to the end (sandy)

t’hésite un bon moment avant de te décider,
t’es fatigué, tu sais pas si tu dois aller à cette fête,

mais y'aura tout le monde, tous ceux que tu connais, et en partie, ceux que t’apprécie. Ça te fera probablement du bien de bouger un peu, d’aller te saouler, de rentrer à pas d’heure et de te coucher complètement arraché. Ça te fera du bien surement de voir des gens, autres que ceux qui travaille avec toi au restau, ou à la radio, autrement que tes camarades de classe. t’espère juste ne pas le croiser, pas encore. sort de ma vie Émile, sort. si seulement tu pouvais l’effacer pour de bon, comme dans ce film-là, celui que tu’as dû regarder plusieurs fois pour bien comprendre tous ses rouages, “eternal sunshine of the quelque chose”, tu dois l’avoir en DVD, l’un de ceux que 'as jamais rendus aux vidéos club avant qu’il ne ferme. qu’importe, Andrew a mis les clés sous la porte, bazzardé tous les DVD et le local a été racheté par un restau japonais. c’est une autre histoire, un autre passé.

t’hésite vraiment avant de te décider, d’enfiler le pantalon à taille haute que tu as déniché une semaine plus tôt à la friperie, tes converses blanches, un haut, une veste. tu te maquilles rapidement, laisse ta crinière sur les épaules avant de claquer la porte. T’es déjà en retard, tu le sais parce que le tract que tu as encore dans ta poche indiquée un début de soirée à vingt et une heures et qu’il est déjà vingt deux heures. mais tu sais bien que ce genre de soirée ne commence jamais vraiment à l’heure, qu’il n’est pas nécessaire d’être la si tôt. et t’a bien raison, parce qu’a ton arrivée tu sens que la soirée ne fait que débuter. “soirée d’intégration 2019/2020”, un soupire au bord des lèvres, n'aurais jamais imaginé encore être dans cette université cette année. une année de plus, et pour quoi faire ? pour aller où ? tu l’ignores, t’essaie juste de gagner du temps pour trouver une solution, une issue confortable et convenable. pour l’instant tu végètes.

t’attrape l’un de ces verres rouges, le punch sans alcool offert par la fac, le clin d’oeil d’une connaissance qui secoue un flash sous sa veste. tu le savais bien. t’accepte qu’on corse un peu plus ta boisson, grimace à la première gorgée parce qu’il a eu la main lourde, te laisse finalement tomber dans un des fauteuils. T’avais oublié ce que c’était ces soirées d’intégration, ou les nouvelles têtes se mêlent aux anciennes, ou les petits nouveaux cherchent une place, un groupe, des amis, qu’importe, ils cherchent le contact un peu perdu dans cette foule. et tu pourrais bien faire le premier pas, aller parler à cette fille qui semble un peu perdue, ou à ce garçon, plutôt mignon, qui tente de gratter l’amitié aux joueurs de foot, ou peut-être aider ce visage qui ne te semble pas inconnu. qui ne l’est pas. Sandy. tu reconnais ses traits, son allure, son attitude, croise son regard. elle aussi elle t’a reconnu, tu le sais, refuse pourtant de te lever pour aller lui parler. pas après tout ce temps, pas après ce qu’il s’est passé entre vous. pas maintenant.

la nuit est à son comble;
la jeunesse en effervescence.

sandy toujours dans sa chambre, entre quelques posters de groupes déjà oubliés et ses fringues éparpillés. faut dire qu'elle sait pas comment se fringuer, et sans les conseils de sasha ou arya, la gosse ne sait même pas par quoi commencer. le soupir est au bord de lèvres, ainsi qu'une clope d'insolence allumée: si le paternel l'apprenait! fumer, mais en plus à l’intérieur de la baraque! mais le voilà absent pour la soirée, et sandy compte bien en profiter.

son cellulaire l'alarme qu'il est peut-être plus que l'heure de se secouer, alors qu'elle attrape finalement l'une des tenues les plus attendues de sa garde-robe. l'tee-shirt blanc échancré, le pantalon de cuir et l'énorme veste en jean. elle sait déjà qu'elle va se les cailler, mais bon! que ne faut-il pas faire afin de se sentir un peu plus stylée?

les kickers frôlent la chaussée, d'une prétendue légèreté. y a le cœur lourd pourtant dans la carcasse, la mélancolie des jours heureux qui se sont déjà envolés; qu'hier était joli! que l'air y était doux!

aujourd'hui, il lui reste seulement quelques lambeaux, des étincelles. quel meilleur remède pour oublier que de festoyer? voilà ce qu'elle espère, en pénétrant dans cette 'folle' soirée d'inté. le punch coule à flots, pas qu'il l'intéresse. il lui faut un truc un peu plus fort pour exister, et le réconfort dans un verre de whisky est rapidement trouvé. ça suffirait pas vraiment pour tout oublier, lui, elle, lui et elle aussi. elle surtout.

alors on en reprend un, on rit plus fort. on se crame la santé par les deux bouts, mais opale elle est toujours dans un coin de sa caboche, comme si elle était là, sur la piste en train de danser. les idées sont ailleurs, alors sandy se traîne un peu plus loin, là où les assis trouvent leur bonheur.

surprise!
y a le passé qu'à l'cul posé sur un fauteuil.
l'air fatigué, l'air éloigné.
ce genre de passé n'a guère perdu de sa beauté.

c'est billy, en un coup d'oeil, elle le sait; billy. ça la ramène aux problèmes pas si terribles de ces jeunes années, elle qui se croit vieille du haut de ses vingt ans. elle la regarde un peu sandy, presque timide. presque, parce que déjà le corps bouge. se retrouve devant le fauteuil. devant celle ayant fait mine volontairement de l'ignorer, sandy elle le sent, ouais elle le sait.

mais elle s'en fout, car ce soir;
la nuit entière reste à boire.

-"bah alors? on ne dit pas bonsoir à ses vieux amis?"

peut-être pas la meilleure manière de commencer;
mais sandy, t'as le sourire si doux
la nostalgie si présente
que t'espère qu'elle va pas trop t'envoyer chier.

@billie king