Sujet: bottle in the sea. (amen) Lun 19 Aoû - 15:37
est-ce que c'est le monde qui tangue ou seulement elle ? tout tourne autour de son regard effacé, les murs menaçants de s'écrouler sur son corps qui ressemble plus à un cadavre. étendue sur le parquet de son appartement, elle semble prête à accueillir la faucheuse en personne. ça ne fait pas un an pourtant, ce n'est pas le moment. mais elle doit forcer chacune de ses respirations pour rester dans ce monde, l'air lui donne l'impression d'être composé de lames aiguisées. elle doit se lever pour rejoindre l'hôpital, appeler un taxi, n'importe qui pour ne pas mourir. elle ne veut pas mourir sally, elle aime sa vie, plus que n'importe qui. la liste des choses à faire avant de mourir est à peine entamée, elle veut faire ses adieux proprement, pas crever sur le parquet de son salon avec le bruit des vagues comme unique musique d'adieu. elle veut goûter aux plaisirs de la vie, prendre rio dans ses bras une dernière fois, sauter en parachute, hurler jusqu'à s'époumoner, prendre un bain de minuit, vivre. juste vivre un peu plus. alors elle cherche de la force dans ses derniers retranchements pour attraper son téléphone, composer le numéro d'un taxi. aucune panique ne vient teinter sa voix, elle s'est imaginée ce scénario des centaines de fois. elle ne prend pas ses traitements, ça devait arriver. un jour viendra où le crabe prendre le dessus pour de bon. ses jambes manquent de s'écrouler quand elle se redresse en se tenant à sa table. c'est peut-être la dernière fois qu'elle voit cet appartement payé par son père, elle laisse son regard se perdre sur les moindres détails, tant de souvenirs qu'elle souhaite ancrer dans son esprit. les deux étages à dévaler sont une nouvelle épreuve qu'elle doit affronter, sa respiration devient instable, saccadée par la douleur qui envahit sa poitrine. elle y arrive pourtant, jusqu'à s'écrouler dans la voiture du taxi pour lui murmurer l'adresse de l'hôpital le plus proche. pourvu qu'il fasse vite. elle trouve presque un sommeil cauchemardesque le temps du trajet avec cette impression que la mort vient l'envelopper dans ses ailes sombres. le chauffeur ne prend pas la peine de l'accompagner jusqu'à l'entrée des urgences. elle traine son corps en dehors de la voiture, manque de tomber plusieurs fois. c'est la dernière ligne droite pour trouver une aide tant espéré, la lumière au bout du tunnel. elle ne voit même plus où ses pas la mènent, elle avance machinalement jusqu'à entendre les portes automatiques qui s'ouvrent. ses lèvres pâles s’entrouvrent pour sortir des mots qui provoquent une nouvelle vague de douleur insurmontable dans sa poitrine. « aidez-moi. » plus qu'une demande, c'est un supplice. juste un souffle à peine audible avant le trou noir, ses jambes décident de ne plus se battre. elle se sent partir au ralenti, s'écrouler au sol, mais des bras inconnus viennent la retenir. elle ignore d'où ça vient, ses paupières devenues trop lourdes pour s'ouvrir à nouveau, sa gorge comme un désert aride trop brûlante pour lui permettre de parler une nouvelle fois, elle peut à peine respirer. même si elle doit mourir ce soir, ce ne sera pas seule chez elle, ce ne sera pas dans l'indifférence générale.
Sujet: Re: bottle in the sea. (amen) Sam 7 Sep - 2:24
The kid has got a darkside, best believe it, push too far you'll see.
Elle est entrée la gamine-zombie, la peau comme un petit fantôme diaphane brillant au-dessus de ses os, les jambes comme deux branches sèches, le frottement de ses pieds en étincelles pour faire d'elle le brasier de reste qu'elle va devenir. Le monde valse sous ses pieds quand elle perd le sens de la gravité. Ils se précipitent tous autant qu'ils sont, comme si elle était l'évènement de la journée. Toi, il n'y a pas assez d'hémoglobine pour que ça t'excites. On la prends en charge, un masque d'oxygène autour de sa tête pour redonner un peu de joie à ses poumons. Pas qu'une petite urgence, on la transporte au cours séjour, peut-être au long. Toi tu trouves ça ennuyant, t'as d'autres vraies urgences, des gens qui se sont enfoncés un couteau dans le main en tentant de percer le noyau d'un avocat, qui se vident de leurs sangs, vont peut-être perdre leur main si tu déconnes. Et avoir leur vie au bout des doigts, sentir le sang qui quitte leurs corps en pulsant, froid et doucement gluant contre le latex de tes gants, c'est pour ça que t'es là. C'est comme ça que tu te consoles de ne pas pouvoir jouer dans les chaires mortes comme le gamin que t'étais en avait rêvé. Tu termines ta pomme dans une dernière bouchée et la fout à la poubelle avant de faire volte-face, te cognant le nez contre le docteur qui te sert de mentor, ici.
« Félicitation, Monsieur Hadad, cette patiente sera votre première au cours-séjour, sous ma supervision. » Super, que t'as envie de cracher sur un ton dédaigneux. Sauf qu'il faut être professionnel ici. Faire comme si c'était la meilleure nouvelle de ta vie, comme si tout allait changer, comme si t'espérais pas qu'elle allait crever et vite. Non, tu dois être obéissant et bien gentil, comme le veulent papa et maman.
T'es le bon petit docteur qui prend mademoiselle en charge, qui retrouve son identité, cherche un dossier quelconque, des antécédents, des appels à des hôpitaux différents. Madmoiselle Sally Wisteria a été diagnostiquée avec un cancer des poumons, doublé de métastases. Depuis, aucun traitement. C'est relativement grave, surtout sans traitements. Tu sers les dents, l'impression de perdre ton temps. Tu soupires en prenant ses signes vitaux, parce que peut-être un jour, elle va se réveiller. Peut-être. Ou pas. Peut-être qu'il faudra que tu trouves de la famille, si elle en as, qui va décider ou non si on la garde sous moniteur. Parce qu'avec la médecine aujourd'hui, il y aurait moyen de la maintenir en ''vie'' assez longtemps pour lui cloner deux poumons tout neufs. Poumons dans lesquels le cancer se ferait un plaisir de se propager de nouveau, la détériorée jusqu'à sa nouvelle fin. En t'occupant d'elle tu songes au fait que peut-être un jour, les humains ne mourront plus du tout. Pas de maladies du moins. On les éliminera par décisions, selon les plus faciles a contrôlés pour les plus forts en positions. Sous ton stéthoscope il y a son cœur qui s'énerve dans ses palpitations et la Juliette qui se réveille en toussotant, cherchant son air, perdu quelque part dans l'entrée avec des petits bouts de sa vie. Bon, dommage, c'est pas aujourd'hui que tu la raccompagnera à la morgue, son corps glacial sur une table froide. T'es ce gentil docteur qui lui offre un sourire bienveillant aux lèvres, un regard presque protecteur, presque soulagé. T'aurais dû être acteur, tu joues bien la comédie, tu parais presque normal, mais bordel, tu te serais bien emmerdé jusqu'à en crever. Jouer ton propre rôle et c'est déjà bien assez.
« Bonsoir Mademoiselle Wisteria... Comment vous sentez-vous ? » Que tu lui souffles, de ses questions connes que les médecins doivent posées à des gens qui ont tellement mal qu'ils en ont envie de crever. Tu te souviens comment c'était quand t'étais à sa place, branché de partout, avec l'envie de t'arracher les aiguilles des veines pour les plantés dans les yeux de ce connard de médecin qui te demandais tout calmement si t'avais encore envie de mourir. Ou pourtant, tu ne ressentais aucune empathie pour la jeune femme. Tu ne comprenais pas du tout, cette envie de vivre. Toi qui depuis gamin, avait hâte à ta mort. Seul la douleur que tu pouvais imposer aux autres te donnaient l'envie passagère de vivre, ça et l'odeur des cheveux de Macaria.
Sujet: Re: bottle in the sea. (amen) Mar 10 Sep - 12:02
c'était pourtant une promesse soufflée pour elle-même. jamais elle ne remettrait les pieds dans un hôpital pour se faire soigner. les murs blancs, les pièces aseptisées jusque dans les moindres recoins, les sourires hypocrites des médecins. elle l'a trop connu pour passer les examens nécessaires à la découverte de sa maladie. tout ça pour rien, pour entendre un médecin blasé lui annoncer sans la moindre pincette qu'il ne lui reste qu'un an. une toute petite année. la voilà au point de départ, sur ce sol froid sur lequel elle refuse de mourir. elle veut donner son dernier souffle chez elle, sur son lit parfumé au lilas, seulement entourée de nana et de rio. parce qu'ils sont tout ce dont elle a besoin à cet instant. alors elle se bat contre son souffle pour vivre ça un jour, elle force sa respiration même si son corps lâche. les infirmiers occupés à boire leur café se jettent sur elle pour la retenir, lui éviter au moins de se briser le crane contre le carrelage. un jour elle les remerciera, elle leur offrira ses sourires en signe de gratitude. c'est comme être dans les vapes, en pire, mourir un peu plus, renverser ce fichu sablier pour aider le sable à couler plus vite. c'est pire que tout, ça brouille sa vision qui finit par se poser sur un nouveau visage. le médecin qui va la sauver ou l'achever. ce sera du répit dans tous les cas. sally a beau être une boule de joie, elle ne supporte pas pour autant tout ce qui touche à la médecine, aux questions idiotes qu'ils posent sans vraiment s'y intéresser. c'est un effort considérable qu'elle doit faire pour lever son bras jusqu'à agripper le masque à oxygène seulement là pour l'aider à respirer. elle veut le faire toute seule, se prouver qu'elle est encore capable de faire ça même si ça doit lui coûter quelques grimaces. ce n'est qu'un passage, dans quelques heures elle sera sortie de cet enfant, elle pourra reprendre le cours de sa vie à l'extérieur, sans étouffer, sans manquer d'hurler de douleur à chaque mouvement de ses poumons malades. le jeune médecine qui a l'air de sortir l'école lui pose la question banale, celle qui lui arrache un léger grognement. non, ça ne va pas. rien ne va bien quand elle est enfermée entre quatre murs, elle est comme prisonnière du système sans pouvoir vivre le restant de ses jours. elle a mal, elle est en colère pour la perte de temps qu'elle doit subir. « si je suis là, c'est que je me sens mal. » ça ne ressemble pas à la blonde de lancer un regard assassin à son interlocuteur, pourtant elle le fait tout en se redressant difficilement à l'aide de ses avant-bras. maintenant ça va être le tour du remontage de bretelles pour les traitements qu'elle ne prend pas. jamais jusqu'à la fin de sa vie elle acceptera de prendre ses pilules destinées à la rendre malade sans pour autant prolonger son espérance de vie. jamais. « je peux gérer toute seule, j'ai l'habitude. je sors quand ? » c'est son unique souhait, la première phrase qu'elle pourrait écrire sur sa bucket list si elle le pouvait. sortir, partir loin, vivre le temps qu'il lui reste sans se sentir enfermée dans une prison de verre. pourtant il y a sa conscience qui se réveille pour sortir de cette brume dans laquelle elle nage. cette petite voix qui lui souffle que ce ne sera pas si simple avec ce docteur qui rêve seulement de la voir rester le plus longtemps possible. jusqu'à mourir, vite si possible.
Sujet: Re: bottle in the sea. (amen) Jeu 26 Sep - 20:01
The kid has got a darkside, best believe it, push too far you'll see.
Tu pensais sincèrement qu'elle allait crever, que ce serait terminé, qu'il ne resterait qu'à la débranchée. Sauf qu'elle était obstinée la petite conne. C'est fou ce que le mental pouvais faire, même quand le corps n'en pouvais plus. Si t'aimais pas autant la mort, ce serait presque inspirant. Sauf que t'étais pas de ses bons médecins, plus de ses cruels chirurgiens tombés dans la mauvaise branche.
Cette patiente est pas comme les autres non plus. De ses pauvres âmes qui meurent pas parce qu'elles ont tellement peur de mourir. Non, la belle enfant retire son masque et les machines sur lesquelles elle est branchée flippent du doux manque d'oxygène, toi, tu souris tendrement, doucement curieux de la bestiole qui se dessine sous tes yeux. Tes rares qui observent les mouvements difficiles et saccadés de sa poitrine, l'acidité de ses mots qui ne t'atteignent même pas, habitué aux gens qui souffrent, qui sont à leur plus bas.
Elle se redresse dans son lit et tu restes là, à l'observer, les bras croisés. Elle a tellement envie de partir, que toi t'as envie de la garder, de la séquestrer, de la regarder égoïstement souffrir sous tes yeux. Elle joue la maligne et c'est pas pour te déplaire, parce que t'es convaincu d'être plus malin encore.
« Vous pouvez sortir maintenant si vous voulez, Mademoiselle Wisteria. Suffit de signer les papiers. » Que tu lui réponds, contournant le lit pour aller chercher le calepin qui y dort tranquillement au bout. Certainement pas le genre de tactique que ton mentor accepterait, mais entre ça et avoir une patiente en fugue, ton choix à toi, est bien simple. Tu reviens vers elle avec le contrat, le stylo en main, tu lui files le document avec la plaque qui le retiens, celui qu'elle peine à tenir comme il faut entre ses mains. Tu pointes deux endroits sur la feuille en lui expliquant : « Suffit de signer ici et là, mais vu votre état, je doute que vous arriverez même à sortir de l'hôpital. Vous empirez votre état avec les efforts et vous reviendrez exactement dans ce même lit. Votre remise sur pied sera donc encore plus longue et plus pénible. Mais on peut essayer, si vous voulez. » Que tu lui expliques, à peine cynique, le sourire tendre au lèvre alors que tu remets ta main derrière la planche à clip pour l'aider à le soutenir en place. « Ou alors vous nous laissez s'occuper de vous jusqu'à ce que vous alliez mieux. » Que tu termines, t'étonnant toi-même de cette bienveillance cachée sous des envies de torture. Parce que la fascination opère, parce que t'aurais tellement envie d'arracher ses cheveux blonds, ouvrir son crâne, pas pour une lobotomie, juste voir ce qu'il se passer dedans, si elle a peur, si elle s'en fout, si elle a hâte, si elle a espoir, il se passe quoi. Non, tu veux la garder, en faire ton petit rat de laboratoire, peut-être vivre ta mort au travers d'elle, celle que la faucheuse a jamais voulu te donner, à défaut d'avoir essayer de la convaincre.