Sweet chaos.

01/ Papa. Une voix qui t'a bercée bien avant que tu naisses. Un visage que tu as appris à reconnaître à travers des photographies d'une famille dont tu ne faisais pas encore partie. Un abandon déchirant qui a suscité beaucoup d'interrogations mais n'a jamais laissé que des questions en suspens. Infidélité ou négligence ? Besoin de liberté ou fuite en avant ? Des doutes qui ont lacérés une confiance déjà branlante.Une absence étouffante qui a détruit vos vies. Cet homme que tu n'as pas eu la (mal)chance de connaître et qui a renoncé à ses devoirs au profit d'une nouvelle aventure. Une que visiblement, vous ne méritiez pas d'vivre. Et toi tu comprends pas pourquoi ton papa il s'est fait la malle sans apprendre à te connaître. Tu comprends pas pourquoi il est pas là pour te protéger des monstres sous ton lit le soir. Pourquoi il est pas là pour te raconter des histoires. Pourquoi c'est à Vince de prendre son rôle alors qu'il  lui suffisait de rentrer à la maison. Y a cette idée saugrenue qui caresse dangereusement l'espoir qu'un jour il sera de retour. Cet espoir qui fait briller de mille feux ce firmament dans tes opales innocentes. Un mantra qui n'a duré qu'un temps. Le temps qu'il t'a fallu pour accepter l'évidence. L'évidence que votre père s'était envolé avec vos rêves d'enfants. L'évidence que vous ne serez jamais ces familles qui peuplent les films et vos environs. Déchirés bien avant que t'aies le temps de grandir, on t'impose de mûrir. 02/ Maman. Et puis y a cette femme qui tente de recoller les morceaux à sa façon. Pas l'instinct très maternelle mais maman elle parle bien. Elle fait renaître dans tes yeux ces mêmes étoiles qui illuminait ton regard auparavant. Maman elle sait raconter de belles histoires. Maman elle vous fait miroiter des monts et merveilles et toi t'y vois que du feu. Tu penses qu'elle se soucie un minimum de vous, qu'elle prévoit d's'occuper d'ses deux enfants. C'pas le genre de Noël auquel tu t'attends quand t'as à peine cinq ans. Y a les cris, les pleurs et ces paires de bras qui vous emmènent loin d'elle. Votre seul repère. Tu comprends pas c'que vous faîtes là avec tous ces enfants sans papa ni maman. Tu t'accroches désespérément à ce grand-frère qui reste ton seul phare dans cet avenir beaucoup trop noir. Maman et sa poudre blanche, incapable de prendre soin d'ses propres marmots. Maman qui a fini par vous laisser tomber sans jamais chercher à s'améliorer. Elle aurait pu se battre pour obtenir votre garde mais elle était pas vraiment faite pour ça faut croire. Ou p't'être que c'est cet abandon qui l'a complètement détraqué. Incapable d'assumer ses torts, incapable d'avoir la force de se relever pour vous. Des promesses dans l'vent qui ont fini d'éteindre le peu d'espoir qui brillait encore dans tes opales azuréennes. Un profond traumatisme que tu camoufles à gros coups de poings. 03/ Vince. Vinnie et toi versus le reste du monde. Un grand-frère aimant, un des seuls qui attendait réellement ta naissance. Un qui t'a enveloppé d'un amour chaleureux. Chaque regard, chaque petite attention démontrant un attachement inaltérable. Un lien qui vous a uni la première seconde où tes pupilles enfantine ont rencontré l'adoration grandissante dans ses opales affectueuses. Un sentiment de plénitude qui t'accompagnait chaque fois qu'il était à portée. Vinnie, il t'a jamais lâché. Il t'a toujours aidé à te relever, il t'a tout appris. Et à deux, vous avez survécu. Pas facile de partir de rien mais vous l'avez fait, main dans la main. Vinnie il a joué le fort pour qu'vous teniez le coup. Et puis, rapidement, tu l'as imité. Tes petits poings sont rentrés dans la bagarre, plus jamais tu n'allais laisser l'opportunité à quelqu'un de te mettre aussi misérable. Le problème avec Vinnie, c'est qu'il te voit toujours comme la gamine qu'il a trimballé partout avec lui. Et il s'rait prêt à cogner le premier v'nu qui oserait s'approcher d'un peu trop près. Une propriété qu'il défend bec et ongle. Une omniprésence qui t'étouffe et te fait voir rouge. Personne mieux que lui devrait savoir ce que ça fait d'être un lion qu'on met en cage. Alors pourquoi il est pas capable de voir la femme qu't'es devenue ? T'es plus cette petite ingénue. Ça fait longtemps qu't'as grandi prématurément. Qu't'es plus celle qui souriait naïvement. Celle qui espérait secrètement qu'papa et maman r'viendraient pour eux un jour. Mais c'est bien la déception qui a fini de ternir ton cœur.  04/ Les familles de passage. Y a eu tous ces gens qui ont tenté leur chance. Sauf que vous l'aviez déjà donné à ceux qui vous ont abandonné en premier. Ceux qui aurait dû répondre présents pour leurs enfants. Toute ta confiance tu l'avais accordé à vos parents aux abonnés absents. Et t'as pas eu l'temps de colmater tes plaies qu'on te demandait déjà d'avoir foi en ces personnes que tu ne connaissais pas. Toutes ces familles qui étaient un rappel constant de c'que vous n'avez pas et qu'vous n'auriez jamais. Une souffrance criante de deux gamins en mal d'amour. Vos séjours se sont fait courts. Trop violents, gamins ingérables emplis d'une colère intarissable. Incompréhension réciproque. Attentes divergentes. Aucune patience. Aucun recours pour votre impertinence. Expulsés du système parce que vous n'entriez dans aucune case. Échec scolaire. Parcours chaotique qui vous a empêché de faire comme tout le monde. Et la rue vous a recueilli. Fini l'insouciance malgré les efforts musclés d'un grand-frères aux abois. Il a fallu redoubler d'efforts pour subvenir à vos besoins. Un appartement miteux pour commencer. Une indépendance grisante qui balaie le chagrin de votre rejet. Aussi bien de vos géniteurs que d'ce pays. La roue finit toujours par tourner, n'est-ce pas ? Alors pourquoi vous ne pourriez pas briller au moins une fois ? 05/ un don. Loin de l'image de la dure à cuire, cette fibre artistique qui t'anime reflète ta sensibilité et ton mal-être. P't'être qu'l'Univers il t'a pas donné toutes les cartes en main mais il t'a laissé un petit cadeau en compensation. Peu importe la surface, quand ton pinceau s'active, ce sont les stigmates de ton cœur qui s'expriment avec finesse et grâce, teintés de violence. Un art qui est ton seul exutoire pour le chaos qui règne en toi. Quelque chose que tu sais précieux mais qu'tu gardes jalousement. Un rêve que tu caresses secrètement mais de faux-espoirs que tu refuses catégoriquement. Alors tu t'planques comme si t'avais prévu un mauvais coup. T'inventes des bobards pour tes absences tardives lorsque le soir tu t'la joues Picasso sur les entrailles de la grosse pomme. Un jardin que tu maintiens volontairement secret pour éviter à l'espoir de s'ramener avec ses grands sabots. Pour éviter qu'il piétine ce qu'il reste de ton palpitant déjà bien endommagé. Même pas sûre qu'tu puisses réellement le réparer.