mad hatter. (river)

elle est loin la tenue de strip-teaseuse, il est loin le closer. c'est un repos bien mérité qu'elle s'offre, un cadeau d'elle à elle pour souffler, mais pas seulement. ça fait quelques jours qu'un nom de famille obsède son esprit. bentley, foutu gosse de riche. bentley à la tête d'une société pharmaceutique. il a au moins réussi quelque chose de sa vie, ils sont partis du même point pourtant. une famille riche à en crever, des parents qui se connaissent, s'acceptent plus qu'ils s'apprécient. des vacances passées sur les plus belles plages avec les gamins au milieu. deux gamins qui apprennent à découvrir leurs corps à tout juste seize ans. une unique nuit a suffit à faire basculer le monde parfait d'erel. juste une aventure, assez pour faire naitre la vie en elle, la forcer à fuir loin des palais pour protéger cet enfant qui n'existait pas encore. elle n'a jamais regretté cette fugue, mais sa vie antérieure lui manque parfois. elle manque d'argent, mais maintenant elle sait où le trouver. elle ne vient pas en paix ni pour se faire un ami. elle veut seulement lui annoncer le fruit de cette nuit onze ans plus tard, réclamer une aide financière sous peine de voir le secret se lever au grand jour, ce qui ne serait pas franchement avantageux pour river. c'est la main de cet enfant dans la sienne qui la pousse à arpenter le quartier huppé, celui dans lequel elle aurait pu vivre sans soucis, ce genre de quartier où elle se sent encore comme chez elle. l'enfant ne sait rien de tout ça, il n'a même pas demandé à venir au monde. pourtant il le faut, erel sait pertinemment que le bentley demandera des preuves. elle est dans sa main la preuve, cette tignasse brune alors que du côté des catz c'est plutôt la blondeur qui prédomine. son palpitant bat fort, trop fort. c'est juste une confrontation, juste pour le plaisir de voir le visage sûr de lui se décomposer pendant quelques instants. le bâtiment ne tarde pas à se dessiner sous les yeux de la danseuse qui se dirige immédiatement vers l'accueil où elle demande le bureau du directeur marketing. une excuse balancée, une histoire de rendez-vous a suffit pour que la porte soit indiquée, même si son nom de famille a été prononcé au téléphone avec le principal intéressé. le temps semble ralentir douloureusement au fur et à mesure que ses pas se dirigent vers ce bureau. hors de question pour elle de laisser naël, le sang de son sang à l'extérieur. elle n'aura pas besoin d'y aller par quatre chemins au moins. c'est la main de son enfant qu'elle serre un peu plus dans la sienne pour le rassurer, lui qui ne comprend pas grand chose à ce qu'il se passe. la porte du bureau s'ouvre comme dans un coup de vent. erel pénètre dedans sans attendre une quelconque autorisation. le sourire bienveillant sur ses lèvres laisse sa place à un rictus plus mauvais quand enfin elle pose ses yeux bleus sur celui qui n'a pas changé depuis tout ce temps. « bentley. » elle lâche la main de son fils, prend le temps de déposer un baiser sur son fils en lui demandant de rester dans le coin. juste le temps pour eux de régler des affaires d'adultes. elle est loin la princesse erel qui avait seize ans. c'est avec une nouvelle confiance en elle qu'elle s'approche du bureau, pose ses coudes sur le bois pour se rapprocher du brun. « la famille catz, los angeles, la plage, ça te dit quelque chose pas vrai ? » elle crache son venin sans aucune crainte, toujours aussi inconsciente. d'un mouvement des yeux elle désigne le gosse sage qui attend que ça passe. « félicitation pour ta fertilité river. » une autre façon pour elle de demander un soutien, pas moral, mais financier. plusieurs billets, assez pour acheter le silence d'erel.

fais pour régner,
petit roi de pacotilles,
avec l’impression de diriger le monde.

c’est un peu le cas. T’es au moins le roi de ton monde, tu diriges cette équipe, tous ces visages tourné vers toi, buvant chacune de tes paroles. prévisionnel et terme technique, tu mènes ta réunion comme on te l’a toujours appris : avec du rythme, de l’autorité, et quelques notes plus légères. ah ce qu’il serait fier de son fils ton père ! à te voir là, président toute une assemblée, s’investissant dans une noble cause -celle de faire, toujours, toujours, plus d’argent-. bien sur qu’il serait fier, de son rejeton qui réussit exactement comme il l’avait prévu, avec tant de talents et de maîtrise, bien loin d’imaginer ce qu’il est réellement.

le roi de la crasse,
prince des enfers, monstre cruel,

jamais il n’a imaginé que tu puisses être différent de ce qu’il avait prévu, jamais il n’a imaginé que tu prennes un autre chemin, que tu sortes enfin des sentiers battus. et t’en as rien fait non plus, t’aurais pu, mille fois, prendre la décision qui t’aurait éloigné de ton père, de son emprise, de son reflet. T’aurais pu, mais t’en as jamais rien fait, préférant rester dans le système pour le faire exploser, imploser, qu’importe, le détruire. tu conclus bien rapidement votre entrevue, t’éclipse royalement dans ton bureau, celui en haut de la mezzanine, dominant tout l’open-espace, roi sur son trône pour surveiller ses disciples. tu relèves à peine la tête en entendant des pas devant toi, une entrée dans ton lieu, prêt à souffler que tu ne souhaites pas être dérangé. on t’appelle, par ton nom. c’est à ce moment là que tu relèves le regard, vers la blonde inconnue qui t’attend en face de toi. une manière peu commune de se présenter. “on se connaît ?”, tu demandes, plein d’aplomb. T’as beau chercher dans ta mémoire, son visage ne te dit rien. et elle s’en rend compte, se sent obliger d’expliquer, Los Angeles, la plage, son nom de famille. les Catz. famille similaire à la tienne, patriarche décidant de l’avenir de ses rejetons, gamine aux cheveux blonds chercher à s’émanciper. elle donnera son corps ce soir là, tes premières fois, la sienne aussi probablement, t’effaceras son souvenir bien rapidement quand elle passera de son statut de petite fille chérie, à paria de l’humanité.

T’as eu vent de cette histoire, de sa fuite de la maison familiale, tu n'as jamais su qu’elle était arrivé de l’autre côté de votre beau pays. elle montre un gosse dans le coin de la pièce, te félicite pour ta fertilité. impossible. ricanement mauvais sur tes lippes, “vous devez faire erreur”, tu lui accordes peu d’importance, peu de crédit, reprends ton activité, t’installe confortablement dans ton fauteuil sans même lui accorder un nouveau regard. “merci de fermer la porte derrière vous”, tu la congédies, rapidement, sans lui accorder la moindre attention. elle ment, c’est évident. tu ne peux pas être le père de ce gosse, tu ne peux pas avoir mis en cloque la môme des Catz, celle qui a tant fait parler. tu ne peux pas avoir à gérer une telle situation, affronter un tel problème. c’est impossible.

la petite princesse des catz, la fille prodige qui a illuminée les yeux de son père a bien changée. de sa vie d'avant il ne reste que ses caprices de fille à papa, son air hautain et l'enfant haut comme trois pommes qui s'accroche à sa main. c'est ses seules preuves, le reste a été bafoué depuis bien longtemps déjà. il y a l'air supérieur de celui qui est toujours resté dans ce monde superficiel. le "on se connait ?" qui vient secouer le palpitant un instant. ils ne se connaissent pas vraiment, ils ne sont que deux nom de famille qui rendent bien sur la une des journaux, juste deux traces d'un compte en banque bien remplit, d'un héritage promit pour l'élite. mais elle ne connait rien d'autre sur sa petite personne. ce n'était qu'une nuit, une unique aventure où la gamine a voulue se sentir exister, sortir de la rigidité de sa famille croyante pour une simple envie de rébellion. c'est tout, mais c'est suffisant pour que ses pupilles bleutées viennent fusiller celles du directeur. elle a envie de fuir loin, prendre la main de son gamin pour obéir à river, claquer la porte en le laissant à ses occupations de gérant maléfique. elle en rêve mais ne le fait pas, ce fric elle en a besoin plus que jamais. l'agression n'est pas la solution avec lui, erel se résigne un instant, se recule de quelques pas pour s'appuyer sur le mur face au bureau en bois massif. les mains croisées derrière le dos, elle affiche un sourire plus malsain tout en prenant le soin de se rapprocher du sang de son sang. comme une lionne qui défend sa progéniture. « tu t'en souviens très bien. » c'est plus une affirmation qu'une simple question. elle devine les méninges qui travaillent dans sa boite crânienne, le refus d'affronter une vérité qui se présente pourtant sous ses yeux. c'est dans un nouveau calme étonnant que la blonde reprend la parole. « t'es plein aux as river, tu peux bien sortir quelques billets pour ton gamin. » elle ricane doucement, se délecte de cette annonce inattendue, cette petite vie parfaite brisée avant même d'avoir pu éclore. « sauf si tu préfères que ta fiancée soit au courant ? » insolente, gamine qui n'a pas froid aux yeux, princesse qui ne recule jamais devant le danger, bien au contraire. l'adrénaline l'attire comme un aimant, fait pulser le sang un peu plus fort dans ses veines, dessine une nouvelle émotion sur son visage enfantin. tout se sait dans ce milieu de requins, tout finit par éclater au grand jour, même les secrets qui datent d'il y a plusieurs années.

tu ne comprend pas vraiment,
ne réalise pas vraiment ce qui se passe,
ce qui est en train de t’arriver

tu ne comprends pas la présence de la blonde de l’autre côté du bureau, ne saisit pas tout à fait ce qu’elle est en train de te dire, les mots qu’elle prononce. Est-ce que c’est vraiment en train de t’arriver, à toi River ? est ce qu’on essaie vraiment de t’extorquer de l’argent ? la silhouette si fine, si menue, qui te semble si fragile et délicate, est-elle vraiment en train de te piéger ? tu le savais que ça finirait par arriver, t’as souvent entendu ton père en parler, de ces hommes d’affaires qui se font piéger pour quelques dollars, des sommes astronomiques qu’ils doivent ensuite débourser pour acheter un silence précaire. malsain. c’est courant dans le milieu ça arrive même aux meilleurs des hommes. mais à toi ? vraiment ? t’es pas prêt. et tu refuses de céder.

tu ricanes d’abord, malgré que sa familiarité t’irrite au plus au point. vous ne vous connaissez pas, elle n’a pas à te parler comme cela. tu la congédies, espérant qu’elle renonce, retrouve la raison et t’abandonne enfin, te donne le repos que tu demandes sans ménagement, sans même un regard vers elle. mais elle ne semble pas bouger, déterminé, et tu reconnais ce regard, le même qu’elle avait quand vous étiez plus jeune, quand vous aviez, quoi… seize ans tout au plus. elle confirme tes pensées secrètes, oui tu t’en souviens très bien, oui elle a raison putain. Erel Catz, fille chérie de cette famille influente de Los Angeles. tu te souviens des étés passés de l’autre côté du pays, des plages ensoleillées, dès instant de liberté que voulaient bien t’accorder tes parents. et tu te souviens vaguement d’une erreur de jeunesse, d’une fugue de quelques heures, d’une idée lancé par la gosse blonde comme le blé, des baisers échanger, de vos corps nus dans le sable encore chaud des longues journées d’été. Ce n'était rien, rien d’important, un “coup” dans le vent, rien de plus. rien à déclarer, tu’es retourné chez toi à la fin de l’été, t’as plus entendu parler de la gosse des Catz. ni du reste de sa famille d’ailleurs, quand ton père n'a décidé qu’ils n’étaient plus à la hauteur de votre amitié.

alors est-ce possible, est ce qu’elle dit vrai ? est ce que le gosse assis dans le coin de la pièce peut-être le tien ? tu refuses l’idée, y jette tout de même un coup d’oeil. ricanement cruel, tu te laisses tomber dans ton fauteuil, le dos bien calé les jambes croisées. "je crois avoir mal compris…”, une inspiration, dans le plus grand des calmes. “toi", tu la montres du doigt, “tu crois vraiment pouvoir me faire du chantage ?”, tu te redresses enfin, les coudes sur le bureau, le regard qui plonge dans le sien, fixe. “je ne te donnerais pas un seul centime”, t’appuie chacun de tes mots, garde la tête froide. non elle n’aura pas un sou de ta part, pas un seul de la famille Bentley. Et si elle ose aller raconter à tout le monde que t’es le père de ce gosse ? et si elle tente de détruire ta belle réputation ? eh bien tu t’en chargeras à ce moment là, tu la détruiras à ton tour…