way down we go (alaska)

« Je dirais plutôt que je l'ai retrouvé ». Je savais pas ce qui me prenais d'être gentil comme ça. Peut-être parce que, ce soir, j'avais vraiment eu l'impression de te perdre. Alors je tentais de me rattraper, je laissais cette facette que tout le monde haïssait de côté. La vérité c'est que t'étais la seule à connaître cette partie de moi. Celle que les autres trouveraient sûrement attachante s'ils la découvraient. Mais je voulais pas. C'était mon jardin secret, et je le partageais qu'avec toi. Seulement toi. « Je sais pas quoi faire Ska » que je lâchais brusquement, le regard fixant l'horizon. Je parlais de toi, de moi, de nous, de mon père, de comment gérer la mort de ma mère. Je parlais de tout et de rien. Parce que j'étais totalement perdu, ce soir, dans ma vie en général. J'étais mal Alaska, je me sentais pas bien. Parfois j'avais l'impression que tu pouvais me sauver, d'autres fois je me disais que tu me ferais couler dans le Styx, le fleuve des enfers. « Oublie ce que j'ai dit, ça te dirait que je t'emmène quelque part ? » Petit sourire en coin, main tendue vers toi qui attendait que tu la saisisses. Allez accepte l'invitation Ska, je te promets que tu le regretteras pas. Tu découvriras une facette de moi que personne n'a jamais vu. Et que personne ne verra jamais à part toi, si tu venais avec moi. Je t'emmènerais dans mon enfer à moi, dans ce monde que j'ai façonné à mon image, totalement décousu. Puis, finalement, je prenais ta main sans vraiment attendre et je te guidais dans les rues de New York. Je disais rien, je voulais pas parler. Je laissais la nuit nous entourer de son manteau noir, de son silence inquiétant. Et ta main je la lâchais pas. Elle m'apportait un certain réconfort. Jusqu'à ce qu'on arrive devant les grilles du parc. « Prête à escalader ? » Sourire amusé, air joueur. Ce soir on allait flirter avec le crime, sans se faire arrêter. Parce que l'argent pouvait corrompre les gardes et, parce qu'avec moi, tu risquais rien.

« Je veux voir jusqu'à où mon pouvoir de corruption peut aller » que je répondais, sourire amusé aux lèvres. Je m'attendais pas vraiment à ce qu'elle monte cette grille parce qu'Alaska était du genre trop sérieuse, toujours à défendre la loi. Je l'avais jamais vu enfreindre le règlement, jamais vu dire que la loi était pourrie ou quoi que ce soit dans le genre. Non, Alaska c'était la justice matérialisée. Et, quelque part, j'aimais ça. Mais là, je préférais qu'elle s'amuse un peu. Qu'elle me fasse confiance, qu'elle sache qu'elle risquait rien avec moi. A part de se prendre des remarques acerbes. Mais ça t'avais l'habitude Alaska. T'avais appris à me gérer dans les moments où j'arrêtais d'être quelqu'un de bien. T'avais appris à voir le beau derrière la bête. Et je t'appréciais pour ça. Je te respectais même. Je sais que je te donne souvent des raisons d'en douter mais, t'es importante pour moi Ska. J'arrive juste pas à te le dire. Parce que j'étais con, j'étais jeune et j'avais l'impression d'avoir toute la vie devant moi pour te prouver les choses. « Tu me connais je suis un homme tout à fait respectable » que je rétorquais tandis qu'elle montait la grille. Elle me croirait sûrement pas. Pourtant c'était la vérité. La preuve ? Je regardais le sol tandis qu'elle continuait son ascension. J'étais pas frustré au point de vouloir regarder sa culotte. Fallait pas abuser, j'avais vingt-quatre ans maintenant, plus seize. Puis, finalement, elle me disait de me bouger et je me dépêchais tandis qu'elle s'avançait. « Donc t'étais prête à me laisser derrière alors que je t'offre un paysage de rêve ? » que je demandais, reposant les pieds au sol, avant de la rejoindre et d'admirer les arbres éclairés par la faible lumière des lampadaires. Et je me souvenais de mon père qui m'emmenait ici en me racontant diverses histoires, toutes mettant en scène une femme plus belle que toutes les autres qu'il avait aimé jusqu'à qu'elle arrête de briller. Ouais, c'était là que mes parents s'étaient rencontrés. « T'as déjà entendu parler du mec qui, en faisant son jogging ici un jour, a eu le coup de foudre pour une femme assise sur un banc à lire son livre ? Tu sais le genre d'histoire banale qui change pourtant une vie ? Le mec savait pas pourquoi mais dès qu'il la regardait, il sentait son cœur battre plus vite. Il avait cette étrange impression qu'un jour elle changerait sa vie. Alors il revenait tous les jours ici, en espérant un jour avoir le courage de lui adresser la parole ». Je continuais à marcher, le regard perdu dans le vide, l'esprit tourné vers le passé. Je savais pas pourquoi je lui racontais ça. Je l'avais jamais dit à personne. Mais elle, elle m'avait ensorcelé. Elle avait un don. Celui de me faire croire que tout irait bien. Et, comme un gosse, je la croyais.

Je lui racontais cette histoire malgré moi. Les mots sortaient tout seul de ma bouche. Quelque part, j'avais besoin qu'elle sache pourquoi j'étais comme ça, pourquoi je faisais pas confiance. Parce que je savais qu'il était dangereux de croire en quelqu'un, d'espérer ne serait-ce qu'un peu. Car, dès que je m'attachais à quelqu'un, je lui donnais les moyens de me foutre en l'air. Mon père s'était attaché à ma mère et, à sa mort, il a été détruit. Je me souvenais des nuits qu'il passait à me raconter ses souvenirs d'elle. Ces nuits là, elle revivait, ne serait-ce que quelques minutes. Et moi je me faisais tout petit. Parce que je savais que je l'avais tué, que j'avais enlevé à mon père sa lumière, que c'était la raison pour laquelle il se plongeait dans le travail. Je ne comptais plus le nombre de fois où il avait oublié de venir me chercher après l'école, où il ne s'était pas rendu compte de mon absence quand je partais plusieurs jours à l'improviste chez un ami. Alors, lorsqu'Alaska me disait que c'était une jolie histoire, mon cœur se serrait. Il donnait presque l'impression d'arrêter de battre. « Crois le ou non, c'est elle qui lui a parlé le premier, elle lui a demandé si il avait l'intention de la regarder encore longtemps avant de l'emmener manger ». Un fin sourire trouvait son chemin sur mon visage tandis que je rangeais mes mains dans mes poches. Je ne voulais pas qu'Alaska voie que je serrais les poings tellement fort qu'ils devenaient blanc. « Ils se sont aimés pendant des années, se sont mariés, ont vécu heureux jusqu'à avoir un fils. » Je baissais la voix d'un ton parce que j'avais pas le courage de raconter la suite. Tout ça, je l'avais jamais dit à voix haute. En plus, je voulais pas que tu saches que j'étais un meurtrier Ska. Parce que je voulais être un héros pour toi. Fallait que tu saches que j'étais quelqu'un de fort, de puissant, pas un gosse effrayé par sa propre naissance, par la vie. « Enfin bref, c'est juste un parc dans lequel les couples se font, se défont ». Je changeais de sujet, j'étais pas capable de continuer sur l'autre. « Le parc dans lequel on a notre premier rendez vous » que je rajoutais, l'air amusé en me tournant vers elle, sourire en coin. Doucement je posais mes lèvres sur les siennes et ma main venait se glisser dans ses cheveux. Mon cœur s'emballait et je perdais pied. Pour la première fois, ça ne me dérangeait pas d'être sous l'emprise de quelqu'un.

« Parce qu'Alaska Dawkins, la future grande avocate, a besoin de compliments ? » que je demandais sur le ton de la plaisanterie, arquant un sourcil. Je m'étais pas du tout attendu à ça mais je faisais avec. J'apprenais à combler tes attentes petit à petit. Sauf que ce baiser je pensais que tu le voulais aussi. Mais peut être que ça n'avait été que mon imagination, un putain d'espoir qui m'avait poussé à faire une chose stupide. T'en fais pas, Ska, tu me reprendras plus à t'embrasser si ça te gêne tant que ça. Surtout que tu me dis que tu comprends pas ce que je veux. Sérieusement ? Je t'avais confié un truc que j'avais jamais dit à personne avant de coller mes lèvres aux tiennes et toi tu me sortais ça ? J'avais jamais été aussi près de m'écrouler. Mon cœur qui s'emballait, ton regard qui me sondait, et les mots qui restaient bloqués dans ma gorge. « Il n'y a rien à comprendre. » A part que l'existence c'était de la merde, que le destin jouait avec nous, que la vie nous offrait à la grande faucheuse sans aucun scrupule. Et que moi j'avais failli m'offrir à toi sans réfléchir. « Pourquoi tu compliques toujours tout Alaska ? On aurait pu passer une bonne soirée, toi et moi et tu... » je m'arrêtais, secouant la tête, serrant la mâchoire. « et toi tu gâches tout » que je finissais par murmurer avant de relever la tête vers elle, le regard plongé dans le sien, si pur, si authentique. Mon cœur qui ratait un battement et mon imagination qui s'emballait lorsque mes yeux se posaient sur ses lèvres. Stop. « Je crois qu'il vaut mieux qu'on rentre. J'aurais pas dû t'emmener là. » que je lâchais avant de me retourner et de marcher vers la grille. Peu importait si elle me suivait. Peu importait si elle choisissait de partir de son côté. Je voulais partir. Loin. Le plus loin d'elle possible. Et oublier ce coeur qui désormais ne battait que pour elle.

On ne se comprend pas. En fait, je crois qu'on ne s'est jamais compris. Je crois aussi que tu comptes un peu trop pour moi. Parce que, normalement, je ne reviendrais pas sur mes pas. Ouais, d'habitude je délaisse les femmes comme si elles étaient des jouets. Et, pourtant, quand je t'entends dire que tu disparaitras si je m'en vais, j'hésite. Est-ce que c'est vraiment une bonne idée de tourner les talons ? De la laisser me filer entre les doigts ? Mon cœur me hurlait de repartir la voir mais mes jambes refusaient de faire demi tour. Mais je m'arrêtais, de marcher, de penser. Qu'est ce que tu veux Alaska ? J'ai envie de te poser la question, de m'oublier quelques instants dans tes bras. Putain je sais que je suis en train de te perdre. Tu ne l'as jamais eu me souffle une voix dans la tête. Je vais le regretter, je le sens. Mais je repars en arrière, vers toi, vers ce qu'on a été pendant quelques secondes. « Je t'interdis de me laisser » que je murmure sèchement en prenant ton menton dans ma main. « Je t'interdis ne serait-ce qu'une seconde de penser à disparaître de ma vie ». J'ai le visage fermé, le cœur en miettes. Et pourtant il me semble que tu peux me faire encore plus de mal. Que tu peux détruire ce qui semble me rester de bonheur. Alors j'fais pas le malin, j'évite. « Mais si t'es prête à passer à côté d'une belle histoire, ce sera ta perte. Parce que je jure de te poursuivre jusqu'au bout du monde Alaska, jusqu'à ce que tu cèdes ». Parce que t'es la plus belle femme qui m'ait été donné de rencontrer, t'es celle qui me donne un peu d'espoir rien qu'en souriant. Et celle qui me fait plonger au fond du gouffre sans aucune chance de remonter lorsque tu deviens tempête et que tu t'énerves. J'suis accro, j'suis paumé. T'es ma perte, t'es ma fin, t'es la plus belle histoire que je risque de vivre.