shame is what people put on you - sandy

@Sandy Marshall

Il y a ces murmures qui traversent même les abîmes et ces ouragans parfaitement inaudibles, et aucun de ses patients ne déjouaient la maxime. La douleur, peu importe la manière, parvenait à profaner le mutisme des âmes en détresse et de celles qui se mettent sous-scellé. Alors, qu’ils furent capables ou non de parler, parfois, le silence dépassait les mots. Peu de corps ne disaient rien. Il en était ainsi dans son cabinet et partout ailleurs.
Mais son corps à elle ne parle pas, et Charlie ne peut s’empêcher de scruter ce vide abyssal face à elle. La gamine se tient là, profondément stoïque, aux côtés de son amie que ses maux arrachent à toute dignité humaine. Charlie tente de saisir quelque chose parmi l’immobilité de son regard, en vain. Est-ce que tous les coeurs sont en peine de nos jours?

« - Est-ce que vous pensez avoir besoin d’aide, mademoiselle? »

Charlie a détaché ses opales du spectre immobile pour les poser finalement sur sa patiente. On ne sait pas vraiment à qui elle s’adresse, à ceux que la requête exalte sans doute. Elle croit percevoir un soulèvement de poitrine, elle sent que l’étau autour du coeur se resserre, l’endroit semble tout à coup avare en oxygène. C’est son amie qui lui permet de retrouver son souffle, atterrée par la question, elle proteste : « N’est-ce pas la raison qui m’a amené ici, dans votre foutue bureau? Celle qui m’amène à déballer ma vie devant une inconnue à peine plus âgée que moi? ». Son regard papillonne, se baisse quelques secondes sur le parquet après un furtif arrêt sur le portrait de Sandy, puis il se relève et soutient celui de la tourmentée.

« - Ma question est : est-ce que vous pensez avoir suffisamment besoin d’aide pour l’accepter? »

La gamine tressaille, ravagée par un fardeau devenu trop lourd, l’autre a tourné son visage vers son amie. Charlie contemple ce tableau, mais n’y trouve rien dans son attitude à elle. Elle attend qu’une main tremble, qu’un frisson parcourt le corps de la jeune femme, le signe d’une révérence. Mais Sandy a la peau dure.

« - J’ai besoin de votre aide, mais je ne suis pas certaine de savoir comment l’accepter. »

Ses lèvres dessinent un sourire timide ; harmonie des coeurs.

et il y a dans cette salle;
tout ce qui peut déplaire!
la peinture semble mal faite, les plantes artificielles. l'odeur n'est pas particulièrement forte ni mauvaise, simplement dérangeante. c'est à la fois trop petit, et en même temps terriblement vide. ou trop plein d'une ambiance indéfinissable, où les émotions exigus viennent s'entrechoquer sous les yeux de celle semblant se délecter du spectacle. elle! mademoiselle o connell semble parfaite maîtresse des lieux: de ce regard qui perce, mais ne dévoile pas. chaque chose ici semble avoir une place: la mauvaise. et les sièges! inconfortables au possible. et l'eau du distributeur! un arrière-goût de terre se glisse sur les papilles.

oui, il y a dans cette salle tout pour déplaire;
tout en sachant que venir ici reste la meilleure chose à faire.

alors;
rien.
pas un battement de cil, ni un dos trop droit.
pas un roulement d'yeux, pas de soupir las.
aucun engouement, pas une once d'ennui.
c'est son amie qui se doit de tout donner, si cela est possible.
sandy, elle, n'a rien à lui offrir.

spectre presque spectatrice, elle se veut pourtant soutien en témoignage de son amitié: sa présence le prouve. car si la belle le pouvait, ce serait déjà bien loin qu'elle serait... ce monde la débecte, ce métier l'obsède. à quoi bon vouloir de l'autre tout connaître? pourquoi pousser à la confidence, à l'aveu du plus terrible secret? comment oser croire lire dans un geste, un sourire, le pire des souvenirs?

il n'y a pas moyen;
pas moyen qu'une telle science puisse s'apprendre dans les bouqins.
sandy n'y croit pas!
mademoiselle o connell
vous ne m'aurez pas.

d'un air seulement protecteur, sandy étudie son amie. est-ce donc ainsi que l'inconnue espère l'aider? en la poussant dans ses retranchements, pour ensuite mieux se faire accepter? drôle d'idée.

miracle, si ça venait à marcher!
un miracle, voilà ce qu'il faudrait pour sauver de ses pensées la condamnées.
pour les sauver.

d'un geste tendre, d'un élan de force: la main de sandy se pose sur celle de son amie.

-"ça va aller lucie."

avec ou sans la psy; on se sauvera des douleurs d'une vie.

-"et comment vous comptez l'aider exactement?"

regard se pose sur charlie, un instant.
prouve moi
prouve moi que tu y arriveras
prouve moi aussi;
que tu ne me vois pas.

@charlie o connell

Et ces mots nous domptent, ni parce qu’ils sont vulgaires, ni parce qu’ils sont criés, mais parce qu’ils tombent dans un moment où les portes de l’âme sont restées ouvertes une seconde de trop. « Et comment vous comptez l’aider exactement? », assertion vertigineuse largement enrobée de désuétude, du scepticisme amer qui tâche l’air. Que pouvait-elle aider? Quels maux étaient-elles capable d’apaiser? Charlie est las d’une responsabilité qui n’est pas la sienne, et qui pourtant, trop souvent, lui incombe. Elle ne panse pas, elle enraie l’avilissement du coeur, les turpitudes de l’esprit.

Un instant, elle a envie d’écarter le propos de Sandy car, si jamais les portes de la douce sont ouvertes sans doute que la fatalité de ses paroles feront pénétrer des embûches indéfectibles. L’Eve imagine alors les échos du silence faire vrombir les murs, elle songe que les mots, ici, ont une connotation dangereuse. Les mots, ici, sont sacralisés en attendant qu’ils soient salvateurs, ou proverbes de bonne augure. La question a été posée, indubitablement, et Lucie elle-même semble attendre sa redevance. Charlie observe ces deux femmes, une à une.

« Je ne peux répondre à votre question, mademoiselle, le calme plane sur son visage, les traits saillants et délicats, car il n’existe pas de réponse. Les opales ébènes parcourent le papier égratigné par l’encre déposée plus tôt, Charlie prend le soin de poser les bons mots, les mots justes. Les gens qui entame une thérapie pensent bien souvent, à tort, que le docteur a une obligation de résultat. Les patients viennent et estiment qu’en contrepartie, ils doivent être soignés des bleus qu’ils ont à l’âme. C’est un amalgame fatal parce que souvent, ils ont déjà épuisé tout le courage et la force en leur possession afin de seulement traverser cette porte, et n’ont plus ni le courage, ni la force pour braver la réalité de la thérapie. Mais nous, psychiatre, ne soignons pas les plaies du corps, mais celles qui résident là-haut, elle touche sa tempe de son index et laisse retomber sa main. C’est pourquoi, je ne peux pas vous dire comment je vais aider votre amie, ni même si je vais l’aider parce qu’à la fin, il ne s’agit que d’elle-même et de sa responsabilité envers sa propre personne. Je ne peux interférer entre elle et son inconscient. En revanche, je peux guider sa réflexion, choisir de poser certaines questions plutôt que d’autres, émettre des hypothèses sur ses traumas, répondre à des questions pour lesquelles la subjectivité entrave une possible réponse. Charlie soupire, capte un souffle nouveau. Mon travail est de pointer du doigt les brèches, prendre le temps d’estimer avec ma patiente s’il est temps ou non de les refermer. Je n’apporte pas de solution, seulement du timing. »

Un jour, tu seras capable de comprendre
Que certaines plaies ne peuvent être pansées
Que d’autres ne sont que pures illusions, quand il est temps d’y mettre un terme.