Sujet: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Ven 3 Mai - 18:40
For these red lips, with all their mournful pride × ft. AMY & ISKANDAR
À l'insomnie qui tangue, à l'errance délétère, j'aurais des mots et des cris soigneusement tus. À l'oubli de la haine qui ronge, une appétence soudaine. Et beaucoup de déraison, quand la nuit se pave des lueurs de la ville. De ce quartier que je ne connais pas, que je ne souhaite pas forcément traverser. Je m'y suis égaré pour réfléchir. Songer encore dans le vide de ces heures qui s'allongent, sans sommeil, sans repos. Il y a des impressions qui rongent mes nerfs, des bruits qui hurlent à l'intérieur de ma tête. Je force une allure sereine tandis que mes muscles se contractent, suivent la ligne trop droite de cette souffrance imparfaite, que je préférerais sans doute atone. L'arrogance des maisons huppées se distingue, ici c'est bien plus propre qu'ailleurs, parce qu'il faut faire semblant et apprêter ses gestes, ses pensées. Ses idéaux aussi. Un couple passe sur le trottoir d'en face, je marque un temps d'arrêt comme pour les observer mais je ne vois que les couleurs sombres de son veston, l'éclat des perles autour de son cou à elle. Je ne m'attarde pas. Je songe aux hématomes qui cerclaient la fragilité du cou de cette fille qu'on a tuée il y a trois nuits de cela désormais. Ça lui faisait un élégant collier à elle aussi. Elle n'avait plus à prétendre. Elle n'avait plus à parader. Pourtant elle avait dû rêvasser à ces îlots éclairés, à l'intérieur des demeures de bourges, où les rires s'élèvent pour faire retomber les faux semblants. Elle devait croire pouvoir se confronter à un monde dont elle ne connaissait ni les codes ni les perfidies. Comme toutes les filles qui n'appartiennent pas à ces cages dorées. Je me demande si son meurtrier appartenait lui aussi à une caste ou s'il était comme elle. Juste plus imparfait. Plus implacable aussi. Peut-être. Peut-être bien. J'ai envie d'un verre, mais je sais qu'aucun alcool ne saurait étancher le vide qui sourde à l'intérieur. Je sais qu'il ne faut pas recommencer. Retomber dans des affects faciles et une violence incertaine et étrange. Celle qui traversa les cinq années qui m'ont abandonné à Chicago. Il y avait des quartiers comme celui-ci. Et des hommes pour s'enfuir, ramper jusque dans les entrailles de l'opprobre, pour baiser des gamines qu'on leur garantissait vierges. Combien sont-ils ici à nourrir ce genre de fantasme alors que la nuit les enserre et les ploie, aux côtés de leur jolie épouse ? Combien sont-ils ?
Je marche plus rapidement. Je m'enfuis à mon tour, pour mieux échapper aux relents aigres de ce quartier privilégié. Une voiture noire longe la route, ralentit pour se délester de son hôte. Je passe, je suis la ligne du pavé en sens opposé. Opposé. J'ai la curiosité de saisir la silhouette d'une oeillade absente. Des jambes interminables et des talons hauts. Et puis cette façon de se déplacer. Je ne la reconnais pas. Je ne la reconnais pas tout de suite. Le passé s'élance au ralenti de mon désarroi. Est-ce son sourire ou bien son timbre lorsqu'elle salue son chauffeur ? Est-ce son allure ou peut-être la façon de rajuster son sac à main. C'est peut-être simplement son parfum. Les souvenirs s'inscrivent au front de la réalité, avec la violence des plongeons que l'on n'a pas prémédités. Je m'arrête tout à fait. J'en oublie la clope que je sortais de mon paquet et je demeure là. Dans mes fringues froissées et une humeur ombrageuse qui transite sur mes traits. Je me renfrogne. Je pourrais passer mon chemin sans même la saluer. Je pourrais. Oublier les années déçues par une distance salutaire. Oublier une nouvelle fois celui qui partagea sa vie et dans une certaine mesure la mienne. Oublier le lien dorénavant rompu. Mort. Mort. C'est tout ce qu'il est désormais. Cet ami de passage. Ce collègue de confiance qu'il m'a fallu apprivoiser. Et elle ? Elle ne représente rien. Juste l'accident et la frénésie de ces mots qu'elle a subis, par mon entremise et ma froideur, lors d'un interrogatoire. Juste cette épouse abandonnée, juste cette femme éphémère, que je n'estimais pas. Je ne l'ai ni détestée ni qualifiée d'une quelconque manière que ce fut. Je l'ai observée, écartelée, broyée lors d'une heure interminable jusqu'à être certain qu'elle n'ait strictement rien à voir avec le meurtre de Jéricho. J'ai fouillé ses élans passionnés pour un homme qu'elle aimait très visiblement. Mais comment peut-on être à ce point froide et incisive quand la mort vous traque et vous enlève ce pour quoi vous aviez juré de persister ? Question banale. Questionnement de flic. Une virulence d'usage qui n'a cure du deuil ou de la peine. J'apprenais quelques années plus tard ce qu'un décès pouvait produire sur le caractère de quelqu'un. Combien l'on pouvait se sentir dériver vers l'apathie la plus totale. Je voulais juste m'assurer que la sienne n'était pas feinte. Je le sais aujourd'hui. Je ne lui ai jamais présenté mes excuses. Je l'ai simplement croisée quelques temps après, lors du procès. Sans rien lui dire. Sans même la rassurer. Car un jugement ça ne change rien. Ni la peine. Ni la colère. Ni le vide.
Je reste là et je m'entends l'interpeller d'une façon cavalière : _ Vous n'avez pas changé. Vous avez toujours été cela, cette si froide image que vous souhaitiez représenter. On est ce que l'on peut. Uniquement. Je ne lui souris pas mais je m'approche, conserve une distance encombrée qui pourrait passer pour du respect. Ça n'en est pas. C'est une inflexion incertaine, en souvenir d'un lien déchiré. Navré par la mort et l'injustice d'un acte ignoble. _ Madame Steele. J'aurais dû me souvenir que c'était là votre domaine de prédilection. Je fais un geste pour désigner le quartier qui nous entoure, nous toise. Ce luxe si fade que je me demandais vraiment comment Jéricho savait le supporter.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Sam 4 Mai - 14:22
Les jours se suivaient et se ressemblaient pour la brune. Peut-être un peu moins dernièrement, depuis qu'elle avait passé cet accord avec le prêtre. Mais la routine perdurait, évidemment. Il ne changerait pas sa vie, le père Fleming, il y ajouterait seulement un peu d'intérêt. Pour le temps que ça durerait, de toute manière. Elle finirait par se lasser, certainement, sans aucun doute, même. Amy lève les yeux vers le bâtiment devant lequel son chauffeur s'arrête. Ses bureaux l'attendaient, comme chaque jour, comme un refuge où elle pourrait fuir les souvenirs qui la hantaient chez elle. Elle remercia son chauffeur, l'héritière, avec un sourire et les instructions habituelles, la récupérer toujours à la même heure, après sa journée de labeur. Ce ne fut que lorsqu'elle se redressa qu'Amy réalisa qu'on l'observait, qu'on lui adressait la parole, même. Lui. Elle le reconnut immédiatement. La clope au bec, vêtu comme un épouvantail, ce visage... Lui. Comment l'oublier ? Cela faisait huit ans, maintenant. Et elle n'avait pas oublié une seule seconde de ces instants qu'il lui avait fait subir. Ses questions. Ses accusations. Ses mots, tranchant comme de l'acier, acides comme du poison. Elle les avait encaissés en silence, ne répondant brièvement qu'à ses interrogations, de manière mono-syllabique. Oui. Non. Il l'avait torturée, véritablement. Pas physiquement, non, mais les mots pouvaient être tellement plus violents que les gestes. Amy en avait eu la preuve avec cet homme. Celui qui avait été le partenaire de son mari, qui l'avait soupçonnée d'avoir ôté la vie à l'homme qu'elle aimait le plus dans cette existence. L'accusation en elle-même aurait été suffisante. Il avait été toutefois bien plus cruel. Et non, Amy n'oublierait pas. Jamais. Et elle avait la rancune tenace, la brune. Elle ne détestait pas grand monde, préférant l'ignorance, mais lui... lui. Elle le détestait. Plus que n'importe qui d'autre. Plus que la vie elle-même.
« Agent Cohle », répondit froidement la jeune femme, son regard tout aussi glacial accrochant celui de son interlocuteur. Froide image, en effet. Elle l'avait toujours été et le serait toujours, encore plus depuis ce fameux accident. Cette carapace glacée qui l'entourait, il avait aidé à la forger, à la rendre impénétrable. Félicitations, agent Cohle. Beau travail. La brune lève les yeux vers le quartier que désigna l'homme de son geste. Elle plissa les yeux, l'héritière, devant cette remarque qu'elle ne saurait prendre bien, vu l'identité de son interlocuteur. « A l'inverse, là n'est pas votre domaine de prédilection. Vous êtes vous perdu ? » demanda Amy, sur le même ton sans esquisser le moindre mouvement de recul alors qu'il s'était approché d'elle.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Dim 5 Mai - 13:24
For these red lips, with all their mournful pride × ft. AMY & ISKANDAR
Il n’y a pas de mouvement, la fixité des duels, le temps en bandoulière qui s’oublie dans un souffle alangui par la fatigue. L’épuisement des sens, qui se fracasse sur elle, son profil de félin, son sourire carnassier, même s’il se veut futile quand il s’adresse à son chauffeur. Des mots connus par coeur, des mots que l’on répète comme une fichue ritournelle qui s’ancre à l’intérieur du ventre, le noie dans l’amertume. La nuit s’est éteinte aux premières lueurs du jour, elle s’est cramé les ailes, j’ai dû marcher bien trop longtemps. Bientôt, le cellulaire vibrera de manière inopportune dans la poche intérieure de mon costume froissé, pour me rappeler qu’il faut aller montrer ma gueule dans nos bureaux. Comme si je pouvais oublier de me lever… Encore faudrait-il dormir pour cela. Elle ne m’a pas encore remarqué, elle contemple sa destinée de maîtresse femme, se mire dans les hauteurs parfois vertigineuses des immeubles alentours. Puis elle réalise, puis elle comprend, et son visage vacille, l’expression policée bascule dans une autre tournure des traits. Elle se cisèle à l’orgueil des femmes bafouées. La colère, le fiel, une fierté glaciale. Je laisse le silence nous encombrer après ma première phrase. J’essaye de chasser les tremblements diffus qui me saisissent, parce que je ne comprends pas comment j’ai pu seulement avoir l’idée de l’interpeller ainsi, de lui causer quand il aurait fallu achever l’image pour la replonger dans l’ignorance indigne. J’allume ma cigarette et prends le temps d’une bouffée qui prolonge mes pensées qui s’amoncellent. Des mots, tant de mots qui retentirent dans cette salle d’interrogatoire, je ne l’ai alors ni frôlée, ni encore secouée. Pas physiquement j’entends, je n’ai fait que l’acculer, encore et encore, dans un dialogue exigeant, quand son mutisme ne faisait qu’exciter les instincts du chasseur devant une proie indocile. Elle n’a pas ployé, la belle, elle a tenu bon comme peu l’auraient fait à sa place dans de pareilles circonstances. Elle me hait, je le lis, je le vois, le déchiffre dans ce regard lourd qu’elle me lance, cette intention maligne insinuée dans ses quelques mots. Elle a toujours été si hautaine, si distinguée. On me nomme rarement ainsi, avec autant de sobriété que de mépris dans l’inflexion de la voix. Je redresse ma posture, prêt sans doute à l’affrontement désormais que j’ai déclenché les hostilités de la rencontre. Rencontre malvenue. Le chemin se brouille, la distance s’amenuise. Quelques pas et nous sommes proches, à nous jauger. J’ajoute avec une raillerie notable, l’agacement gronde bien que je tente de le maquiller en une nonchalance factice : _ Vous qui êtes tant persuadée de toujours savoir où vous allez. Pas un seul pas qui ne soit calculé… Je l’attaque. Encore. Je ne comprends pas pourquoi je m’acharne. Sans doute parce qu’elle représente une part de ma vie depuis si longtemps enterrée sous les cendres de l’agonie que je ne supporte pas cette résurrection impromptue. Perdu. Oui, perdu. C’est peut-être bien le mot. J’ajoute un peu plus bas : _ On se perd parfois, c’est comme ça. Tout le monde n’a pas la capacité de faire illusion. Ce que je lui ai toujours reproché, quelque part. De faire face, d’avoir l’art de construire ces murailles infranchissables quand je souhaitais simplement distinguer la femme qui se planquait derrière. Le chagrin, et la peine. Pas cette foutue dignité inculquée par sa classe sociale. L’a-t-elle pleuré ? L’a-t-elle seulement pleuré dans l’intimité de sa solitude ? Comment a-t-elle pu tenir sans s’écrouler complètement ? Je ne fais pas semblant devant elle, je n’essaye pas de prétendre que la vie ne m’a pas écorché à sa suite. J’avais peut-être une autre allure avant, quelque chose qui tenait de la satisfaction d’être à ma place, une place qui n'avait rien d'usurpé. Aujourd’hui je ne fais que me mirer dans la virulence de ma nature profonde. Suivant les enquêtes comme l’on poursuit l’existence qui n’a pas réussi à vous exclure. Lorsque ma voix lui revient, elle est légèrement changée, légèrement plus fragile : _ Je me suis demandé… Je me suis demandé, oui, en vous voyant ce jour-là, si vous étiez capable de montrer une quelconque faille, plutôt que cette perfection dont vous vous encombrez. Je n’ai toujours pas la réponse, je crois.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Dim 5 Mai - 20:58
Les mots la percutèrent à nouveau. A peine un salut et déjà une raillerie. Il n'avait pas changé. Ou peut-être que si. Mais pas dans le bon sens. Cela dit, ça ne la concernait pas du tout. Sûre de savoir où elle allait ? C'était certainement l'image qu'elle voulait donner. Tant mieux si elle arrivait à l'en convaincre, même lui, l'agent qui avait fouillé sa vie de fond en comble, sans prendre aucune pincette, sans aucune excuse ensuite. Elle soutint son regard alors qu'il l'attaquait à nouveau. Que lui avait-elle fait, pour mériter tel traitement, presque dix ans plus tard ? Il avait perdu un partenaire, un ami, certes. Mais elle aussi, elle avait perdu quelqu'un, l'homme de sa vie. Cela, l'agent Colhe n'avait jamais semblé y croire. Pour quelle raison ? Parce qu'elle n'avait pas montré de larmes en public, face à lui ? Parce qu'elle les avait gardées pour elle ? Et libérée une fois entre les quatre murs qui autrefois étaient les gardiens de son existence et de son bonheur en compagnie de Jéricho ? Des larmes auraient-elle suffi à le convaincre de son innocence ? Non. Elle n'y croyait pas. Pas une seconde. Encore une fois, des reproches. Faire illusion. N'était-ce pas son droit ? Il ne s'agissait pas de classe sociale, d'éducation. Il s'agissait de fierté. Amy se voulait forte, sans faiblesse affichée, une reine des glaces s'il le fallait, afin de ne plus être blessée de ne pas montrer qu'on pouvait l'atteindre. Et elle s'y tenait. Encore en cet instant, face à lui.
Elle plissa les yeux, la brune, lorsqu'il reprit la parole, son ton légèrement différent, moins agressif. Toutefois, elle reste méfiante, prête à recevoir un autre coup de couteau verbal. Elle n'était pas parfaite, loin de là, même si elle essayait tant bien que mal de le paraître.
« Les apparences peuvent être trompeuses. Ce n'est pas à vous que je vais apprendre ça, n'est-ce pas ? Mes failles, agent Cohle, je ne les montre pas. Pas en public. Cela fait-il de moi une criminelle à vos yeux ? Un monstre peut-être ? » Les deux, sans doute. Elle secoua la tête, de droite à gauche, de gauche à droite, soupira, repoussant ces lointains souvenirs dans un coin de sa mémoire. C'était du passé. Le passé devait rester là où était sa place. La brune fixe à nouveau son interlocuteur, ancien bourreau, ils auraient pu être amis, grâce à Jéricho. Ils auraient pu faire front devant l'horreur qui s'était produite. Mais non. Ils en avaient décidé autrement. Haine. Rancune. Voilà ce que cet homme lui inspirait. Toutefois, en l'observant attentivement, elle notait les différences, certaines subtiles, d'autres non. « Que vous est-il arrivé depuis ce temps, agent Cohle ? » Il pouvait ne pas lui répondre, elle n'en prendrait pas ombrage. Peut-être même que la réponse ne l'intéressait pas. Mais elle la posait. Peut-être parce que c'était ce que Jéricho aurait posée, s'il avait été présent, avec certes, beaucoup plus de raillerie dans la voix.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Mar 7 Mai - 18:04
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Les mots sont une parure étrange quand il s’agit de les utiliser comme arme. Sous la plus inflexible des diatribes, il y a souvent la précipitation d'un mal qu'on chercherait à dissimuler. Avec le soin des lâches, on frappe pour repousser la souffrance, pour échapper à la morsure empoisonnée du temps qui ne cesse de nous aiguillonner. Dans les secondes implacables il y a de ces jugements que l'on réserve aux autres pour y échapper soi-même. Et je sais que cette matinée étrange me peint avec des desseins hérités de la nuit. Trop profonde et trop noire. Des heures à se noyer, entre les souvenirs d'un drame et la déraison d'une enquête où l'obsession feule des sensations honnies. Elle n'est pas en reste dans la bataille qui s'amorce, une guerre qui n'a peut-être jamais cessé entre nous par orgueil et par dureté. La culpabilité que je persiste à plaquer sur elle est un défouloir illusoire. Un défouloir quand même. Dans ses yeux sombres il y a tous ces jugements que je ne cesse de m'infliger. Je tiens bon. Persiste. Avance. J'inspire la fumée, une respiration brutale qui ne parvient pas à m'apaiser. Pourquoi ai-je voulu qu'elle s'écroule ? Pour distinguer l'ignominie d'une peine que nous aurions pu conjuguer ? Je ne sais pas… je ne sais pas… J'avais sans doute déjà l'exigence d'une vérité nue quand la sienne ne faisait que se dissimuler. Qui dissimule aujourd'hui ? Qui ? La plaie béante à chaque souffle, le vide prégnant à chaque pas. J'ai un sourire en coin imparfait, une raillerie dans mes yeux fatigués : _ Les apparences dont on s'encombre portent souvent les accents d'une vérité que l'on voudrait dissimuler. Vous n'êtes pas un monstre, même si votre dureté aimerait le prétendre. Vous n'êtes pas un monstre. J'ai prononcé ces mots sans empathie mais pourtant sans colère. J'ajoute cependant dans un commentaire sec : _ Mais tout le monde est coupable. Vous. Moi. La fille là-bas qui traverse la rue. Vos employés. Tout le monde. Quand elle pose sa question mon œil froid s'arrête sur sa silhouette, semble chercher à la jauger plus encore. Elle voit. Elle se doute que la ruine que je porte est un héritage plus récent que notre rancœur qui nous inscrit dans un passé maintenant si lointain. Si lointain pour moi désormais. Qu'est-ce qu'elle peut bien en avoir à foutre au final, qu'est-ce que ça peut bien changer ? Les secondes défilent ressuscitant les morts à nos côtés. Par décence ou pour me souvenir d'un lien qui aurait pu se nouer, je me surprends à lui murmurer dans l'âpreté du jour : _ J'ai compris l'absurdité de ce qui vous avait frappée. Je l'ai appris par cœur pour l'avoir enduré. Et pourtant… pourtant Amelia, ça n'a strictement rien changé. Tout autour, rien n'a changé. Voilà pourquoi c'est absurde n'est-ce pas ? Amelia. Je me souviens que c'est son prénom et pas le sobriquet dont elle s'adoube. Jéricho me l'a présentée une fois, une fois rapidement. Et je lui ai souri ce jour-là. Car Jéricho était en vie. Et Hannah aussi. J'étais entier, raccroché à une humanité que je ne détestais plus pour en faire très brièvement partie. Absurde. Absurde songe depuis longtemps dissipé.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Mar 7 Mai - 21:26
La fumée s'échappa des lèvres et narines de l'homme. Celui qui continuait à lui faire face, tel un adversaire. Car il s'agissait d'un affrontement, sans aucun doute, comme huit ans auparavant. Sauf qu'Amy avait changé, entre temps. Ses protections s'étaient renforcées, son sens de l'observation aiguisé, tout comme sa capacité à s'adapter à son interlocuteur. Et elle n'était pas la seule à avoir changé. Oh non. Elle le voyait chez l'ancien partenaire de Jéricho. L'allure était différente, l'intonation, même le regard, à certains moments. Il n'était plus le même homme, l'agent Cohle, plus exactement, qui a au moins la décence de ne pas la traiter de monstre. Des mots qui ne font aucun bien à la quadragénaire, vraiment aucun. Cet homme ne pourra jamais lui apporter de réconfort, elle en était certaine. Elle ne comprenait même pas pourquoi elle n'avait pas déjà mis fin à cette conversation qui ranimait en elle ces souvenirs tellement douloureux. Son cœur se serrait, se déchirait à chaque fois qu'elle prononçait ou même pensait le prénom de son mari. Tout le monde était coupable. Bien entendu. Tout le monde l'était. Amy ne contredirait pas cela. Pour une fois, une fois, elle était d'accord avec Iskandar Cohle. La culpabilité, un terme bien général, personne n'était innocent, et certainement pas elle, elle ne le nierait pas. Toutefois... elle ne l'avait jamais été du meurtre de son époux.
L'aveu atteignit la brune. L'absurdité. C'était... vrai. Très vrai. Amy plissa les yeux à l'évocation de son prénom, piquée au vif, touchée en plein cœur. Ce prénom interdit. Celui que personne ne pouvait prononcer. Plus personne depuis Jéricho. Le geste dépassa la pensée, plus rapide, plus incisif, et la main d'Amy claqua contre la joue de celui qui avait osé franchir la limite. Un réflexe, un instinct. Un instinct de protection. Elle se figea, l'héritière, ne regrettant que trop tard son impulsivité. Regret. Trop tard. Elle n'en montra toutefois rien, le masque du visage resta impassible, mais elle prit la parole, sa main retombant le long de son corps. « Amelia n'existe plus. Elle a disparu avec lui. » Elle avait été jusqu'à introduire ce changement officiellement, peu après le décès. Son prénom avait été changé, devant un juge, elle avait signé, sa main n'avait pas tremblé. Déterminée. Toujours. Amy avait remplacé Amelia. Amy Steele. Son nom était resté le même, même durant son mariage, détail qui n'avait pas dérangé son mari, en ce temps-là. Jéricho n'avait jamais eu besoin qu'elle porte son nom pour savoir qu'elle lui avait appartenu corps et âme. « Le monde ne s'arrête pas de tourner même si le nôtre s'effondre, en effet. On a plutôt l'impression qu'il accélère la cadence alors qu'on reste en arrière, accroché à ce qu'on a perdu à jamais. Le regard des autres change, lui. Mais votre regard n'a jamais changé, en ce temps-là. » Jusqu'à cet instant, où son regard laissait transparaître autre chose que des accusations, des reproches, un défi. Il savait. Il comprenait. « Qui avez-vous perdu, agent Cohle ? » demanda finalement la brune, sur un ton adouci.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Lun 13 Mai - 18:47
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Le duel poursuit des lignes de fuite que nous aurions dû depuis si longtemps abandonner. Est-ce encore l'orgueil qui palpite ou la rage qui cingle, les battements de cœur au staccato de notre désarroi. Je ne sais pas si elle me déçoit. Elle me semble inchangée, pourtant plus pure encore dans cette dureté qu'elle apprivoisait alors. Un masque de beauté froide pour ne laisser personne pénétrer ni les défenses ni les affects. Mais les affects hurlent, ils crissent d'avoir été depuis trop longtemps claquemurés. Alors je continue. Mon entreprise vindicative et folle envers ce personnage qu'elle expose. Au risque de m'y brûler tout entier, il y a son prénom qui filtre par mes lèvres, la marque de l'intime que l'on appose comme pour se défendre d'avoir jamais ressenti une seule once d'empathie. Ce sursaut qui froisse les résolutions les plus brutales. Là dans les veines. Là dans la tempe. Là sur les lèvres qui ourlent les syllabes d'une douceur imparfaite. Incorrecte. Je le sais avant qu'elle ne me gifle. Je le sais et toutefois reçois son jugement comme une bénédiction dans ces errances qui me sont coutumières. La blessure de chair n'est rien face à celle de la fierté éventrée qui me fait relever des yeux assassins une seule seconde. Je retiens tous mes gestes mais ma posture change, se mâtine d'une agressivité qui sourde dans les veines. J'ai envie de saisir son poignet pour l'arrêter si jamais son élan lui dictait de réitérer. Ou bien pour l'encourager à me frapper encore, troquer un ressenti quelconque pour ôter toute la morgue de mes traits. Mon visage lui destine une expression pleine de trouble, le mépris s'enfuit pour laisser place au désarroi. L'énergie si fragile qui fut consumée par cette colère soudaine retombe comme une pierre dans mon ventre et mon allure se fane un peu plus encore. Un réflexe moribond, tout comme son geste qui la laisse interdite devant moi. J'essaye de distinguer le regret mais je ne lis que cette placidité qui lui est propre, une perfection décorative que l'on tient pour s'empêcher de flancher. Le constat est si implacable que je ne le contredis pas. Car je la crois. Je la crois. Je sais que l'on peut disparaître après que la mort nous ait arraché le peu de splendeur qui restait. La splendeur ne s'attarde pas sur les cadavres désarmés. Mes prunelles lui reviennent, avec cette lueur de compassion qui m'est propre quand je cherche à m'identifier à celui qui me fait face. J'ajoute dans un murmure, une confidence : _ Parce qu'alors je ne comprenais pas. Non je ne comprenais pas. J'aurais dû pourtant… Cette compassion que je lui ai refusée alors, pour la repousser au delà des limites de l'acceptable. Cet acharnement pour passer une rage qui ne lui était pas destinée. Je jette un coup d'œil au ciel qui semble nous juger en ces secondes plus clémentes. Sans la regarder d'abord, j'avoue sans aucune contrainte : _ Ma fille est décédée il y a cinq ans. Je n'ai jamais eu du mal à le formuler, c'est une tragédie dont je ne me cache pas. Je ne cherche à en atténuer ni la peine ni le désespoir dont j'en hérite. Au contraire, c'est devenu un fait. Une amputation. Implacable. Mes iris lui reviennent, plus clairs, habitées pourtant de ces ombres qui ne les quittent jamais : _ Alors oui, le monde continue de tourner. Il continue sans nous mais qu'est-ce que ça peut bien foutre hein ? Les vivants craignent toujours les stigmates du deuil. Mais ils ne voient pas ce que nous avons appris à observer en restant en arrière. Je termine ma clope et la jette dans le caniveau, à nos pieds puis je continue de la regarder. La voir peut-être pour la toute première fois. Je n'ai plus très envie de passer mon chemin après cela. Je n'en ai pas envie. Je penche la tête en direction d'un bar du quartier : _ Vous n'avez pas envie de gagner quelques minutes de sursis avant d'aller faire semblant, là-haut ? Dans ses bureaux. Reprendre le masque et affronter ces autres qui ne se doutent de rien. Ils ne se doutent jamais.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Mar 14 Mai - 14:49
Elle croisa cette lueur dans son regard, une lueur familière, celle qu'elle avait pu croiser dans cette salle d'interrogation, ou peut-être avant, ou après, quelle importance ? Elle ne perdrait plus le contrôle face à lui. Mais elle s'éteignit, cette flamme, remplacée par quelque chose de plus rare, d'inattendu pour la brune qui observe son interlocuteur à travers son masque de glace. Pourtant, son cœur saigne encore d'avoir entendu ce prénom. Le prénom interdit qui avait traversé ses lèvres. Les siennes plus que d'autres, lui plus qu'un autre, il n'avait aucun droit d'user de ce prénom. Car lui plus qu'un autre l'avait malmenée alors qu'elle était au plus bas, son cœur brisé et son âme en morceaux. Lui plus qu'un autre l'avait repoussée jusqu'à ses limites, les avait dépassées, sans le moindre signe de compréhension, sans la moindre excuse. De la haine, oui. Au-delà de l'indifférence qu'elle réservait à ceux qui l'approchaient et la méprisaient, la haine et les ressentiments l'animaient face à l'agent Cohle. Il aurait dû comprendre, en effet. Il aurait dû.
La brune s'immobilisa face à l'annonce, la perte irremplaçable d'un enfant. Si jeune. Trop jeune. Toujours trop jeune. Un enfant ne devrait jamais rejoindre le néant avant ses parents. Jamais. Comment pouvait-on survivre à cela ? Comment pouvait-on supporter cette plaie béante que ce déchirement devait créer ? Amy se rappela de celle que mentionnait occasionnellement Jéricho. Elle se souvint de son prénom : Hannah. « La petite Hannah ». Celle qui avait réveillé le désir d'enfant chez son mari. Lui qui avait vu son partenaire changer, d'homme à père. Lui qui l'avait convaincue ensuite « d'essayer ». Mais ils n'avaient pas eu le temps, non. La vie, toujours injuste et cruelle, en avait décidé autrement. Elle n'avait pas épargné l'agent Cohle non plus. La brune refusait d'y voir une justice. Il n'y avait aucune justice à cela. Aucune putain de justice. « Je suis désolée d'apprendre cela, Agent Cohle. Vraiment » Il comprenait. En effet. Maintenant, il comprenait. Ils se comprenaient. Rancunière, elle l'était, froide, certes, mais la cruauté ne faisait pas partie de ses nombreux défauts.
Le monde avait continué à avancer sans eux, les observateurs pris au piège par leur passé, par ce qu'ils avaient perdus, à qui ils ne pourraient jamais tourner le dos. Prisonniers de leurs souvenirs, de ceux qui leur ont été arrachés trop tôt.. La Faucheuse ignorait les états d'âmes de ceux qui survivaient. Elle abattait sa faux sur les fils de vie, passait à d'autres, sans s'encombrer d'autres détails. Il lui propose de gagner du temps, juste un peu. Elle lève les yeux vers ses bureaux, là-haut avant de les reposer sur l'agent. « Il peuvent se débrouiller sans moi quelques minutes », répondit la brune, ne contestant pas ses paroles. Elle faisait semblant, chaque jour, chaque heure, chaque minute. Ils se débrouilleraient, plus de quelques minutes, même. Se déplacer n'était en rien obligatoire pour la jeune femme. Toutefois, elle prenait chaque jour le chemin du travail pour fuir son domicile, les souvenirs qui y vivaient encore, mais qu'elle refusait pourtant d'abandonner. Une belle contradiction. Tout comme son hochement de tête, qui approuvait la proposition de l'agent fédéral qu'elle abhorrait.
Un pied devant l'autre, se murant dans un silence qui ne la protégerait pas longtemps, Amy accompagna Cohle jusque dans le bar de son choix. Elle n'avait aucune préférence, n'en connaissant aucun. Elle fréquentait davantage les restaurants que les bars, pour différentes raisons, le première étant cette fameuse soirée d'anniversaire, presque vingt ans plus tard. Pour cette même raison, elle ne commanda pas d'alcool, juste un expresso, la caféine était son amie, de toute manière, une amie de tous les jours. « Vous êtes-vous noyé dans le travail pour compenser l'absence et essayer d'atténuer la douleur ? » finit-elle par demander en posant son regard noisette sur son interlocuteur. Il lui semblait qu'elle le découvrait une nouvelle fois.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Mer 22 Mai - 21:03
For these red lips, with all their mournful pride × ft. AMY & ISKANDAR
Il y a cette seule seconde où tout vacille, tout bascule. Cette seule seconde où l’apathie se soulève pour montrer la brutalité rentrée en-dessous, soigneusement calfeutrée, non pas par défiance de ces colères qui pourraient emporter le corps et l’esprit, mais parce que la placidité a remplacé tout sursaut. Pendant cinq ans, mon caractère s’est érodé avec constance, jusqu’à ne regarder que les choses et les êtres avec un détachement que rien ne semble pouvoir rompre. Les cendres sur la langue, les ombres dans les yeux, le néant tout autour. Mais cette seule seconde ravive ce qui se devait d’être oublié, une trahison de nature, bientôt abandonnée de nouveau, en arrière de la stupeur dont j’hérite. Mon coeur bat trop fort à cet instant-là. Je ne sais pas si elle s’en doute, si elle s’en rend compte, elle ne laisse rien paraître, si ce n’est cette froideur pleine de détestation. Et en cette matinée je crois que je l’accepte, je l’accepte pleinement. Qu’elle me haïsse pour l’affront qu’elle a subi, sous mes mots, autrefois. C’est un pardon qu’elle ne saurait m’accorder je crois, car la peine est immense. Ininterrompue. L’on ne ressuscite pas un orgueil ainsi blessé. Trahi lui aussi. Comme ma nature profonde. Je ne cherche d’ailleurs pas à l’attendrir lorsque la confidence transgresse la barrière de mes lèvres. Les mots me semblent crus, d’une froideur trop complice pour ne pas me sentir abîmé par la mémoire qui ressurgit dans l’écho de ma phrase. Les arbres se grisent, les couleurs extérieures se délavent, le paysage monochrome nimbe la présence d’un témoin qui usurpe un rôle. Elle apparaît si violemment sur ma rétine. La vision ne dure qu’un battement de cil, elle s’interrompt lorsqu’elle épanche, sur le ton apaisé des instants que l’on réserve à l’accalmie, ces mots de réconfort. Un réconfort qui ne m’atteint pas, pas totalement, tandis que je me drape dans une attitude plus lointaine, avec cet air désabusé qui me colle à la peau. Je la sais sincère cependant, cette méchanceté-là n’est pas une arme qu’elle détient dans son arsenal, il y a une élégance touchante à cet apaisement qu’elle recherche. Elle aurait pu me maudire, me dire que je l’avais mérité. Je le sais moi-même, je le sais dans ma chair, je le ressens dans mes nerfs. Avoir eu l’outrecuidance de m’égarer sur un chemin qui n’était pas le mien, avoir cru pouvoir détenir plus que je ne méritais. C’est cet orgueil-là qui l’a tuée. Oui. Oui. J’en suis persuadé. _ Ne le soyez pas. C’était il y a longtemps. Une réplique brusque, peut-être pour interdire tout sentimentalisme. Les sentiments sont morts avec elle. Avec Hanna. Il n’y a même plus de colère je crois. Plus pour ça, en tout cas. Peut-être est-ce cela qui nous oppose aussi, toujours autant, même dans l’espace d’une trêve douce-amère, cette éducation qu’elle revêt et que je n’ai pas, ces mots que je n’ai pas prononcés alors, qu’il aurait fallu dire. Je suis désolé. Pour Jéricho. Je suis désolé. Je l’ai été, mais qu’est-ce que cela aurait changé de le dire, de le dire à haute voix ? Cela l’aurait-il ramené ? Cela aurait-il permis d’ôter la peine qui la traversait ? Non. Je n’avais qu’une idée en tête, dénouer l’intrigue, traquer le coupable, le laisser dans les lieux obscurs d’où le destin l’avait tiré. La parenthèse se poursuit, la confidence, le pardon, même omis, même proscrit, reste sur les lèvres, amer. Amer. L’emmener ailleurs paraît être la seule chose à faire, procéder à un jeu de dupes, juste pour espérer que l’apaisement naisse de quelques pointillés. J’opine, la précède, traverse la rue sans faire trop attention à la circulation assez diluée de ce quartier trop riche pour se voir surpeuplé. Il y a un pas, et puis ce silence, presque gêné, l’invitation est comme illicite, je regarde ailleurs, mais jamais dans sa direction. Je choisis la porte d’un bar au hasard, un bar un peu chicos, où quelques habitués des petits dèj à 20 dollars ont élu domicile. Je choisis le comptoir, parce que cela fait moins intime, cela donne l’impression d’une rencontre inopinée. Elle commande un espresso, j’en demande un double. Une sorte d’enchère face à cette fatigue prégnante. J’attends que nous soyons servis pour lui répondre, un pli d’amertume sur les lèvres, après la gorgée de café, et ces souvenirs toujours plus nombreux : _ Noyé c’est le mot. Pas uniquement dans le boulot, ceci dit. Il aurait eu honte de moi. Il. Jéricho. Je ne prononce pas son nom, l’identité transite dans nos regards. Je l’observe plus encore, avant de commenter : _ La survie, ça a toujours un prix. Quel a été le vôtre ? Hormis… Je la désigne, d’un geste, embrasse son allure comme pour parler de sa transformation plus éloquente encore qu’autrefois. Hormis cette froideur, cette distance. Hormis la perte de la douceur qui subsistait encore. Est-elle cachée, quelque part, derrière ces grands yeux noirs ? Est-elle éteinte, désormais, entièrement éteinte ? Je secoue la tête, avant d’ajouter : _ Je crois savoir pourquoi on ne s’est jamais supportés. Je dis ce qu’on vous a appris à ne pas devoir entendre. Ou supporter. Question de milieu, de raffinement, peut-être bien.
Sujet: Re: For these red lips, with all their mournful pride (Amy&Iskandar) Mar 28 Mai - 15:39
L'odeur du café procura un certain réconfort à la brune, assise ainsi au comptoir de ce bar qu'elle ne connaissait pas. Elle ne se sentait pas spécialement à l'aise, d'ailleurs, pour cette même raison, même si elle n'en montra rien, par habitude. Noyé. C'était le bon mot, effectivement, car Amy avait connu cette sensation et cela, bien avant lui. Toutefois, l'alcool n'avait pas accompagné sa descente dans les tréfonds. Ou du moins... on ne pouvait parler de noyade. Un verre, peut-être plusieurs, dans l'intimité de son bureau, jamais au dehors. Par manque de confiance. A cause de cette peur inavouée qui la hantait depuis presque vingt ans. Une peur que n'avait visiblement pas partagé l'agent Cohle. Noyé dans l'alcool. Oui, Jéricho aurait eu honte. Ou peut-être pas. « A votre place, peut-être n'aurait-il pas fait meilleure figure ». Amy l'ignorait. Elle ne pouvait qu'imaginer. Si elle connaissait la douleur que provoquait la perte de sa moitié, elle ne pouvait savoir ce qu'était la joie de devenir parent, tout comme elle ignorait le traumatisme de le perdre. Peut-être que Jéricho aurait réagi comme l'agent fédéral. Peut-être pas. Peut-être qu'elle l'aurait fait. Peut-être. Peut-être. Maintenant, cela ne changeait plus rien. De toute manière, ils avaient perdu tous les deux, Cohle et elle.
Mais ils avaient survécu, en effet. Une survie qui avait un prix. La brune croisa le regard de son interlocuteur, nota son geste désignant sa personne. Un léger ricanement lui échappa avant qu'elle ne trempe ses lèvres dans son café. « Hormis quoi, agent Cohle ? Le fait que je sois devenue celle qu'on nomme la « Reine des glaces ? » Elle ne voyait pas ce « changement » comme un prix à payer, plutôt comme une condition de survie dans ce milieu que mentionna Cohle. Ce qu'il restait de « Amy », la femme de Jéricho, celle qu'il avait traitée comme une coupable, ce qu'il restait d'elle était précieusement enfermé et protégé par son apparence froide. Pour vivre dans ce monde aussi brutal qu'injuste, mieux valait être une maîtresse de l'hiver plutôt qu'une femme aux émotions trop accessibles. La vie lui avait offert cette leçon gratuitement, bien évidemment. Encore une fois, des paroles qui atteignent Amy, une nouvelle provocation à ses yeux, portée cette fois sur une différence de classe. La quadragénaire soupira. « Vous imaginez-vous que personne ne m'a jamais parlé comme vous ? Que j'ai été protégée toute mon existence ? » railla la quadragénaire. Il était bien loin du compte. « Certes, personne ne m'avait jamais accusée d'avoir tué mon mari avant vous... Mais votre « milieu », comme vous dites, ne m'est pas totalement inconnu, même si je n'ai pas la même expérience que vous. Quant à mon raffinement, Agent Cohle, vous pouvez vous l'enfoncer où je pense », rajouta la brune avant de prendre une autre gorgée de café. « Comment êtes-vous remonté à la surface ? Quelle a été votre bouée de sauvetage ? Quel a été le déclic ? »rajouta finalement Amy, curieuse de savoir à quoi un homme comme celui-ci pouvait bien s'accrocher, à part, comme elle, le travail. Elle se demandait aussi à quoi ressemblaient les procédures au FBI pour ce genre de cas.