jeux d'enfants. (Warston)

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{ jeux d'enfants }
crédit/ tumblr ♛  w/@Nikolaï Warren

Il y a quelque chose qui lui échappe. Quelque chose qu’elle ne saisit pas. Elle se rend bien compte qu’il est enjoué à la perspective d’avoir trouvé une personne avec qui partager ses footings. Et elle est réjouie pour lui, Isabella. Tout ce qu’elle veut, c’est qu’il se sente bien, dans tous les pans de son existence. Parce qu’elle l’aime, parce qu’elle est éperdument amoureuse de lui, parce qu’elle veut tout pour lui. Mais il change vite, trop vite de visage. Le regard qui s’empreint de cette incompréhension douloureuse, il lui avoue enfin ce qui semble tant le déstabiliser. Il attendait une autre réaction de sa part. Il ne voulait pas qu’elle soit heureuse pour lui. Tu ne saisis pas, Isa. Il y a quelque chose que tu ne saisis pas. Tu le sais, mais tu ne décèles pas quoi. Ce qui le rend heureux la rend heureuse. C’est simple, évident, pur. Trop pour lui sans aucun doute. Elle comprend subitement. La jalousie, c’est ta jalousie qu’il attendait. Elle comprend que ce dont il avait besoin, c’était uniquement de la voir jalouse. La voir jalouse de cette femme qui a eu un coup de cœur pour lui. Mais celle qu’il aime, c’est elle. Celle avec qui il partage sa vie, c’est elle. Ils vivent même ensemble, dans la même maison, désormais. Elle ne comprend même pas comment elle devrait se sentir menacée. Ce qu’ils vivent, c’est tellement au-dessus de ces banalités. Au-dessus d’une tentative de drague dans un bar, au-dessus d’une rencontre d’un soir. Ou peut-être que c’est elle qui n’est pas normale. Peut-être qu’elle croit trop en leur histoire d’amour, elle qui sait pourtant comme elles peuvent si facilement se terminer. Mais elle l’aime, elle l’aime trop pour se laisser douter. Pas avec lui. C’est ainsi que, elle, elle voit les choses. Pourtant, en l’écoutant, elle comprend que c’est tout le contraire pour son petit-ami. Il ne répond pas devant son constat. Mais son silence vaut plus que n’importe quelle confession. Il détourne les yeux, comme honteux, alors qu’elle sent son propre cœur se serrer. Elle ne sait pas si c’est à cause de la conversation qu’ils avaient eue, quelques soirs plus tôt. Elle ne pensait pas que cela pourrait le travailler alors que c’est si anodin. Elle prend une inspiration, déjà prête à le rassurer. – Je le sais. Mais nous sommes différents, toi et moi, c’est tout. Il est jaloux, elle ne l’est pas. Est-ce si grave ? Est-ce si important ? Peut-être bien que oui. Elle ne s’attend pas à de tels mots, Isabella. Ses lèvres s’entrouvrent de surprise, de douleur, alors qu’il confie ressentir qu’elle est moins attachée à lui que lui peut l’être avec elle. – Mais… Comment peux-tu dire une chose pareille ? C’est… Blessant. Profondément. C’est un peu comme s’il lui disait qu’elle ne l’aimait pas comme il l’aimait. Que son amour n’était pas à la hauteur du sien. En fait, non, c’est précisément ce qu’il vient de dire. Le coup est difficile à encaisser. Les yeux revolver qui fuient leur cible, elle détourne la tête sans savoir comment elle doit bien réagir. Comment une femme à sa place est censée réagir. Car c’est bien cela, le problème, elle ne réagit pas comme une femme normale devrait le faire. – Tout de suite ? J’essaie d’encaisser le fait que tu penses que je ne t’aime pas suffisamment. répond-elle la voix calme, trop calme. Car, à l’intérieur d’elle, il y a tout qui se remue. Bordel, elle l’aime. Elle l’aime autant que son cœur est capable d’aimer. Mais ce n’est visiblement pas assez.

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C’est douloureux. Atrocement douloureux. De se dire qu’elle a beau l’aimer de tout son être, elle ne lui rend pas tout l’amour que lui parvient si bien à lui transmettre. Se dire qu’il y a quelque chose, dans son cœur trop écorché, qui l’empêche peut-être de l’aimer comme elle le devrait. Comme il le mériterait. Elle se sent encore plus brisée dans ces moments, Isa. Quand ses tourments, ses démons du passé, viennent hanter le bonheur qu’elle vit à ses côtés. Quand elle se rend compte que, peu importe ce qu’elle peut bien dire ou faire, il y aura toujours cette limite. Cette partie d’elle, trop fermée, tellement que même lui, n’arrive pas à y accéder. Même lui qui détient son cœur, il n’en a pas encore toutes les clefs. Car il est incapable de réaliser combien elle est amoureuse de lui, combien elle est dépendante de lui. Et c’est sûrement sa faute. C’est sûrement elle la responsable. Le silence les envahit, tous les deux, au milieu de l’effervescence dans le bar. Plus rien qu’elle entend, plus rien qu’elle ressent, il n’y a que les mots de Nikolaï qui résonnent en elle. Nikolaï qui s’approche d’elle, presque tout de suite, qui s’excuse tout aussi vite.

Et t’as le cœur qui se serre un peu plus.


C’est clair. C’est évident. Elle ne le mérite pas. La seule réaction qu’il lui offre lui montre à quel point elle ne le mérite pas. Elle déglutit difficilement sans parvenir à relever les yeux vers lui. – Tu n’as pas à t’excuser de ce que tu ressens. Ce sont ses émotions. Ses sentiments. Ceux qu’il éprouve tout au fond de lui, ceux qu’elle provoque en lui. Elle ne veut aucunement lui donner le rôle du coupable. Le rôle de celui qui lui fait du mal. Alors que c’est elle qui ne sait pas l’aimer comme il faut. – Ce n’est pas la première fois que tu me le dis. Tu penses vraiment que je t’aime moins que le contraire. murmure-t-elle avant d’oser enfin remonter la tête, pour croiser ce regard bleuté dans lequel elle s’est si souvent noyée. – Je t’aime Nikolaï. Je donnerais ma vie pour la tienne. Et je t’assure que c’est horrible de me dire que je suis incapable de te le faire ressentir.

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Il suffit d’un grain de sable. Quelques mots lancés à la volée, des mots qui n’en toucheraient peut-être pas une autre. Mais ils ont un impact fort, trop fort sur le cœur écorché d’Isabella. Des histoires, elle en a connues. Ce détachement dont il parle, il n’est pas le premier à l’évoquer, Nikolaï. Mais c’est pire de l’entendre de sa bouche. C’est pire de l’entendre, lui, insinuer que son amour n’est pas à la hauteur du sien parce que… Elle l’aime, lui. Elle l’aime plus qu’elle n’a jamais aimé quiconque. Sûrement plus qu’elle n’aimera jamais personne. Si, même lui, il juge qu’elle n’est pas fichue de l’aimer correctement, c’est peut-être qu’elle en est vraiment incapable. C’est peut-être qu’il y a quelque chose de dysfonctionnel en elle qui fait qu’elle ne saura jamais lui donner tout ce dont il a besoin. C’est douloureux, indéniablement, mais elle ne peut pas lui en vouloir d’avoir exprimé ce qu’il ressent. C’est ce qu’il éprouve au plus profond de lui, c’est ancré en lui, elle le sait parce que ce n’est pas la première fois qu’il en fait la remarque. Pas la première fois qu’il relève son détachement. Même lors de la séparation qu’il avait exigée entre eux, quelques mois plus tôt, c’est ce qu’il lui avait reproché. C’est ce qu’elle est. Il essaie pourtant de la rassurer mais, au fond, il ne l’a pas dit sans raison. Il le pense, elle le sait, il est juste trop gentil pour vouloir lui faire du pense. Elle ne prononce pas une parole, Isa. Elle ne laisse même pas échapper un sourire quand il affirme que, à sa place, il n’aurait pas hésité à s’en prendre à un homme qui la drague. Parce qu’il n’a pas de mal à se laisser submerger par ses émotions, Nikolaï. Il n’a aucun mal à laisser éclater ses sentiments. Tout le contraire d’elle. Les yeux qui retrouvent enfin les siens, elle lui confie la douleur que c’est de se dire qu’elle n’est pas capable d’en faire autant que lui. De lui donner autant qu’il lui donne. C’est un baiser qui vient lui répondre. La jeune femme ferme brièvement les yeux, comme pour se laisser croire à ce rêve d’un instant, avant de les rouvrir pour les plonger dans les siens. Sa main toujours posée sur la nuque de sa petite-amie, il ne la laisse pas fuir ce regard. Elle est présente pour lui dans les pires moments, peut-être, mais ce n’est pas suffisant. Elle voit bien que ce n’est pas suffisant. – Mais ce n’est pas le cas. Il la connaît, il la comprend. Il l’accepte comme il est. C’est ce qu’il dit, tout cela, mais est-ce vraiment la réalité ? Elle a la sensation de le brimer, Isa. De ne pas le rendre aussi heureux, aussi épanoui, qu’il devrait l’être. Comme si, vivre avec elle, n’avait rien de rassurant. Rien de sécurisant. Comme s’il pensait qu’elle pouvait l’abandonner à tout moment. Ses mots apaisent un tant soit peu l’esprit torturé de la Latina même si elle n’est pas vraiment d’accord avec lui. – Non, tu sais que c’est faux. Je ne suis pas un cadeau. S’il y en a une qui a de la chance, c’est moi. Peut-être bien qu’elle a changé, elle a même appris à s’ouvrir avec lui plus qu’elle ne l’avait jamais fait auparavant. Elle a appris à se livrer à lui, à se donner à lui. Mais c’est toujours moins que tout ce dont lui est capable pour elle. Ses doigts toujours entrelacés aux siens, après plusieurs secondes de silence, elle finit par reprendre enfin. – Si je ne suis pas jalouse, c’est seulement parce que je sais que, que je le sois ou non, cela ne changera pas ce qui pourrait se passer. Si tu as envie de voir ailleurs ou bien de t’en aller, tu le feras quand même. Que je sois jalouse ou non. C’est limpide dans son esprit. Mais, en le formulant à voix haute, elle se rend compte qu’elle ne fait que confirmer ce qu’il pense. Elle ne serait pas si affectée si elle le perdait. C’est tellement loin de la réalité, pourtant. – Je suis désolée, c’est extrêmement cynique, j’en ai conscience. Elle détourne à nouveau les yeux. Enfin, elle décide de s’ouvrir un peu. – Peut-être que tu as raison. Peut-être que si tu partais, je me dirais que… J’y survivrais. C’est affreux, ce qu’elle est en train de dire. Elle a la gorge serrée, le cœur noué. – J’ai passé ma vie à survivre, Nikolaï. Je sais le faire, je sais encaisser la souffrance. Mais cela ne signifie pas que je ne t’aime pas, parce que je t'aime plus que tout… J’ai juste l’idée en tête, quelque part, je sais que cela pourrait s’arrêter. Car elle ne s’habitue pas au bonheur. Elle a trop l’habitude des malheurs. Pourtant, avec lui, pour la première fois de sa vie, elle ne se contente pas de survivre. Elle a appris à vivre.

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Il l’aime comme elle est. C’est ce qu’il prétend, c’est ce qu’il dit si souvent. C’est sans doute vrai mais il y a une part de lui qui aurait eu besoin qu’elle soit autrement. Elle le sait, Isabella, parce qu’elle aussi, elle aurait voulu être une autre. Pouvoir exprimer ses émotions sans aucune peur, pouvoir se livrer à ceux qu’elle aime sans que ce soit une telle douleur. Pouvoir vivre, simplement, sans que ce soit si difficile. Elle aurait aimé, elle aurait sincèrement aimé. Mais la vie l’a trop abîmée. Elle n’est qu’une écorchée vive, Isa. Elle n’en a pas toujours l’air, parce qu’elle est la douceur incarnée, parce qu’elle est de ceux qui paraissent faits pour aimer. Mais c’est bien plus difficile de se donner. Se donner vraiment, entièrement, sans filet ni protection. Se donner à quelqu’un au risque de se perdre elle-même. Non, ce n’est pas quelque chose qu’elle sait faire. Peut-être que c’est de plus en plus visible, finalement, pour celui qui la connaît chaque jour davantage. Peut-être que les failles deviennent trop évidentes. Mais c’est la première fois qu’elle expose cette fêlure en elle, cette manière qu’elle a de rester détachée, même lorsqu’elle aime. Ses mots, ils le blessent. Il fait tout pour le cacher, Nikolaï, mais elle le voit quand même. Elle le voit encore plus. – Cela ne signifie pas que je t’aime moins que tu m’aimes. Je t’assure, je t’aime, Nikolaï. Mais cela ne suffit pas. Évidemment que cela ne suffit pas. Il recule pour retourner jusqu’à son siège, comme s’il avait besoin de s’asseoir. Comme s’il avait besoin d’encaisser ce qu’elle est en train de lui confier. Il détache ses doigts, provoquant tout de suite ce froid en elle. Ce vide qu’il est le seul à pouvoir combler. La jeune femme déglutit difficilement à ses mots avant de secouer la tête. – C’est ce que tu penses. On croit toujours qu’on ne pourrait pas survivre. Mais on survit à tout. Elle n’aurait jamais cru survivre aux abus répétés de son père. Chaque soir, elle croyait qu’elle finirait par craquer. Chaque soir, elle pensait qu’elle finirait par mourir. Comme elle pensait être incapable de survivre au décès de sa mère, à celui de son frère. Il y a tellement de choses qui l’ont brisée, Isa, qu’elle ne sait que trop bien ce que c’est. Elle y perdrait le goût de vivre, peut-être, mais elle continuerait à affronter chaque matin. Autant que lui, elle le sait. Elle se sent coupable d’être aussi amère, aussi fataliste. Mais c’est la vie qui l’a rendue ainsi. Elle ne peut pas penser autrement, en tout cas, elle en est incapable pour le moment. Il lui faudra plus d’une année de bonheur pour oser commencer à y croire. Elle s’en veut de le blesser mais, pourtant, elle ne s’attend pas une seconde aux paroles que lui décide de prononcer. C’est avec un calme presque effrayant qu’il lui parle.

Il lui parle d’elle.

Il analyse ses pensées comme un psychologue le ferait. Ses émotions, ses réactions, ses sentiments les plus profonds. Il décortique tout à tel point qu’elle se sent, comme, mise à nu. Elle a l’impression qu’il est en train d’exposer son âme sur la table. Elle ne sait même pas comment réagir parce que, jamais, quelqu’un ne l’a si bien percée à jour. La gorge de plus en plus serrée, elle avale sa salive une fois de plus alors que son regard s’abaisse au sol. Elle est incapable de dire un mot. Ce n’est que lorsqu’il se tut enfin, les yeux qui se détournent à son tour, qu’elle essaie. – Je t’aimerais encore si tu partais. Je t’aimerais toujours. Sa voix s’échappe dans un murmure. Presque trop faible au milieu de l’effervescence des lieux. Pour une conversation qu’ils n’auraient jamais dû avoir ici. – Cela n’a rien à voir avec les hommes que j’ai fréquentés avant, ni même… Ni même avec ce que je ressens. C’est juste que c’était la seule solution que j’avais, tu comprends ? Croire à un quelconque espoir m’aurait juste fait encore plus de mal. Alors, c’est vrai, tu as raison, je ne le vis peut-être pas « pleinement ». J’aurais peut-être toujours peur que cela s’arrête. J’aurais toujours de te perdre ! Elle relève pour la première fois les yeux vers lui. Vers celui qui lui a redonné vie. – Oui, ce serait normal. Ce serait normal que l’un de nous finisse par se lasser, par faire du mal à l’autre, ou même d’avoir seulement envie d’autre chose. Ce serait normal que notre histoire s’arrête, parce que nous sommes différents, parce que nous ne voulons peut-être pas les mêmes choses, parce que nous n’avons même pas la même manière de voir l’amour. Ce serait normal que tout s’arrête parce que tout prend fin, toujours. Qu’il n’y a rien qui tienne dans cette vie. Il y aurait des milliers de raisons qui pourraient nous séparer. Mais, tu vois, je suis prête à les braver. Je suis prête à tout risquer parce que j’ai envie d’y croire. Parce que j’y crois, Nikolaï ! Et ce n’est pas cela, le plus important ? Que, malgré toutes les raisons qui font que notre histoire ne fonctionnera peut-être pas, je me raccroche à la seule raison pour laquelle elle peut marcher ? Les yeux qui se sont mis à briller, la voix qu’elle a haussée, elle se retrouve debout devant lui.

Elle se retrouve debout devant lui,
À tenter de lui prouver que son cœur ne vit encore que grâce à lui.

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crédit/ tumblr ♛  w/@Nikolaï Warren

Peut-être qu’elle est injuste, peut-être qu’elle est trop dure. Il paraît si persuadé d’être incapable de vivre sans elle alors qu’elle sait pertinemment qu’il le pourrait. Qu’il le devrait. Qu’il y serait bien obligé, bon sang. Il n’aurait pas le choix. Parce que la vie est comme ça. Elle peut plonger plus bas que terre, chacun est bien obligé de se relever. Même quand il ne s’en sent pas capable, même quand cela paraît improbable. – Mais cela n’a rien à voir avec les sentiments. C’est l’instinct de survie, c’est ainsi. Il aura beau lui répéter des milliers de fois qu’il l’aime trop pour lui donner raison, elle reste convaincue de ses propos. C’est la vie qu’elle a eue qui la laisse persuadée d’une telle réalité. Elle le sait, au fond, parce que c’est en survivant au pire qu’elle a compris que l’on peut survivre à tout. Mais, lui aussi, il semble avoir compris ce qui la rend aussi fataliste. C’est toi qu’il a comprise. Toi qu’il a cernée. Un peu trop bien. Elle se sent presque mal d’être ainsi dévoilée, sans l’avoir demandée. Mal d’être mise à nu sans l’avoir voulu. Elle essaie bien d’aller au-delà du malaise qui commence à la submerger. Elle essaie même de lui expliquer, puisqu’il pense l’avoir si bien percée à jour, que ce n’est pas seulement une page qu’elle refuse de tourner. Ce n’est pas une putain de page de sa vie. C’est ce qu’elle est, c’est ce qu’elle sera toujours. – Mais tu ne comprends rien ! Ce n’est pas un choix que je fais, ce n’est pas seulement « mon passé » que je « refuse » d’oublier, c’est quelque chose qui est ancré en moi, qui fait partie de moi ! C’est ce que je suis, Nikolaï ! Ce n’est pas un choix qu’elle fait. Pas un risque qu’elle refuse de prendre. C’est la personne qu’elle est, celle qu’elle est devenue. C’est ce qui fait d’elle la femme qu’elle est. Mais il ose encore croire que c’est une décision qu’elle pourrait simplement prendre pour aller mieux. Comme si elle choisissait de souffrir, comme si elle choisissait de se torturer. Et ça te fait mal, Isa. Ça te fait tellement mal. Ce n'est pas l'amour… Non, bien sûr, elle ne comprend rien à l'amour, elle. Elle ne sait pas aimer, il l'a déjà suffisamment insinué. La douleur qui commence à se cacher derrière la colère. La rancœur de devoir justifier celle qu’elle est. La souffrance de se dire qu’elle n’en donnera jamais assez. La preuve étant, elle lui offre tout son cœur sur un plateau, mais tout ce qu’il retient, c’est qu’elle a peur. Qu’elle se dise que tout pourrait prendre fin. – C’est tout le contraire de ce que je te dis, je suis prête à prendre tous les risques uniquement parce que je t’aime et… Et cela ne te suffit pas. Elle ne lui suffit pas. C’est tout ce qu’elle retient au bout du compte. Il lui reproche de ne pas avoir la même vision que lui de l’amour. Pourtant, elle, elle l’accepte avec toutes ses différences. Avec tous ses défauts. Même sa jalousie, qu’elle ne comprend pas, elle l’accepte mais lui est incapable d’en faire autant. Il tente un geste envers elle mais elle a un mouvement de recul. C'est sans doute un peu trop tard. Plus certaine de vouloir poursuivre cette conversation. Plus certaine d’en être capable. – Ce ne sont pas mes peurs, le problème. Ce sont les tiennes Nikolaï. Parce qu’elle, malgré toutes ses angoisses, elle est là. Elle est là à chaque instant. Tandis que c’est lui, finalement, qui doute de ce qu’elle peut ressentir. C’est lui qui a peur de la voir lui filer entre les doigts. Parce qu’elle n’est pas assez jalouse, parce qu’elle n’ose pas assez croire en l’avenir. Parce qu’elle pourrait laisser leur amour s’enfuir. Sans doute qu’elle va lui donner une nouvelle raison d’avoir peur. Parce que, sans prévenir, elle saisit son sac à main, pour se reculer. Et, sans un mot, tu t’en vas. Sans un mot, tu le laisses là.