«On dessine pour se trouver et on rencontre les autres. » Louis Pons
Tu reprends le boulot, peu à peu. Tu te remets un peu plus sur tes deux jambes, chassant tes démons à grands coup d'amour. Parce qu'il n'y a que lui qui apaise ton cœur, il n'y a que Jabez pour t'aider à te remettre vraiment d'aplomb. C'est encore compliqué de digérer l'entièreté de cette histoire, compliqué de lui faire confiance, d'autant plus sur les autres femmes gravitant autour de lui. T'essaies de repousser loin, très loin l'idée de Cara, complotant dans le noir pour récupérer Jabez d'une manière où d'une autre. Parce que ça te donne des envies de meurtres, de la traquer pour foutre le feu à son appartement. Parce que vous avez bien failli y passer tout les deux pour son simple caprice que de s'immiscer dans vos vies. L'israélien lorsqu'il s'est jeté à corps perdu dans un combat pour finir comateux pendant trois jours, semi amnésique. Toi tu t'es contentée de retrouver cette spirale d'auto-destruction qui te sied si bien. Rage, désespoir, envie d'en finir. T'as bien failli réussir, y arriver. Quelle erreur ça aurait été, que de caner lorsqu'il s'est souvenu de tout. De toi, de vous, de ces mois passés ensembles. Deux carcasses se confrontant pour ressentir quelque chose provenant de leurs palpitants bien trop inertes avant cette rencontre.
Il n'a pas passé la nuit à tes côtés et c'est péniblement que tu te tires hors des draps portant votre odeur. Un texto t'avertissant qu'il est resorti tard dans la nuit pour raccompagner Alyah à l'appartement où elle vit après son travail. Il ne t'en a pas encore dit grand chose, juste assez pour que t'en vois un grand-frère complètement accro à sa petite sœur. Tu le découvres autrement, pas tout à fait différent, car il reste autoritaire et surprotecteur, mais tu vois de la fierté dans ses yeux. Tu t'es fais la remarque bêtement, que t'aimerais voir le même éclat briller dans les yeux des fils de bertolis. Un grognement de mécontentement s'échappe d'entre tes lèvres sèches, ton corps te fait encore un mal de chien de parts en parts. Heureusement que le salon n'est pas ouvert au public aujourd'hui, en raison d'un nouvel arrivant dans l'équipe. C'est bien pour ça que tu trouves la motivation de te lever, plutôt que de te recoucher grassement en attendant que l'encré ne vienne gagner de nouveau ta peau. T'as le pas traînant jusqu'à la douche, la tête bien embrumée. L'eau fraîche ne manque pas de venir te réveiller, te ramenant un peu plus rapidement sur la terre ferme au fur et à mesure que les gouttes de pluies ne viennent mouiller ta crinière de feu. Nouveau grognement, de satisfaction cette fois. Appréciant ce bref passage à l'eau, les coups de treize heures résonnant tu retournes rapidement dans ta chambre histoire d'enfiler quelque chose de confortable.
Après t'être préparée, tu descends les deux étages pour gagner le rez-de-chaussée et gagner le trottoir. T'allumes une cancéreuse, que tu portes à tes lèvres. Tu te sens nerveuse, excitée aussi. L'arrivée d'un rookie est toujours quelque chose d'important dans un salon. Te voilà maintenant avec deux apprentis sous ton oeil aiguisé. Dans l'fond, tu te dis que ça serais bien que Leo débarque à New-York pour te filer un coup de main. Ca serait bénéfique pour TAT, bénéfique pour l'apprentissage de tes deux bleus. Tu retrouverai ton père adoptif près de toi. T'y penses, dans le noir, quand t'essaies de l'intercepter sur son fuseau horaire en décalage du tiens. Ta vieille chouette te manque, même si tu lui diras pas. Tu tires sur ta clope, qui vient quitter tes lèvres rapidement pour te laisser expirer ton nuage de fumée. T'as vu ses dessins, qui sont franchement sympas. T'as surtout remarqué ce style, original et intéressant qui t'as donné envie d'en voir plus. Tu comptes bien le faire dessiner jusqu'à ce que ses poignets ne lâchent et que mort s'en suive. A la dure, en étant attentif et obstiné. Ne manquant jamais une occasion pour s'entraîner, et c'est justement le but de cette journée d'introduction au salon que tu gères.
Tu le vois arriver au loin, avec sa gueule de gentil minot et sa tête d'enfant battu. Un grand sourire s'étire sur ton visage, tu lui reconnais sa ponctualité et surtout son avance. T'attends patiemment que ses pas ne le mènent vers la devanture vitrée du shop où tu te tiens fièrement tout sourires. Tu portes une nouvelle fois ta clope à tes lèvres et en recrache la fumée grisâtre par le nez. "J'vois que t'as envie! C'est top!" que tu lui lances avant même qu'il ne t'ai rejointe. T'es franchement emballée par l'idée qu'il vous rejoigne, plutôt flattée que ce soit les portes de ton salon qu'il ai poussé pour demander du boulot. Bon t'as clairement été plus aimable que Leonardo, tu l'as pas laissé faire le pied de grue pendant trois semaines pour ne serait-ce qu'il accepte de t'adresser plus que "tu fais quoi ici?" "casses toi, retourne chez toi la gosse de riche" et d'autres tout aussi emplies d'amour qu'il ne se peut. Tu viens lui faire la bise, chaleur humaine méditerranéenne qui ne quitte pas tes habitudes pouvant choquer certains. "Alors du coup, j'ai fermé le salon aujourd'hui pour qu'on puisse être au calme et faire le tour de tes connaissances." Que tu lui expliques. T'as bien dans l'idée de le faire passer sous tes aiguilles aussi, le tester un peu, le mettre à l'épreuve gentiment. Lui donner tes premiers enseignements.
Tu vas être en retard. T’as beau être clairement en avance, ton cerveau ne cesse de te persuader que tu vas foutre ta journée en l’air. Et ton cerveau, t’as beau lui dire qu’il est sûrement malade et que c’est ça qui le fait agir de la sorte, t’as quand même le doute qu’est bien là, à s'immiscer, à te siffler des mots doux dans l’oreille comme un putain de séducteur prêt à t’attirer dans sa piscine d’anxiété. Il est dix heures, que tu te répètes en boucle pour ne pas céder à la panique, pour ne pas devenir fou, même si tu trouves quand t’es quand même pas mal attaqué dans ce département.
Et si l’horloge n’était pas à l’heure finalement ?
Tu attrapes ton portable pour vérifier que ton réveil sur ta minable table de nuit n’aurait pas décidé de se mettre à dysfonctionner pour une raison quelconque. Dix heure une. C’est bon. Tout va bien. Tu te fais juste des idées. Cette révélation te colle un p’tit coup de boost, un p’tit coup de pied au derrière qui t’aide à te lever - à pousser les draps pour t’en extirper. Tu t’étires longuement, bâillement au bord des lèvres, profitant de ce sentiment d’être bien plus détendu que tu ne l’es habituellement. Merci l’héroïne, merci ton programme que tu suis scrupuleusement pour que la drogue te fasse bien plus de bien que de mal. Hier, tu t’es piqué avec la dose qu’il te restait après être allé voir Love. Tu t’es piqué à l’heure prévue, le jour prévu. T’as kiffé ton high, t’as profité du moment et aujourd’hui, t’es encore un peu sur ton nuage sans être trop démonté - parfait pour affronter l’adversité.
T’es pas assez naïf pour penser que la drogue résoud tous tes problèmes ; pas assez naïf pour croire qu’elle va faire disparaître ton anxiété totalement. Elle est toujours là dans un coin, à te chercher, à te pousser à vérifier l’heure deux fois pour ne pas paniquer. Mais elle te fait plus te recroqueviller dans un coin une fois par jour, à pleurer toutes les larmes de ton corps, à trembler faute de savoir quoi faire d’autre, à perdre toute notion du temps et du monde qui t’entoure au profit de tes pensées douloureuses, meurtrières qui ne cherchent qu’à te coincer dans un tourbillon de négativité dont tu ne peux te sortir.
Tu réfléchis trop dès le matin, Bel. T’as encore dû perdre du temps. Tu souffles, tu regardes ta montre. Il est dix heure cinq.
C’est pas dur de te préparer. Le pire, c’est l’attente qui vient après, alors que t’hésites à te mettre à dessiner pour faire courir le temps.
Mais si tu commences, tu ne t’arrêteras plus après, Bel.
Tu te connais. Tu sais que tu perds la notion du temps quand t’attrapes un crayon, quand tu le fais courir sur le papier pour y coucher ton imagination. Tu finis toujours par le faire, pourtant, par céder à cette envie qui te prends aux tripes - celle de dessiner, encore et toujours, celle de t’échapper de ton propre cerveau dans l’un de tes mondes imaginaires à la fois pires que la vie réelle mais pourtant tellement mieux.
T’as cédé. T’as ouvert ton petit carnet.
Mais t’as pensé à mettre une alarme. Petite victoire pour ne pas flipper.
Mais tu l’as bien mise, ton alarme ?
Routine de vérifier plusieurs fois, d’appuyer pour retrouver l’icône adéquate sur l’accueil de ton cellulaire, pour t’assurer qu’elle est toujours là. Concentration niquée par la peur de louper l’heure, de tout foutre en l’air une nouvelle fois.
Et tu finis enfin par dessiner sans t’arrêter.
L’alarme a sonné comme prévu. T’as rangé tes affaires, lavé tes mains recouvertes de graphite et enfilé l’un de tes sweat-shirts favoris - l’un de ceux dans lesquels tu peux te planquer presque entièrement, bien trop grands pour toi, comme des bulles de protection. Tu files hors de ton appartement bien planqué dans ta bulle et tu t’avances dans les rues. Tu longes les murs comme à ton habitude, regard fixer sur le sol pour ne pas risquer le contact visuel, pour ne pas risquer les conséquences que cela créerait. T’as que ton objectif dans l’esprit, que ce pourquoi tu t’es levé ce matin, ce pourquoi tu sors aujourd’hui. Et quand t’y pense ça t’appaise un peu, et tu souris.
Tu aperçois le shop et ta nouvelle boss devant. Elle t’adresse un grand sourire et c’est communicatif, ça te fait un bien fou. On te sourit jamais comme ça, à toi. Ça te fait sourire aussi, timide, gamin mais t’as le don de montrer un peu de joie, de bonne humeur - pour changer. « J'vois que t'as envie! C'est top! » qu’elle te lance une fois que t’es à sa hauteur. T’es motivé, ouais. C’est un rêve de pouvoir tatouer, de pouvoir vivre de ta passion pour le dessin.
Elle fume. Ça te donne envie aussi.
T’auras pas le temps, Bel. C’est pas pro de faire ça, de la faire attendre. Retiens toi.
Elle te fait la bise, entrant dans ta petite bulle, la perçant avec son corps qui s’approche du tiens pour qu’elle puisse déposer ses lèvres sur ta joue. Tu lui réponds, tu laisses pas trop ton malaise apparaître sur ton visage. Mais tu ne paniques pas, pas cette fois - et t’as même un élan de fierté qui gonfle dans ta poitrine, qui danse dans ton ventre. Ça te donne un peu de courage, assez pour porter tes couilles - comme on dirait. « J’ai le temps de fumer une cigarette ? » que tu demandes d’une petite voix, un peu gêné, la grimace au bord des lèvres.
Ça fait quoi d’avoir osé, Bel ? Du bien, hein ?
« Alors du coup, j'ai fermé le salon aujourd'hui pour qu'on puisse être au calme et faire le tour de tes connaissances. » Tu hoches doucement la tête. T’essaies de ne pas laisser tes pensées partir en couille, partir en spirale infernale et infinie.
Sujet: Re: sognare ad occhi aperti ± Rebel Ven 16 Aoû - 4:36
sognare ad occhi aperti
Rebel - Annalisa
«On dessine pour se trouver et on rencontre les autres. » Louis Pons
T'avais toujours dis, que tu prendrais pas d'apprenti. Et puis il y a eu Jabez. Bien trop intéressé par le dermographe que tu tenais entre tes mains, toujours à te poser une tonne de questions toi qui à l'époque était rarement dans l'humeur de bavarder. Tu t'es noyée dans le travail, enchaînant séances sur séances, journées sur journées toutes plus chargées que la veille. Tu manquais cruellement de sommeil, la gueule de bois de toute la sambuca ingérée pour pouvoir fermer l'oeil sans être hantée par cette image de Pierre et de cette balle fusant dans sa carotide. Ton corps te faisait un mal de chien, difficilement capable de se remettre de l'opération mettant fin à la couche de votre enfant ayant été trop faible pour survivre s'étant éteint dans le fond de tes entrailles silencieusement. Brisée, endeuillée, balafrée. Avec l'envie de bouffer l'monde entier, chacune des mains se tendant devant ton visage.
Leonardo le premier, ton maestro à toi. Celui qui t'as tout donné, inconditionnellement. Son amour, son savoir, son temps. C'est lui qui est resté à ton chevet, à l'hôpital, pendant que ce médecin vêtu de blanc lui expliquait que tu ne pourrais plus jamais enfanter des suites de complications survenues pendant l'opération. Comme si ton corps voulait lâcher, ton âme trop faible pour pouvoir se battre seule sur ce monde dénué de sens à présent. Il est resté là, à serrer ta main affaiblie par les médicaments transmit dans ton organisme par intraveineuse. Alors que tu lui suppliais d'augmenter la dose, de te laisser partir parce que t'aurais pas la force de te relever. Il s'est dressé, de toute sa posture ayant perdue son sérieux après ces années passées côtes à côtes. Sa voix s'est mise à gronder dans sa gorge pour venir te mettre la gifle en plein visage que ta joue attendait sagement. Parce qu'il vous a côtoyé ensemble, toi et ton mari pendant toutes ces années passées à Naples. Ami le plus fidèle de votre couple, ami le plus fidèle de l'entièreté de ta vie. "Ils te les ont enlevés 'lisa, ils sont partit. Pierre et ton enfant sont partit, et ta mort ne te rapprochera d'eux. Tu crois que c'est qu'il voudrait? Te voir abandonner? Baisser les bras?" et puis son air s'est aggravé, mais sa voix s'est cependant abaissée pour venir te murmurer ta raison de t'accrocher. "Tu es l'enfant de la pieuvre 'lisa, combien j'aimerais que tu sois l'mien. Relèves toi, et abats ta vendetta."
Puis il y a eu Rebel, ce gosse à l'art sombre ayant attiré ton attention lors de son passage au shop. Poli, un peu rigide mais tu as laissé le crédit au stress de venir demander un apprentissage. Tu sais que c'est pas une chose facile, les tatoueurs étant généralement réticents à en engager par leurs manque de productivité et de rendement. On peut pas les faire tatouer de suite sur de l'épiderme, faut leurs faire bosser leurs traits, leurs méthodo de travail. Certains demandent même à leurs apprentis de leurs payer une formation. Le monde du tatouage est dans la pente grimpante, aujourd'hui tout le monde ou presque aimerait se faire tatouer. Le nombre de personnes voulant devenir tatoueurs également, souvent à des fins peu scrupuleuses. Combien de fois t'as vu passer des bras infectés, avec des motifs que tu réussirai mieux toi même en tenant le dermographe de tes lèvres et sans les dents. Scratcheurs, professionnels sans en être vraiment, utilisant leurs faible prix comme argument de vente. La qualité à un prix, c'est bien pour ça que tu ne retouches plus les horreurs commises par les autres. T'es une artiste, avant d'être tatoueuse les deux faces d'une même pièce de monnaie. Multi-sujets, multi-supports. Que ce soit à la peinture où grâce à l'encre, sur de l'épiderme maltraité par le dermographe ou des toiles que tu peins la nuit à l'abri des regards.
Presque de façon timide, Rebel te demande si il peut t'accompagner dans ta pause cigarette pour venir griller une cancéreuse avec toi. Tu tires ton paquet de ta poche pour venir lui en offrir une le sourire aux lèvres. Ton but premier étant de le mettre à l'aise pour qu'il se sente bien parmi vous chez TAT. "Bien-sûr! On est pas vraiment pressés aujourd'hui, dis toi que c'est un peu comme une pré-rentrée scolaire." que tu viens lui adresser d'une voix douce, ta blonde venant quitter tes lèvres maquillées d'un rouge foncé. Ton index vient cogner contre le filtre pour venir cendrer dans l'air. Tu vas déjà commencer par lui faire visiter les lieux, si la faim s'en vient vous commanderez un truc à vous mettre sous la dent. C'est toujours plus agréable, de bosser le ventre plein. T'as prévu un temps de dessin, voir sa façon de procéder, comment il laisse son art se libérer. Et viendra enfin la partie la plus amusante, celle du tatouage surprise. "Ca fait combien de temps, que tu dessines sérieusement? Oh et question importante, que je m'organise. T'as une bécane ou?" que tu lui demandes avec intérêt, l'envie d'en connaître plus sur votre jeune recrue. Parce que de ce que t'as pu en voir, il possède un style assez complet. Travaillé, sombre, presque adaptable comme tel en tant que tatouages. Pour ce qui est du dermographe, tu viens d'offrir la première rotative à Jabez. Si Rebel se voit rester, lui aussi s'en verra offrir une ce qui te paraît tout à fait normal. Tu lui souris toute dents dehors en venant écraser ton mégot dans le cendrier extérieur. Tu brûles d'impatience, que cette journée commence.
T’as pris sur toi, t’as osé et tu savoures cette petite victoire que tu t’offres à toi-même. Ce sentiment de soulagement, de bien être qui te traverse alors qu’elle accepte, alors qu’elle va jusqu’à t’en offrir une est sans doute l’une des meilleures sensations du monde. « Bien-sûr! On est pas vraiment pressés aujourd'hui, dis toi que c'est un peu comme une pré-rentrée scolaire. » Tu prends la cigarette qu’elle te tend et tu ne tardes pas à l’allumer après avoir soufflé un petit merci timide. T’as osé, t’as réussi une petite étape. Ça pourrait ne paraître qu’anodin pour la plupart des gens mais toi, tu sais ce que ça vaut d’avoir pris sur toi, de t’être poussé. Il y a cette fierté que tu n’avais pas ressenti depuis longtemps - ce sentiment que t’es pas si inutile, que t’es pas une cause perdue d’avance.
T’as vu Bel ? Quand tu veux, tu peux.
Tu vas la savourer cette clope. Parce qu’elle est sans doute celle que tu mérites le plus. Tu tires ta première bouffée comme un véritable cadeau, comme un truc offert par le monde qui te félicite de lui-même.
Vas pas jusque là. Le monde s’en fout de toi, Bel.
Tu l’ignores cette fois, la voix qui te murmure à l’oreille, qui te rabaisse en quelques secondes. T’es trop high sur cette sensation de fierté. T’as l’impression de pouvoir enfin espérer ne plus être un bon à rien - l’un des plus beaux sentiments du monde. « Ya longtemps que j’vais plus à l’école. » Tu dois marquer une pause. Trop de mots à la suite, trop d’ambition d’un seul coup. « J’me souviens plus trop des pré-rentrées. » Tu rosis un peu. Voilà que tu lui pourris sa comparaison en quelques phrases ; phrases que tu n’étais d’ailleurs pas du tout obligé de prononcer.
V’la que tu pourris l’ambiance, Wilder.
Tu te refiles une claque mentale. Vaut mieux la fermer que de dire des conneries, tu le sais. Pourtant, tu surfais sur ta fierté et tu t’es pris les deux pieds dedans à te croire soudainement bien plus habile que tu ne l’es réellement. Alors tu fumes en silence, forçant le silence de ton côté pour t’empêcher de rajouter d’autres bêtises. « Ca fait combien de temps, que tu dessines sérieusement? Oh et question importante, que je m'organise. T'as une bécane ou? » Tu plisses les yeux comme si cela allait t’aider à réfléchir, à retrouver la date exacte. T’en as pas. Tu n’arriveras pas à la trouver. Ça fait bien trop longtemps pour que ton cerveau puisse s’en rappeler. « Je ne sais pas vraiment. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné. » Même gamin tu sortais tes crayons pour colorier, pour dessiner sur tout ce que tu trouvais. C’est à l’adolescence que ça s’est accentué, que tu ne quittais plus la maison sans tes carnets et tes crayons, que tu pleurais quand tu en perdais un. C’est à l’adolescence que tu avais commencé à demander des stylos, des feutres, des crayons spéciaux pour les fêtes plutôt que des consoles de jeu ou un nouveau portable. « C’est quand j’ai eu treize ans que j’ai commencé à m’intéresser aux techniques... » Tu te vois encore ouvrir youtube pour y regarder les dessins, pour y écouter les conseils d’autres artistes. « C’est pratique, Youtube. » Conclusion de merde qui te fait baisser les yeux sur le sol alors que tu termines ta clope, que tu viens l’écraser aux côtés de celle de ta boss quelques secondes après elle.
C’est pratique, Youtube. T’en as pas d’autres comme celle là ? Abruti.
Sujet: Re: sognare ad occhi aperti ± Rebel Ven 16 Aoû - 19:37
sognare ad occhi aperti
Rebel - Annalisa
«On dessine pour se trouver et on rencontre les autres. » Louis Pons
Rebel, on dirait un enfant. Avec sa timidité dans la voix, ses yeux bleus et ses traits doux. Ca pique ta curiosité, ton envie d'apprendre à le découvrir. D'où lui viens cette noirceur? Ces monstres qu'il dessine? Il accepte ta cigarette tendu dans presque dans un souffle. T'as l'regard bienveillant 'lisa, tu cherches à installer un climat de confiance dès le début. Tu prends les choses à coeur, car avec Jabez c'est bien différent. Ca ressemble plus à la manière que tu as eu de t'imposer chez Leo avec tes bagages sous le bras et tes dessins de l'autre. Au fond de toi, tu l'as toujours su que t'étais faite pour dessiner. Le support n'a cessé que de changer à travers les années passant par les simples feuilles de papiers à de grands canevas. Pour finalement t'arrêter sur l'épiderme, place de choix pour accueillir tes différents projets.
Ton art, il s'est perfectionné avec le temps. Quatre ans d'apprentissage intensif, imposé par la poigne de fer de Leo. Autant de temps passé à bosser comme une acharnée, acceptant chacune des tâches qu'il pouvait te confier sans sourciller. T'as nettoyé le shop jusqu'à plus en pouvoir, dessiné et dessiné encore en recommençant éternellement les mêmes motifs pour affiner tes traits, améliorer ta profondeur et la qualité de ton travail. Il t'as reprit, encore et encore sur des détails qui te semblaient bons pour les rendre parfaits. Parce que c'est pour ça, qu'un client doit pousser la porte de ton établissement. Trouver un résultat parfait, qui restera fidèlement sur leurs peaux jusqu'à la toute fin. Rebel te répond qu'il a arrêté l'école depuis un moment, et qu'il a oublié à quoi peut bien ressembler une pré-rentrée. Tu te mets à rire, respirant la bonne humeur. T'as quitté les bancs de l'école depuis maintenant quatorze ans, et c'est la meilleure idée que tu ai eu de ta vie. "Tu sais, j'ai arrêté l'école sans être diplômée et j'avais même pas quinze ans quand j'ai commencé à travailler pour mon maître d'apprentissage." Si les gens demandaient, Léo répondait tout simplement que t'étais sa fille, prête à reprendre la boutique quand ses envies de voyages lui prendraient de nouveau.
"J'vais commencer par te faire visiter un peu la maison, et j'ai prévu deux trois trucs qui te plairont sûrement!" tu peux voir la satisfaction de la nictonine agissant sur sur organisme. Peu à peu ton apprenti se détend, sans se laisser aller totalement pour autant. Quelqu'un de réservé, sûrement secret. Tu l'écoutes attentivement lorsqu'il te dit qu'aussi loin qu'il se souvienne il a toujours dessiné. Plus sérieusement à partir de ses treize ans, grâce à youtube. t'es la génération d'avant, mais c'est vrai qu'internet est un des meilleurs support pour quelqu'un en soif de savoir. "C'est bien que t'ai été assez curieux pour bosser de ton côté! Perso j'ai commencé le dessin pour faire enrager mes parents, j'me suis inscrite aux beaux-arts de Palerme" Tu te souviendras à jamais de cette colère noire de ton père lorsque t'es revenue de ta première journée tout sourire ta large pochette sous le bras. C'est pas quelque chose que l'enfant de la cosa nostra peut s'autoriser, gribouiller sur des feuilles de papier à longueur de journée.
La cancéreuse de Rebel vient se terminer pour venir mourir dans le cendrier. Enjouée, tu lui ouvres la porte de TAT, afin qu'il puisse rentrer dans son nouvel espace de travail. Tu refermes derrière vous à clef, si jabez passe il n'aura qu'à emprunter l'entrée arrière. Il fait clair au rez-de chaussé, à l'apparence sobre et moderne. Tu lui laisses le temps de parcourir les vitrines contenant les piercings du bout des doigts pendant que son regard ne s'affaire à tout découvrir. Un pied sur la marche de l'escalier en colimaçon amenant à l'étage, cherchant à croiser ses yeux bleus tu l'interpelles. "Suis-moi, j'vais te montrer les ateliers!" que tu lances tout sourires comme à ton habitude. Sans l'attendre, tu grimpes les marches jusqu'à te retrouver au premier étage. Trois ateliers différents de vingt mètre carrés chacun. Le tiens, celui de tes apprentis, et du poste de résident encore vacant.
Tu fronces légèrement les sourcils. Tu rêves où elle t’a demandé si tu avais une bécane et tu as totalement oublié de lui répondre ? Ya un frisson qui te parcours, ton coeur qui s’accélère et tu commences à paniquer, paniquer d’avoir sauté cette question pourtant si importante.
Elle va croire que tu ne fais attention à rien, Bel. Pire. Elle va croire que tu te moques de ce qu’elle peut te dire.
Ça fait des spirales dans ta tête, ça entraîne tes pensées qui tombent les unes après les autres comme des dominos alors que tu ne peux pas les arrêter, alors que tu commence à paniquer. C’est pas une crise - tu sais faire la différence maintenant. C’est juste toi qui panique d’avoir encore loupé le coche, d’avoir agi de la manière qu’il ne fallait pas. Putain d’histoire de ta vie à te planter, à te louper pour mieux te ramasser la tronche la première dans les conventions sociales. T’en viens à vouloir te planquer encore plus dans la capuche de ton hoodie que t’as toujours pas viré - bonjour la politesse dont tu fais preuve.
Tu te donnes la journée avant qu’elle t’envoie voir ailleurs. La journée au maximum.
« Et non. » Tu commences d’une petite voix. « J’ai pas de machine. » Pas encore. Pas assez d’économie. Pas assez de courage pour te lancer et ne pas risquer d’acheter de la merde. Pas la force de devoir traverser ta panique pour tout vérifier plusieurs fois avant de faire ton choix, un choix qui pourrait ne pas être le bon.
« Tu sais, j'ai arrêté l'école sans être diplômée et j'avais même pas quinze ans quand j'ai commencé à travailler pour mon maître d'apprentissage. » Elle parle de son parcours à elle et ça te soulage. T’aimes quand la conversation s’éloigne de toi, quand les personnes racontent leurs vies, leurs expériences. T’as horreur d’être le centre de l’attention, de devoir répondre à des questions, donner des renseignements que t’as pas forcément envie de donner. C’est la vie, pourtant. La vie est un échange perpétuel auquel tu te dois de participer si tu ne veux pas te retrouver seul.
Mais t’es bien seul, hein Bel ? C’est rassurant, la solitude.
« J'vais commencer par te faire visiter un peu la maison, et j'ai prévu deux trois trucs qui te plairont sûrement! » T’as pas besoin de te voir dans un miroir pour savoir que t’as les yeux qui brillent d’anticipation, d’excitation. T’as envie de visiter, de rencontrer, d’apprendre. T’es plein de bonnes volontés même si t’es clairement pas le candidat idéal. T’as envie d’y croire, pourtant - t’es pas là pour rien.
Et elle a cru en toi, Anna. C’est pour ça que t’es là.
Elle parle même de trucs, de surprises et t’es clairement impatient maintenant. Tu vas jusqu’à enlever ta capuche, jusqu’à virer ce premier bouclier - grand pas en avant de ta part. « C'est bien que t'ai été assez curieux pour bosser de ton côté! Perso j'ai commencé le dessin pour faire enrager mes parents, j'me suis inscrite aux beaux-arts de Palerme. » Tu ris doucement devant son récit. Commencer quelque chose pour embêter les autres, c’est un concept dont tu connais l’existence mais que tu n’as jamais vécu. Ta vie est déjà bien trop dictée par l’existence des autres êtres humains, t’as bien envie de garder des décisions qui t’appartiennent, que tu as prises par rapport à toi et personne d’autres. « Ils sont fiers, maintenant ? » La question est risquée, la pente est bancale. T’as conscience que c’est quitte ou double mais t’es réellement curieux. Tu as envie de savoir.
Et autant continuer de garder la discussion tournée vers elle, aussi, hein ?
Anna te fait entrer et tu la suis sans broncher, mains dans les poches parce que tu sais pas quoi en foutre. Tu laisses tes yeux détailler les environs, se balader un peu partout. Ils s’arrêtent plus longtemps sur les vitrines - plus de détails encore dans ces dernières. « Suis-moi, j'vais te montrer les ateliers! » Elle t’interpelle depuis le début de l’escalier et tu viens la suivre sans broncher, léger sourire aux lèvres, la détente presque à ta portée. T’as déjà envie d’être au dessus de ces escaliers.
«On dessine pour se trouver et on rencontre les autres. » Louis Pons
Ton regain de force se fait clairement sentir, en deux semaines, tu n'as pas été capable d'enchaîner autant de paroles sensées et ayant du sens. Car t'as fais quoi ces deux dernières semaine 'lisa mise à part te laisser crever? Mise à part taillader des avants bras avec toute la haine que tu pouvais ressentir à ton égard pour ne serait-ce qu'espérer pouvoir ressentir quelque chose de nouveau, tant pis si c'était encore de la souffrance. Celle-ci serait différente, infligée de ton propre chef juste pour essayer de te rappeler que t'étais bel et bien encore en vie. Ensuite t'as totalement perdu espoir, après ce message d'Alyah et ce passage éclair au chevet de Jabez. Là où il t'as presque chassé, t'intimant de fuir loin de lui. Alors tu t'es pas laissée démonter, tu lui as tout simplement dit avec un sourire triste mourant le bord de tes lippes que les séances étaient de toutes façon terminées et que tu ne viendrais plus apposer ton encre sur son épiderme. Ça a été comme une déchirure, lorsque tu t'es enfuie pour la seconde fois en trois jours d'intervalle cette fois-ci bien décidée à lui dire adieu et à lui laisser vivre sa vie comme il pouvait l'entendre. Jabez n'est pas fait pour vivre en cage, pas même entre tes barreaux.
Avant que vous ne rentriez à l'intérieur du shop, Rebel vient t'informer qu'il ne possède pas encore sa propre machine. Pas étonnant, car onéreux pour les meilleures bécanes. "On arrangera ça alors! T'en essaieras plusieurs et tu me diras avec quel modèle tu te sens plus à l'aise." Car tout bon tatoueur se doit de ne faire qu'un avec son dermographe s'il veut un jour pouvoir exceller dans votre profession. Les cancéreuses une fois éteintes, vous pénétrez à l'intérieur du salon ou tu explique de façon brève et sans spoiler le déroulement de votre journée. Tu laisses un instant à ton apprenti pour s'imprégner des lieux et laisser son regard balayer ton humble royaume forgé par la sueur de ton front et de tes heures de travail colossales. Tout vient à point à qui sait attendre, c'est ce que Léonardo te répétait sans cesses. Tu te transformes en véritable à parlotte, avant d'être interpellée par une question totalement innocente de la part de Rebel ne manquant pas de venir te serrer le coeur un bref instant. Ils sont fiers maintenant? Combien d'années ça a prit à ton père pour se rendre compte sa fille était digne de son sang, digne d'être la descendante de la cosa nostra, princesse héritière de la pieuvre s'étant détournée du droit chemin pendant plus de quatorze ans avant de revenir triomphante les mains tâchées du sang de vos ennemis sous un tonnerre d'acclamations. "En quelque sortes, mais pas pour mes talents d'artiste dans tout les cas." Car ça lui coûterait bien trop à ton géniteur que devoir assumer son erreur que de te sous-estimer et de bien vouloir voir en face l'empire que tu t'es construite au fur et à mesure des années passant.
Entraînés par le feu de l'action, vous voilà montant les marches deux par deux pour accéder au premier étage. Tu viens également lui notifier la présence de la galerie d'art présente au sous sol sous le rez-de-chaussée où plusieurs artistes locaux viennent s'exposer. Finalement, vous gravissez les derniers échelons vous amenant à l'étages destinés aux ateliers. Tu exprimes un "tadam!" de contentement lorsque Rebel rejoint finalement tes côtés. Un poing sur les hanches, l'autre désignant chaque pièce tu viens le renseigner sur l'agencement des différentes pièces. Celle où Jabez s'exerce, celle réservée pour un futur résident et la tienne aux murs couverts des stencils ayant déjà trouvés un propriétaire. Possédant de larges baies vitrées, la vue donne sur l'impasse calme de la ruelle sans passages. "Et là, c'est mon endroit à moi!" que tu viens ajouter le sourire aux lèvres. Composé d'un large bureau, de ta chaise de torture et de plusieurs autres choses faisant partie de la parfaite panoplie du tatoueur. Tu viens t'échouer près de ton bureau, désignant le tabouret roulant du menton à ton apprenti pour qu'il vienne s'installer près de toi. Tu rapproches plusieurs feuilles et l'une de tes nombreuses trousses d'un geste de main. "Bon, si tu devais définir ton style en trois mots, lesquels ça serait?" que tu viens le questionner sérieusement, un sourire bienveillant sur tes lippes. Tu ne cherches pas à l'impressionner, juste à le comprendre et à le connaître un peu mieux pour que tu puisses entièrement le cerner.
T’es partagé entre la panique qui est en toi, qui le sera sans doute toujours et qui cherche à se frayer un chemin jusqu’à la sortie et la présence calmante qu’Anna. Tu ne saurais pas l’expliquer. Elle a ce don de te calmer, de te faire te sentir bien et à ta place comme tu ne l’as pas été depuis bien longtemps. Toi qui n’a jamais sû te sentir apprécié et voulu, toi qui fuit toujours plutôt que d’essayer - te voilà qui recherche activement sa présence, qui en vient même à l’apprécier. Faut croire que tu t’es enfin trouvé une petite place à un endroit où non seulement on veut bien de toi mais dans lequel on t’encourage même à rester. « On arrangera ça alors! T'en essaieras plusieurs et tu me diras avec quel modèle tu te sens plus à l'aise. » T’as déjà hâte d’essayer différentes machines, d’écouter ses conseils et son savoir faire afin de prendre la meilleure décision. T’as la soif d’apprendre, de comprendre, de savoir. T’as la soif de pouvoir récupérer tout ce qu’elle aura bien envie de te donner.
Tu poses la question mais t’aurais sans doute pas dû. Tu la sens se tendre et t’as soudainement envie de ravaler tes paroles par peur de l’avoir blessée, de l’avoir forcée à repenser à des moments douloureux.
Bien joué, Bel. Les deux pieds dans le plat.
« "En quelque sortes, mais pas pour mes talents d'artiste dans tout les cas. » qu’elle répond et tu grimaces. T’aimes pas entendre ça. T’aurais aimé que l’histoire finisse bien, que ses parents l’acceptent à la fin. T’as sans doute espérer que ça finisse mieux pour elle que pour toi quand il s’agit de vos géniteurs. Loupé. « Ils ont tort. » que tu lâches. Ça ne va sans doute pas franchement l’aider mais c’est ce que tu penses. Ils ont bien tord. Elle a du talent, Anna. Tu ne serais pas là sinon, à vouloir qu’elle t’apprenne son savoir faire. Ils ont tort. Tout comme ton propre père a tort de ne pas faire attention à toi - passion ou non.
Vous montez les marches jusqu’à ce nouvel endroit qu’elle veut te montrer, te faire visiter. Ya ton regard qui ne sait pas où se poser, où s’arrêter. Tes yeux curieux se promènent dans les environs sans s’arrêter sur les détails, bien trop pressés de tout voir, de tout prendre en compte. Tadaaam ! qu’elle lance et tu ne peux t’empêcher de rire doucement, porté par son enthousiasme. C’est vrai que c’est beau. C’est vrai que tu te sens à l’aise, là au milieu, en te disant que c’est ton nouveau lieu de travail. Elle t’explique tout et t’as l’impression que déjà, tu te sens chez toi.
On est bien ici, hein ?
Elle désigne son espace à elle et ton regard le détaille à nouveau. « Et là, c'est mon endroit à moi! » Tu regardes les stencils sur les murs avec intérêt et par pure curiosité avant de prendre place sur le tabouret qu’elle te désigne silencieusement. « Bon, si tu devais définir ton style en trois mots, lesquels ça serait? » Tu fronces un peu les yeux, signe évident de concentration. T’as jamais vraiment réfléchi à ça. Et tu te dis que ce serait mieux si tu ne le faisais pas, si tu laissais les mots venir du tac au tac, plus par sentiment, par instinct que par réflexion poussée. « Dark. » est le premier mot qui s’échappe de tes lèvres et tu hoches la tête. Il correspond visiblement bien. « Twisted. » Celui là aussi. Surtout lorsque l’on regarde des dessins les plus… twisted, justement. « Nightmare. » parce que ouais, il va bien ce mot là. Tes monstres, ils sortent tout droit de cauchemars.
«On dessine pour se trouver et on rencontre les autres. » Louis Pons
T'es touchée, lorsque la voix de Rebel vient couper le silence instauré après ta brève révélation sur tes parents pour t'indiquer que selon sont point de vue ils ont tort. Oui, ton père a eu tort de ne pas croire en toi lorsque tu lui as annoncé être amoureuse d'un homme plus que tout voulant mêler ta vie à la sienne. Lorsque tu lui as annoncé que l'art serait ton mode de vie, puisqu'il n'était pas prêt à te laisser briller au sein de la mafia t'ayant vu naître. Tu n'étais qu'une jeune adolescente, une jeune femme destinée à ne prendre des décisions qu'en cas d'extrême urgence. Alors tu leurs as tourné le dos. Tu t'es faufilée dans le bureau de ton père pour y voler de nombreuses liasses d'argent sale que tu t'es contentée de fourrer dans ton sac à dos. Sans un aurevoir, tu as fuis de la villa familiale, t'empressant de retrouver Pierre à la station de bus comme vous vous l'étiez promit. Et c'est ainsi que Naples vous a ouvert ses bras, vous accueillant durant de longues années, quatorze précisément. Quatorze longues années coupées de ta famille ne les retrouvant uniquement une fois devenue suffisamment puissante pour pouvoir réclamer ton droit dans la lignée peu importe ton sexe, peu importe les années d'absences vous séparant les uns des autres. "L'existence même de ce salon suffit à leurs prouver. J'apprécie ta spontanéité Rebel!" Tu lui souris, toujours aussi rayonnante.
Vous gagnez rapidement l'étage après avoir monté l'escalier en colimaçon pour trouver les ateliers. Tu lui parles rapidement Jabez, ce client un peu taré que tu as tatoué des pieds à la tête et qui t'as supplié de le lui apprendre comment manier le dermographe. Tu lui expliques qu'il est également apprenti ici, et qu'il partage ta vie depuis quelques semaines, vous qui assumez enfin votre idylle aux yeux du monde entier. Tu montres à Rebel le repère du Zombie, bien plus encombré que le tiens, les stores abaissés et les feuilles froissées traînant de part et d'autres. Vient ensuite l'atelier encore vide, que tu gardes pour l'un de tes amis très précieux lorsqu'il aura finalement cédé à ton offre de venir tatouer à tes côtés, lui aussi étant l'un des pionniers du métier bien reconnu. Tu finis par la pièce maîtresse de la boutique, ton atelier aux murs bariolés de stencils divers déjà tatoués sur ta clientèle allant du petit flash au côté face entier d'un corps comme ceux ayant été apposés sur l'israélien il y a de ça quelque mois.
Tes fesses viennent trouver ton bureau sur lequel tu t'assois de façon nonchalante tout en désignant du menton le tabouret sur lequel tu reste fixée pendant des heures et des heures de séances d'encrage. Tu l'écoutes répondre à ta question, concernant son style et son genre. T'es pas franchement étonnée par les adjectifs que le jeune tatoué vient t'apporter, laissant toujours ton sourire rassurant étirer tes lippes pour y réchauffer ton visage renvoyant déjà ta chaleur méditerranéenne. "On va faire un petit jeu de rôle que mon maître et moi on avait l'habitude de faire à l'époque, quand c'était moi la jeune recrue. A tour de rôle, l'un de nous va incarner soit le client, soit le tatoueur." tes mains s'agitent dans l'air pour ponctuer ton dialogue. "Je dispose de cinq minutes pour t'expliquer mon projet, tu as dix minutes pour me proposer une ébauche en fonction de mes critères. Ensuite, on échange les rôles. T'es partant?" Le but étant de voir sa réactivité, sa capacité à créer en ayant quelques directives et un temps imparti. Voir s'il prend en compte l'endroit où tu veux y apposer le projet, la complexité lors de l'encrage. Tes yeux reluisent d'une lueur joueuse, tout le monde sait que c'est bien plus agréable d'apprendre en s'amusant, après tout.
C’est pas ta place, de donner ton avis sur sa vie, sur ses parents. Tu regrettes le fait d’avoir parlé à peine les derniers mots prononcés. Tu le penses, pourtant, qu’ils ont tort de ne pas être fiers de leur fille qui est maintenant à la tête d’un salon, qui vit de sa passion et qui est terriblement douée pour ça.
C’est pas une raison pour le dire non plus, Bel.
Tu t’es senti bien trop à l’aise pendant quelques minutes et voilà que tu dis des bêtises, que tu risques déjà de te mettre à dos la personne qui veut te laisser une chance. Ça t’apprendra à te lâcher, à ne pas penser aux conséquences avant de parler comme tu le ferais normalement.
Faut que t’apprennes que tu pourras jamais respirer calmement, Bel. Faut que tu piges que le jour où tu te l’accorderas, ta vie s’écroulera.
Anna répond tout de même et t’évites le massacre, t’évites de justesse que tout pète, que tout s’écroule. « L'existence même de ce salon suffit à leurs prouver. J'apprécie ta spontanéité Rebel! » Ces derniers mots te sauvent de justesse d’une panique imminente et tu hoches doucement la tête. T’es pas convaincu, toi. Ça te passe même pas par la tête de lui dire merci parce qu’une petite voix te souffle qu’elle veut soit être polie, soit ironique et tu ne sais pas laquelle croire.
Elle rentre en mode travail, en mode patronne, Anna. Elle choisit pourtant une manière décontractée et joueuse de commencer, mais tu n’en remarques pas moins le petit changement dans son attitude. « On va faire un petit jeu de rôle que mon maître et moi on avait l'habitude de faire à l'époque, quand c'était moi la jeune recrue. A tour de rôle, l'un de nous va incarner soit le client, soit le tatoueur. » Tu te concentres pour pas en louper une miette, pour pas être ton toi habituel et risquer de dire une bêtise, puis une autre, comme si le premier domino entraînait la chute des suivants sans jamais arrêter la chaîne. Et t’en as déjà fait chuter, des dominos. T’en as déjà niqué pas mal. T’as pas envie de forcer encore un peu plus ta chance. « Je dispose de cinq minutes pour t'expliquer mon projet, tu as dix minutes pour me proposer une ébauche en fonction de mes critères. Ensuite, on échange les rôles. T'es partant? »
Non.
Si.
Tu vas encore tout gâcher.
Tu peux largement le faire, Bel. Et tu le sais.
C’est le bordel dans ton crâne. Tu sais plus où donner de la tête. T’en viens finalement par penser à tes dessins, par penser à ce que tu sais faire. Si ya un truc, un truc dont tu te sais capable, c’est ça. C’est dessiner, c’est créer ton univers.
Donc ouais. T’es prêt. Tu l’es depuis bien longtemps.
« Allons y. » que tu finis par souffler avec un sourire timide.