instable. (frida)

message from Frida 08:23 pm: il faut que tu rentres, notre fils veut nous parler.
quand le nom de sa femme s’affiche sur l’écran, il coupe court à la conversation, lis le texto à voix basse avant de s’excuser auprès de son rendez-vous du soir. un homme d’affaire sub-saharien. le genre de tête qu’on ne fait pas patienter, celle pour qui on se rend disponible à n’importe quel moment du jour ou de la nuit. sauf lorsqu’on portait le nom de mc grath. il n’inventa pas la moitié d’un mensonge, se contenta simplement de remettre leur entrevue au lendemain, en fin d’après-midi. un horaire, où, il espère personne de sa famille n’aura besoin de lui.
la vie de Tomás n’était qu’une succession de règles et de principes plus stricts les uns que les autres. il tenait ça de son père. et très rapidement, il avait compris qu’un homme n’était rien sans sa famille. c’est pourquoi, il la plaçait au sommet de la liste de ses priorités. sa femme en premier, ses fils pas loin derrière et venait en suivant ses frères puis son travail.
son chauffeur le déposa en moins d’une heure devant chez lui. il salua le portier sur son passage, appuya avec impatience sur le bouton de son ascenseur privé. ce n’est qu’une fois en haut, les semelles de ses pompes ancrés dans le carrelage italien qu’il se senti décontracté. il s’avança jusqu’au salon, les lumières de la ville faisaient concurrence à leur lustre -il serait changé. sur le canapé en cuir bordeaux siégeait son épouse, toujours âpreté à merveille, ses jambes fines croisées l’une sur l’autre. ses doigts pianotant nerveusement contre son genou. sur un fauteuil en face, leur deuxième fils, Salvador et ses airs d’emmerdeur. le portrait craché de sa mère, le sang toujours bouillonnant et l’incapacité de fermer sa grande gueule. il était serein le môme, vêtu comme ses gosses de riches « m’as-tu vu ? ». c’est vers sa femme qu’il s’avance, posant ses lèvres sur les siennes avec délicatesse. avant de s’asseoir à ses côtés.
y’avait quoi de si urgent ? hum ?
il arque un sourcil, regarde tour à tour son fils puis sa femme. elle ne sait pas, il na rien dit. maintien le mystère jusqu’au dernier instant.
il a fait une connerie, c’est ça ? ... t’as fais une connerie ? c’est quoi ? ... c’est pour ça que t’as un coquard ?
c’est qu’il avait sûrement utilisé l’anti-cernes de sa mère, mais on l’a faisait pas à Tomás.
j’me suis pris une droite, tu l’avais sûrement mérité, il sourit en coin, sent le regard féroce de Frida contre sa peau, je plaisante, je plaisante... c’est quoi la soucis Salva ? il s’était toujours dit qu’il serait à l’écoute, qu’il n’élèverai pas ses fils comme son père l’avait fait pour les siens. tu sais maman, claire, la fille que je fréquente, il s’adresse à sa mère, Tomás la fixe, dans sa tête les questions fourmillent, eh bien... je... on, enfin, vous voyez quoi, il avait déjà le cœur qui cognait à vive allure l’irlandais. bon dieu, de quoi il parle ?! elle, elle, elle est enceinte. voilà. qu’il jeta avant de se laisser retomber contre le dossier de son assise.
d’abord il eut un silence.
même sa propre respiration semblait s’être arrêter.
puis, c’est un rire nerveux qui lui échappa alors qu’il plaçait ses deux mains à l’arrière de sa nuque, faisant couiner les coutures de sa veste de costume.
mais t’as quel âge ? ... il se fout de ma gueule ?! qu’il cracha pour sa femme, les dents déjà serrées et le regard devenu sombre, tu te fous de ma gueule Salva ? t’es pas aussi idiot que ça quand même ?!
parce qu’il ne savait pas quoi dire.
que son corps oscillait entre la rage et l’amusement démesuré.

claire, enceinte.
enceinte.
enceinte.
le mot raisonnait dans son crâne à grande vitesse. il n'y avait plus que ça. il ne voyait plus son fils, ni même son coquard. c'est lui qu'il voyait dans ce fauteuil, des années en arrière, à la même place. instantanément il revivait le jour où alba lui avait dit qu'elle attendait un enfant, leur enfant. les vieilles émotions l'accablent, son coeur bat la chamade alors que ses ongles s'accrochent à la peau de sa nuque. il se souvient des mots affreux qu'il lui avait jeté ce jour là, tu ne peux pas le garder, c'est impossible, mon père va me tuer. d'un sérieux qui contrastait avec son visage de gamin.
c'est les insultes de sa femme qui le ramène à la réalité. ses azurs vont de l'un à l'autre, les nerfs de Frida sont en train de lâcher. plus que le voir, il le sent, dans tout son corps, puisque ses nerfs à lui aussi tressaillent. ils sont connectés, ils l'ont toujours été et c'est ce qui fait leur force dans ce monde ingrat qui est le leur. le doigt pointé vers leur fils, le regard dur, elle lui ordonne qu'il devrait assumer. ce qu'il traduisait en un on devra assumer, nous, ses parents. parce qu'une tête de con comme Salvador n'assumerait rien du tout. putain d'enfant gâté. il voyait la gifle arriver Tomás, alors il se redresse lui aussi, la colombienne recula tranquillement. c'est sur lui qu'elle jette son regard perdu. il tente de réfléchir à vive allure l'irlandais. mama... s'il te plait, j'ai besoin de toi. il a le visage d'un mioche Salva, le corps enfoncé dans le cuir, les poings serrés. c'est fou ce qu'il pouvait ressembler à sa mère. c'est fou ce qu'il pouvait la connaître. une voix mielleuse pour assouplir sa carapace. il n'a qu'à observer une seconde sa femme pour remarquer que c'était déjà en train de fonctionner. zéro effet sur lui. zé-ro. t'as eu besoin de ta mère pour jouer les hommes, hein ?! ses mots claquaient dans l'air, si je me souviens bien, on a déjà tous eu cette conversation que t'as trouvé forte désagréable sur les rapports sexuels, il serre les dents mcgrath senior, se retenant de chopper son fils par le col de son polo t'avais pas assez d'argent pour acheter des capotes ! des capotes ... qu'il sifflait le gosse, le regard mauvais face à son paternel, parce que vous utilisez des capotes vous. il rit le père, il rit tellement fort que sa cage thoracique se soulève. son palpitant cogne férocement, il voit rouge maintenant. on a élevé un parfait abruti. j'sais pas ce qui me retiens de te... de lui foutre sa main dans la gueule. j'ai pas envie d'avoir un gosse putain. mama, vous pouvez faire quelque chose non. signer un chèque, j'sais pas. s'il te plait. voilà qu'il pleurniche presque, mais, mais t'es un GRAND malade Salva ! j'suis même pas sûr qu'il est de moi, les filles de nos jours, elles font n'importe quoi ! il change de comportement d'un parent à l'autre, et là, c'était la goutte d'eau qui provoquait un raz de marrée à l'intérieur des entrailles de l'irlandais. il fouille dans la poche intérieur de sa veste pour en sortir un paquet de cigarette, il s'en allume une avant de faire les cents pas, deux doigts contre sa tempe. ton fils est un malade, qu'il balance alors qu'il s'est rapproché de Frida, laissant la fumée s'échapper d'entre ses lèvres.

Il est sur le point d'imploser l'irlandais. C'est pour cette raison qu'il fume une cigarette, qu'il tire sur le filtre un peu trop fort, qu'il la termine un peu trop rapidement. Ils ont toujours réussi à faire face à leurs gosses et à leurs conneries. Mais si un jour on lui avait dit, qu'être père serait aussi compliqué, peut-être qu'il y aurait pensé à quatre fois avant d'en faire trois à la femme qui partage sa vie. Il est soulagé de l'avoir près de lui, sans elle, il n'aurait pas réussi à éduquer trois garçons. Elle est la raison, là où lui n'est parfois que colère et dépassement. Parce que la seule chose qu'il pourrait apporter à Salvador actuellement est un coup de pied au cul. Il se contient parce que Frida prend le relais.
Elle fait preuve d'un calme olympien, ce qui fait beaucoup plus peur à Salva. Il s'enfonce dans le fauteuil comme si celui-ci pouvait l'avaler entièrement et le faire disparaître. Il écoute Tomas, tout en s'allumant une deuxième cigarette, toujours en retrait de peur d'en coller une à leur fils. Il sait que ça ne servirait à rien, mais c'est plus fort que lui. Il ne comprend pas ce qui a bien pu lui passer par la tête. Il ne réfléchit jamais aux conséquences de ses actes et vient pleurnicher ensuite. C'est un idiot, un putain d'idiot. Il secoue la tête de gauche à droite quand sa femme récupère le téléphone. je te l'ai dis, c'est un idiot. ne lui ont-ils pas inculquer le respect pour les femmes ? Il ne sait plus, il ne sait plus quoi faire, alors préfère se taire. Il assumera, c'est ce que dit Frida. Ils assumeront. putain. Voilà leur gosse le téléphone à l'oreille, l'air penaud, les mâchoires serrées. Sa femme revient jusqu'à lui, et quand elle passe une main dans son dos il se détend comme par magie. oui claire, c'est moi. (...) oui, je sais, je sais, (...) je voulais te dire que ... Tomas fronce les sourcils, le regard noir pour son fils je serai là, pour toi, quoi que tu décides de faire. C'est tout ce qu'il voulait entendre, il se tourne vers sa femme qui est soucieuse. En un regard il lui demande ce qu'il ne va pas. Mais Salvador raccroche et jette son téléphone sur la table basse, ça y est. vous êtes heureux maintenant ? heureux d'avoir gaché ma vie ! les mots de trop, l'irlandais s'approche du gamin et l'empoigne par le col de son polo pour le forcer à se relever, tu t'es débrouillé tout seul comme un grand pour "gacher ta vie", t'as pas eu besoin de nous. alors maintenant, assume, comme un putain d'adulte. qu'il crache, tout en trainant son fils jusqu'au couloir le plus proche, j'veux plus te voir jusqu'à ce que t'es pris du plomb dans la cervelle, c'est ok ?! le gosse fulmine, et part à grandes enjambées jusqu'à sa chambre, la porte claque. Ils ne se retrouvent plus que tout les deux, au milieu de ce gigantesque salon. Il l'observe de haut en bas, soucieux lui aussi maintenant. y'a un autre truc qui te travailles, j'me trompe ? ... crache le morceau. il n'a jamais été patient.

rien, ce n'est rien.
Il secoue la tête tout en se débarrassant de sa veste de costume. Il ne la croit pas. Il ne la croit jamais quand elle est dans cet état. Le malaise se lit sur son visage, Frida n'est plus qu'un grand livre ouvert après vingt trois années de mariage. Un livre ouvert dont il apprend encore certains codes. Elle s'éloigne pour remplir deux verres de whisky, il récupère le sien et la regarde prendre place sur un des fauteuils. juste... tel père, tel fils. il manque de recracher le liquide sa bouche, ses yeux s'écarquillent et il la foudroi du regard quand elle tente de changer de sujet. Il ne comprend pas tout de suite où elle veut en venir. Lui, pense à toutes ses maîtresses, celles qui ont parcouru le fil de leur mariage. Tel père, tel fils, insinuerait-elle qu'il a mis en cloque l'une d'entre elle ? Qu'il est assez idiot pour ne pas prendre ses précautions, qu'il lui ferait ça, à elle ? Ses mâchoires se serrent. L'attaque l'oblige à penser la même chose concernant sa femme. Et si elle avait avorté d'un autre, sans le lui dire ? Et si, l'un de ses fils n'était pas de lui ? Impossible, c'est impossible. Ils se ressemblent bien trop tout les trois pour ne pas être du même géniteur. j'en ai rien à foutre de cette claire. qu'il crache avant d'avaler une nouvelle gorgée. arrête tes insinuations s'il te plait, et parle clairement frida. à son tour de prendre place dans le canapé, juste en face de sa femme. C'est elle qui se retrouve à la place de leurs fils maintenant. Ses sourcils sont froissés. qu'est-ce que tu crois ? que j'ai un gosse qui se balade dans la nature ? parce que j'suis incapable de tenir ma queue ? ... comme notre idiot de fils. qu'il continue, dans un rire des plus sarcastique.
s'il savait à quel point ils disaient vrai tout les deux. S'il savait, que l'enfant que porté alba n'est pas mort comme on le lui avait affirmait. Que cet enfant et bel est bien en vie, quelque part dans les rues new-yorkaises. Mais ils n'en savent rien. Ni l'un, ni l'autre. Alors la colère qu'il ressent est légitime, pour le moment. tu te rends compte de ce que t'es en train de faire ? est-ce que j'ai, ne serait-ce qu'une seule fois remis en doute ma paternité concernant les gosses ? il soupire, parce qu'il est blessé à présent. Le regard enfoncé dans son verre de scotch.