« Will you take my soul
in the midnight train ?
While I'm falling apart ?
While I'm going ? »
Depuis que Ciarán t'a mise en garde, tu n'arrives plus à penser qu'à cette fatalité. Fatalité que tu dois assumer. Cette couverture est toujours plus lourde à porter à mesure que ton imposture dure. Tu pourrais tout arrêter. Tout envoyer balader. Un autre collègue reprendrait l'affaire. Vous êtes tellement proches du but qu'il ne lui faudrait pas longtemps pour enfermer les plus coupables. Détruire cet empire qui fait de l'ombre à vos institutions. Un empire clandestin qui éclabousse salement ce sur quoi votre système est basé : la loi. Elles sont ridiculement nombreuses et ne s'appliquent même pas à tous les concitoyens. Une vaste fumisterie à laquelle tu ne veux plus prendre consciemment partie. Mais avant de te retirer en beauté, tu te dois de les protéger des retombées. Alors tu t'accroches de toutes tes forces même si, dernièrement, tu flanches un peu trop souvent. Si tu n'avais, littéralement, pas deux boulets agrippés à tes pieds, la pression serait moindre. Mais à cause de ces deux blaireaux, tu dois redoubler de vigilance, ne jamais baisser ta garde. Et c'est fatiguant de tout le temps être aux aguets sans savoir quand l'ennemi décidera de frapper. Les heures supplémentaires que tu accumules pour soulager Morgan mais aussi noyer tes pensées, ne t'aident pas à assurer. Le sommeil qui te fuit et la fatigue qui empire, te rendant moins vigilante. Cet avertissement t'a remis les idées en place mais pour combien de temps ? À quand la prochaine bourde que tu ne pourras pas rattraper ? À ce stade, c'est comme si t'avais déjà les deux pieds dans la tombe. Un constat qui n'enchanterait clairement pas Ciarán mais il en est conscient et c'est amplement suffisant pour que l'inquiétude ne cesse de le ronger. C'est à toi de mettre rapidement un terme à cette situation explosive avant que tu perdes définitivement le contrôle de cette opération.
C'est que tu commences à t'habituer à cette ambiance bon enfant les soirs où la quiétude reprend ses droits. Des habitués touchants que tu as appris à connaître depuis le temps que tu leurs sers ces breuvages qui délient leurs langues et dévoilent des âmes bien plus brisées qu'on ne pourrait le penser. C'est cet univers riche en humanité que tu voudrais préserver. Ces gens ont bien assez côtoyé la misère pour que tu en rajoutes une couche par derrière. Le Closer est tranquille sans les âmes bruyantes qui la peuplent habituellement. Une tranquillité que tu aurais apprécié à sa juste valeur si elle ne te ramenait pas à tes sombres pensées. Celles qui te vrillent le crâne sans cesse et que tu peines de plus en plus à chasser. Alors tu t'occupes les mains même si ton bandage t'entrave dans tes mouvements, les rend moins fluides. Ça t'agace d'avoir été aussi stupide. L'impulsivité ne figure pas, normalement, dans tes traits de caractère et pourtant, elle t'a bel et bien emporté à votre dernière entrevue avec ton fidèle ami. Ces émotions qui compliquent ta tâche et la rende encore plus ardue. Protéger et servir. Cette promesse qui t'a accompagnée pendant toutes ces années mais que tu as enfreint la seconde où tu les as cru. Maintenant, tu suis ton instinct et tu tentes de réparer les torts à venir. Et soudain, il est là. Le maître des lieux se tient devant toi. Cette couronne qu'il garde jalousement et qui ne lui a pas donné que des alliés. Beaucoup sont prêts à payer cher pour le voir disparaître. Ce Roi qui attise la convoitise. Dernièrement, Cahal a titillé les mauvaises personnes. Et tu le sais puisque tu as des yeux et des oreilles un peu partout. Il est trop gourmand Cahal. Il voudrait le monde entier à ses pieds. Mais tout ce qu'il risque de faire, c'est y perdre la vie. Fin tragique que tu comptes bien éviter. Une façon de te faire pardonner. Tu le sers sans broncher, t'attendant à ce qu'il remonte dans sa tour d'ivoire mais il reste là. Pire, tu lis les doutes qu'il essaie de noyer derrière une fausse curiosité. Encore une fois, rien de très surprenant mais il va falloir que tu sois habile pour duper l'Irlandais. « On m'a parlé d'un poste à pourvoir, c'est pas le job que je recherchais mais comme je savais pas trop ce qui me correspondait réellement, j'me suis dit : pourquoi pas ? » Et même si les soupçons brouillent sa perception, y a bien plus de vérité dans tes paroles qu'il n'y paraît. « Alors non, j'ai jamais voulu être barmaid mais ça me plaît plus que j'le pensais. Le cadre doit jouer. » Tu ne cherches pas à l'encenser mais bien à le persuader de ta sincérité.
Crois-moi quand j'te dis que j'vais tout arranger. Crois-moi quand j't'assure que j'vais tout réparer. Personne ne sera blessé. Tout le monde continuera de vivre sa vie comme il l'entend. Laisse-moi encore un peu de temps pour faire les choses convenablement.