« Dégager, c’est renoncer », elle est là. Si près, que le gamin ne sait plus comment s’en éloigner, évincer ce spectre qui retient ses azurs aux instincts funestes. Il y a en elle de mauvais djinns, qui ne veillent à rien d’autres que la perdition de cette enfant où ils ont gagné pénates. Elle résiste dans ses propres tranchées, à la violence, au blasphème qu’il siffle entre ses lèvres, sur cette main qu’il soumet à la distance. Elle résiste, acharnée des complaisances. « Laisse-moi comprendre », il la voit, enfin. À la lumière de sa plus hirsute colère, il la discerne. Kaja s’est éloignée des montages qu’elle a érigées, derrière lesquelles elle s’est savamment nichée jusqu’alors. Il a envie de comprendre pourquoi la môme s’obstine alors qu’une à une, il arrache ses épines. Qu’une à une, il les jette dans les flammes de son amertume. Dans ses yeux, il cherche une trêve, l’accalmie. Mais cet état de pesanteur du coeur lui semble être perdu à tout jamais. La souffrance est vive, comme un acide qui s’écoule à l’intérieur de lui-même. L’italien tiraillé, meurt de la voir souffrir au silence entre ses doigts, meurt pourtant de la voir s’échapper pour que ses sévices ne l’atteignent jamais. Il a clôturé ses océans entre ses paupières, cet accent qui trouve échos à l’intérieur de sa cervelle, la voix de la douce qui tourne incessamment. Elio cherche un souffle pour contenir cette déferlante dangereuse, à deux doigts de l’atteindre comme il en a atteint d’autres avant elle. La poitrine se soulève à plusieurs reprises pendant une longue minute où les protagonistes ont été abandonnés au silence. « De quoi as-tu peur? Il découvre ses rétines. Je n’ai pas peur Kaja, les choses doivent être ainsi, il articule encore livide de cette haine qui s’achève. Il n’y a rien à dire de plus, tu te trompes si tu penses que c’est dans les bonnes actions que le monde trouvera la paix. Les opprimés le resteront du moment qu’on continuera à croire que ce n’est pas par le mal que l’on répare le mal ». Elle avait raison, c’était trop grand même pour lui, mais il n’avait guère envie de l’entendre énumérer les risques, aller à l’encontre de sa providence largement pensée. Il lui avait montré pour qu’elle sache qu’il y avait des choses plus vastes que le monde, et que ces mêmes choses pouvaient l’avaler, pour qu’il disparaisse dans l’infini chaos qu’il avait créé. « C’est cette lutte qui donne sens à ma vie, et je n’te demande pas d’y adhérer Kaja. Les yeux qui fuient ce regard trop éloquent, tombent sur ce bras empourpré de ses élans. Lentement, il s’en saisit, se confronte à la violence des derniers instants. Je suis désolée pour tout ça, je n’voulais pas te blesser. »