rusted from the rain (ft. Sahel)

L'objet entre ses doigts, traîne depuis quelques heures. Ses fesses contre un banc refroidi, son pied sur le bois lui aussi et son coude sur son genou, il observe la casquette sans dire un mot. Plusieurs centaines de gens sont passés devant lui et ce récipient qui ne contient que quelques pièces. Personne ne lui a parlé. Personne ne lui a demandé pourquoi il a l'air aussi triste. L'attention il ne l'attire pas, quand il est dans cette optique sans domicile. Presque invisible dans ce monde trop pressé, mais de toute façon il s'en moque, il n'a pas envie. De parler ou d'être vu. Il se perd dans ce miasme de souvenirs et cherche comment se débarrasser de cette boule douloureuse au fond de sa gorge. Boule à vif, qui s'efforce de ne pas réagir face à ce qu'il ressent au fond de lui. Fausse froideur, qu'il décide soudain d'imposer à la seule personne qui partage son deuil actuel. Curieux besoin de venir provoquer ce dragon qui sait si aisément le faire sortir de ses gonds. A croire qu'il a envie d'un conflit direct, comme pour évacuer ce qui le rend si affable. Et cet homme est tout désigné pour cela.

Impulsion qu'il suit, alors qu'il remballe en râlant un peu ses affaires. Y'a pas dix dollars dans cette pathétique manche qu'il vient de faire et ça le dépite. La générosité des new yorkais reste toujours insuffisante pour les besoins qu'il peut avoir et il se félicite toujours d'avoir son boulot pour lui permettre de survivre plus décemment. Sans se soucier de qui l'entoure, il s'aventure dans le métro, sans payer, pour retrouver ce monde luxueux du Queens huppé. Tant de tapage, de richesses étalée devant lui, qu'il n'hésite pas à laisser traîner ses mains dans quelques poches ou sacs à main. Maigre butin à l'arrivée, mais plusieurs repas qui se dessinent devant lui. Probablement n'aura t'il pas besoin de ses clients avant quelques jours et c'est toujours agréable d'échapper à ses corvées.

L'endroit est familier quand il s'y faufile sans se faire remarquer. Il se moque bien de la réputation de celui qui va l'accueillir malgré lui. Il désire néanmoins rester discret au maximum... comme pour effacer sa simple présence ici. Curieux sentiments qu'il ne sait effacer, mais il prend néanmoins l'ascenseur, appuyant sur tous les boutons comme un enfant agité. Enfin il parvient au bon étage, mais cette fois son coeur s'affole. Ce n'était pas une bonne idée. Il ne devrait pas être là, il ne devrait pas venir déranger l'ours dans sa tanière. Surtout pas maintenant que son frère est mort. C'est stupide, il devrait s'enfuir en courant et ne jamais revenir affronter son regard noir et sa langue amère. Pourtant ses doigts viennent s'éclater contre la porte qui les sépare et il jure en gaélique au même moment. Toujours ces impulsions qu'il ne maîtrise pas toujours et qui risquent un jour de le mettre vraiment dans la merde.

La meilleure idée à l'instant, serait de repartir aussi sec, avant que le battant ne s'ouvre. Pourtant il n'en fait rien, conservant ses talons bien ancrés dans le sol et arrimant un sourire insolent sur ses lèvres. Provocation un peu plus, lorsqu'il décode d'enfiler la casquette bien reconnaissable sur la tête. De cette équipe de baseball qu'il aimait tant et que lui déteste pourtant. Il continue même, s'adossant à la chambranle pour encore ajouter à cette nonchalance qu'il peint. Idiot insolent, qui cherche quelque chose ici, sans trop savoir ce que c'est pourtant...