Rescue me from the demons in my mind. {ft Amara} (hot)

Tomorrow.

Whatever you do, don't ever play my key
Too many years being the king of pain
You gotta lose it all if you wanna take control
Sell yourself to save your soul.

T'es pas mécontent quand la réunion prend fin. T'as beau ressentir de plus en plus le besoin et l'envie d'assister à ces séances, t'as aussi tendance à pas mal te tendre. De plus en plus au fur et à mesure que les gens passent pour raconter leur perte et/ou leurs dernières épreuves autour de ça.  Cette femme qui raconte qu'elle a croisé le sosie presque parfait de sa fille défunte deux ans plus tôt et la difficulté que ça a été d'affronter cela. Cet homme qui avoue rêver chaque nuit de l'être aimé et perdu. C'est sans fin. Tu les regardes et les écoutes tous passer les uns après les autres. Se confier avec peine et difficulté par moment. Et toi t'es toujours aussi incapable d'intervenir.  Et ce, même avec la présence de Amara à tes côtés. T'as les bras croisés et serrés fort contre ton torse. Ton regard ne quitte jamais l'estrade sur laquelle passent tous les participants. Tu te refuses même à tourner la tête vers la jeune femme installée à côté de toi. Il n'y a que lorsqu'elle passe à son tour pour se confier au sujet de Jenny, que tes yeux se posent sur elle.

Tu n'es pas plus tendu lorsque c'est elle qui se confie, que lorsqu'il s'agit de personnes qui te sont inconnues. T'as envie de croire que c'est plutôt bon signe. Tu ne réagis pas de manière presque excessive comme t'as pu le faire ce fameux dimanche au parc. T'écoutes et te nourris de ses confessions. Tu lui accordes un autre regard une fois qu'elle a retrouvé sa place sur le siège à côté de toi. Mais tu ne la regardes déjà plus quand tu poses ta main sur la sienne.  Tu ne sais pas si c'est pour l'apaiser elle en lui signifiant que t'es là, ou si c'est pour toi que tu te permets ce geste. Dans un cas comme dans l'autre, tu gardes ta main sur la sienne. Ton pouce caressant sa peau avec beaucoup de douceur alors même que tu évites tout à fait de la regarder. Et c'est ainsi durant tout le temps que dure la réunion.  Tu restes silencieux jusqu'au bout également. Et contre toute attente, tu ne te détends de nouveau quand il est décidé que c'est terminé. Tu laisses même échapper un bref soupir de soulagement et retires enfin ta main de celle de Amara.

Ca va ? Que tu l'interroges, mine de rien, en reportant toute ton attention sur elle. Tu veux qu'on aille manger quelque part ? Plutôt que de rentrer tout de suite chacun de notre côté ... Que tu proposes dans la foulée. Tes enfants sont chez tes parents pour l'occasion. Fait assez rare pour être noté. Mais tu craignais que la réunion ne finisse trop tard pour prendre le risque de faire venir quelqu'un chez toi pour s'occuper d'eux. Seulement maintenant, tu n'as aucune hâte de rentrer dans un appartement vide. Surtout pas après ce genre de moment où il y a déballage d'histoires toutes plus tristes les unes que les autres. T'es complètement lessivé. Et t'es certain de ne pas parvenir à trouver le sommeil tout de suite. A choisir, tu préférerais t'occuper avant toute chose. Mais si Amara ne partage pas cette envie, tu n'auras d'autre choix que de rentrer. Tu ne te vois pas te promener seul dans les rues de la ville. Et moins encore sortir boire un verre ou manger un morceau avec ton frère qui te harcèlera de nouveau, ça ne fait aucun doute.

Tomorrow.

Whatever you do, don't ever play my key
Too many years being the king of pain
You gotta lose it all if you wanna take control
Sell yourself to save your soul.

C'est la deuxième fois que j'assiste à ces réunions. La première, je n'ai pas beaucoup parlé, je préférais écouter les autres exprimer leurs ressentis et leurs souvenirs. Puis, vers la fin de la séance, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai expliqué la raison de ma présence, parlant un peu pour Suile aussi. Lui, n'est pas monté une fois sur l'estrade. Personne ne l'oblige à passer le cap. Peut-être que simplement écouter lui suffira à avancer. Je vois déjà une nette amélioration. Il se sent moins seul dans sa douleur, comme il me l'a avoué il y a quelques jours. Je le vois toujours se tendre en encaissant les histoires tristes des autres. Il a la posture fermée, les bras croisés autour de lui comme pour se protéger des émotions que les discours des autres intervenants pourraient lui provoquer. J'essaye de croiser son regard à plusieurs reprises pendant la séance, sans succès. Il reste concentré sur un point fixe, devant lui. Regarde-t-il la personne qui s'exprime ou le mur derrière elle ?

Puis je me lève à mon tour. Je n'ai pas envie de confier mes doutes, mes douleurs ni mes craintes. Au contraire, je parle de ma soeur comme si elle était toujours vivante. Je fais la liste de ses qualités et ses défauts en racontant des anecdotes. Certaines m'arrachent même un petit rire. C'est bon de parler d'elle en bien, sans évoquer une seule fois le jour de sa mort ni des conséquences de son décès. Je m'exprime pendant dix minutes puis me rassieds, les joues un peu rouges d'avoir parlé en public mais le coeur plus léger. La main de Suile se pose sur la mienne et je la serre, devenant de plus en plus dépendante de ses contacts. Sans surprise, il ne détache pas son regard de l'estrade mais le fait qu'il est décroisé les bras pour me prendre la main prouve qu'il est là, même s'il ne dit rien et ne bouge quasiment pas.

A la fin de la séance, je reste silencieuse jusqu'à ce qu'on sorte du bâtiment et que Suile m'adresse à nouveau la parole, comme sorti de sa transe de concentration. "Oui ça va. Et toi ? T'avais l'air tendu..." Je prends son désir que je sois honnête avec lui très au sérieux depuis notre fameuse discussion. Je lui dis donc les choses comme elles sont, au risque de jeter de l'huile sur le feu parfois. Il me propose d'aller manger quelque chose et je ne suis absolument pas contre. Il est déjà tard, la réunion dure en général deux bonnes heures. Puis je sais que les enfants sont en sécurité et entre de bonnes mains donc nous pouvons nous permettre de trainer un peu. "Bien sûr avec plaisir." Je regarde les enseignes qui se trouvent à proximité dans la rue. Un italien, un chinois et un traditionnel. "Je me ferais bien une pizza. Ça te va ?" Je sers mon gilet contre moi. L'été n'est pas tout à fait terminé mais dès que le soleil est couché, l'air devient rapidement frais et la fatigue accumulée pendant la réunion n'aide pas à ressentir une quelconque chaleur. Il ne nous faut que quelques pas pour rejoindre le restaurant choisi et de s'y installer. Je commande un verre de vin en guise d'apéritif avant de chercher sur le menu ce qui me fait le plus envie. Je lève les yeux un instant pour observer mon beau-frère et lui demande "Tu as des nouvelles des enfants ? Je suppose qu'ils dorment maintenant."

Tomorrow.

Whatever you do, don't ever play my key
Too many years being the king of pain
You gotta lose it all if you wanna take control
Sell yourself to save your soul.

Soit, tu ne le montres pas. Mais la présence de Amara à ces réunions t'apporte quelque chose. Tu te sens presque rassuré. Ou quelque chose du genre en tout cas. T'as beau éviter de regarder dans sa direction, t'es parfaitement conscient de sa présence juste à côté de toi. Tu te doutes qu'elle n'est pas consciente de ça. T'espères juste qu'elle ne pense pas que c'est carrément tout le contraire, que tu n'es pas du tout à l'aise parce qu'elle est là et que tu regrettes totalement ton invitation. T'as espoir qu'elle te pose directement la question s'il lui vient en tête le moindre doute. Qu'elle osera t'interroger directement plutôt que de s'inquiéter de son côté sans rien dire. Vous avez plus ou moins passé un marché tous les deux après tout. T'espères forcément qu'elle va oser s'y tenir, sans faire dans la dentelle ni tourner autour du pot. T'es bien obligé de compter sur elle pour ce qui est de la franchise, puisque de ton côté tu n'as rien à dire ou redire. T'as jamais à te plaindre de quoi que ce soit venant d'elle.

C'est finalement quand vous quittez le lieu de la réunion où certaines personnes s'attardent pour discuter un peu ensemble, que vous parlez de nouveau tous les deux. Qu'elle t'interroge directement. Tu lui offres un sourire qui se veut rassurant. Ça va. Tu la rassures, avant de hocher un peu la tête de haut en bas. Je l'étais. Mais ça va. Tu ne vas pas lui mentir alors que t'as demandé à ce que vous soyez parfaitement honnêtes l'un avec l'autre, en toutes circonstances. T'étais tendu tout le temps que ça a duré. Mais t'es de nouveau bien maintenant. Tu pensais avoir plus mal que ça en écoutant Amara parler de sa soeur. Soit, ça ne t'a pas fait tant de bien que ça non plus. Mais t'as pu écouter et entendre sans avoir la sensation d'être aspiré par le trou noir qui n'a que trop souvent tenté de te dévorer tout entier. Tu te contentes de lui répondre un "avec plaisir" tout bas, quand elle propose que vous alliez manger des pizzas. Ça te convient, à partir du moment où vous ne rentrez pas tout de suite chacun de votre côté. T'es vraiment soulagé qu'elle accepte plutôt volontiers de partager ce repas avec toi.

Sans en être tout à fait conscient, t'accélères légèrement le pas quand tu constates qu'elle frissonne dans son petit gilet fin. Sans y penser, tu lui tiens la porte ouverte pour qu'elle entre, avant de pénétrer à ton tour dans le restaurant. Et aller t'installer en sa compagnie à une table dispo. A cette heure ci, il y a moins de monde. Ce qui n'est pas un mal, au contraire. Tu demandes un simple verre de soda quand le serveur passe demander si vous souhaitez un apéritif. Tu ne bois plus vraiment d'alcool depuis la disparition de Jenny. Tu crains trop l'effet qu'il pourrait avoir sur toi. Tu fais un rapide tour du menu quand elle t'interroge au sujet de tes enfants. Tu n'as pas encore relevé la tête pour la regarder, qu'un sourire force le passage sur tes lèvres. Tu sors ton portable de ta poche, le déverrouille et le pose devant elle. J'ai demandé à ma mère de m'envoyer régulièrement des messages. Je crois qu'elle a juste un peu exagéré. Tu fais référence à ses phrases qu'elle a balancé sur plusieurs messages en plus des photos presque inutiles des activités de tes enfants tout au long de la soirée. Elle était sans doute trop euphorique de pouvoir enfin les avoir chez elle le temps d'une soirée et d'une nuit.

Tomorrow.

Whatever you do, don't ever play my key
Too many years being the king of pain
You gotta lose it all if you wanna take control
Sell yourself to save your soul.

Il a le mérite d'être honnête quand je lui ai dit que j'avais remarqué son malaise pendant la réunion. Il ne s'explique pas d'avantage, il ne cherche pas d'excuses ou à donner des explications. Il est juste honnête. Notre relation a ainsi évolué au fil des jours et je pense sincèrement que d'ici peu, on se permettra encore plus de choses. Je n'insiste pas, partant du principe que s'il voulait m'en dire plus, il était libre de le faire. Je n'ai fait que constater son état, ce n'est en aucun cas un reproche ni même une surprise. J'ai moi même eu des moments pendant la séance où j'ai été prise de frissons en écoutant les histoires des autres. Bien entendu que je me suis retenue de pleurer lors de témoignages poignants. Si quelqu'un reste insensible tout le long, c'est qu'il a réellement un coeur de pierre ou qu'il a abusé des calmants avant de venir. Ce n'est juste pas possible de ne pas être bouleversé à un moment ou un autre.

Je suis contente que Suile me propose de manger ensemble. Je n'ai pas spécialement envie de rentrer chez moi tout de suite. Pas après ces heures de fortes émotions. Je suis fatiguée c'est certain, d'une fatigue psychologique suite à l'empathie que j'ai ressenti pour toutes ces personnes. Mais passer du temps avec lui va m'aider à me requinquer. Déjà, le restaurant n'est pas trop plein à cette heure, on s'entend donc parler sans devoir tendre l'oreille ni hausser le ton. Puis la légère odeur de pizza dans l'air me donne immédiatement faim. Je n'ai pas besoin de regarder longtemps le menu pour savoir laquelle je vais commander. En attendant, nous choisissons nos apéritifs et je me sens presque bête de boire de l'alcool seule. Mais ça passera très bien avec le plat donc je ne change pas d'avis. Pendant que Suile cherche ce qu'il va manger, je lui demande des nouvelles des enfants et quand il me montre son téléphone avec les nombreux messages de sa mère, je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour.

"Ah oui, en effet." J'en lis quelques uns à la volée. Certains sont même accompagnés de photos pour prouver que Lily et Lucas se portent bien chez les grands-parents. Je reconnais la grimace que Lily adore faire ces derniers temps quand on la prend en photo. La dernière les illustre en train de dormir ensemble dans un lit rempli de peluches. "Tu risques d'avoir du mal à les récupérer demain" Pour eux, c'est un peu comme des vacances. Pour Suile, en revanche, j'imagine que passer la nuit seul dans l'appartement va pas mal le perturber. "Ça va pas te faire trop bizarre sans eux ?" Je suis même étonné qu'il n'ait pas voulu les récupérer juste après la réunion, pour cette raison justement. A ma connaissance, il n'a jamais été entièrement seul depuis la mort de Jenny. J'ai peur qu'il ne trouve pas le sommeil et qu'à l'inverse, de vieux démons viennent le hanter. Les boissons arrivent et je lève mon verre, bien décidée à passer un agréable moment avec lui. "A l'avenir. Puisse-t-il être beau."

Tomorrow.

Whatever you do, don't ever play my key
Too many years being the king of pain
You gotta lose it all if you wanna take control
Sell yourself to save your soul.

T'es soulagé qu'elle accepte, sans hésitation apparente, de dîner avec toi. Soulagé parce que tu n'as vraiment aucune hâte de rentrer te perdre seul chez toi. Tu essaies d'ailleurs de ne pas trop y penser à ce moment où tu vas refermer la porte derrière toi et te retrouver seul avec ta solitude et ton désespoir. Si t'y penses, tu risques de paniquer et de filer directement chez tes parents pour dormir chez eux. Ce qui est également hors de question. T'es un adulte bon sang. Tu dois apprendre à affronter seul cette solitude qui ne va faire qu'aller crescendo avec le temps. Parce qu'un jour tes enfants seront assez grands pour sortir régulièrement avec leurs amis. Et plus tard encore, ils prendront leurs clics et leurs clacs et s'en iront peut-être bien étudier à l'autre bot du pays. Et tu n'auras alors aucun droit de les retenir, bien entendu. Tu ne pourras que les laisser fier. Et leur montrer que t'es content et heureux pour eux. Tu le seras vraiment dans le fond ... Parce qu'ils passeront toujours avant ton propre bien être et ton propre bonheur. C'est bien pour ça également que tu doutes d'être un jour capable de refaire ta vie. Tu ne sais pas s'ils pourraient accepter de te voir refaire ta vie.

Amara elle même ne sera pas toujours là pour tromper ta solitude. Elle aura sa propre vie à gérer, toujours. Surtout le jour où elle rencontrera l'homme qui est fait pour elle. Parce que tu ne doutes pas que ça finira par arriver. Elle le mérite tant ... Alors tu profites de ce temps que vous avez tous les deux. Vous aider l'un et l'autre à vous reconstruire suite à la perte de Jenny, semble être la meilleure façon de procéder. Ensemble. Tu souris encore à sa réaction à la vue des nombreux messages et photos dans ton téléphone. Promis, j'en demandais pas tant ! Que t'assures avec conviction, pour qu'elle sache que t'es tout à fait sincère et sérieux. Même si tu doutes que ça l'inquiète beaucoup ça. Tu doutes qu'elle te reproche de tant t'inquiéter pour tes enfants. Ce n'est vraiment pas le genre de reproche que l'on peut te faire. Tu crois ... ? Que tu t'inquiètes quand même un peu quand elle affirme que t'auras du mal à les récupérer. Tu n'as vraiment pas envie de croire ça pourtant. T'es persuadé qu'ils seront trop heureux de te retrouver pour refuser de te suivre.

Sa question suivante t'arrache une petite grimace. J'préfère pas trop y penser. Que t'avoues sans hésiter. Tu ne sais pas encre comment tu vas gérer ça. Mais tu doutes fort de pouvoir bien gérer. Mais j'avais pas envie d'aller les réveiller pour les ramener. Tu penses à eux bien avant de penser à toi, ça n'a rien d'une nouveauté. Tu te redresses quand vos boissons arrivent. Et encore une fois, tu te détends et offres un petit sourire aux paroles de la blonde. T'as envie d'y croire que l'avenir sera un peu plus beau. Même si t'es pas encore capable, du tout, de l'imaginer. Juste de te dire que ça finira par s'arranger, suffit à te faire un peu de bien. Et c'est toujours mieux que rien ça. Tu n'ajoutes rien à ses mots et te contentes de boire une gorgée de ton soda. L'un comme l'autre, vous n'attendez que ça. Que les choses s'arrangent et se fassent de plus en plus supportables. Je suis content que t'assistes à ces réunions avec moi. Que t'oses souffler/confier après un court silence.

Tomorrow.

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Too many years being the king of pain
You gotta lose it all if you wanna take control
Sell yourself to save your soul.

En voyant tous les messages que la mère de Suile lui a envoyé en l'espace de quelques heures, j'espère pour lui qu'il avait laissé son téléphone en mode silencieux. Je n'ai pas entendu de vibration pendant la réunion, mais s'il a laissé son téléphone dans sa poche, lui en revanche, devait avoir capter chaque nouvel arrivage. Et stressé à chaque fois que quelque chose se soit passé. Heureusement, ce n'est pas le cas. Certaines photos méritent d'être sauvegardées et même développées pour figurer sur un cadre tellement elles sont adorables. "Tu pourras me les envoyer ?" Je lui rends son téléphone et souris quand il juge nécessaire de se dédouaner de ce monologue de texto. J'en ris même en l'imaginant, à l'inverse, harcelé sa mère pour savoir si tout va bien toutes les dix minutes. Je ne me moque pas de lui, surtout que c'est la première fois qu'ils laissent ses enfants une soirée et une nuit entière. Il doit tout de même être rassuré de les savoir chez ses propres parents, c'est toujours plus réconfortant qu'avec une nourrice inconnue.

"C'est le rôle des grands parents que de faire plaisir à leurs enfants. C'est un peu comme un jour de fête pour eux." Si l'expérience leur a plus, nul doute qu'il devra la réitérer plusieurs fois. "Mais t'en fais pas. Je suis sûre que tu leur manque beaucoup. Ils sont juste suffisamment bien entourés pour ne pas s'en rendre compte." Contrairement à Suile qui aura toute la nuit pour se souvenir qu'il est seul. J'ai bien l'intention de lui changer les idées jusqu'à ce que ce moment arrive. Parce que je le sens déjà tendu à l'idée de rentrer et de découvrir leurs petits lits vides. "Demain sera vite là, t'inquiète pas." Je passe ma main à travers la tête pour saisir la sienne et la serrer pour le rassurer. Il est adorable d'être aussi inquiet mais je ne veux pas pour autant que ça en devienne maladif. Il peut être protecteur envers ses enfants, mais les étouffer n'aidera pas à les épanouir.

On finit par trinquer pour bien débuter ce diner et je repose mon verre après en avoir bu une gorgée. Je pose également le menu sur le bord de la table pour signifier au serveur que j'ai fait mon choix. Je hoche positivement la tête à sa remarque suivante, revenant au sujet de la réunion. "Moi aussi. Je ne pensais pas pouvoir parler aussi librement devant un tas d'inconnus." Au final c'est plutôt libérateur. Parler pour dire tout ce qui me passe par la tête quand je pense à Jenny. Aucun besoin que chaque histoire ait un sens pour ceux qui écoutent, du moment que ça veut dire quelque chose pour moi. Le but est de faire ressortir le bon comme le mauvais pour pouvoir tourner la page. Je n'ai pas encore réussi à parler du mauvais pour l'instant. C'est trop tôt pour moi. Et pas que. Si je parle de l'accident, j'ai peur de la réaction de Suile. Qu'il prenne mal que j'étale cet événement horrible devant tout le monde ou qu'il ne ressente pas l'émotion qui me consume rien que d'y penser. C'est trop délicat encore pour que je me risque à ce genre de confessions.

Tomorrow.

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Too many years being the king of pain
You gotta lose it all if you wanna take control
Sell yourself to save your soul.

Si tu t'es permis quelques coups d'oeil à ton téléphone au cours de la réunion, ça n'a toujours été que pour t'assurer rapidement que tout allait toujours bien du côté de tes enfants. T'as pris sur toi pour ne pas répondre. Et t'as laissé le portable en mode silencieux pour être un peu moins tenté de zieuter à chaque nouvelle arrivée de texto. Le plaisir de lire tes messages et voir les photos, n'a été que plus beau et plus intense après tout ça. De quoi te remettre un peu de baume au coeur. C'est le même effet que te fait Amara par sa seule présence d'ailleurs. Ce que t'essaies de lui faire comprendre, à ta façon. Bien sûr. Je te ferai ça ce soir. Parce que tu n'auras absolument rien d'autre à faire de toute façon. Une fois que tu seras seul chez toi, comme un pauvre idiot. Ou un veuf malheureux plutôt. Parce que ça, c'est bien ce que t'es. Cette idée me plait autant qu'elle me déplaît. Que t'avoues sans hésiter. C'est vrai que t'es pas des masses rassuré à l'idée de devoir les laisser trop souvent chez leurs grands parents. Mais qu'en même temps, t'es soulagé de savoir qu'ils sont bien chez eux.

Tu lui offres un sourire tout de suite moins crispé et nettement plus apaisé, quand elle vient poser ses doigts sur ta main. Tu sais qu'elle cherche à te rassurer par ce geste et par ses mots. Qui restent vrais, que ça te plaise ou non. T'es bien obligé d'admettre que le jour suivant arrivera vite. Que tes enfants seront rapidement de retours chez toi / chez vous. J'espère oui. Tu ne vas pas prétendre avoir cette sensation véritablement présente. Parce que ce serait lui mentir et que t'es toujours bien décidé à ne plus le faire. A ne plus prétendre aller bien quand ce n'est pas le cas. En l'occurrence, dans l'immédiat tu n'es pas trop mal. Il est évident que c'est une fois que tu seras seul chez toi, que ça ira moins bien. Mais elle n'y peut rien Amara. Et il va bien falloir que tu t'y habitues surtout, à dormir seul dans ton appartement. Après un an à t'être habitué à dormir seul dans tes draps, ça semble être l'étape suivante.

Vous trinquez à un avenir un peu plus radieux, avant de parler un peu plus de cette soirée que vous venez de passer. Qui n'est pas encore tout à fait terminée d'ailleurs. D'abord, vous débriefez ensemble. Brièvement coupés par l'arrivée du serveur qui prend vos commandes avant de disparaître de nouveau. T'avais l'air à l'aise. Et t'étais souriante. Que tu fais remarquer, avec toi même un petit sourire. Tu ne l'étais pas du tout toi. Mais te fermer un peu t'as permis d'être moins percuté par les histoires parfois violentes qui ont été racontées dans cette grande salle. J'ai aimé t'écouter. Que tu lui confies également. Pour qu'elle n'aille surtout pas s'imaginer que t'as été mal à l'aise ou carrément triste de l'entendre parler de sa soeur. Comme prévu et espéré, t'as même plutôt été bien alors qu'elle faisait part de quelques anecdotes. Plus ou moins drôles. Plus ou moins belles. Mais à tous les coups, parfaitement réalistes. De vrais souvenirs. Dont quelques uns que tu ne connaissais pas.

Tomorrow.

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Sell yourself to save your soul.

"Super. Le cadre photo à côté de mon entrée à besoin d'un petit rafraichissement." Les photos qui s'y trouvent, au nombre de trois, datent toutes d'avant le décès de Jenny. L'une d'elle nous illustrent d'ailleurs toutes les deux, lorsque nous faisions un shooting photo pour ma collection de bijoux. On peut l'apercevoir avec un léger ventre, elle était enceinte de Lily à l'époque. La deuxième représente les O'Brien au complet, Lucas encore dans le ventre de sa mère. Ça avait été pris lors d'un barbecue, quelques semaines avant l'accident. Puis la troisième représente mes parents qui courent après une Lily encore petite, qui gambadait dans le jardin familiale alors qu'elle venait à peine d'apprendre à marcher. Que de très bons souvenirs mais il est temps de les remplacer par d'autres, plus récents. Rien ne dit que j'utiliserais les photos que Suile va m'envoyer, il faut déjà qu'elles soient de suffisamment bonnes qualités pour pouvoir les développer. Mais je tiens à le faire rapidement. Ça m'aide à avancer, à tourner la page.

"Tu finiras par t'y habituer. T'as bien réussi à me les laisser plusieurs fois. Puis j'imagine que l'inquiétude fait partie du package reçu en cadeau quand tu deviens parent." En tant que tante, je me fais parfois du soucis pour les enfants mais jamais comme Suile. C'est normal, il est père célibataire et se retrouver seul pour élever deux jeunes enfants modifie votre vision des choses et des priorités. Il sait qu'il a un entourage solide pour l'épauler en cas de besoin mais passer le cap demande du courage et beaucoup de confiance. Je ne veux pas passer pour une donneuse de leçons alors que je ne suis pas du tout dans sa situation. Je ne fais qu'énoncer les faits et ce qui me semble logique. A lui de prendre les décisions qu'il jugera adéquates pour ses enfants. "Et si tu en profitais pour faire quelque chose que tu ne peux pas faire quand ils sont là ?" Se coucher plus tard parce qu'il a envie de voir le film d'horreur qui passe en pleine nuit, le home cinema à fond tant qu'à faire. Percer des trous pour ajouter des cadres ou des tableaux sans craindre que des petits doigts approchent les outils. Changer les meubles de place sans devoir surveiller deux boules d'énergie ou risquer de les réveiller de leur sieste.. il avait le choix. Je me retiens de penser qu'il pourrait aussi inviter une femme chez lui. C'est vraiment la dernière pensée que j'ai envie d'avoir en tête.

Le serveur nous interrompt pour prendre notre commande, me laissant le temps d'assimiler le constat de Suile. "A l'aise est peut-être un grand mot. Mais ça m'a fait du bien, c'est certain." Quant au fait d'être souriante, étant donné que je n'évoquais que des souvenirs heureux, je n'avais aucune raison de ne pas l'être. Je souris quand il m'avoue avoir aimer m'écouter. C'était un peu ma crainte en montant sur l'estrade mais s'il en ressort du positif, tant mieux. "J'ai juste laissé mes souvenirs me guider." Je n'ai rien préparé à l'avance. Je n'étais même pas sûre de prendre la parole en y allant. C'est au fil des témoignages que je me suis rendue compte que j'avais moi aussi besoin de m'exprimer. Pour raconter des beaux moments et mettre des sourires sur un peu tous les visages présents alors qu'ils s'imaginaient les anecdotes comme s'ils les vivaient eux mêmes. Je joue avec ma serviette, hésitant à poser la question. Je bouge un peu sur ma chaise en décidant de me lancer quand même. L'honnêteté avant tout, pas vrai ? "Et hum toi ? Tu aimerais te lancer aussi ?"

Tomorrow.

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Tu sais de quel cadre photo elle parle. Elle le possédait déjà avant son déménagement pour investir un appartement dans la même rue que toi. T'as forcément un petit sourire au souvenir de ces quelques photos qui ne respirent rien d'autre qu'un bonheur qui s'est éteint il y a plus d'un an maintenant. Toi, t'as retiré toutes les photos qui se trouvaient dans la maison familiale, au cours des semaines qui ont suivit l'accident. Pour les ranger dans un carton que tu n'as jamais rouvert depuis. En arrivant dans l'appartement que t'occupes encore aujourd'hui, tu l'as foutu dans le placard mural de ta chambre qu'il n'a pas quitté depuis. T'as fait développer d'autres photos pour les accrocher aux murs. Uniquement de tes enfants. Ce sont les seules que tu supportes de voir. Aucune avec toi. Ce serait encore une fois marquer l'absence de Jenny dans vos vies. Et tu n'es toujours pas prêt pour ça. Le seras-tu un jour ? Oui mais jamais une nuit entière. Et en général, c'est chez moi que je te demande de les garder. Que tu lui fais remarquer avec une petite grimace.

T'as peut-être l'air de douter de la capacité de tout ce beau monde à garder tes enfants. Ce n'est pourtant pas le cas du tout. T'as une confiance aveugle en tes parents et en Amara. Ce sont les trois seules personnes à qui tu sais que tu peux confier tes petits, les yeux fermés. Mais ça reste compliqué pour toi quand même. T'es pas tellement à l'aise. Tu ne peux que te demander toutes les cinq minutes si l'un de tes petits n'est pas tombé et ne s'est pas fait mal, par exemple. Et forcément, t'as la peur insupportable de les perdre comme t'as perdu ton épouse. Ce qui n'est sans doute pas si surprenant que ça. Mais je sais que j'ai pas de raison de m'inquiéter. Tu tentes surtout de t'en convaincre toi même en disant ça. T'as un petit sourire à sa question/remarque. Qui te fais un peu réfléchir. Comme quoi ? Parce que non, tu n'as aucune idée. La seule qui te vient en tête n'est pas faite pour toi dans l'immédiat. T'es toujours pas prêt pour ça. Tu n'y penses même pas, plus largement. Mais tu sais qu'il te faudra mettre tes enfants chez tes parents quand il te prendra l'envie de fréquenter à nouveau des femmes. Mais ce n'est pas à l'ordre du jour.

Vous parlez ensuite de la fameuse réunion. Du fait qu'elle ait si bien parlé devant tout le monde Amara. Sans hésitation apparente. Du moins t'es celui qui la connaissait le mieux à cette occasion et tu n'as vu aucune hésitation. Juste toute la douceur, la délicatesse et le sourire qui la caractérise si bien. Et c'était très bien. Que t'insistes avec un petit sourire. Tu ne sais pas si ça t'a apporté quelque chose sur le long terme. Mais il est certain que t'as aimé entendre tout ça. Parce que cette fois, contrairement à la dernière, t'étais préparé à entendre toutes ces choses. Tous ces souvenirs, sortis de sa bouche. Tu n'as pas eus peur de la suite des ses mots. T'es resté sagement à l'observer, à l'écouter et à revivre tous ces beaux moments. Je me sens pas encore prêt. Que t'avoues tout de suite, pour que ta réponse soit claire à ce sujet. Depuis quelques temps ... La seule chose qui me vient en tête quand je pense à Jenny, c'est le soir de son accident. J'ai peur de perdre tous les souvenirs heureux. Que t'avoues à voix basse. Expliquant un peu ainsi, la raison pour laquelle ça te fait tant de bien de l'entendre parler de sa soeur.

Tomorrow.

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Too many years being the king of pain
You gotta lose it all if you wanna take control
Sell yourself to save your soul.

J'ai remarqué que les photos sont très peu présentes dans son appartement. A part celles des enfants et l'évolution au fil des mois de leur croissance, il n'y a pas grand chose qui révèle qui vit là. Je ne vais certainement pas lui reprocher d'avoir fait le tri dans les clichés accrochés au mur de leur ancienne maison. Sa défunte femme le hante déjà suffisamment sans qu'il ajoute son portrait un peu partout. Ce n'est pas pour rien que je ne lui ai pas encore offert le tableau que j'ai peint cet été, représentant ma soeur justement. Je le vois bien décoré le bar qui porte son nom mais pour ça, il faut d'abord que Suile soit remis et accepte de voir son visage tous les jours. Ce qui n'est pas encore gagné. Je sais aussi d'avance que bientôt, les enfants réclameront des photos de Jenny, rien que pour assouvir leur curiosité. Lily l'a connu de son vivant mais sa mémoire d'enfant va très vite trier les détails de son visage pour qu'il n'en reste qu'un souvenir flou. Quant à Lucas, il ne l'a jamais connu donc il la regardera avec tendresse mais sans pouvoir faire le lien avec un moment heureux de son enfance. C'est triste, cette dure réalité.

"C'est vrai. C'est un changement considérable." Mais néanmoins nécessaire. Il ne peut pas continuer à vouloir tout gérer tout seul. Pour pouvoir offrir à ses enfants la plus sereine enfance possible, il doit d'abord guérir ses blessures. Et la thérapie de groupes semble avoir quelques effets positifs. A voir sur la durée si ce bénéfice se vérifie. C'est déjà pas mal qu'il admette qu'il n'a aucune raison de s'inquiéter, ses parents s'occupent très bien de leurs petits enfants. Je n'ai aucun doute là dessus. Ça leur tient à cœur d'être ainsi présents dans leur vie et d'aider leur fils quand il en a besoin. Je suis moyennement étonnée qu'il me demande des exemples de choses qu'il pourrait faire en l'absence des enfants. Je hausse les épaules, les exemples ne manquent pas. "Te promener à poil dans l'appart ? Sauter sur le lit ? Manger tout un pot de glace devant un film d'horreur ou interdit aux moins de 10 ans ?" Je plaisante bien sûr, histoire de le dérider et même éventuellement de le faire rire. Note pour moi même : ne pas imaginer Suile nu, c'est déjà compliqué quand il est habillé..

Pour ma part, je ressens déjà les bénéfices de parler de Jenny en public. Je ne pensais vraiment pas être capable de me lancer comme ça mais le groupe est tellement accueillant et soudé que c'est presque comme parler avec des vieux amis. Des amis qui traversent plus ou moins les mêmes galères que nous. Je suis soulagée de savoir que mes confessions n'ont pas trop affecté Suile. Le but est de se reconstruire ensemble, non pas d'enfoncer l'un ou l'autre en évoquant des souvenirs pénibles. "Tant mieux alors. Je pense que je recommencerai." Puis, progressivement, j'en viendrais à parler de la mort prématurée de ma soeur, évoquant tout le drame que cet accident de voiture a provoqué. Mais pour l'heure, je me concentre sur lui et sur sa propre prise de parole sur cette même estrade. Vu comme je l'ai senti tendu, je me doute qu'il n'est pas encore prêt à passer ce cap. Mais ce qu'il confie ensuite me désole et je suis triste qu'il en soit venu à ce point. Les premiers temps, c'est normal de se ressasser ce soir là mais après un an ? J'aimerais pouvoir faire quelque chose pour lui, pour l'aider à éloigner le mauvais pour se souvenir uniquement du bon. "Tu ne dois pas te laisser abattre Suile." Ma main retrouve une nouvelle fois la sienne. C'est devenu quasiment un automatisme maintenant. "Je suis sûre que tu peux trouver des souvenirs heureux. Moi j'en ai plein." La preuve lors de mon témoignage à la réunion. Mais même dans son cas, je peux lui en énumérer quelques uns. "La larme unique que tu as versé le jour de votre mariage, quand tu l'as vu avancer vers toi. Les nombreuses fois où elle te faisait tourner en bourrique à cause des ses envies de femme enceinte.. " Ce n'est pas possible qu'il les ai tous oublié. Ils sont juste enfermés quelque part dans sa tête, là où les mauvais ont pris le pouvoir.