(deux mois plus tôt.) merde, merde. il a fait une connerie digne d'un jeune adolescent. petit con. l'image de l'enfant innocent s'est échappée en quelques fractions de secondes. qu'est-ce qu'il a voulu se prouver salva ? qu'il est un adulte comme les autres, un gars qui touche à la vermine comme les autres ? idiot. ce n'est pas lui, il n'est pas comme ça. il s'est envolé le sourire rieur, elles se sont fait la malle les pupilles brillantes. sale gosse. il panique salva, incapable de bouger au milieu de l'agitation constante. ce n'était qu'un pari avec des potes, ce genre de défi lancé sans vraiment le penser pour se croire grand. ce n'était qu'une boutique de souvenirs bon marché dans un quartier défavorisé, ce n'était qu'un petit vol de quelques marchandises sans valeur pour un groupe d'inconscients. trop aveuglés par l’appât du gain pour voir le monde tourner autour d'eux. la racaille du quartier est sortie pour défendre leur propre intérêt, juste un petit commerce qui leur permet de vivre, se retrouver, faire des réunions pour projeter leurs propres projets de petite envergure. tout est allé trop vite pour les yeux de salva qui ne connait rien de tout ça, un apprenti au milieu des professionnels. simple spectateur d'un massacre annoncé, incapable de bouger quand les armes blanches sont sorties. sa seule force a été la fuite, le regain de l'air frais alors que la folie s'emparait des occupants du magasin. il y a eu des cris, des supplices. un coup de feu. les yeux de l'hispanique qui se ferment pour ne pas voir, les jambes qui s'envolent pour ne pas rester là. la police qui défile plus vite lui, les mains qui enserrent ses poignets et salva qui panique, qui hurle son innocence à qui voudra bien l'entendre. un simple témoin, il l'a juré. juste un gars plus malin que les autres qui a eu de la chance de s'éclipser avant le drame. un vol, un meurtre à porter. tout ça pour se sentir important dans un monde qui ne tourne pas rond. (présent) les pupilles s'ouvrent pour chasser la vague de souvenirs. il n'est qu'un témoin, pas vrai ? l'enquêteur ne sera pas naïf, il avance comme un condamné dans le couloir de la mort. enfant trop tangible dans un immeuble trop grand. les murs épurés qui viennent l'étouffer à nouveau. le coeur au bord des lèvres. l'innocence légendaire de salva est loin maintenant, les jolis moments qu'il a pu s'offrir sont terminés. pourtant à l'accueil il prononce son nom, son prénom, son rôle de témoin dans une affaire loin d'être limpide. salva rojas, le témoin. salva rojas, le gosse incapable d'assumer qu'il n'a pas su bouger d'un poil alors qu'un inconnu a perdu la vie. salva le lâche. putain de lâche. il ne parvient même plus à voir la beauté d'un tableau, le sourire d'une secrétaire, il n'entend plus les rires dans la rue un peu plus bas comme en temps normal. tout ce qu'il voit c'est la porte de l'enquêteur qui se rapproche dans une lenteur qui semble le torturer. tout ce qu'il entend c'est son palpitant qui tambourine dans sa cage thoracique. tout ce qu'il sent c'est le piège qui se referme sur lui. adieu les soirées au bord de la plage, adieu les rires qui éclatent dans son inconscience. même s'il se sort de ce pétrin, les souvenirs seront toujours là pour lui rappeler qu'il n'a pas bougé. assis sur le siège dans la salle d'attente, les minutes défilent en resserrant l'étau qui se referme autour de son corps qui n'est plus fier de rien. c'est son nom qui est enfin prononcé, la porte qui s'ouvre pour laisser filer une lumière trompeuse depuis le bureau de l'enquêteur. une dernière bouffée d'air, l'impression de voir la liberté pour la dernière fois. ce n'est pas dans ses habitudes à salva de courber l'échine, de fixer le sol pour ne pas affronter un regard qu'il redoute. il vient rejoindre une nouvelle chaise en bois face au bureau en bois massif. ose enfin lever son regard vers l'homme aux bouclettes brunes, comme lui. l'enquêteur est adulte sans avoir fait de conneries dans son genre. il a fallu de quelques minutes pour que la vie de salva bascule, quelques secondes pour que les lèvres s'entrouvrent en balbutiant des mots en lesquels il ne croit pas. « je suis juste un témoin, j'ai rien fait. » un murmure comme pour se persuader lui-même qu'il n'a rien fait. c'était juste une erreur, juste une fuite qui peut lui coûter le restant de ses jours. les pupilles se redressent avec hésitation, osent enfin observer l'homme, il est le seul à avoir son avenir entre ses mains professionnelles.
Sujet: Re: rescue me. (iskandar) Dim 13 Oct - 15:43
rescue me × ft. SALVA & ISKANDAR
Le battement si lent des secondes qui défilent, sur le mur. Sur le mur trop blanc, il y a les souvenirs qui s'enfuient en hurlant. Sous le poids des secondes, sous le poids des secondes, une éternité dans un souffle, l'aube d'un jour et sa déchéance à l'ombre d'un seul regard. Une vie qui naît, une vie qui crève. Tic, tac, tic, tac, le temps n'offre strictement aucune trêve. Je relis patiemment le dossier que m'a fait porter Terrence, mon relais à la crim' de New York. Tout ce qui pourrait frôler de près ou de loin les méandres où frayent les Keys m'est soigneusement transmis depuis que l'on a décidé de mon sort. Les crimes majeurs, ceux commis par les gangs, ceux qui plombent les chairs et la cote vacillante de nos élus. Une sorte d'enfer où mettre le rebus, car après tout, on ne sait pas trop quoi faire des agents dissidents. Autant les laisser feuler sous le sifflement harassant des coups de feu, ils finiront bien par crever eux aussi : aux côtés de leurs victimes, les bourreaux ont le même masque mortuaire. Je relis les détails, et je traque les failles entre les lignes froides d'un rapport classique. Terrence n'a pas de goût pour les formulations, pour la poésie des mots, c'est quelqu'un de clinique. Après tout personne ne lui a demandé de s'improviser troubadour des contes tragiques que chantent les ruelles crades de la ville. Le voilà simple observateur, la seule libéralité qu'il se sera autorisée c'est ce post-it vert qui orne la typographie ordinaire que vomissent nos machines. Son écriture resserrée dit : "Le gamin n'avoue pas ce qu'il sait. Toi, sans doute que tu pourras le faire parler." Dans le silence qui suit la ponctuation, ce que j'en déduis aisément : c'est ton affaire mon vieux, la crim' ne peut pas courir après tous les gangs de Manhattan, encore moins ceux qui viennent d'autres États. Les Keys étendent leur empire avec une facilité déconcertante depuis des mois. J'augure qu'ils ont su trouver une main amicale pour se glisser dans les immondices et s'en repaître. Leur commerce ressemble à celui que les McGrath dominent, alors il y a cette question que je ne pose pas encore, faute d'interlocuteur pour l'épancher : quelles amitiés sont celles de Morgan McGrath ces temps derniers ? Et l'un des membres de son gang traînait-il dans la tuerie qui nous occupe désormais ? À première vue, la violence ordinaire a élevé son chant, l'harmonie distendue a fait perler le sang. Un seul mort, ça aurait pu être pire que ça. Un seul mort, qu'est-ce que ça représente au fond ? Une vie qui s'en va... Une vie qui s'en va. Tic, tac, tic, tac, la fin d'un monde étriqué qui n'en peut plus de perdurer. Tic, tac, tic, tac. Je pose soigneusement mon stylo alors que la secrétaire le fait entrer. Mon regard clair s'appuie sur son visage, sur ses traits, sur l'impression qui le laisse comme un animal décharné, désespéré, pris entre les lueurs fourbes et rougeâtres d'un charnier. Le silence s'expire avec la pesanteur d'un ralenti presque alarmant. L'une de mes hallucinations danse sur sa silhouette longiligne, le peint comme le participant involontaire d'une danse macabre, comme tracée à la sanguine. Tic, tac, tic, tac. Une vie qui s'en va... Et la tienne ? Et la tienne alors ? J'inspire encore une fois avant de regarder par la fenêtre tandis qu'il énonce l'innocence, la clame, s'en drape avec la précipitation des plus coupables. Mon timbre est posé, les accents de mon ironie le décore : _ C'est toujours un mauvais préambule. J'imagine que si tu me le sers, c'est sans doute que tu n'as pas l'habitude. Sinon, tu saurais que ça ne t'avance à rien. Calme et silence, les prunelles qui reviennent, pas foncièrement froides, l'intérêt y danse quelques secondes martelées par l'horloge sur le mur blême. Aussi blême que lui. Le petit a peur alors je penche la tête, très légèrement et lui dit sincèrement : _ Maintenant tu vas souffler un peu, et me raconter ton histoire. Tu vois, le gosse, on a tous fait quelque chose. Toi, moi, la fille qui t'a amené jusqu'ici, le passant là en bas. Il n'y a aucun hasard. Tous coupables, tous liés, à marcher, à courir, à fuir. Tic, tac, tic, tac. C'est le bruit de ceux que l'on enterre. Et leur histoire passionne les flics depuis l'aube du monde.