chasing the first time ○ kieran

traits de caractère / Kieran, c'est le type qui sait ce qu'il vaut et qui ne tolérera ni plus, ni moins. On pourrait l'adorer, apprécier cette allure charmeuse, ses mots toujours adéquats, sa politesse et sa galanterie. Un gentleman à première allure, probablement pourri par sa détermination, sa fierté mal placée, sa jalousie, son sarcasme et son côté manipulateur. Il a tout ce qu'il souhaite et plus il met d'efforts dans ses projets, moins il tolère l'échec. Il est mauvais perdant le jeune homme, peut en devenir susceptible et revanchard comme pas permis. Il vaut tout de même le coup d'être connu, ne serait-ce que pour les rares fois où il saura se montrer gentil, attentionné, généreux, et définitivement loyal.

Sur son bureau, sa vie. Peut-être pas ce qui la constitue, ce qui le pousse à se lever le matin, mais bien ce qui la représente. Il est tard désormais, peut-être 20h. Il est resté travailler trop tard. Si cela le dérangeait au début, c’est désormais devenu une habitude. Il aime ce perchoir au 16ème étage, cette pièce aux grandes baies vitrées qui laissent une vue imprenable sur une partie du Queens. Il aime ce fauteuil confortable, ce bureau en chêne massif, cette décoration moderne, impersonnelle, ces tableaux hors de prix. Il aime cet endroit qui représente à la fois sa réussite, sa force, et l’absurdité de l’argent. Il n’est pas né riche, Kieran. Il était dans une famille normale. Une sœur, un frère, des parents qui travaillent. En fait, un père banquier qui se tue à la tâche, enchaîne les heures pour très peu de reconnaissance. Et une mère médecin, sérieuse en effet, mais pas incroyable. Aucun des deux ne sortaient du lot. Pourtant, ils ont prétendu que c’était le cas, ont vécu dans les beaux quartiers de New-York, ont envoyé leurs enfants dans les meilleures écoles. Tout ceci au prix d’énormes sacrifices et de dette faramineuses que le jeune homme s’était offert le luxe de rembourser, cinq ans auparavant. Lui, il avait réussi.

Il y avait pour preuves ces dossiers de construction devant lui, dans ces pochettes bleues criardes. Des projets, de l’argent dépensé minutieusement, des plans qui laissaient entrevoir des bâtiments modernes, luxueux et financés. Cela faisait neuf ans qu’il avait débuté, avait investi tout son argent -merci à mamie pour son décès- , dans la construction d’une résidence. Le prix du quartier avait flambé, les bénéfices aussi. Et il y en avait eu trois autres, puis un, puis encore deux. Cela ne faisait que neuf ans mais en investissant là où l’urgence se faisait sentir, ce n’était pas un salaire respectable que le brun avait récolté. Mais bien des centaines de milliers de dollars, assez pour constituer un million. Puis deux. La fois suivante, il ne s’était pas laissé avoir. Il était resté propriétaire de sa construction, désormais louée par une chaîne d’hôtels de luxe. Une rente tout à fait abusive, mais simple à rentabiliser. Voici où il en était, Kieran. Occupé à amasser les bénéfices quand des ouvriers trimaient pour un salaire minimum. Le pire étant que la situation ne le dérangeait pas des masses. Pas plus que le fait d’offrir ses biens et son sens des affaires à des organisations criminelles, bien qu’il prétende l’ignorer.

À côté de ça, il y avait également ce chèque. Quinze mille dollars. Une poussière pour lui, une fortune pour son employée. Sa secrétaire, plus spécifiquement. Et il aurait aimé ce que ne soit qu’un salaire amplement mérité, sauf qu’il n’en était rien. C’était simplement une pension alimentaire, une somme convenue pour que cette boule de feu la ferme sur la réelle nature de leur relation. Une histoire qu’il avait fallu fignoler. Le fait est que Celeste lui ressemblait dans le fond : une tigresse à l’affût de la moindre faiblesse pour en tirer parti. Il ne l’avait pas employée pour son CV ou pour son joli petit cul. Il l’avait fait pour son tempérament de feu et pour cette attirance palpable. Évidemment qu’ils avaient couché ensemble, et pas qu’une fois. Évidemment qu’il s’était senti comme un roi quand il faisait de son bureau un terrain de jeu. En revanche, il s’était senti bien con quand elle avait débarqué avec son test de grossesse positif. Encore plus quand au fil du temps, son ventre s’était considérablement arrondi. Jusqu’à ce qu’elle lui ponde une fille en 2014. Une petite Harlow, petite boule bien vivante d’énergie et de pleurs. Cela faisait cinq ans maintenant, et il n’était toujours pas un père décent. Il ne prenait sa fille qu’un week-end sur deux comme convenu, tentait au mieux de ne pas la faire pleurer. Mais la paternité ne l’aura jamais pris aux tripes. Au fond, ce qui l’intéressait, c’était juste de préserver son image. Quitte à simuler une romance qui n’avait jamais existé. Tant qu’il payait, Celeste se taisait et restait à ses côtés. D’un côté, c’était devenu leur jeu.

Et complètement à côté de ce portrait, il y avait le bouquet de fleurs. Gros, extravagant, coloré, littéralement hors de prix. Exactement le genre que Tessa détesterait, et il le savait pertinemment. Il pourrait afficher un grand sourire, lui assurer qu’il n’avait pas trouvé plus ridicule. Qu’elle aime ou non les fleurs, cela la ferait sourire. Seulement là, il pourrait l’embrasser en rentrant chez elle, la serrer contre lui, la retrouver. Il pourrait l’aimer et juste se laisser aller dans ses bras. C’était tout l’effet que cette jolie blonde lui faisait et qu’on se le dise, cela le rendait fou. Fou d’amour, fou de perdre autant ses moyens. Il ne s’attendait pas à elle. Il ne pensait pas que ce jeu de séduction laisserait place au concret. Ils ne devaient pas faire ça, s’en était assuré dès le début de leur relation. Mais il y a six mois encore, c’était simple de nier toute attache, de se dire qu’ils ne seraient jamais qu’un divertissement pour l’autre. Le sexe était sympa, les discussions légères. Cela ne lui étreignait pas encore le coeur comme c’était le cas aujourd’hui dès qu’il la quittait, dès qu’elle lui échappait. Il n’avait pas envie de fracasser un mur dès qu’il l’imaginait avec quelqu’un. Maintenant, il voulait juste la retenir. Il voulait encrer sa présence dans le coeur de cette femme, l’entendre dire que c’était lui et pas un autre. Il ne pourrait pas continuer à lui mentir éternellement et à prétendre qu’il était ouvert à une relation libre. Ce serait le pire mensonge de sa vie. Elle lui appartenait et rien ni personne ne se mettrait en travers de ça.

Et il n’en était pas malheureux, de tout ça.