deliverance / silvia.

La tête entre les mains, il tape du pied. Le métro est trop lent, trop étouffant. Pourtant y’a personne autour de lui, le wagon est presque complètement vide, à part pour lui et une fille qui parle au téléphone, à l’autre bout. Il ne voit pas son visage et il n’entend pas ce qu’elle dit, mais c’est évident qu’elle est en train de se disputer. Il voit ça à ses épaules voûtées et à la main qu’elle lève régulièrement pour la claquer sur sa cuisse. Dom ne s’en préoccupe pas, pas vraiment. Trop obnubilé par ses propres pensées, par tout ce qui lui tourne dans la tête. Ça fait beaucoup, en ce moment. Beaucoup de choses à gérer, beaucoup de choses à penser. Ça lui donne envie de s’arracher les cheveux, de tout foutre en l’air, de plier bagages et partir. Mais en même temps, il est ancré dans le sol à New York, et il y a trop de choses qu’il ne pourrait jamais se résoudre à quitter. Alors il fait ce qu’il est doué pour faire, Dom - baisser la tête et foncer dans la tempête. Affronter tout ce qui pourrait se dresser contre lui. L’adrénaline dans les veines, c’est dans ces moments-là qu’il est à son meilleur après tout. Malgré le risque, parfois il n’y a rien d’autre à faire qu’avancer. Braver la tempête, et espérer pour le mieux.

Il a longtemps tourné la scène dans sa tête. Repasser ce qu’il a vu, en se disant qu’il devait il y avoir une explication logique. Quelque chose pour justifier tout ça, qui surpassait l’évidence. Silvia, qu’il n’avait pas vu depuis trop longtemps. Le sourire aux lèvres de la voir là, de l’autre côté de la rue. Belle, avec ses cheveux dorés et ses yeux maquillés. Sa jupe un peu trop courte, peut-être, mais il avait voulu s’élancer pour la saluer. Elle qui s’était creusé une place dans son coeur, des mois auparavant. Puis, qui s’était volatilisée - jusqu’à la veille au soir. Mais Dom s’était arrêté, en voyant la voiture se garer à ses côtés. Silvia qui s’était approché de la fenêtre. Quelques mots échangés, puis une portière ouverte. D’autres filles qui traînaient, pas trop loin. Il était resté là, paralysé, pendant de longues minutes. Pour toutes ces fois où il s’était demandé ce qu’elle était devenue. Pour toutes ces fois où il s’était demandé si elle allait bien.

Non.
Pas ça.

Il avait hésité à se rendre au coin de rue à nouveau. Mais maintenant qu’il était dans le métro, c’était trop tard pour faire demi-tour. C’était sans doute une mauvaise idée, mais il avait besoin de savoir. Besoin de la confronter, et de lui demander la vérité. La nausée dans la gorge juste à y penser, le besoin de la sauver de ça. Pas Silvia. Alors il s’élance quand la station est atteinte, et sort dans la nuit fraîche. Se dirige vers l’endroit où il l’a vue - et elle est encore là. Seule, cette fois. À errer sur le trottoir, le regard un peu perdu. Et il s’approche, Dom, en essayant de ne pas se mettre en colère. Poings serrés, et le regard enflammé - mais il reste une certaine douceur dans ses traits, malgré tout. « Silvia. » Qu’il souffle, lorsqu’il est assez près. S’arrêtant à quelques pas, la mâchoire serrée. Les grands yeux posés sur sa silhouette fine. « Qu’est-ce que tu fais là ? » La voix qui en tremble presque. « Dis moi que c’est pas ce que je pense. » Et il n’y a pas de jugement, pas de déception - juste du déni, et un peu de désespoir. S’il te plaît. Dis-moi la vérité.

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Elle marche. Elle tourne en rond. Elle attend, patiemment. La nuit tombe sur le Queens et la sienne sera semblable à toutes les autres. Un client. Un client choisi pour elle. Un homme avec qui elle passera la nuit. Son quotidien depuis neuf mois. Absolution cherchée, absolution transformée en damnation. Quitter Rome était pour elle une chance, un espoir de tout recommencer, de vivre enfin sa vie comme elle l’entendait. De vivre. Tout simplement. Elle voulait la vie mais la vie n’a pas voulu d’elle. Et elle se retrouve là, à subir, Sisi. Mais au moins, elle est libre, et cette liberté n’a pas de prix. Bien que le visage qu’elle voit apparaître soudainement juste devant elle provoque un doute, un gros doute, dans son esprit. Dom. Il est une des premières personnes qu’elle a rencontrées lorsqu’elle a débarqué ici, à New-York. Un véritable coup de cœur. Des moments magiques passés à ses côtés. Et lui, il a eu la chance de la connaître réellement, de la connaître comme elle était avant. Silvia, et non Sisi. Silvia, désireuse de vivre. Silvia, solaire, inconsciente. Silvia, prête à explorer chaque recoin du monde. Il l’a connu avec son grain de folie, ce côté naïf et attendrissant. Celui qui l’a fait s’attacher, certainement. Mais la vie l’a rattrapé. Les problèmes l’ont rattrapé. Et lorsqu’elle est tombée dans le réseau de prostitution McGrath, elle a littéralement coupé tout contact avec lui. Cela a certainement été une des choses les plus douloureuses qu’elle ait dû faire. Pourtant, elle n’a jamais regretté. Jamais. Parce que Dom, il est beaucoup trop bien pour elle. Parce que Dom, c’est le prince charmant, le vrai. Pas comme ceux qu’elle a connue dans sa prison dorée, en Italie. Pas comme tous les prétentieux, ceux qui font bonnes figures pour faire plaisir à papa et maman. Non, lui il est droit. Il est bienveillant. Il est prêt à tout pour aider les autres, sans compter. Il est fort et attentionné, chaque instant avec lui est différemment merveilleux que le précèdent. Parce que malgré ses propres souffrances à peine perceptibles, il a toujours été là pour elle. Et elle ne le mérite pas, Silvia. Elle ne le méritera jamais. Tu vas le salir, idiote. Tu vas le faire souffrir, alors ne sois pas égoïste pour une fois dans ta putain de vie. C’est ce qu’elle s’est répétée sans cesse. Sans cesse avant d’y parvenir finalement, l’abandonner. Et il lui manque, il lui manque tellement. Mais elle ne sera jamais à la hauteur. Et Dom, il n’a pas besoin d’elle dans sa vie. Pas besoin d’une fille comme elle. - Dom… Ses yeux d’opales se plongent immédiatement dans les siens. Sa voix est faible. Faible parce qu’elle ne veut pas qu’il la voit. Pas comme ça. Avoue-le, Silvia. Au fond t’as juste peur de voir son regard changé. T’as juste peur qu’il voie en toi c’que t’es vraiment, une pute. T’as honte, devant lui, voilà la vérité. Mais son regard, il ne trompe pas. Sa voix non plus. Il a compris. Il a compris. Et elle ne peut rien faire. - Ne reste pas ici, s’il te plait. Elle détourne le regard. Elle n’a aucune envie de le voir. Elle n’a aucune envie qu’il réalise quel genre de femme elle est devenue. Quel genre de femme elle est. Et pourtant, elle ne trouve pas le courage de lui mentir. Elle ne trouve pas le courage de chercher n’importe quel prétexte pour le faire partir, pour qu’il cesse de se poser des questions. Simplement parce qu’à lui, elle ne peut pas mentir. Alors il était plus facile de fuir, fuir plutôt que d’affronter la réalité. Plutôt que de l’affronter lui.

Elle a la surprise dans les yeux, Silvia. Désemparée de se faire surprendre là, à ne pas trop savoir vers où se tourner. Acculée au coin du mur, nulle part où reculer. Peut-être qu’il y aurait eu un autre moyen de faire ça, de ne pas juste débarquer dans la soirée fraîche pour la surprendre en moment de vulnérabilité. Il aurait pu attendre, Dom, l’appeler, la trouver chez elle. Faire ça autrement, pour que ce soit moins douloureux, pour elle, pour lui. Mais il n’avait pas vu une autre option, le coeur trop écorché, et l’âme peinée par ce qu’il avait découvert. Il avait besoin d’affronter la vérité de la pire manière possible. Et il n’était pas doué pour contourner, Dom, il fonçait dans les flammes même en sachant qu’il allait se brûler. Il ne voulait pas entraîner Silvia dans sa chute, mais peut-être qu’elle était déjà au fond à l’attendre, il ne savait pas trop. Confus, perdu, il aimerait qu’elle puisse rigoler, et lui donner une explication pour tout ça. Qu’il retrouve l’éclat doré dans son regard, ce sourire qui lui avait donné envie de faire pareil. Il veut retrouver la belle Silvia d’il y a quelques mois, celle qui avait été un rayon de soleil, celle qu’il avait trouvé tellement belle à mordre dans la vie à pleine dents. Elle lui avait redonné espoir, et voilà qu’elle était corrompue, la princesse. Voilà qu’elle se tenait sur les trottoirs de la ville, à se faire toucher par ceux que Dom ne voulait que briser, à présent. Ce n’est pas juste. Pas juste de salir quelque chose d’aussi pur. Vous avez pas honte, putain ?!

Il a déjà sa réponse, alors qu’elle le regarde de ses grands yeux. Encore belle à en crever, comme une lune argentée. Ces grands yeux de poupée, et cette voix qui glisse jusqu’à ses oreilles. Ça lui rappelerait presque tous ces beaux moments passés ensemble, cette amitié qui s’était construit à une vitesse étourdissante, mais c’est assombri par les circonstances. Dis-moi, Silvia. Dis-moi que c’est pas c’que j’pense. Dis-moi que la noirceur ne t’a pas avalée, toi aussi. « Dom… » La honte est visible dans son visage, dans sa voix. Il a compris, et elle le sait - et ça lui donne envie de fracasser les murs et le sol, de déchirer le ciel et de hurler au monde entier. « Ne reste pas ici, s’il te plait. » Il déglutit, les poings serrés. Jamais il ne lui ferait de mal, c’est le reste du monde qu’il veut blesser. Il secoue la tête, en ne la quittant pas du regard. « Pas question. » Les pieds ancrés dans le ciment, c’est hors de question qu’il tourne les talons sans rien dire de plus. Sans essayer de l’aider, sans la tirer hors de là, sans la ramener vers la lumière. Là où t’as ta place. « Alors c’est vrai ? » Et ça lui fait mal de demander, la gorge serré, les mots qui lui écorchent la langue. Les yeux posés sur elle, il ne veut pas qu’elle puisse fuir, il veut l’entendre de ses lèvres. Après, je pourrai t’aider. Mais s’il te plaît, il faut que tu m’avoues la vérité. « Qu’est-ce qui t’es arrivée, Silvia ? » Il secoue la tête à nouveau, plus doucement. Un pas vers elle, pour se rapprocher. Comme pour l’envelopper de ses bras, et la tenir loin du monde. « T’as juste disparue, j’avais plus de nouvelles. Et voilà que je te vois… » Les mots meurent dans sa gorge. Il déglutit, et prend une petite inspiration. « Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi tu ne m’as pas appelé ? » Peu importe ce qu’il y a, j’aurais pu t’aider, moi. Tu le sais. Alors pourquoi tu ne l’as pas fait ?

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Elle a mal. Beaucoup plus qu’elle ne le devrait.
Elle a mal. Et elle ne sait pas comment arrêter.
Elle a mal. Sans comprendre pourquoi est-ce qu’elle sent son cœur se briser.
Parce qu’il est là, Dom. Là. En face d’elle. Parce qu’il la regarde, droit dans les yeux, comme s’il pouvait lire en elle. Parce qu’il la confronte, alors que bien des hommes auraient pris la fuite dans une telle situation. Parce qu’il la regarde, comme Silvia, la Silvia qu’il connait, et non comme une prostituée. Pourtant, il n’est pas vide, son regard. Il est animé par cette culpabilité, sûrement celle de ne pas avoir pu l’aider. Il est animé par cette tristesse, sûrement celle de la voir blessée. Parce que c’est ce qu’elle est, Silvia, bien loin de la princesse italienne, elle n’est plus qu’une biche écorchée. Ce regard, il est insoutenable. J’voulais pas, Dom. J’voulais pas que tu me vois. J’voulais pas te faire mal. Pas toi. Tous sauf toi. Ce qu’elle voudrait lui dire, mais ce qu’elle tait au fond de son être. Incapable de parler. Incapable de lui dire. Incapable de se justifier ou même de mentir. Elle reste plantée là, elle accuse le coup. Parce qu’elle est bien trop faible, Silvia. Parce que la vie, elle va la briser. Si elle n’a pas déjà commencé. Et, faible, elle lui demande de partir. De s’en aller sans se retourner. De l’abandonner là. C’est ce qu’elle voudrait qu’il fasse. Mais il refuse, évidemment. Parce qu’il est comme cela, Dom. Et avoue-le, Silvia, c’est parce qu’il est comme ça que tu l’aimes autant, parce qu’il n’abandonne jamais. Elle détourne le regard, incapable de le repousser lorsqu’il s’approche. Et les questions s’enchaînent, et plus elles s’enchaînent plus Silvia sent cette douleur dans la voix de celui qu’elle estime tant. Douleur insupportable. Ce n’est qu’à sa dernière interrogation qu’elle trouve le courage de le regarder, enfin, les yeux brillants. - Parce que je ne voulais pas. Je ne voulais pas que tu me vois comme ça. Sa voix se brise. Un peu trop. Sans qu’elle ne puisse rien contrôler. - Parce que tu as ta vie et… T’as pas besoin de ça. Parce que t’as pas besoin d’une fille comme moi, parce que je vais te salir, parce que tout est ma faute, parce que je ne suis pas une fille bien et parce que je ne te mériterais jamais. Crois-moi, Dom, t’as pas besoin de moi. Mais malgré tout, elle sait. Elle sait ce qu’il va lui dire, qu’il aurait pu l’aider. Mais ce n’est pas son rôle. Ce n’est pas son rôle à lui, alors qu’il a tout pour vivre une belle vie. Alors qu’il mérite de vivre une belle vie. Sa petite-amie, son travail, et toutes les personnes qui l’aiment, c’est ça, qu’il mérite. Pour une fois, je n’ai pas fait n’importe quoi, Dom. Pour une fois, j’ai fait exactement ce qu’il fallait. Pas pour moi. Pour toi. - Respecte mon choix, s’il te plait. Et ses opales brillent toujours. Et sa fragilité, elle est visible. Et pourtant, elle lui demande de ne pas l’aider, une nouvelle fois. De ne pas tomber dans les abysses, pour elle. Parce qu’elle ne le supporterait pas.

Il relâche pas, Dom. La mâchoire qui accroche et les crocs qui s’enfoncent, c’est le chien loyal qui reste sur le pallier à s’en laisser crever. Pas capable d’encaisser qu’il arrive quoi que ce soit à ceux qu’il aime, prêt à se jeter sur toutes les grenades passantes pour éviter que les débris ne fracassent les autres. Et il se trouve con pour ça, parfois, à se faire mal comme ça, mais c’est plus fort que lui. Seconde nature impossible à refouler, il a le coeur qui saigne en regardant une fille comme Silvia. Parce qu’il la voit, la souffrance dans ses yeux, la honte dans le creux de son regard. Elle le supplie de foutre le camp, elle le supplie de rester juste là. Gorge serrée, à ne pas comprendre pourquoi elle n’a pas tout simplement appelé, au moment où elle a pu chuter. Tu sais que je serais venu, Silvia. Tu sais que j’t’aurais tenu la main, et qu’on aurait trouvé une solution ensemble. Mais c’est trop tard pour tout ça, maintenant reste plus qu’à affronter les conséquences de son choix, et à Dom de comprendre qu’il aurait du réagir face à son silence. Parce qu’il aurait pu choisir de la retrouver avant, de se battre pour comprendre au lieu de laisser le temps filer et le sol s’écrouler. T’as échoué, Dom. Et regarde où ça vous a mené. Est-ce que vous saurez vous relever ? « Parce que je ne voulais pas. » Elle avoue finalement, la voix brisée. Et Dom, il serre les poings, l’envie de briser les murs, d’arracher le ciel pour s’y oublier. « Je ne voulais pas que tu me vois comme ça. Parce que tu as ta vie et… T’as pas besoin de ça. » Il serre la mâchoire, Dom. Il comprend, à quelque part - comprend son choix d’avoir voulu le laisser en dehors de tout ça. Mais moi, Silvia ? Moi, ce que je veux, ça compte pas ? « Respecte mon choix, s’il te plaît. » Et il pourrait. Pourrait acquiescer et se libérer du poids de ses épaules pour la laisser partir. Elle est pas ta responsabilité, Dom. Et pourtant.

Pourtant.

« Et ta vie à toi, Silvia ? » Qu’il lui demande, en haussant les épaules. Il ne sait pas laisser tomber, Dom. Prêt à sa sacrifier sans réfléchir, à se déchirer pour libérer les âmes qui le méritent. Et Silvia, elle le mérite. Mérite de sourire. Mérite de briller. « Tu avais ta vie, toi aussi. Je sais pas ce qui s’est passé, mais ça a pas besoin de s’arrêter là. » Il la regarde. La douleur dans ses yeux, et le sourire effacé. Il était tellement beau, ton sourire. J’aimerais le revoir. « J’peux pas t’forcer à accepter mon aide. Mais si tu penses que j’vais juste tourner les talons et ne pas m’retourner, tu m’connais mal. » C’est le gars chiant, Dom. Le gars qui sait pas reculer, qui sait pas relâcher. Celui qui va te pousser contre le mur pour que tu affrontes tes démons, convaincu que ça va pouvoir te relever. À s’en oublier. Complètement. « Moi aussi, j’veux faire mon choix. Le choix de pas te laisser tomber. J’peux pas te laisser là, en sachant… » Gorge serrée, il s’approche un peu d’elle. Sans être menaçant - doucement. « T’as l’air d’avoir froid. Tu veux pas venir te réchauffer ? Juste le temps d’un café. Ou c’que tu veux. T’as faim ? » Allez, Silvia. Viens avec moi, au moins juste le temps de te réchauffer. Et de me dire comment t’en es arrivée là.

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Et si. Et si je t’avais rencontré plus tôt. Et si je t’avais rencontré dans d’autres circonstances. Peut-être que ça aurait tout changé, peut-être que t’aurais pu me sauver.
Et si. Des questions sans réponses. Des questions mortes nées. Des questions qui brûlent. Des questions qui brisent. Des questions qui s’effacent, laissant la voix de Dom reprendre sa place. Laissant ses mots, toujours plus doux, toujours plus fort, venir réchauffer un instant le creux de son cœur. Des mots qu’elles ne voulaient pas entendre et qui, pourtant, lui font un bien inimaginable. Des mots qui sonnent comme promesses, des mots beaux, forts, puissants, à l’image de celui qui les portent. Oh, Dom, quand je te regarde, je pourrais presque y croire. Je pourrais presque croire qu’il y a autre chose qui m’attends. Parce qu’il est le meilleur pour ça, Dom. La meilleure personne avec qui se battre. La meilleure personne pour qui se battre. Et elle aimerait, elle aimerait tellement être capable d’être plus ferme. Elle aimerait tellement pouvoir le rejeter, le repousser. Elle aimerait pouvoir le faire fuir tellement loin, qu’il ne revienne jamais. Qu’il ne se brûle jamais. Pas à cause d’elle. Mais elle est beaucoup trop faible pour cela, Silvia. Et elle sent déjà son cœur fondre comme de la guimauve, face à lui, face à ses mots. - Mais ta vie à toi, elle n’a pas à pâtir de la mienne, Dom… Elle se fait presque suppliante. Suppliante pour qu’il comprenne qu’elle souhaite simplement le protéger. Qu’elle souhaite simplement qu’il soit heureux, qu’il parvienne à avoir la vie qu’il mérite, le bonheur qu’il mérite. Et j’supporterai pas d’être une putain d’ombre à ce tableau si parfait, Dom. Mais tu ne lâcheras pas, je ne le sens. Tu n’abandonneras pas, parce que t’es un homme incroyable. Les yeux baissés en l’entendant, en sentant sa voix faiblir lorsqu’il l’imagine, ici, avec des hommes. Et elle comprend. Elle comprend qu’il est déjà trop tard. Elle comprend que le mal est fait. Que quoi qu’il arrive, à cause d’elle, il est blessé aujourd’hui. Et elle s’en veut. Terriblement. Même si une faible partie d’elle est tout de même touchée de voir à quel point elle compte pour lui. De voir que ces moments volés étaient réels, que ces sentiments sont partagés. De voir que cette relation passée est peut-être toujours d’actualité. Alors un grand soupir s’échappe de ses lèvres, parce qu’elle sait. Elle sait que ce qu’elle s’apprête à faire n’est pas une bonne chose. Elle sait qu’elle va rompre la promesse qu’elle faite, celle de le laisser en dehors de tout ça. Mais… - Ok. Ok, je te suis… Mais, je reste convaincue que…Que tu ne devrais pas faire ça… La voix qui tremble. La voix qui en dit beaucoup trop. Parce qu’au fond, t’as besoin de lui, Silvia. T’as besoin de lui plus que de n’importe quoi. Mais tu sais très bien que tu ne seras qu’une tâche dans sa vie.