gold digger (gabriel)

quelques mots écrit à la main,
une adresse, une heure,
“à ce soir”, le papier de soie enveloppe le tissu,

tu remercies le livreur, le paquet à la main, la gosse qui hurle dans la pièce d’à coter. tu l’as vu Bart, tu l’as vu ce regard qu’il t’a lancé. un mélange de “pauvres vieux”, et se “va t’occuper de ta gosse connard”. ce genre de regard que tu croises de plus en plus souvent, dans la rue, à l’épicerie, dans ton quartier, qu’importe où t’emmène la jolie tête blonde. tu les vois les regards, ils te percutent, violemment, te rappel a chaque instant où tu ne serais pas le père parfait, que cette vie n’est pas la tienne, que tu ne serais pas fait pour tout ça. mais le pire dans tout ça Bart, c’est que tu sais qu’ils ont raison. non t’est pas fait pour ça, non ce n'est pas la vie que tu voulais, celle dont tu rêver, non tu la détestes même, tu la hais, simplement. et qu’est-ce que tu pouvais faire ? abandonner la gosse ? l’imaginer grandir dans un foyer, sans personne, alors que toi, toi tu vivrais ta vie de rock star de pacotilles ? impensable. tu te serais surement  bien plus détesté qu’aujourd’hui.

tu claques la porte, pose le paquet. le papier qui en ressort, l’invitation qu’elle t’a envoyée, la chemise hors de prix qui l’accompagne. le colis n’est pas signé et pourtant tu sais bien de qui il vient, tu as reconnu les mots, le parfum qui s’échappe du petit carton. Est-ce que tu vas y aller Bart ? est ce qu’une fois de plus tu vas abandonner la gosse, la laisser aux bras de ceux qui veulent bien encore s’en occuper, qui te prenne de pitié, t’offre un peu de répit. est ce qu’une fois de plus tu répondront au moindre de ses désirs, passer la soirée dans les plus beaux endroits de new york, t’endormir à côté d’elle pour quelques billets ? t’observe la gosse, les cheveux en bataille parce que tu n’arrive jamais à la coiffer comme il faut, parce que'aucune natte ne tient bien longtemps sur son petit crâne de gosse turbulente. tu regardes l’appartement, ravagé, des jouets dans tous les coins, des crayons de couleurs, des dessins accrochés. un appartement trop petit, tu pourrais déménager, trouver quelque chose de plus grand, lui offrir sa propre chambre. et avec quel fric ? celui des photos ? insuffisant pour déjà payer toutes tes envies aujourd’hui.

tu te décides, rapidement, une douche et la chemise hors de prix sur tes épaules, bien peigné, la gosse sous le bras que t’abandonne à ta charmante voisine. une fois de plus. baiser sur son front, tu t’éclipses, traverse la ville rapidement pour la retrouver là, au milieu des gens comme elle, des effusions d’argent, des valeurs accrochées autour du cou, au bout des doigts. elle s’éclipse néanmoins, te laissant seul au milieu d’une foule d’inconnu, d’un visage que tu repères un peu plus loin. quelques pas pour le rejoindre, ta coupe de champagne à la main. “À toi aussi elle envoie des chemises hors de prix ?”, tu ricane, te noie dans le liquide pétillant, “j’ai l’impression d’être une putain de poupée”, ça froisse ton ego, ta fierté, mais arrondis les fin de mois et ça, tu ne peux pas t’en passer.

@gabriel dixon