night of the hunter. (ft Alma)

soirée qui s’achève
le taf qui s’abrège

y a l’heure sur ton portable qui te dit que tu peux enfin te barrer. tu reviendra au closer, mais plus tard, pour y dormir. parce que maintenant, ton bercail, c’est ici. la chambre du parton, c’est la tienne depuis maintenant un moment. mais là, ce soir, t’as envie de sortir. envie de te divertir. t'as troqué ton string pour une tenue plus correcte. abandonnée, la panoplie de stripteaseuse. laissée derrière toi, l’image de la fille facile. de la fille qui s’déshabille. le regard des hommes, t’en as toujours fait ton affaire. après tout, tu joues l’jeu. mais sortie d’ici, t’es plus la même, alma. t’es plus cette fille à moitié nue qui s’déhanche devant les yeux nervés des hommes.

la porte arrière du club qui s’claque et ta nuit d’boulot qui s’achève pour de bon. y a une voix dans la nuit qui t’interpelle. une voix dans la nuit qui t’appelle. c’est le cliché qu’on déroule à tes pieds. ce putain de cliché qui t’lâche pas. putain.

et bien, tu vas continuer d’attendre longtemps, chéri.

tu la regardes pas, la voix.

tu comptais marcher jusqu’à ta voiture, mais tu vas pas aller plus loin. tu sais qu’il y a les videurs qui sont pas loin. un seul appel et ils déboulent. un seul cri dans la nuit et ils surgissent. alors, t’es d’humeur joueuse. d’humeur espiègle. tu sais qui ne t’arrivera rien. pas ici. pas au pied du closer. y a tes pupilles qui s'posent quand même sur lui. par curiosité.

t’es au courant que t’es pas le premier à m’attendre à la porte arrière ? pas le premier qui a cette idée de merde.

alma, t’as un sourire au bords des lèvres. tu l’provoques, parce qu’il l’a bien cherché, en vrai. c’était trop facile. en fait, t’as pas envie d’être courtoise ce soir. non, t’en as marre de ce genre de types. de ce genre de mecs qui pensent arriver à t’emballer en venant te chercher après que t’ai travaillé.

avec le physique que t’as, qu’est-ce que tu fais là ? va dans un after, t’auras pas de mal à en ramener une chez toi.
elles te tomberont dans les bras, ces idiotes.
mais ça sera pas moi.
oh non, moi, jvais juste rejoindre mes amis en ville. parce que j’ai envie de m’détendre. envie de m’amuser. d’être une fille normale et pas une fille facile qu’on peut amadouer avec deux mots bien placés. il le pensait. tu l’sais. mais il va réaliser que toi, t’es pas celle sur qui il aurait du miser.

j’ai deux collègues qui vont sortir, tu peux tenter ta chance avec elles. elles sont pas farouches.

ouai, y en a deux qui étaient sur l’point de partir. de sortir. alors va faire mumuse avec elle. elles sont pas sauvages. pas insociables. pas comme moi. avec elles, tu peux avoir tes chances.

prétentieux.
sûr de lui.
tête à claque.

tu penses avoir bien résumer le type qui t’interpelle en bas du closer. pour l’instant, t’as pas envie d’appeler les vigiles, mais t’es à deux doigts de l’faire. parce qu’il a l’air sans gêne. sans limites. et que les gens comme ça, ça t’fait peur. les gens comme ça, ils sont capables de tout. alors tu préfères prévenir. que guérir. tu n’es qu’une femme, après tout. et pour l’instant, t’éloigner du closer serait une mauvaise idée. alors tu campes, à quelques mètres, ton sac sur ton épaule.

t’es un beau mec. comme il y en a pleins en ville. mais t’as quoi en plus que les autres à part ta prétention et ton arrogance ?

ouai, c’est quoi tes qualités, parce que là, de suite, je les vois pas. là, de suite, c’est pas l’évidence. tu l’provoques, plus gentiment que lui. lui, il a des mots lourds de sens. limite irrespectueux. alors tu jauges, tu l’pousses, pour voir s’il ira plus loin encore. pour voir s’il a des limites.

ça ne te regarde pas. si t’appartiens à quelqu’un. si y a un homme dans ta vie. en vrai, y en a plusieurs, mais pas comme il croit. pas comme il le conçoit surement. y a plusieurs hommes qui font que ta vie n’est pas si minable que ça. mais il est pas censé le savoir.

si tu préfères les défis relevant de l’impossible, alors t’es sur la bonne fille, effectivement. tu risques juste d’être déçu. et de perdre ton temps. et ça m’embêterait vraiment de te faire perdre ton temps.

c’est quoi ton nom, au juste ?

y a le compliment qui n’en n’est pas un. enfin, pas pour toi. être sexy, c’est comme dire à une mannequin qu’elle est jolie. une actrice qu’elle joue bien. un skieur professionnel qu’il skie bien. c’est dire l’évidence. tout le monde me trouve sexy. tu m’apprends rien.
malheureusement, tout le monde te trouves, sexy, alma. mais ils trouvent sexy toutes les autres filles qui s’trimballent à moitié nue sur la scène du closer. alors, ce compliment, il est désuet. caduque. inutiles. t’es comme tous  les autres en fait. t’as la fin de ta phrase qui s’meure dans la nuit. ouai, toi aussi, t’es comme tout les autres. rien ne diffère. rien d’extraordinaire chez toi. t’es aussi pervers que les autres qui viennent me voir. les autres qui viennent m’entrevoir. qui essaient de me racoler après le show. qui essaient de me proposer de faire une passe dans le lit conjugal pendant que madame n’est pas là. non, vraiment, t’es pas mieux que les autres.

j’vais te dire un truc... tu t’approches de lui, de quelques pas à peine.

tu m’toucheras pas. ni ce soir. ni les suivants. tu me toucheras jamais parce que t’es trop arrogant. trop sûr de toi. et juste pour ça, crois-moi, tu m’toucheras pas.

oui, arrogant. tu confirmes. surtout avec sa dernière réplique. tu lèves les yeux au ciel. mais l'ciel, il est trop sombre pour pouvoir t'aider. trop sombre pour t'éclairer. oui et prétentieux. mais tu me répondras que c'est pas toi, mais tes conquêtes d'une nuit qui l'disent. n'est-ce pas ? le scénario, tu lavais à l'avance. sa réponse, aussi. tu manques quelque chose, alma. c'est lui qui te le dit, alors ça devrait être vrai. tu sembles manquer le coup de ta vie. en vrai, ça te ferait presque sourire. et tu te rends compte que t'as un sourire coincé entre tes lippes, sans l'vouloir. sans l'savoir. jvais désormais devoir vivre avec ce manque. et le fait d'savoir que tu es l'coup du siècle, sans avoir pu en être juge. tu prends un faux air désolé. qui finit par un sourire légèrement moqueur. l'ironie qui te déborde des yeux. un petit peu. allez. jveux savoir le nom de celui qui fait monter les filles au ciel. tu insistes, une seconde fois. qui sera la dernière. tu n'sais d'ailleurs pas pourquoi tu veux savoir cette information. ça t'avance en rien. parce que vous vous changerez pas vos numéros. vous vous reverrez peut-être pas. mais dans l'queens, il ne fallait jamais dire jamais. c'était pas si grand que ça. et l'monde de la nuit, est petit. s'il était client au closer, vous vous reverrez sûrement.

les blondes à forte poitrine, c'est désuet. c'est has-been. c'est l'époque pamela anderson. et t'es carrément aux antipodes de ce genre de femme. c'est peut-être ce qu'il plaît. comme les mecs qui draguent les strip-teaseuses une fois qu'elles quittent leur taf, c'est surfait. mais distrayant, des fois. des fois, quand ils sont pas agressifs, quand ils ne sont pas irrespectueux. y en a qui peuvent faire preuve d'esprit. qui ont les mots qui accrochent. tu sais qu'il y en a qui peuvent avoir ça. il lâche ce qui ressemblerait à un compliment. t'es pas juste sexy. ton regard désabusé dit merde et j'aime bien ça. ça a le mérite de faire apparaître un sourire au coin de la bouche. un sourire que tu refrènes et fait disparaître rapidement. ça ressemblerait presque à un compliment. y a d'autres choses qui te plaisent chez moi, j'imagine. pas juste mon physique. mon esprit, ma repartie, n'est-ce pas ? dis-moi que jsuis pas juste une échine sur un tas d'os. que je ne suis pas qu'un corps fait pour les fantasmes. mais toi, tu n'y connais rien à alma. tu n'sais pas qui elle est, toi le client qui l'a juste regardé. qui a juste été bon pour apprécier ses courbes.

et y a ces mots qui sortent tout seuls. pour que la situation soit claire. qu'il n'y ai pas d'ambiguïté possible. qu'il comprenne bien que contrairement aux apparences, tu n'es pas une fille légère. une fille qu'on se tape dans le coin d'une rue en ayant soulever sa jupe par-derrière. t'es tout le contraire et pire que ça. alors forcément, ce refus, il raisonne dans sa tête. ça le fait vriller. t'avais réduit la distance entre vous mais il la réduite à néant. y a une de ces main qui te plaque contre le mur. l'autre qui te parcourt la lèvre. tu pourrais t'attirer des ennuis, alma.

des ennuis comme toi ?

des ennuis tatoués, présomptueux et un peu trop près de toi.  y a ton regard qui ne se baisse pas et qui se maintient dans l'sien. y a cet instant où aucun des deux ne dit mot. où y a les regards qui s'croisent. s'envisagent. et ta poitrine qui se soulève au rythme de ta respiration qui trahit ton trouble. mais toi, alma, tu bouges pas. fais la fille pas impressionnée. tu sais que t'as juste à lâcher un cri dans la nuit et que quelqu'un sortira. tu l'sais, parce qu'ils sont vigilant depuis que tu t'es fait agressée. et tu te l'es promis, ça ne se passera pas une seconde fois.