps est figé, les murs sont infiltrés de cet amour endeuillé.

J’ai pas de fans.
Pas ceux qu’elle souhaiterait. Y’a bien que celui aux cheveux blonds et aux yeux bleuâtres qu’elle voudrait enfermer dans ses bras. Elle la regarde faire comme si c’était son spectacle, Leone déplace avec douceur les souvenirs métalliques. Elle fait ses pointes sans le vouloir, elle danse entre tous les cartons avec une agilité d’experte. La plume à côté du plomb. La dextérité d’une reine affaiblie par la fortune. La ballerine est décontenancée, dépossédée de cette vie d’antan où un paternel régnait sur une maison. Mais Cami elle aime les histoires des autres, à besoin de demander ces tableaux différents qui forment famille. Elle s’raconte des histoires à elle-même quand l’obscurité de la nuit s’pose à ses carreaux de verre et qu’les étoiles illuminent sa vie rêvée.
Il avait l’air sympa. Il te fait encore sourire d’ailleurs. Même si t’es un poil chiante dans ta déprime, je suis sûre qu’il te surveille encore. Elle sourit avec elle, la gosse a l’sourire plus grand que le monde. Elle communique son empathie à moitié, aime s’cacher derrière le sarcasme. Elle envie à sa façon, s’demande ce que c’est un bonheur familial. La question la taraude, elle y réfléchit peut-être un peu trop longtemps avoir d’avoir un rire glacé. Ils sont tous tarés. Moi la première. Elle sait qu’elle s’incarne comme l’élément perturbateur, le protons qui galopent dans le système sans accroche. Elle sait qu’elle est un problème mais n’peut s’empêcher de l’être. C’est addictif, d’être mauvais.
La môme se met à marcher doucement, elle veut pas croiser son regard. Veut pas qu’elle décèle que ça lui fait mal, au fond d’son coeur fait de ronces. T’sais Leone, t’es mieux là où t’es que dans ma famille de dégénérés. Sauf si tu veux te taper la vie de débauche qu’on a tous à notre façon. On s’ennuie pas, mais on s’fait pas tous du bien. elle inflige le mal aux autres, elle le sait cami, qu’elle a sa bonne conscience engourdie. Et ton frère là-dedans, qu’est-ce qu’il devient ?

C’est une évidence qu’elle est complètement timbrée.
Y’a un truc qui tourne pas rond chez elle, un bug dans tout l’système informatique. La faille est grande, l’crash énorme qui n’a pas de fond. Il troue son être jusqu’au centre de la terre, à l’épicentre du malware neurologique. C’est une certitude que la môme est déphasée par la fureur de sa haine et la douceur de ses mensonges, shootée à son alcoolisme maladivement addictif et entièrement salvateur à ses yeux.
Elle s’force à sourire, un rire gras qui sort de sa bouche. Cami est presque hilare, son monde entier n’est qu’une vaste comédie dont le protagoniste principal mérite uniquement d’finir seul comme un chien errant. T’es pas objective Leone. Moi j’me trouve tarée. Des tas de gens me trouve tarée. Mais… j’vis bien avec, on s’emmerde moins. Elle s’plait à rire de son malheur, admettra jamais qu’elle en crève d’être ravagée par la dureté de la carapace. J’ferais un tas de choses autrement, à commencer par arrêter de fréquenter les mauvaises personnes.Cependant, j’crois que dans une réalité alternative où je côtoie que des gens biens, c’est moi qui les fous en l’air et les fait devenir horribles. La raillerie n’est que trop honnête. Cami, le poison depuis sa naissance. Elle n’entraine que le noir autour d’elle, l’envie d’se flinguer pour gouter au danger. La gosse est folle. Folle de n’être que trop peu dans cet univers. Le business familial… Pensive, l’grand empire Love qui n’attend que repreneur. Elle s’réjouissait au fond, qu’il soit là. Parce qu’elle pouvait garder Leone que pour elle, dans c’queens pourri jusqu’à chaque ruelle.  Et il devrait avoir peur de quoi ? Il y a des choses dont je suis pas au courant ? Elle peut pas s’en empêcher Cami, y’a cette pointe de frayeur qui lui tambourine le crane, elle veut s’assurer que sa moitié se sente bien.
Elle s’approche à pas de loup, le regard planté dans le sien. Tu sais que tu peux pas me mentir à moi? Incisive, coriace. La hyène ne lâche jamais sa proie.

La folie crépite en elle comme une sensation incessante et inlassable. Elle crépite si fort qu’elle tiraille avec vengeance let prolifération le cerveau embrumé de la sale gosse. Elle débloque quand on la pique Cami, acerbe et féroce dès que sa peau est entaillée par les mots trop honnêtes de ceux qui ont le risible déshonneur d’être assujetti à sa liste noire. Elle le sait qu’elle est flinguée, qu’le monde entier n’peut plus sauver sa perdition programmée.
Foutue. J’crois pas Leone. J’crois qu’on a tous une influence les uns sur les autres et qu’on contribue à la déchéance ou à l’élévation de quelqu’un.
Foutue dans cette noirceur effrayante et inéluctable. Cette éclipse interminable qui n’produit aliénation et violence. Cami elle a la carapace si dure qu’elle se souvient même plus ce qu’il y a dedans, les souvenirs effacés de cette lumière jadis qui l’allumait. Il lu reste les fragments quand elle se sent aimée, entre ses bras ou sous les lèvres de son bourreau sentimental. Assise aussi sur cette table avec l’humain qui continue d’croire en l’humanité. Le rictus s’affiche, l’alcoolique annoncée fouille dans les tréfonds de ses sentiments. Ceux présents. Ceux qui font du mal. J’en sais rien. Tout ceux que j’aimerais rayer, je les aimais avant alors… Ce s’rait une connerie. J’pourrais pas rayer Lali, cette pétasse me manquerait trop même si je passe mon temps à lui pourrir la vie. J’pourrais pas rayer…  son verbe se décroche, le silence est érigé. Trop dire ou pas assez. La fuyarde préfère la facilité, la route parsemée de mensonges et d’étoiles obscures. … Un type qui me les brise royalement, mais qui me manquerait aussi.  Cami regarde son étoile s’approcher d’elle, se faire élégante et gracieuse dans sa vie délabrée par la vulgarité. Tu me le dirais si t’étais sur le point de vriller ? T’es bien une des seules qui compte alors j’aimerais le savoir si t’es prête à imploser. les opales s’accrochent avec timidité, elle n’sait pas à quo ressemblerait le tableau rafistolé de sa vie si elle n’était pas là. Elle pose ses mains sur ses épaules, les billes dilatées d’honnêteté. Personne en ce moment est sur le point de te faire vriller, hein ? Parce que moi aussi je peux m’en occuper. Qu’elle lâche dans un murmure, certaine de ses ambitions.