étoile filante (bart)

trois heures du matin. la nuit est blanche, comme la plaquette d'antalgiques sur la table de chevet. les idées sont noires, elles s'entrechoquent pour créer le brouillard qui obscurcit ton regard. le manque te ronge, il fait trembler tes mains fébriles au rythme de ta respiration. le manque de ta dose, peu importe l'origine de la drogue, mais aussi le manque d'elle. cette tête blonde qui a les yeux de sa mère, les tiens aussi. c'est égoïste de vouloir mettre la main dessus à tout prix, mais tu t'en fiches. tu te forces à croire qu'elle n'est pas mieux chez ce père dont les échos résonnent dans toute la ville. de bouche à oreille, tu es parvenue à obtenir une rue, un numéro d'appartement dans le queens vert. tu pourrais te dire qu'au moins la gamine vit dans un quartier décent, loin de ce que tu as l'habitude de fréquenter. tu n'es pas assez raisonnable pour penser à ça, foutu égocentrique. il te la faut, maintenant et tout de suite. tu en as besoin comme tu as besoin de ta dose.


tes jambes se décroisent pour se lever de ton lit miteux, te provoquant un vertige pendant quelques secondes. fais chier. tu attrapes un joint déjà roulé au fond du tiroir poussiéreux, maigre consolation. tu enfiles un short et un sweat à capuche noir pour cacher les cernes creusées par le manque de sommeil. est-ce que tu sais vraiment dans quoi tu t'embarques en fermant la porte de ton appartement ? pas vraiment, tu n'as pas conscience de grand chose en cet instant, pourtant le manque s'infiltre en toi comme un poison, tes nerfs sont à vif, fragile comme du cristal. tu avances à pas de loup dans la ville, tirant nerveusement sur le joint qui ne parvient qu'à te frustrer encore plus. tu avances presque les yeux fermés pour mieux voir le visage de l'enfant, comme une récompense au bout de la course. le délire s'empare lentement de toi, tu imagines ta sœur marchant à tes côtés, tu l'imagines en train de te murmurer des paroles d'encouragement qui te poussent à presser le pas. quelques minutes, c'est tout ce dont tu as besoin pour la récupérer. le palpitant s'emballe quand l'appartement se dessine sous tes yeux, le fantôme de ta sœur s'envole. tu es seule dans le ring à présent. le mégot s'écrase au sol, tes mains se cachent dans les poches de ton pull, hors de question pour toi de montrer que tu trembles. tu n'as jamais peur will, tu peux tout faire. encore un petit effort et tu te retrouves face à la porte. sourire mauvais au coin des lèvres, le regard un peu fou. tu ne vas quand même pas sonner avant d'entrer, si tu peux t'infiltrer sans faire de bruit c'est encore mieux. tu n'as jamais été douée pour la discrétion, mais c'est ton instinct qui te pousse à ouvrir cette porte. allez, plus que quelques secondes will. tu peux deviner la pièce à vivre grâce à la lueur de la lune. tu appréhendes beaucoup moins le jouet trainant au sol, celui qui lance une douce musique en appuyant dessus. putain. tu te glisses naïvement derrière un recoin de mur, et ta soeur qui n'est même plus là pour te dire quoi faire. t'es dans la merde will.

tu rêvais de ta vie de Rockstar, de tes soirées dans un bus à parcourir les routes, à offrir au monde ta musique. À te défouler jusqu’à ne plus sentir tes muscles, sortir en sueur mais satisfait d’avoir entendu les foules crier ton nom. tu voulais de la musique tous les jours, à ne plus sentir tes doigts, à ne plus rien entendre que des bourdonnements. ah oui tu l’as longtemps rêvé ta vie de musicien, de célébrité ou rien ne compterait plus. la voilà la rock star, assise au milieu du salon à regarder Peppa Pig en brossant les cheveux blonds de sa gamine. elle râle la gamine, bouge la tête toutes les deux secondes, se plaint que tu lui fais mal. tu t’excuses, tu sais pas faire. tu sais pas être père. tu sais encore moins coiffer une tignasse indisciplinée comme la sienne, lui attacher les cheveux pour éviter qu’il s’emmêle. dans quoi tu t’es fourré Bart, putain. t’arrive à en faire quelques choses d’à peu près passable, une espèce de natte un peu éparpiller, des mèches blondes qui va et vienne de chaque côté. T’abandonne, te lève du sol pour ouvrir au livreur qui attend derrière la porte, la pizza encore fumante dans les mains. un billet, tu le remercies, sert ta fille dans une assiette. tant pis pour le repas équilibré. pas encore pour ce soir. Tu n'as pas la force de cuisiner, tu sais même pas le faire de toute façon, t'as aucune idée de par quoi tu devrais commencer -acheter des choses saines probablement-. et puis tu n'as pas envie de te battre non plus, le dernier repas à peu près équilibré que t’as essayé de lui faire avaler c’est terminé en troisième guerre mondiale. Des déferlements de larmes, un déchaînement de cris, et puis sa mère qu’elle réclame. tu la couches dans son petit lit à la tombée de la nuit, t’endors dans le salon, devant un film que tu ne regardes même pas. foutue vie que tu n'as pas choisie, tu deviens quand Iggy Pop ?

Finalement tu te traînes jusqu’à ta chambre, tombe de fatigue sur ton lit à peine défait. ils sont doux les rêves, la nuit est reposante, tu’en avais surement besoin. T’es claqué de tout ça. de devoir gérer cette gosse, de devoir changer de vie si subitement. de tout bouleverser. tu veux retrouver ton appart pour toi tout seul, tes bières, tes joints, et tout le reste. tu veux ta vie d’avant. en version améliorer.

c’est le bruit qui te réveil. une douce mélodie qui parvient de l’autre pièce, de l’autre du mur. t’ouvre les yeux, les sens en éveil. ta gosse dort encore, le ventre contre sa couverture, les fesses en l’air. paisible. C'est pas elle. C'est pas toi. qui est-ce ? tu te lèves, pas bien rassuré, trouve le salon plongé dans la pénombre, la musique émanant d’un jouet au sol. putain de merde. ce truc aurait pu te tuer. t’allume la lumière, compte en profiter pour aller te servir un verre d’eau, tombe sur une silhouette inconnue. “putain de merde”, tu sursautes, attrape le skate posé dans un coin, réflexe débile, irréfléchis. c’est qu’une meuf. pas bien costaud. qu’est-ce qu'elle pourrait te faire. “mais t’es qui toi ? comment t’es rentrée ?”, tu comprends pas, il te semble pas la connaitre, pourtant y'a un truc qui ses reflète dans ses yeux, un truc qui te la rappelle. elle.

ce n'est pas de la peur qui t'anime quand tu entends une porte s'ouvrir. ce n'est pas des regrets ni même de la curiosité qui te poussent à te faire toute petite dans le coin de mur, pauvre souris prise au piège. la folie, voilà ce qui te permet de tenir debout, la tête haute, tu ne trembles pas, ta respiration est calme, tu attends sereinement la sentence, le revers du bâton. la seule raison pour laquelle ton palpitant s'emballe par moment c'est l'appréhension de découvrir la môme. est-ce qu'elle ressemble à ta sœur ? est-ce qu'elle va t'accepter dans sa vie ? elle n'aura pas le choix, même si tu n'es pas vraiment responsable voir carrément dangereuse pour les autres. tant pis pour les autres, elle ne passera pas une nuit de plus chez un inconnu, aussi proche soit-il. tu aimes cette gosse sans vraiment la connaitre, peut-être la seule humaine que tu aimes réellement en y pensant. celui que tu aimes tout de suite moins, c'est son père qui se dresse à présent devant toi. tu le fixes sans un mot, foutu arrogante qui ignore tout ce qu'il y a à savoir sur le danger. tu le fixes lui et son skate, qu'est-ce qu'il peut te faire ? dans une autre vie tu aurais sûrement customisé son skate, ça force un sourire amusé sur tes lèvres. ton autre vie est morte en même temps que ta sœur. « mais t’es qui toi ? comment t’es rentrée ? » il va bien finir par te lâcher la grappe, et ce skate par la même occasion. tu n'es pas assez douée pour crocheter une porte, heureusement que le blond est tête en l'air. tu prends quelques instants pour scruter son visage, tu imagines dans ta tête un mélange, une esquisse qui pourrait correspondre au petit être endormi à quelques pas. ta patience a des limites, tu enchaines le pas pour découvrir le salon. t'as toujours eu cette -mauvaise- habitude de faire comme chez toi, peu importe le danger. il ne te fera aucun mal, n'est-ce pas ?



le voilà, le démon. le manque qui refait doucement mais sûrement surface. celui qui te force à plier sous son poids, à t'asseoir sur le canapé tout en restant digne. digne et silencieuse. tu savoures les derniers moments sans ta nièce, tu es bien incapable de la prendre dans tes bras avec les mains qui tremblent. une part de pizza traine sur la table basse, tu t'en empares. princesse des rues qui se sert sans honte. une bouchée et tes mots s'extirpent enfin, tu les pèses un par un, hors de question qu'il trahisse la dépendance en toi. « c'est toi bart ? je viens chercher ma famille. » ta seule famille, le dernier éclat de lumière dans un ciel obscur. ce n'est pas vraiment une question que tu lui poses, c'est plus un ordre et tu espères secrètement qu'il accepte sans rechigner, ton humeur est trop bancale pour supporter d'être contrariée. t'es un baril de poudre dans une cheminée, prête à exploser, tes minis-poings serrés. tu te sens invincible will, belle erreur que tu t'acharnes à reproduire peu importe la situation.

le réveil précipité, le bruit qui te fait sursauter, te mettre sur tes deux pieds, le coeur battant dans ta poitrine. tu ne réalises pas très bien dans un premier temps, tu penses d’abord à un mauvais rêve, ou un voisin un peu trop bruyant, et pourtant, le bruit siffle à tes oreilles, trop proche, trop familier. trop près de toi. de vous. De ta gosse encore endormie qui ne bronche pas. les jambes en coton et l’esprit embrouillé par une nuit de sommeil qui te semble trop courte, un reveil trop douloureux, tu déambules dans le salon, tombe sur la silhouette qui essaie tant bien que mal de se dissimuler dans l’ombre. elle te fait sursauter, fait battre ton coeur encore un peu plus fort, si bien qu’il pourrait lâcher, à tout moment. les médecins t’ont toujours dit de faire attention avec ça, avec cette merde, mais tu dois faire quoi quand on s’introduit chez toi, quand on te regarde avec ces yeux-là. ces yeux que tu connais trop bien, ces yeux qui, le temps d’un court instant, te font penser être en face d’un fantôme. est-elle revenus ? est-elle revenus pour toi ? te hanter jusqu’à la fin de tes jours Bart ? t’es con, les films d’horreur n’existent pas. les fantômes non plus.

pourtant le visage te dit quelque chose, les expressions, les traits, elle te rappelle des souvenirs auxquels tu n’aimes pas penser. elle ne répond pas aux questions que tu poses, à la menace de ton skate lever en l’air pour frapper à tout moment, réflexe reptilien. elle ne dit rien, pas un mot, se décolle du mur pour rejoindre le canapé un peu plus loin, s’y asseoir, une part de pizza déjà en main. qu’est-ce qu'elle fait ? qui est-elle ? tu finis par poser la planche à coté de toi, continue de l’observer, de chercher les questions à tes réponses. elle ouvre enfin la bouche, demande si tu es bien bart, annonce venir chercher sa famille. tu fronce les sourcils, sans comprendre. “ouais c’est moi bart, et putain j'sais pas d'quoi tu parles”, tu paniques un peu, ton cerveau mal réveiller qui n’arrive pas à réfléchir, poser les putains de pièce au bon endroit. une main dans les cheveux, tu t’approches un peu, fais enfin le lien. “Attends mais…”, un ricanement au coin des lèvres, t’approche encore un peu, la surplombe maintenant. “c’est toi will…”, tu croises les bras sur ta poitrine, comprends soudain beaucoup mieux. le regard, les yeux, ceux qui te la rappelaient elle. non c'est pas elle. non elle n’est pas revenu pour te hanter. non c’est juste son junkie de soeur. celle dont tu as entendue parler, plusieurs fois, sans jamais la voir et pourtant c’est comme si tu la connaissais déjà. Will la soeur folle à lier. will le mauvais petit canard de la famille. Will la droguée. Celle à qui on n'a pas voulu confier la garde de la petite, parce que trop instable, parce que trop dangereuse pour les autres, mais surtout pour elle. “dégage de là, t'as pas de famille ici”.

fuir et sauver le peu d'honneur qui lui reste. partir sans se retourner, laisser cette plaie ouverte se refermer tant bien que mal en tirant un trait sur ce passé. même prendre une nouvelle identité, changer de couleur de cheveux, les cernes comme seul moyen d'identification. elle aurait pu faire tout ça will, disparaitre aux yeux du monde, refaire sa vie ou devenir fantôme comme sa sœur. elle aurait pu le faire cent fois, mais elle refuse de devenir faible, de baisser les bras devant un blond à la mauvaise réputation. tout dans son attitude la dégoûte, elle le déteste du plus profond de son être sans le connaitre, mais les échos lui ont suffit à se faire un avis sur le personnage. « ouais c’est moi bart, et putain j'sais pas d'quoi tu parles » le regard se redresse, dévoilant un peu plus ses yeux azurés, la ressemblance avec sa sœur n'est pas flagrante jusqu'au moment où les regards se croisent, elle ne peut pas renier sa famille, c'est comme un blason qui hurle le nom des rosen. « Attends mais… c’est toi will… » soupir exaspéré qui s'échappe des lèvres, la réputation a été toute tracée par sa famille sans aucun doute. la part de pizza reprend sa place initiale dans le carton vide dans un mouvement brusque, pressée de se mettre debout à son tour, la mâchoire contractée. jamais dans sa foutue vie elle ne s'est laissée marcher dessus, même en étant plus petite ou plus frêle. même si ses mains tremblent un peu plus désormais. « dégage de là, t'as pas de famille ici »  elle encaisse le coup bien placé, ça sonne comme un coup de poing dans le ventre qui coupe sa respiration quelques instants. triste vérité pourtant, elle n'a plus rien, plus personne, il ne lui reste que l'enfant qui dort à quelques mètres d'elle. « je dois te rappeler que tu as tué ma sœur ? alors à qui la faute ? » les visages sont proches, trop proches, à portée de n'importe quel coup mal placé. « elle sera certainement plus épanouie avec moi, dis-moi où elle est putain » la machine est lancée, la folie comme seul carburant. mauvaise jusqu'au bout, elle passe à côté de l'inconnu en donnant un coup d'épaule. elle en a besoin, maintenant et tout de suite. de sa dose ou de l'enfant, mais l'atmosphère devient plus pesante à chaque pas. le temps presse, la tornade fait les cent pas dans le petit appartement, ouvrant sans gène chaque pièce en jetant un oeil désintéressé à chaque fois que son but n'est pas atteint. plus que deux pièces, mais la colère monte crescendo, elle refuse de se montrer dans cet état, elle veut des aveux, elle veut des réponses plus que jamais. « DIS-LE ! Dis-le que tu l'as tuée, enfoiré. » le ton est monté d'un cran, ce n'est pas will qui parle, c'est ses viscères. elle fait face à l'infidèle qui aurait pu lui servir de beau-frère et elle le méprise de tout son être. nerveusement elle cherche une cigarette à moitié écrasée dans sa poche, seul remède pour oublier que ses yeux se sont humidifiés. elle ne sortira pas indemne de cette confrontation entre deux fiertés.

brusquement réveillé, la bouche pâteuse, l’esprit troublé, le coeur battant. brusquement tu comprends. tu comprends que l’inconnue n’en est pas une, que l’étrangère ne l’est pas vraiment non plus, que le hasard fait bien les choses, surtout quand il est provoqué. elle n’a rien à voir avec une de ces folles qui serait rentré par hasard chez toi, profitant d’une porte ouverte, d’une main sur une poignée qui cède, une porte qui s’ouvre. elle n’a rien à voir avec une SDF un peu paumée, cherchant la lumière et la chaleur d’une nuit trop fraîche pour dormir dehors. non, non, cette fille-là est différente, cette fille-là n’a rien à voir avec tout ça. non. les connexions se font et tu mettent un nom sur le visage. Will. Will la soeur de ta défunte ex petite amie. Will la tante de ta gosse. Ce qu’il lui reste de cette famille disloquée, exploser, complètement anéantis. Et tu pourrais probablement la laisser la voir, la laisser l’emmener peut-être. Au fond ça t’arrangerait bien qu’elle reprenne la gosse, te laisse enfin tranquille, te laisse retrouver ta vie d’égoïste. ça te simplifierait la vie Bart, de la laisser ta gosse, rejoindre ce qui lui reste de famille. au fond elle doit probablement la connaitre plus que toi. pourtant tu t’obstines. tu refuses l’idée. ne l’envisage même pas. pas après tout ce que tu sais sur Will, par après tout ce qu’on t’a dit. tu la dévisages, un moment, les traient tirés, les cernes, tu penses qu’elle a replongé, tu l’imagines, seringue entre les doigts.
tu assènes le coup, l’ordre de déguerpir, de reprendre ses bonnes intentions et de quitter ton appartement, d’abandonner la folle idée de retrouver la gosse et de l’emmener. Les visages trop proches, tu sens son souffle contre ta peau, vois le regard changer, la lueur de folie qui s’éclaire dans ses yeux, prend vie. elle articule des mots qui n’ont pas de sens, une accusation qui pourtant te porte un coup au cœur, à l’ego, la fierté, mais surtout fait resurgir toute la culpabilité que tu gardais là, bien enfouis. elle t’accuse. clairement, elle t’accuse d’avoir tué sa sœur. et peut-être bien qu’elle a raison, peut-être que tu es son meurtrier, pour avoir été un parfait connard, pour avoir été un enfoiré, pour ne pas avoir décroché cette soirée la. elle te bouscule, d’une démarche assurée, ouvre les portes, s’énerve un peu plus à chaque fois que ce qu’elle découvre ne la satisfait pas . tu la rattrapes, là suis à pas rapprocher. “qu’est-ce que tu fou putain”, tu sens l’instabilité dans chacun de ses gestes, dans chacune de ses décisions, de se soupires, des idées qui traversent son esprit. elle est folle. a lié. mais elle t’avait prévenu. “sa folle de soeur”, comme elle l’appelait. la dingo de la famille. en face de toi, te menace encore, de dire que tu l’as fait. que tu l’as tué. elle sait tout bart. dit le. dit le bart. “mais t’es complètement folle…”, tu la repousses, avec un peu plus de violence que ce que tu ne voulais, t’interpose entre elle et la dernière porte, celle de ta chambre, celle ou elle dort. “Barre-toi avant que j’appelle les flics…”, la menace en suspension. tu crois encore qu’elle a peur des flics ?

fauve en cage, lionne enragée loin de sa progéniture, folle désespérée qui cherche un rocher auquel se raccrocher. c'est un fouillis d'émotions qui lui met la migraine, fait monter les perles dans ses yeux malgré la voix assassine, en plus du manque de sa dose. oui elle est folle, droguée, instable. mais il n'est pas mieux qu'elle ce coureur de jupon qui a poussé sa soeur tout droit au fond du précipice au-dessus duquel elle était déjà penchée. c'est lui le meurtrier, lui le coupable que sa famille aurait dû enfermer. pas elle, son dernier but dans la vie est de remettre la main sur sa nièce, comme on achète un vulgaire bibelot. « qu’est-ce que tu fou putain » les portes claquent à la recherche de son trésor perdu, la pièce du puzzle qui viendra combler le néant de son palpitant depuis la mort de sa soeur. « mais t’es complètement folle… » le coup est parti, ça lui donne l'effet d'un coup de pied en plein dans l'estomac. c'est violent, assez pour la stopper un instant dans son élan de folie. il a raison, entièrement. mais elle a aussi raison quand elle lui lance qu'il est l'unique coupable, alors elle se raccroche à cette pensée pour ne pas penser au reste, la cancéreuse toujours fermement coincée entre ses lippes gercées. « Barre-toi avant que j’appelle les flics… » ça a au moins le don de dérider un peu will qui laisse son rire un peu fou résonner dans la pièce désordonnée. les flics elle les a côtoyés trop de fois, pourtant elle est toujours là, devant cette porte bloquée par le corps de bart. « je suis une folle et toi un connard, on part sur ça ? » le rictus mauvais refait surface au coin de ses lèvres. la balle est dans son camp, autant en profiter. « je sais tout bart. je sais que t'as pas été foutu de lui répondre ce soir là, t'étais aux abonnés absents alors qu'elle crevait toute seule chez elle avec la gosse que t'as pas voulu assumer. » la voix rauque se brise au milieu de la phrase, l'émotion de ce moment la submerge un instant, teinté par la jalousie que l'appel était à la destination de bart, pas d'elle ni même de ses parents. il est l'intrus de la famille, la tâche noire au milieu du papier blanc. un peu comme elle au final. elle reprend difficilement, un peu plus calme, elle tente tout ce qu'elle peut pour remettre la main sur l'enfant. « tu la mérites pas cette gosse, elle n'a pas sa place avec toi. tu n'es pas de sa famille tu comprends ? » le dos de la junkie se laisse tomber contre le mur face à la porte close, assommée non pas par son combat perdu d'avance, mais la fatigue du manque prend le dessus, ses mains tremblantes peuvent témoigner pour elle.

l’ombre fantomatique envahit l’appartement, fais craquer toutes les lattes du parquet, claquent les portes, chacune des portes qui ne renferme pas l’enfant qu’elle cherche. elle est la . elle est venu pour ça. l’emmener avec elle. spectre incarnant tes peurs, la culpabilité que tu ne sais supporter. elle hante ton salon, de sa folie, de ses yeux fou, du feu qui l’anime, de la colère qui la transporte. elle te fait peur d’une certaine façon, tu vois en elle tout ce que tu détesté chez Joan, en plus terrible, en plus grand, plus effrayant. et sans même t’en rendre compte tu l’insultes, envoie une vérité qu’elle connaît sans doute déjà, peu importe si tu la blesses, peu importe si elle l’a déjà entendu des millions de fois. bien sur qu’elle le sait, bien sur qu’elle est folle. elle te fait face, n’en démord par , pas prête à lâcher son but, abandonné la gosse et repartir chez elle. elle t’affronte, de tout son corps tremblant, de ses yeux vitreux, lâches une insulte pour toute réplique. Ça t’fait ricaner. elle t’insulte de connard. tu le savais déjà.

et le sourire se gomme très vite, ravale l’air narquois que t’affiche sans gêne, ravale ta salive, difficilement. elle sait tout will. elle sait absolument tout. le coup de téléphone, ton absence de réponse, ce que tu’aurais pu faire pour la sauver, pour qu’elle soit encore la aujourd’hui. ce que tu’aurais pu faire avant aussi, quand elle était bien vivante, quand tu’en avais rien à foutre d’elle, de ses sentiments, de ce qu’elle éprouvait pour toi, du gosse qu’elle porte en elle. elle sait tout will, elle crache tout aussi, le venin qui se répand sur ta conscience, ton âme torturée même si tu refuses de te l’avouer. oui tu t’en veux. oui t’y pense, constamment, oui tu regrettes, oui tu ferais différemment si tu pouvais remonter le temps. oui tu’es un connard, mais oui tu’avais des sentiments pour Jo , oui tu l’as aimé, longtemps, sans le dire, surtout pas le dire. et oui tu regrettes. tout ça. et tu pourrais te défendre face à l’inconnu, l’étrangère qui pénétrée ta vie privée, ton espace naturel, tu pourrais trouver une bonne excuse pour tout ce que t’as fait. ou pour ce que tu n’as pas fait d’ailleurs. pourtant tu ne dis rien, sert juste la mâchoire face à elle, son regard accusateur. puis elle recule, ne lâche pas l’affaire pour récupérer la gosse, te dit même que tu ne fais pas partie de sa famille, que tu n’as rien à faire avec elle. peut-être qu’elle a raison, elle fait surement plus partie de son entourage que toi, inconnu jusqu’à il y a quelques semaines. peut-être, c’est vrai, qu’elle serait plus heureuse avec elle, sa tante. Pourtant non. tu ne la lâcheras pas. tu ne lui confieras pas la petite. si Joan ne l’a pas fait, tu ne le ne feras pas non plus.

d’autant plus que tes doutes se confirment quand elle recule, contre le mur, son dos pour la soutenir, pour garder debout ce corps qui tremble, le manque qui prend place dans tous ses membres, ses veines, ses muscles. Tu l’observes, le remarque. tu connais les ravages de la drogue, c’est conséquence. un ricanement mesquin au bord des lèvres, “ t’a raison, c’est mieux de vivre avec sa tante et d’apprendre comment se piquer à même pas quatre ans…”, tu souffles, laisse ton dos contre la porte derrière toi, inspire. “rentre chez toi, tu pourras la voir quand tu seras clean”, tu tranches, les mots qui la poussent vers la sortie, veulent l’éloigner de ta progéniture, pour de bon.

moitié louve moitié chienne. prête à sauter du haut de la fenêtre pour récupérer le sang de son sang. elle peut bien le payer, jouer à la prostituée, se rabaisser jusqu'à bosser pour lui. elle peut tout faire pour atteindre son but qu'elle touche déjà du bout de ses doigts fébriles. elle ne lui dira jamais, non. mais elle ne lâchera jamais non plus comme un chien qui maintient la prise de sa mâchoire sur une proie déjà agonisante. elle encaisse les coups difficilement avec l'envie de lui sauter à la gorge dès qu'il tape au centre de la cible. clean. elle a essayée plus d'une fois, elle a passée des semaines entières en cure, elle a même arrêtée pendant un moment à la sortie de l'une d'elle. mais il y a toujours eu une personne ou une situation pour la faire replonger dans le gouffre hanté de démons. il ne peut pas comprendre ce bart, c'est si facile de faire la morale sans connaitre les raisons. elle a du mal à se redresser convenablement, pourtant elle le fait, sa fierté mal placée l'emporte sur la douleur qui assaille ses tripes. « qu'est-ce que tu comptes lui apprendre toi ? qu'un père est incapable de rester à ses côtés sans aller voir ailleurs ? » elle le sait, elle a ses informations, il est connu pour changer de cibles comme de chemises. il peut bien faire ce qu'il veut de son palpitant, mais la gamine se retrouve abandonnée entre les bras de sa grand-mère. ce n'est pas une vie. will sait ce que ça fait d'être camée, elle compte bien tout faire pour l'empêcher de tomber dans ce piège. « j'compte pas partir sans la gamine. il te faut quoi pour me la confier, du fric ? » elle tente le tout pour le tout, donne ses derniers éléments pour parvenir à sa fin. le dos toujours collé au mur froid apaise son manque, elle sera bientôt d'attaque pour montrer les dents une nouvelle fois.

Une nuit écourtée est l’inconnue qui s’installe au milieu du salon. elle a la folie dans ses yeux, une lueur qui t’effraie et t’attire, comme une flamme dansant sur une bougie, le genre de lumière vers laquelle on tend un doigt, tentant de la toucher sans jamais se brûler. tu sais qu’avec elle ce serait l’inverse, à fouiller pour trouver la flamme, tu te ferais cramé. Consumé. tout entier. elle te fait peur cette fille, parce qu’elle est imprévisible, surement dangereuse, parce qu’il n’y a rien de logique dans ses gestes. quand elle s’immisce chez toi, quand elle réclame la gosse, tremblante au fil des secousses que provoque le manque dans son corps. tu le reconnais. t’aime pas ça. elle te rappelle ta mère, pour ce que tu t’en souviens, pour ce qu’on t’en a parlé.

l’inconnue s’installe,
bien décider à ne pas partir sans la gosse,
elle ne lâchera rien, elle est prête à tout et elle t’effraie.

tu lui barre la route, encaissant les reproches qu’elle te fait, juste réponse à celles que tu viens de lui adresser. vous êtes pareil, l’un et l’autre, instable pour cette gosse. aucun de vous ne mérite son amour, ne pourrait lui apporter l’avenir et l’éducation qu’elle mérite. probablement qu’il y aurait plus adapté que vous pour l’élever, lui donner l’amour dont elle a besoin. mais voilà, vous êtes là, et surtout, vous êtes sa seule famille. un connard et un junkie. sa proposition t’étire un sourire malsain, cruel. du fric. Voilà qu’elle te propose du fric. et où est-ce qu'elle peut trouver ce fric ? tu n'as pas connaissance d’une riche famille du coté de ton ex, de la mère de la petite. t’imagine que ce qu’elle consomme additionné aux multiples cures de dès intox lui coûte un bras, alors quel fric ? et puis pour qui te prend-elle ? serais-tu le pire des enfoirées si tu la laisses prendre la gosse pour du fric ? probablement. et tu n’y songe même pas. même si l’argent est devenu un problème depuis que ta grand-mère a décidé de se détacher de toutes ses empreintes matérielle. c’est vrai que tu’es dans la merde, ça vas pas fort niveau budget, c’est certainement pas ton groupe qui te permet de payer ton loyer, à peine ton job de photographe. mais tu te démerdes, tu galères, mais tu survis. et c’est assez pour mépriser son offre, toujours le sourire accroché à tes lippes. “J'ai pas besoin de ton fric, dégage de chez moi maintenant”, la main sur la porte, elle s’ouvre sous la pression de tes doigts, offrant là vu sur le couloir extérieur.

“casse toi”, tu perds patience, un soupire mêlée de colère et de fatigue, tu lâches la porte, gomme l’espace qui te sépare d’elle, crée le contact de ton corps contre le sien, une main sur son bras. tu la pousses vers l’extérieur, non sans un peu de violence, tu la bouscules. “Barre-toi maintenant, et je te conseille de pas refoutre les pieds chez moi”, sinon quoi bart ? t’appelleras les flics cette fois-ci ? t’ira voir un juge ? un avocat ? et pour quoi faire ? ça changera quoi ? tu vois bien que dans ses yeux elle ne compte pas lâcher les morceaux, qu’elle reviendra, encore et toujours, fantôme bien présent, dès maintenant accrocher à ton âme.