on your side (pan & clochette)

y’as toujours l’odeur de tabac froid,
ça flotte dans l’air, comme un putain de fantôme,
comme une putain de présence.

P'pa est toujours là. dans le salon, sur le vieux fauteuil en cuir abîmé, des traces de cigarette, des miettes entre les coussins. il est là, dans le vieux cendrier toujours plein à craquer, un cigare qu’on n'aura jamais fumé en entier, un café qu’on n'aura jamais bu. la tasse est toujours là, le liquide noir qui se trouble de plus en plus, développe un micro-monde de bactéries et autres substances ragoutantes. Y'as une odeur de pourrie qui flotte dans l’appartement, odeur presque nauséabonde, cadavre en décomposition dans le frigo que t’ouvre le moins possible. mais ça n'a pas l’air de te gêner tout ça,  la crasse et les assiettes salent dans l’évier, les cartons de pizza qui s’entasse dans un coin de la pièce, le linge sale dans la salle de bain, la poussière sur les livres. Ça te dérange pas tout ça, de vivre au milieu des souvenirs, musée du glauque et de la saleté, p'pa gueulerait surement. P'pa te dirait d’aller ranger ta chambre, de passer le chiffon, de faire un peu de propre. il n'était pas le plus maniaque, mais il aimait par quand y avait des assiettes sales en train de pourrir dans la cuisine.

pourtant tu passes devant tous les jours, sans y toucher. ce soir encore, virevoltante au milieu du couloir et du parquet grinçant, tu cours jusqu’à ta chambre, plongé dans la pénombre, la voix de Kurt Cobain qui gueule sur le vieux poste. tu ramènes l’engin avec toi, traînant le fil au milieu de l’appartement, allumant au passage la lumière sur la table de chevet. des couleurs et des paillettes, des doigts qui gigotent sur tes paupières, embellissent les prunelles azuréennes, rougisse les joues que tu as toujours trouvées bien trop blanche. tu te rappelles de ce que p'pa te disait sur tout ça, sur les paillettes aux yeux, sur le rose aux joues, que ce n'était pas utile, que c’était futile, des conneries pour les Moches, que toi t’était une princesse et que les princesses n'avait pas besoin de tout ça. mais p'pa est plus là pour t’adire que t’es belle, et ce soir t’as envie de paillette dans tes yeux, des paillettes dans ton cœur.

tu beugles sur “about à girl”, accompagne le blond suicidaire sans entendre qu’on frappe. pas à la porte, pas à l’autre bout de l’appartement. non, Juste là, à coté de toi, la fenêtre. un coup. encore un autre. la voix de Peter qui t’appelle de l’autre côté. tu t’approches rapidement pour découvrir une Shabh pendu à ta fenêtre, l’attrape comme tu peux pour l’aider à se hisser. tes doigts capture les siens, la traine jusqu’au miroir ou t'as étalé les couleurs paillettes. “regarde !”, tu bouges la tête, de gauche à droite, fais danser les paillettes sur les yeux, “t’aime ça ?”, toi t’adore, et tu sais qu’elle aussi, que Peter à toujours aimer la poussière de fée. tu l’entoures de tes bras, la serre contre toi pour lui souhaiter le bonsoir, la lâche pour danser jusqu’à la musique qui gueule toujours à l’autre bout de la pièce. fin du morceau. tu sautes jusqu’à elle, gamine impatiente qui ne sait tenir en place. “Alors, tu m’as ramené une surprise ?”, gosse au matin de Noël, même si ta surprise est déjà là, bien en face de toi.