doux (dés)astres | anthéa

traits de caractère /( IT'S ALL JUST AN ACT ) actrice hors-pair, anthéa est devenue, pour parfaire ses rôles, une observatrice scrupuleuse. mimiques, gestuelle, micro-expressions, auras, façon de se tenir et façon de parler ; elle ne néglige aucun détail pour réaliser le trompe l’œil parfait, qui rivalisera de vérité avec le modèle traîtreusement parodié. la comédie, c'est son art à elle, un talent qu'elle a affûté décades s'effilant. son habileté à improviser et à devenir aussi physiquement que psychologiquement la personne qu'elle interprète est aussi fascinante que dangereuse ; c'est qu'elle va parfois jusqu'à pousser le mascarade jusqu'à l'excès, s'enliser dans l'autre et s'y oublier. des milles visages chapardés, de tout autant de personnalités singées, l'on ne sait jamais vraiment distinguer ce qui est elle. énigme brunette, fraudeuse d'identités qu'on s'échine à déchiffrer contre vent et marées, dépouillant une à une ces digues d'individualités qu'elle embrasse à n'en plus finir, Anthéa est un éternel secret que peu peuvent se targuer d'avoir percé à jour. ( BLACK WIDOW ) criminelle-enfant, truande des ardeurs mâles, elle est traîtresse d'un eros qu'elle tourne en ridicule à chaque minauderie qui triomphe d'un baiser. les hommes sont des jouets qu'elle triture et torture ; frêles incarnation d'une illégitimité que rien n'est jamais venu justifier, ils sont les chaînes brisées d'une tyrannie léonine qui autrefois asservit l'être qu'elle adule le plus au monde : la femme. si sa carne diamantine est sensible à tout désir qui s'y naufrage, les courbes qu'elle estime le mieux sont celles de ses charnelles congénères  ; amante à la fois des marins et des sirènes, c'est une scylla qui graille tout plaisir s'il dérive près de ses infernales mâchoires. quiconque est assez fou pour, tout en ayant vu derrière la tentation l'ombre d'une lilith cruelle, s'abandonner encore à sa suave étreinte, y trouvera peut-être une luxure qui vaut la peine d'abdiquer sa vie.  ( borderline ) le cœur à fleur de peau, elle est la tempête et l'embellie, l'âpre et le miel, l'âme d'un fauve qui crèvera sauvage avant  d'être domestiqué. dans les abîmes de son être piaffe d'impatience une légion de passions qui se couronnent irascibles despotes ; son indocile myocarde digère gloutonnement sa raison et l'encage à l'abri des furies chroniques qui l'agitent et l'enfièvrent. avis tranchés, nuances honnies ; pour la gamine, le monde est noir ou blanc, that's it. c'est seulement violemment qu'elle est capable d'exister – une propension à l'intensité à la fois ensorcelante et effrayante ; que ce soit dans la joie, dans l'amour ou dans le désespoir et la colère, tout chez elle s'imprègne de démesure. ( haunted ) famille inventée dans les songes : pièces rapiécées d'une mémoire brisée par les années passées. elle avait huitans quand elle a été "recueilli" par les lazaridis, gamine aux jambes trop petites pour la mener au-delà des flots. personne ne sait d'où elle vient, mais tout le monde se doute qu'elle est d'ailleurs ; le visage rayonnant et les longues mèches brunes transpirent le soleil. héritage bafoué par le silence, héritage volé par le désintérêt : si elle a retenu une chose de toute cette vaine entreprise, c'est que tout le monde se fout de savoir d'où vient l'orpheline. le rouge crache bas quartier et pauvreté, le rouge ne promet pas les grandeurs. alors on l'abandonne à ses rêves, à ses songes, à ses mondes où papa et maman existent encore, même s'ils ne sont que silhouettes vagues aux mots prophétiques. le dernier rêve, le plus palpable, sont les doigts inconnus contre sa joue, la promesse d'un monde meilleur, alors qu'autour d'elles volent une centaine de papillons de mille couleurs. elle peut même les sentir, les entendre, le bruissement de leurs ailes avalent la réalité que tonton veut lui cacher ___ les cris hors de l'illusion, le monde qui les rattrape. elle peut sentir le sablier écouler ses derniers grains de sable ; la fin du rêve se fait dans les cendres de l'illusion, la magie avalée par l'interruption. un homme lui ordonne de courir (papa, papa, papa) et après ça, le néant.

papa, maman
ça s'borne à des images floues
ça s'casse ent'deux barrières
d'ton esprit trop fermé
- enfermé -
pour pas laisser deviner
c'qu'a marqué les zébrures cramées
sur ta peau pâle
qu'on aperçoit encore parfois
en râles sales

La silhouette se dérobe à la pièce. Tissu endeuillé pour recouvrir ses courbes. Boucles dorées pour dernière cascade sur les épaules. La gorge nouée.
Les angoisses au bord du précipice. La poitrine contractée. La respiration fuyante. Comme le regard. Comme les émotions. Corps sans vie. Corps incrusté de pourpre.
Disparition précoce. Vide creusé sous le derme. 
L’oubli impossible quand le myocarde ne bat qu’à moitié. Les chapitres écoulés et la souffrance qui résonne de la même manière. Les sanglots refoulés pour faire comme si de rien n’était. Les sanglots refoulés pour pas paraître faible. 
Dicta du clan qui protège sa carcasse. Les mains sanglantes pour entourer les contours d’son prénom. Les grecques pour poser les droits. Les grecques pour capter les bénédictions. Les monstres dans la nuit quand les crocs se plantent avec hargne. Les monstres dans la nuit quand le frère est maudit, abandonné des sentiments. Naïm. La gueule blafarde d’la disparition. La gueule blafarde d’une vie sans elle. La moitié de l’autre. Sa moitié dans les instants où la douleur se calque comme un miroir. Les silhouettes échouées aux docks. Les discussions à n’en plus finir. Les mots pour se rappeler. Les sourires pour former l’espoir. Et les sanglots pour chasser l’oubli. L’infini creusé entre eux de ces mains souillées d’amertume. L’infini creusé entre eux de ces mains bénies par un seul nom. 
Neuf lettres pour déposséder les viscères.
Neuf lettres pour sentir les os éclatés à chaque poing dans le mur.
Lazaridis.
Les veines pulsantes d’sa présence. Un frisson pour courber les reins. L’effroi planté sous le derme. Présence qui met mal à l’aise. Présence qui provoque le chaos. Les regards insistants. Les corps qui se sont frôlés sans le vouloir pour mieux s’abandonner. 


La petite, elle tremble. La main posée sur la poupée, prête à se tirer, prête à s'enfuir. Les lippes rongées par les incisives. La poitrine soulevée d’une mesure anarchique.
La poitrine douloureuse de chaque battement. Le passage bloqué par la présence de l’autre. L’inquiétude greffée dans le bleuté. Les vagues battant la chamade dans un corps éreinté par la vie. Alors que putain, elle a que huit ans. « Tu as tout vu, n'est-ce pas gamine ? » L’accent glisse sous le palais. La question frappe les couches anesthésiées. La paume sur la rambarde. Les doigts recroquevillés le long du bois. Elle l’explique pas, Zara. Cette sensation au creux du ventre. Cette impression de signer un pacte avec le diable à chaque regard. Cette peur qui ronge la chaire comme une putain de maladie. La bouche à peine entrouverte. Souffle saccadé pour s’en échapper comme elle rêve d’le faire. « Non, j'rien vu. » Elle a la voix mal assurée, la gamine. Les mots qui cognent contre la langue et se crachent dans l’asphalte. Le son béni par l’inquiétude. L’effort pour tenter de descendre une marche. Un regard pour le défier de reculer. La présence qui devient corrosive. Un putain de poison déballé de ses yeux qu’elle évite en observant le décor foireux. « Tu mens très mal. » L’insistance de l’autre. La silhouette presque voûtée à l’encontre de la petite gitane. Le mouvement de recul de la brune. Elle manque de chuter, Zara. L’accroche approximative au mur. Les mouvements criards de sa poitrine. Les yeux de Tonton pour la dévisager. Imprimer chaque courbe pour les repeindre sous l’onction de l’imaginaire. Les murs des docks pourtant tatoués de pourpre. Les paupières closes sur les actions qui font ravages. L’affront d’la rage pour honorer le blase. Comme pour les grecques. Comme pour tous les monstres qui se fondent dans les rues de la sainte-mère. 
Un soupire dépeint la courbure rosée d’sa bouche. La splendide sur laquelle le bout de la langue se ballade. « J'rien vu. » Un rire sarcastique pour crier dans l’asphalte. La tête secouée pour marquer la lassitude. Presque autant que sa silhouette qui se déporte de droite à gauche. Le pas pressant pour espérer se dégager de son emprise. Il se penche là où leurs mains cognent et se touchent. Contact glaçant. Contact qui s’éternise durant d’infimes secondes. Leurs visages plus proches que jamais. Les lippes entrouvertes face à la gueule du bourreau. La respiration brisée des angoisses. Les prunelles accrochées quand les vagues combattent à l’unisson. « Tu vas venir avec nous. » La silhouette à l’arrêt. La silhouette détournée vers lui. Un dernier regard. Un dernier échange. Une dernière ombre pour peindre l’ultime crainte.
Fléau greffé sur la gueule de l’autre. Quand la sienne vacille de tout ce qu’elle ne comprend pas. Nonchalance de ses épaules qui se haussent. Du mépris qu’elle balance d’un bleu perçant. Un regard furibond vers les traînées sanglantes autour du myocarde. Famille de maudit où l’innocence de Zara macule les certitudes.
La fuite pour plus penser. La fuite pour plus réfléchir.
Loin d’lui. Loin d’eux. Loin des démons.
Maintenant tu t'appelles Anthéa.

tu t’es mêlé à la nuit, éloigné du paradis.
rapproché des abysses.
zara, tu as grandi dans la nuit, tu as mûri accomplie.
t’entrevois, sereine, tous ces bonheurs d’hier. quand tes réminiscences te récitent leurs prières. quand la rage est au ventre, quand le courroux t’emporte. le sang qui bouillonne, les poings qui se serrent.
et l’avenir qui n’attend que toi.