Tout part en vrille. Elle, Cassey, elle part en vrille. L’impression que chaque seconde, elle s’enfonce davantage dans ce gouffre sans fin. Les abysses d’un désespoir qu’elle ne contrôle en rien. Elle est submergée par les émotions, par les doutes, par les peurs aussi. Comme si elle ne maîtrisait plus rien au sein de sa propre vie. Elle ne sait plus où elle en est, elle ne sait plus qui elle est. C’est plus difficile encore de savoir ce qu’elle peut bien attendre, de lui, d’eux, de toute cette relation. Mais, quand elle le voit s’éloigner, déjà prêt à s’en aller, elle se rend bien compte que ce n’est pas ce qu’elle veut. Elle a le cœur qui tambourine dans sa poitrine, l’impression de ne plus être rattachée qu’à un fil. Elle redoute, plus que tout, de le perdre pour de bon. Et c’est injuste, tu le sais. Tu lui en fais voir de toutes les couleurs. Il subit tout au gré de tes humeurs. Il ne bronche pas, Owen, il ne lui demande rien, si ce n’est d’être là.
Et même cela, tu lui refuses.
Dans une dernière supplique, elle l’appelle. Murmure à peine audible, écho d’un cri du cœur. Elle ne veut pas que tout s’arrête, elle ne veut pas qu’il s’en aille. Pas comme ça. Elle ne le voit pas simplement comme un ami. Elle le voit comme tout sauf un ami. Elle aurait eu bien plus de facilités à tenir éloigner un ami. Elle n’aurait pas si mal de le voir partir s’il était un ami. Non, il n’est pas ton ami, Owen. Mais, alors, qu’est-ce qu’il est ? Est-ce que tu le sais, au moins ? Au fond d’elle, la jeune femme en a une vague idée. Il est son premier amour, celui qui l’a rendue plus heureuse que n’importe qui. Mais celui, aussi, qui l’a fait souffrir plus que n’importe qui. Il est cet homme qu’elle est incapable d’oublier, même après des années, celui qu’elle a envie de garder à ses côtés. Elle n’en est juste… pas capable. Pas capable de lui donner cette place, pas capable de lui donner cette confiance. Il a tout fait pour elle depuis son retour, elle le sait. Elle en a parfaitement conscience. Il a fait bien plus qu’il ne devait le faire, pour elle, mais cela ne peut pas lui ôter les blessures jamais totalement cicatrisées. Peut-être que rien n’y arrivera jamais. Elle ne sait pas, elle ne sait plus.
La seule chose dont t’as conscience, C’est que t’as besoin de sa présence.
Elle se sent soulagée quand il se tourne vers elle. Comme incapable de s’éloigner, face à elle, comme envoûté par la sirène. Peut-être que c’est mal, ce qu’elle fait. Peut-être qu’elle devrait le laisser s’en aller. Lui laisser sa liberté. Il lui avoue des sentiments, il lui offre tout cet amour qu’elle ne saurait comment lui renvoyer. Il mérite quelqu’un capable de lui rendre en retour autant que ce qu’il peut donner. Mais pas toi. Toi, t’en es pas capable. Toi, tu les émerveilles, tu les éclaires de ta lumière. Mais, à trop t’approcher, ils finissent par se brûler les ailes. Comme il est en train de le faire. Comme Toby l’a fait avant lui. Elle ne sait pas ce qui cloche avec elle, Cassey. Elle se tourne vers les pires histoires et quand, par chance, elle tombe sur un homme sincère… c’est elle qui fout tout en l’air.
Incapable d’aimer, C’est peut-être ta destinée.
Il lui demande ce qu’elle veut. Elle n’a aucune idée de ce qu’elle veut. Mais pas ça… Pas qu’il s’en aille. Sans un mot, elle passe fébrilement la main dans ses cheveux, alors qu’il lui lâche un peu plus ce qu’il a sur le cœur. Elle déglutit difficilement alors qu’elle peine à soutenir son regard. Ce regard perdu, déboussolé, mais surtout empli de souffrance. Une souffrance qu’il éprouve à cause d’elle. – Je sais… Je suis désolée... Une première larme coule sur sa joue mais elle n’arrête pas, elle poursuit, la voix juste un peu plus tremblante. – Tu n’es pas un ami pour moi non plus ! Tu le sais... En tout cas, il savait, avant qu’elle ne se perde dans ses explications. Avant que tout ne devienne si confus dans son esprit. – Mais j’y arrive pas… Tu comprends, c’est… C’est noir, à l’intérieur de moi. Constat douloureux, peut-être erroné, mais empreint de sincérité. C’est vraiment ce qu’elle ressent, à l’intérieur d’elle, en elle. Ce trou noir qui ne fait que l’attirer un peu plus dans ses abysses.
Il leur a refusé ce bonheur il y a vingt ans. Alors qu’elle y croyait de toutes ses forces, alors qu’elle aurait donné toute sa vie pour lui, il l’en a empêchée. Il l’a écartée, abandonnée, laissée tomber. Il avait peut-être toutes les bonnes intentions du monde, il n’empêche qu’il l’a brisée. Cassey, du haut de ses seize ans, elle a senti tout son cœur éclater en milliers de morceaux éparpillés. Elle a pu en ramasser quelques uns, au fil du temps, au fil des années. Mais il y a toujours des bouts qui viennent à manquer. Elle a perdu la confiance, elle a perdu l’espoir. Elle a perdu, l’idée en elle, qu’elle pouvait être heureuse au bras d’un homme. Toutes les relations qu’elle a connues après lui n’ont fait que corroborer en elle cette pensée. Ou peut-être que c’est elle, sans le vouloir, sans le savoir, qui en a fait une fatalité. C’est peut-être elle qui n’a pas été capable de rebondir, elle qui s’est contentée de ces histoires sans avenir. Elle ne sait pas, Cassey, tout ce dont elle a conscience, c’est qu’elle est devenue incapable d’y croire. Il y a vingt ans, c’est lui qui les a empêchés de vivre cet amour, aujourd’hui c’est elle qui gâche tout. Trop marquée par son passé, leur passé, elle ne sait même pas si elle arrivera de nouveau à y croire un jour. Mais elle n’arrive pas à lui dire, elle n’arrive pas à se confier à lui. Elle le sait, au fond d’elle, qu’il y a toutes ces choses qu’elle a enfouies trop profondément en elle. Ce serait trop difficile d’en parler, encore plus à lui. Elle se sentirait encore plus vulnérable qu’elle ne l’a jamais été. Bien plus que lorsque c’est sa colère contre lui qu’elle a laissé éclater. Pourtant, même Owen s’en rend compte. Elle ne lui dit rien. Elle renferme tout pour elle au lieu de se confier à lui. Comment le pourrait-elle, il ne veut pas être son confident, il ne veut pas être son ami. Il est trop impliqué, il est le principal concerné. Ce n’est pas à lui qu’elle devrait en parler. Ou, en tout cas, elle ne peut pas lui en parler. Incapable de dire un mot, une nouvelle fois, elle se plonge dans ce silence devant ses cris. Seules ses larmes laissent entrevoir une partie de ce qu’elle peut ressentir. Les larmes qui, tout doucement, le font revenir. Il se rapproche d’elle, silencieux, pour la prendre dans ses bras. Et c’est un soulagement qui l’envahit, Cassey. Le besoin de le retrouver qui la submerge. Elle l’enlace à son tour instinctivement alors qu’il essaie de tempérer ses larmes. Peu à peu , elle se calme avant qu’il ne la pousse finalement à relever sa tête vers lui. Ses deux océans qui se noient à nouveau dans les siens, elle l’écoute, un peu soulagée, un peu fatiguée aussi. Plus autant la force de lutter ces temps-ci. – Merci... murmure-t-elle suite à ses promesses. Celle de l’aider mais, aussi, celle de la laisser en paix. La laisser venir à son rythme. Elle imagine sans mal combien ce doit être difficile pour lui, lui qui a le besoin si excessif de la protéger. – J’irais… J’irais faire ma déposition. Mais pas aujourd’hui. Et, cette fois, elle ne remet pas simplement le moment à plus tard. Elle s’en sent juste incapable. Trop d’émotions déjà ont eu raison d’elle. – Je suis désolée, je t’en fais voir de toutes les couleurs…
Elle sait combien ce doit être difficile. Combien il doit souffrir, de lui avouer des sentiments, sans qu’elle ne lui donne quoi que ce soit en retour. Sans savoir, même, si elle le fera un jour. Elle n’est pas prête à imaginer un avenir avec lui, vraiment pas. Elle a beaucoup trop de mal, encore, à croire qu’il ne disparaîtra pas du jour au lendemain, pour ne serait-ce qu’y songer. Sans parler du fait qu’elle ignore, au fond, ce qu’elle ressent exactement pour lui. Elle est attachée à lui, c’est une réalité. Il y a les effluves du passé qui sont bien là chaque fois qu’il est à ses côtés. Mais, parler d’amour, elle n’en est pas capable. Elle sait juste qu’il a ce truc qui le rend irrésistible, ce truc qui l’attire à chaque fois. Et peut-être qu’elle ne devrait pas, peut-être qu’elle devrait le libérer d’elle. Le laisser retrouver sa vie au lieu de le garder auprès d’elle. Non seulement elle ne sait pas ce qu’elle veut mais, en plus, elle est égoïste. Seulement elle n’a pas envie de le perdre, pas une seconde fois. Le soulagement qu’elle ressent quand il vient la prendre dans ses bras peut en témoigner. Les paupières fermées, elle laisse cet instant de sérénité, le premier depuis longtemps, venir l’apaiser. Elle se recule, un peu plus sereine, plus calme, plus fatiguée aussi. Elle se sent un peu lessivée, comme si toutes ces émotions, c’était trop pour elle. Ce qui n’est pas fréquent, pour une femme constamment en proie aux émotions les plus extrêmes, une femme qui a toujours ressenti tout de manière démultipliée. Mais elle se sent plus affaiblie après la conversation qu’ils ont eue. Si elle n’a sans doute pas réagi comme il l’aurait espéré à sa déclaration, elle n’en est pas moins touchée. Elle est même chamboulée par tout ce qui vient de se passer. – Je le ferai... promet-elle, malgré une voix mal assurée. Elle ne veut pas y penser, pas maintenant. Elle a juste besoin de retrouver son calme. Devant ses excuses, il ne réagit pas, Owen. Un silence qui ne fait que confirmer qu’elle lui fait vivre l’enfer. La gorge serrée, elle l’entend alors briser le silence pour lui dire qu’elle pourrait se faire pardonner. Elle le contemple, sans un mot, pas sûre de comprendre. Mais voilà qu’il veut l’emmener faire… de la boxe. – Owen ! s’exclame-t-elle, comme dépitée. Il vient de lui promettre qu’il ne lui forcera pas la main. – Tu crois vraiment que j’ai envie d’aller taper sur un sac, là ? Ou même que j’en aurais un jour envie ? Il l’a bien regardée, sérieusement ? Elle attrape le café qu’il lui a préparé avant de s’éloigner en direction du salon. Elle s’assoit sur le canapé pour le boire tranquillement. C’est par là qu’elle aurait dû commencer. La belle finit par relever les yeux vers lui. – Je ne me souviens pas que tu étais si autoritaire. Honnêtement, non, elle n’en a pas le souvenir. En tout cas, il ne l’agaçait pas si souvent. Elle se demande si c’est lui qui est devenu si catégorique ou elle qui se laisse beaucoup moins facilement faire. – Je t’assure, t’es trop arrogant. Et elle, trop insolente. Mélange beaucoup trop détonnant.
C’est peut-être plus facile pour lui. Plus facile de se laisser aller avec elle parce que, au fond, rien n’a changé dans son esprit. Elle est restée cette fille, la première fille à faire chavirer son cœur. Celle dont il est tombé amoureux mais qu’il a dû abandonner, malgré lui. Malgré ce qu’il voulait, malgré ce qu’il espérait, pour son avenir. Il a dû la regretter quand elle, le détestait. Il a peut-être imaginé la retrouver, même, quand elle ne voulait surtout jamais le croiser. Ils n’ont pas vécu leurs retrouvailles de la même manière. Là où elle était comme un mur presque impénétrable, il était déjà ouvert. Ce n’est pas si surprenant si, aujourd’hui, c’est elle qui refuse de le laisser trop approcher. C’est elle qui a été blessée, elle aussi qui a perdu toute la confiance qu’elle lui témoignait. Mais elle a la sensation désagréable que les rôles se sont inversés. Que c’est elle, maintenant, qui lui fait du mal.
Jolie rose aux pétales fanés, jolie rose aux épines cachées.
Elle ne saurait comment elle devrait réagir face à lui. Peut-être le laisser partir, peut-être le laisser retrouver la liberté qu’il avait, avant de la retrouver. Seulement sa présence lui est réconfortante. Même si, parfois, si agaçante. C’est comme si elle ne pouvait pas s’en passer. Comme si elle préférait se déchirer avec lui plutôt que de ne pas l’avoir à ses côtés. C’est masochiste, malsain peut-être, mais elle ressent beaucoup trop de sentiments contradictoires pour lui pour que ce soit sain en réalité. Il est encore en train de lui demander, exiger même, d’aller faire de la boxe avec lui. Il est insistant, trop pour elle, parce qu’elle aurait déjà congédié un autre. Elle aurait déjà demandé à un autre de partir. En fait, elle n’aurait même pas laissé un autre que lui franchir cette porte pour lui donner des ordres. Mais elle est fragile devant lui, malgré tout ce qu’il peut penser, elle est aussi vulnérable que lui. Peut-être plus, parce que ce sont ceux qui tentent de se protéger qui ont tendance à se laisser torturer.
Mais il n’est pas comme les autres, Owen, Il sera toujours ton point faible.
Elle le garde auprès d’elle, malgré son insistance, malgré son arrogance. Comme il reste auprès d’elle, malgré tout ce qu’elle lui fait endurer. Elle lève les yeux au ciel lorsqu’il vante les vertus du sport. Elle n’aime pas le sport. Ou peut-être ceux d’adrénaline, ceux où elle sent le danger en elle. Mais pas la boxe, certainement pas la boxe. – Parce que tu n’es pas macho, toi ? demande-t-elle avec un sourire en coin. De lui demander s’il parle de lui, elle se retient. Elle ne peut pas jouer avec lui, elle ne peut pas le taquiner, surtout pas flirter. Pas après ce qu’il lui a avoué. Elle le contemple s’installer sur le tabouret, loin du canapé. Loin d’elle. Ça, ça fait mal. Elle sent son cœur se serrer mais elle ne fait aucun commentaire, elle essaie de se focaliser seulement sur ses paroles. – Les femmes aiment aussi qu’on prenne en compte ce qu’elles ressentent, tu sais. Elle aime bien ce petit côté autoritaire. Elle aime les hommes qui prennent les devants, ils ont quelque chose de rassurant.
Mais tu apprécies trop ta liberté, Pour accepter si facilement de te laisser conduire sans protester.
Insolente, peut-être bien. Elle laisse échapper un petit sourire amusé. – Oui, je sais. avoue-t-elle sans détour. C’est l’un de ses défauts, l’un de ses nombreux défauts. Elle n’est pas facile, Cassey, elle ne s’en est jamais cachée. Mais peut-être qu’il a raison, peut-être qu’ils ont tous les deux changé. Peut-être que ce qui fonctionnait il y a vingt ans ne marche plus à présent. Elle baisse un peu les yeux, déboussolée par ce constat. – Je sais que tu as changé. Mais j’ai l’impression que… Toi, tu ne veux pas voir que moi aussi. Elle décide de parler à cœur ouvert, ne serait-ce que, pour pour ce matin, pour le réveil qu’il lui a offert. – J’ai appris à me débrouiller seule, moi aussi. Je ne dis pas que je fais toujours les bons choix, mais tu comprends, tout ce temps, j’ai pris chaque décision toute seule. Ou avec Arya. Mais personne d’autre. Et peut-être que c’est trop facile, d’avoir accepté ton aide quand j’étais en danger et la refuser maintenant, je sais pas, peut-être que je suis la fille la plus ingrate au monde. admet-elle, la gorge nouée. Elle ne cherche pas à se dédouaner. Juste à lui dévoiler ce qu’elle peut éprouver. – Tu imagines ce que tu ressentirais si je débarquais chez toi, comme tu l’as fait, en exigeant que tu me suives là, sans te demander ton avis ? Tu ne voulais même pas que je t’aide, dans ta maison, quand tu pouvais à peine bouger et… Et moi, je dois accepter de te suivre ? Pour moi aussi, c’est compliqué. Peut-être même plus encore que pour lui. Parce qu’elle est terrorisée à l’idée de le laisser retrouver une trop grande place dans sa vie.
Il y a quelque chose. Il y aura toujours quelque chose. Elle ne l’avoue peut-être pas à lui, aux autres. Mais, au fond d’elle, Cassey le sait pertinemment. C’est quelque chose qu’elle sent, quelque chose qu’elle ressent. Si ce n’était pas le cas, elle n’aurait pas recouché avec lui. Elle ne l’aurait pas laissé retrouver une place dans sa vie. En réalité, il ne serait même pas assis ici. Seulement, c’est plus fort qu’elle. Elle ne parvient pas à rester indifférente face à lui. Pas plus qu’elle n’est capable de lui résister. Peut-être qu’il en sera toujours ainsi. Peut-être que celui qui l’a chamboulée une fois le fera toute sa vie. Car il reste son premier amour, Owen. Son seul véritable amour.
C’est quelque chose que personne ne pourrait lui prendre, Quelque chose que personne ne peut vraiment comprendre.
Mais il y a les sentiments d’un côté. De l’autre, la réalité. Ils ne parviennent pas à se parler, tous les deux. Alors même qu’il lui a confié l’amour qu’il éprouve pour elle, la jeune femme ne parvient pas à lui répondre. Elle est trop perdue pour lui répondre. Tout comme lui, elle ne fait rien pour lancer cette conversation. Celle sur leur relation. À la place, ils évoquent son tempérament… macho. Devant sa remarque, elle le contemple sceptique, pas sûre de comprendre. Elle ne sait pas pourquoi il affirme que cela ne l’intéresserait pas. Peut-être qu’il est plus braqué suite à leur dispute qu’elle ne l’a cru. Elle garde le silence, se contente de boire une gorgée de son café. À ses paroles suivantes non plus, elle ne réagit pas tout de suite. Cette fois, parce qu’elle ne veut pas se disputer avec lui. Elle essaie de lui faire comprendre qu’il devrait l’écouter, il pense encore qu’elle a besoin d’un coup de pouce. Elle voudrait qu’il comprenne. Elle voudrait tellement qu’il comprenne ce qu’elle ressent quand il agit ainsi, sans jamais lui demander son avis.
Tu n’es pas sûre qu’il puisse te comprendre, Ni même qu’il t’entende, Vous êtes peut-être trop différents.
Une différence qu’elle ne sentait pas, autrefois. Peut-être parce qu’ils ont évolué, loin l’un de l’autre, pas toujours dans le même sens. Peut-être aussi parce qu’il y a eu cette cassure entre eux. Cassey, elle a toujours été insolente. Elle n’a jamais su se taire, jamais su se retenir de ce qu’elle pense. Même quand elle n’était encore qu’une adolescente. Mais elle était différente avec lui. Elle était certainement plus facile à vivre avec lui. Parce qu’elle était amoureuse de lui. Parce qu’il était son exception parmi tous les autres. Une place royale dans son cœur, place dont il a été déchu quand elle l’a perdu. Et ce n’est pas quelque chose qu’il peut retrouver, pas alors qu’elle n’a même pas la sensation qu’il accepte ce qu’elle est devenue. Elle n’est même pas sûre qu’il l’ait vu. Mais il lui assure le contraire. Elle n’en a pas l’impression mais, silencieuse, elle écoute ses explications. À ses premières paroles, elle sent déjà l’agacement l’envahir. Non, ce n’est même plus de l’agacement.
C’est de la frustration.
– Mais c’est ça que j’ai du mal à accepter, tu vois, « je ne t’aurais pas laissé le choix », c’est… Elle ne trouve même pas le bon mot pour exprimer ce que cela lui fait ressentir. – Moi, je te laisserai toujours le choix. Et quand tu as pris quelqu’un pour t’aider à la maison, je ne me suis pas imposée, je t’ai laissé décider. Elle le laisse gérer sa vie comme il l’entend. Mais lui n’en fait clairement pas autant. C’est tout ce qu’elle voit, Cassey. Mais elle laisse échapper un simple soupir, pour le laisser poursuivre. Peut-être qu’il a raison, peut-être qu’ils sont juste tous les deux trop obstinés. Il est comme ça. Elle ne le changera pas. Que peut-elle répondre à une chose pareille ? Il est sur la défensive, et elle ne sait même plus comment rebondir. – Très bien, fais ce qui est juste, c’est vrai que tu as la science infuse. Et elle se braque, elle aussi. Elle déteste ce qui est en train de se passer, elle déteste comme ils sont en train de se déchirer. – Tu sais quoi, tu as raison. Je n’ai pas le droit de te demander de changer. Tant de choses qu’elle aurait envie de lui dire. Qu’il se fiche de ce qu’elle peut ressentir. Qu’il n’y a que ce que lui pense qui semble compter. Mais elle aurait l’impression d’être injuste. Peut-être que c’est à elle de mettre un frein, à elle de remettre la distance qu’il y avait entre eux il n’y a encore pas si longtemps. Mais cela non plus, elle n’arrive pas à le dire. Parce qu’elle n’en a pas envie non plus, parce qu’elle ne sait même pas si elle y arrivera. En réalité, elle se sent juste prise au piège, Cassey.