Love me like you do - Warston

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{ Avant toi, on m’a pas
montré le chemin }
crédit/ tumblr ♛  w/ @nikolaï Warren

C’est à lui qu’elle a pensé tout de suite en laissant ses paupières s’ouvrir à la lueur du jour. Dès le matin, au réveil, tout son être s’est tourné vers son amour. La Saint-Valentin, fête des amoureux, cette soirée que l’on fête à deux. Il était évident qu’il serait dans ses pensées, tout au long de la journée. Nikolaï, elle l’a peut-être quitté, elle ne l’a pas oublié. Son cœur l’aime encore, l’aimera certainement pour le restant de sa vie. Mais elle reste toujours autant aussi éloignée de lui. Pour autant, ces derniers jours, elle a beaucoup réfléchi. Incapable de ne pas penser à lui. À la nuit qu’ils ont partagée le soir de son anniversaire, cet anniversaire qu’elle avait envie de terminer avec lui, seulement avec lui. Elle n’a pas craqué pour rien, Isabella. Au fond, elle le sait, elle s’en rend compte. Ses sentiments sont, malgré tout ce qu’ils ont enduré, bien présents. Ils sont ancrés en elle pour encore longtemps. Mais elle n’aurait pas dû craquer, c’est la conclusion qui lui a semblé la plus justifiée. La plus légitime, la plus raisonnable aussi. Ils se sont trop fait souffrir. Peut-être que lui a oublié, ce n’est pas le cas de sa bien-aimée.

Et c’est dans les ténèbres que tu t’es retrouvée,
comme une camée, t’as replongé.

C’est comme si elle était prise au piège. Prisonnière d’un étau qui se resserre. Elle se sent submergée par toute cette noirceur dans son âme trop assombrie. Elle en rêve même la nuit. De toute cette obscurité qui l’a envahie. Comme un toxicomane retrouve sa drogue, elle a replongé dans son enfer. Un enfer trop personnel pour être partagé, trop violent pour être supporté. Il n’y a que les médicaments, eux aussi, repris comme une mauvaise habitude qui revient lorsqu’elle est la plus fragile. Elle ne va pas bien, Isabella, mais elle encaisse sans se plaindre. Sans non plus demander de l’aide. Pas un réflexe qui lui est naturel, les profondeurs l’ont déjà trop attirées jusqu’à elles. C’est ce voile obscurci qui l’empêche de voir la réalité telle qu’elle est. Trop plongée dans ses tourments qu’elle est. Son amour est, comme, noyé dans les abysses où elle se laisse couler. Mais il parvient encore à remonter, dans les instants de répit accordés. Comme cette nuit où, en état d’ébriété, elle a réussi à se laisser aller. Et cela a tendance à remonter à nouveau aujourd’hui, en ce jour particulier.

Parce que tu l’aimes encore,
tu l’aimes trop fort,
malgré tous tes efforts.

La Saint-Valentin n’est pas sa fête préférée. Célibataire, elle a tendance à ne pas s’en préoccuper. Mais c’est différent si elle est avec quelqu’un. C’est une fête qu’elle a envie de célébrer avec celui qui partage sa vie. Mais ce n’est pas le cas en ce moment, ce n’est plus le cas, et pourtant. Pourtant, cette fois, elle ne peut pas s’empêcher de penser à lui. À la dernière qu’ils ont vécue ensemble. Celle qui était aussi la première. Elle croyait, elle espérait, que ce serait la première d’une longue série. Qu’ils s’en souviendraient, le sourire encore sur les lèvres, après des années. Mais c’est le cœur serré qu’elle ne peut que se le remémorer. Les pensées tournées vers Nikolaï, elle ne s’attendait pourtant pas à une invitation de sa part. Elle s’attendait encore moins à l’accepter, les fleurs étaient déjà de trop.  Il faut croire qu’elle est trop faible. Beaucoup trop faible face à lui. Quelques messages suffisent, pour qu’elle se retrouve là, quelques minutes plus tard.

Cette plage où tout a commencé,
cette plage, votre plage, à jamais.

C’est drôle, elle est toujours déserte. Ils ont le chic pour s’y retrouver dans les moments les plus glaciaux de l’année. Mais c’est avec une appréhension, cette fois, qu’elle le rejoint. Et un nouvel anxiolytique dans le sang, et heureusement. Elle en a plus que besoin. Le cœur battant, la belle arrive jusqu’au sable, les cheveux qui flottent dans l’air vivifiant. Elle retire ses escarpins avec précaution, puis entame d’approcher. Ne met pas le temps à reconnaître l’homme qu’elle n’a pas cessé d’aimer. Devant une couverture déposée, quelques pétales qui trônent pour décorer, il semble avoir tout préparé. Tout préparé pour un dîner romantique. Et les questions s’enchaînent, l’angoisse revient. Elle ne sait pas le chemin qu’elle est en train de prendre, seulement c’est un peu trop tard pour reculer. Pas quand il approche d’elle, pas quand il la contemple de cette manière. – Bonsoir… Elle est venue, oui. Il paraît surpris, en réalité elle l’est elle aussi. Elle aurait voulu avoir la force de lui refuser. – Je ne sais toujours pas si c’est une bonne idée. elle lui avoue maladroitement, devant ce sourire charmé, alors qu’elle est bien plus fébrile. Mais ses opales sombres se retrouvent à cet instant accrochées à ses pupilles. Tout ce bleu qui vient la caresser de tout cet amour dévoué. Incapable de parler, incapable de bouger, il en a la seule responsabilité.

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Il y en a qui diraient qu’elle est dingue. Incompréhensible. Beaucoup trop difficile. Instable, névrosée aussi. Éternelle insatisfaite ou autodestructrice infinie. Ils auraient probablement tous un peu raison. Isabella, elle est de celles qui peuvent attirer, facilement. Elle est belle, elle est douce, elle est cette femme qui n’exige rien, mais donne tout. Mais c’est là, le hic, celui qu’on ne voit pas tout de suite. Qu’il est même souvent beaucoup trop tard, quand on s’en aperçoit. Elle donne tout, Isa, sauf elle-même. Elle se replie sur elle-même avec la même intensité qu’elle garde ses secrets pour elle. Son mystère attire la convoitise, d’abord, mais il finit toujours par faire fuir. Comme si elle était incapable de répondre à leurs besoins. Comme s’ils se retrouvaient sur un même chemin, qu’elle avançait avec eux main dans la main. Jusqu’à l’instant où elle finit toujours par s’arrêter simplement incapable d’aller plus loin. Elle essaie pourtant, elle a même accepté de se marier. Tentative si vite avortée. Et avec Nikolaï aussi, elle a essayé. Elle a tout fait. Tout ce qu’elle pouvait.

Tu t’es efforcée de faire bien,
d’aller toujours au plus loin,
mais ça n’a pas été assez,
tu le sais, tu ne feras jamais assez.

Une rupture après une année, approximativement, d’amour, c’est ce que la vie leur a accordée. Lui le voit comme une souffrance à réparer. Isa, elle, n’en décèle que la fatalité. C’est ainsi que toutes ses relations amoureuses se sont terminées, pourquoi cela changerait ? Pourquoi serait-ce différent avec Nikolaï ? Elle est toujours la même, la latina. La même femme torturée, renfermée, trop sombre pour être aimée. Trop écorchée pour, peut-être, accepter d’être aimée. Elle ne sait pas comment il arrive encore à s’obstiner. Peut-être bien qu’elle en a l’unique responsabilité. Avec cette nuit d’amour partagée, elle l’a laissé espérer. Elle l’a laissé entrevoir combien elle peut encore l’aimer. C’est tout ce qui compte à ses yeux, pourtant, elle le sait. Il croit que l’amour peut tout sauver… il croit que l’amour peut tout arranger. Bon sang, s’il savait, combien il peut se tromper.

T’es bien placée pour le savoir,
la cause de ton désespoir.

Elle regrette cette nuit-là. Elle regrette de s’être laissée aller dans ses bras. Mais elle les regrette plus encore, ses bras. C’est encore plus douloureux de continuer à vivre sans lui, après l’avoir eu toute cette nuit. Comme une piqûre de rappel, leur amour est venu s’immiscer violemment dans ses veines. Comme une camée en manque, elle doit tenter de se reprendre. Tenter de poursuivre la désintoxication, quand il n’y a qu’elle en réalité qui agit comme un poison. Il suffit de la voir, sur cette plage en face du policier, déjà en train de regretter. Elle ne sait pas où elle en est, Isa. Pour l’une des rares fois de sa vie, la voilà prise au dépourvu. Laissée en roue libre, le cerveau qui ne fonctionne plus. Il n’y a que sa voix qu’elle entend. Elle ne sait plus trop si c’est l’effet de son ex ou bien celui de son calmant. Revenir ici aussi, au bord de cette mer qui a été leur spectatrice, premier témoin de leur relation alors qu’elle n’en était qu’à ses prémisses.

Bonheur illusoire,
chimère est devenue votre histoire,

Mais pourtant tu es là.

Les mots prononcés, si simplement mais avec tant de force, ils balaient ses doutes comme s’ils n’avaient pas lieu d’être prononcés. La belle ne dit rien, elle se contente comme souvent d’observer. Les prunelles rivées sur lui, elle écoute attentivement les règles d’un jeu qu’elle ne maîtrise pas. Son seul guide, ce soir, c’est lui, Nikolaï. Une simple soirée. C’est à vérifier. Ils ne sont pas deux amis qui profitent d’un moment pour se retrouver, ils sont… ils sont voués à s’aimer. Elle garde toujours le silence, Isa, et peut-être qu’il vaut mieux qu’elle se taise. Sinon, elle va s’opposer à cette soirée, celle qu’elle a pourtant choisi d’accepter. Alors, puisqu’elle est ici, elle suit la volonté de son ex petit-ami. Rien de plus. Sauf souffrir un peu plus. C’est ce dont elle a peur, l’âme en perdition, peur de ressentir encore davantage le manque de leur relation. Mais elle s’installe sagement sur la couverture désignée, ses escarpins qu’elle pose soigneusement à ses côtés. – Il est très bon, j’en suis sûre. elle lui dit avec un faible sourire qui se veut rassurant. Elle connaît la marque du vin, elle en connaît aussi le prix pharamineux. Il ne devrait pas… Ils ne devraient pas faire ça. – Alors tu… Elle peine à trouver ses mots. Peine à savoir ce qu’elle devrait dire ou non. – Tu as passé une bonne journée ? Et elle se sent instantanément idiote de lui poser une question aussi banale. Presque même un peu coupable. Mais elle n’y peut rien, Isa, elle ne sait pas comment agir à ses côtés. Parce que, peu importe tout ce qu’elle pourrait dire, il a le don pour la chambouler.

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Croire en leur amour. Elle ne sait pas, Isabella, si elle y arrive toujours. Elle croit en son existence, peut-être même en sa force. Mais elle n’est plus sûre d’être capable de croire qu’il puisse réellement les sauver. L’amour est un sentiment si intense, si précieux, si prenant. Il est cette émotion qui, canalisée en énergie, peut donner la force d’affronter des épreuves inconsidérées. Elle a fait des choses dont elle ne se serait jamais pensé capable par amour. Des choses belles, lumineuses, mais aussi bien plus mauvaises, bien plus sombres que l’on ne peut soupçonner derrière son visage d’ange. Seulement l’amour ne peut pas sauver ce qui est déjà entaché. Les disputes à répétitions, le manque de confiance, et toutes ces souffrances. Elle ne peut pas les oublier, son cœur déjà trop écorché ne peut pas les oublier.

Pourtant tu es là ce soir,

Pourtant tu étais là l’autre soir,

Incapable de mettre un terme définitif à votre histoire.

Les mots de Nikolaï viennent se répandre en elle, en écho à ceux qui raisonnent déjà dans son esprit torturé depuis des jours. La sensation douloureuse de se faire un peu plus de mal à chaque fois, mais d’être totalement incapable d’agir autrement. Comme si ses actions étaient engendrées par des forces bien plus fortes qu’elle. Une emprise monumentale qu’il exerce encore sur elle. Car elle sait, la latina, qu’elle ne devrait pas être là. Elle aurait dû refuser son invitation à venir passer la Saint-Valentin à ses côtés ce soir. Mais elle est encore là. Elle revient toujours à lui. Comme un aimant qui, irrésistiblement, continue de l’attirer à lui. C’est ce magnétisme, dépassant toute forme de raison, qui l’a poussée à venir jusqu’à lui. Silencieuse, elle se laisse guider sans protester, sans un mot prononcé. Elle se laisse entraîner dans les souvenirs de leur passé. Elle se rend compte, plutôt facilement, qu’il essaie de lui rappeler. Lui faire revivre la première fête des amoureux qu’ils ont partagée. La pousser à se remémorer, combien ils peuvent s’aimer.

Oh, Nikolaï,
tu n’imagines pas combien elle s’en souvient encore,
dans chaque parcelle de son corps.

Elle n’a pas besoin de se souvenir, combien c’était parfait. Ce n’est qu’une torture de plus de réaliser tout ce qui n’est plus, tout ce qu’ils ont perdu. Elle a l’impression d’être prise au piège de cet amour dont elle est incapable de se délivrer. Cet amour dont elle a choisi de se libérer, mais sans grand succès. Un peu anxieuse, la belle accepte malgré tout de s’installer à ses côtés. Le cristal glisse dans ses doigts délicats alors qu’elle se demande, l’espace d’un instant, si elle devrait réellement le goûter. Les cachets fraîchement avalés, ne vont sûrement pas bien avec le vin à sa portée. Un faible sourire sur les lèvres, Isabella trinque pourtant avec son ex, avant de s’autoriser à en boire une gorgée. Le cru vient caresser son fin palais avec une délice qui lui ferait presque oublier. – Tu aurais pu prendre autre chose, tu le sais. fait-elle remarquer car elle connaît suffisamment ses goûts, pour se douter qu’il aurait préféré autre chose entre ses mains.

Mais il t’a fait passer avant lui,
une fois de plus,
une fois de trop.

Un brin nerveuse, la jeune femme ne le contemple pas dans les yeux. Ses doigts glissent distraitement dans le sable, déjà froid, alors qu’il lui explique… se retrouver aux archives. Il a trouvé le moyen de capter son attention, sans faux-semblant. Ses prunelles se relèvent instantanément sur l’enquêteur, pour tacher de comprendre, ce qui peut bien s’être passé pour qu’il soit destitué de ses fonctions. – Mais que s’est-il passé ? demande-t-elle, oubliant la gêne précédente. Tout embarras a disparu, parce qu’elle ne se concentre plus que sur ce qu’il a vécu. C’est plus facile, cela a toujours été plus facile. De s’ouvrir devant les problèmes des autres plutôt que leur cœur. – La mienne s’est bien passée. Elle est avec Peyton une grande majorité de ses journées. Quand elle ne file pas d’un rendez-vous à l’autre pour augmenter la portée de leur projet.

Mes journées sont affreuses parce que je sais que je ne passerais pas ma soirée avec toi.

Les mots qui te mettent en émoi,
il a le don pour ça,
chaque fois que tu ne t’y attends pas.

Elle ne sait pas ce qu’elle pourrait répondre face à une pareille déclaration. Nikolaï, il n’a jamais eu de mal à montrer ses émotions. C’est tout le contraire de la belle qui garde constamment ses sentiments pour elle. – Tu parles de la fois où je t’ai obligé à aller dans l’eau alors qu’elle était gelée… ? l’interroge-t-elle, le timide sourire, alors qu’elle n’en a pas besoin. Elle sait très bien qu’il parle de cette fois-là. Cette fois où elle s’est révélée. Ses envies qu’elle a, pour la première fois depuis longtemps, écoutées. Elle savait que c’était grâce à lui, mais elle n’imaginait pas un instant l’impact qu’il aurait dans sa vie. Sa coupe qu’elle porte à nouveau jusqu’à ses lèvres, la jeune femme en boit une longue gorgée, comme nécessaire. Ils en sont là… il voulait peut-être en arriver là depuis le départ. – C’est pour cette raison que tu l’as choisi ce soir… ? Pour que l’on se parle à cœur ouvert… ? elle questionne, prudemment. Comme un animal blessé qui fait un premier pas vers celui qui pourrait la soigner… tout autant qu’il pourrait l’achever.

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crédit/ tumblr ♛  w/ @nikolaï Warren

Il y a quelque chose de magnétique. Entre eux, depuis le départ, cette attirance qu’elle a cru seulement physique. Mais c’est tout son cœur qui vibre auprès de lui. Tout son corps qu’il attire, tout son être qu’il captive. Il a ce pouvoir dingue sur elle, Nikolaï, ce pouvoir qui parvient chaque fois à dépasser ses peurs, ses angoisses, toutes ses frayeurs qui viennent la hanter. Il les chasse, de son amour, mais ses démons finissent toujours par revenir. Comme un cercle sans fin, un piège qui la retient. Il y aura peut-être encore, d’ici quelques heures, les remords d’être venue se torturer un peu plus encore le cœur. Le briser en de nouveaux morceaux alors qu’il est déjà bien trop fêlé. Mais, en attendant, elle est là. Elle est toujours là, alors même qu’il ne la force pas. Alors même qu’elle ne devrait pas. Elle est auprès de lui, lentement reconnectée, dans cette fusion incontrôlée. Il y a encore la gêne des débuts, la maladresse qui cache les craintes éventuelles. Elle ne sait pas ce qu’il a en tête, ni ce qu’il peut bien penser. Elle n’a aucune maîtrise sur cette soirée. Mais elle accepte pourtant, encore, de se laisser bercer. La douceur amère du vin vient un peu plus l’apaiser. Même s’il n’était pas obligé, de se sacrifier. De toujours se sacrifier.

Il se sacrifie pour mieux te plaire,
pour mieux te rejoindre,
mais c’est dans les abysses de tes enfers,
que tu l’entraînes.

Il ne semble pas y accorder de l’importance, comme si c’était un détail simplement anodin. Lui faire plaisir, comme un besoin. – Tu devrais commencer par du blanc. lui conseille-t-elle, la voix étonnamment calme. Comme si elle le suggérait à un ami novice dans le domaine, non pas à l’homme qu’elle aime. Parce que ce n’est pas à elle de lui faire goûter les vins qu’il pourrait mieux apprécier. Ce n’est pas à elle, non, ce n’est plus à elle. Et, doucement, les langues se délient. L’embarras commence à s’effacer alors qu’il lui raconte les dernières mésaventures qu’il a subi. Elle se sent désolée pour lui, Isa, plus qu’il ne peut l’imaginer. Elle sait combien son travail est important à ses yeux, combien il lui est précieux. Combien il s’en sert pour extérioriser ses émotions. C’est peut-être même ce penchant qui est à l’origine de sa situation. Des émotions négatives, certainement, des émotions dont elle est responsable, assurément.

Et c’est ta faute, tout ça,
isa,
tu fais le mal autour de toi.

La gorge un peu nouée, elle se perd dans le silence, bien qu’elle l’écoute toujours avec attention. L’air à peine rassurée, quand il lui affirme qu’il retournera sur le terrain bientôt.   – Je l’espère sincèrement. Tu es trop bon enquêteur pour que tes capacités soient gâchées. Par son supérieur, par lui-même… et surtout par elle. Mais ces pensées-là, l’âme en perdition les garde pour soi. Comme tant d’autres choses… comme beaucoup trop d’autres choses. Il croit que tout va bien pour elle. Il croit réellement que tout va bien pour elle. Il ne peut même pas savoir, combien il est loin de la réalité. Combien elle souffre, chaque instant, depuis qu’ils sont séparés. Combien elle a mal au cœur, à peine réveillée. Combien elle est incapable de prendre une bouchée au déjeuner. Combien elle se tourne et se retourne durant toutes ces nuits sans pouvoir dormir. Non, il n’imagine pas combien elle peut souffrir. Combien elle est même en train de se détruire.

Il ne peut pas le deviner,
quand tu t’efforces de tout garder,
pour mieux te laisser sombrer,
jusqu’à définitivement couler.

Isabella, quand elle va mal, elle ne le dit pas. Elle ne se confie pas facilement, ni à ses amis, ni à sa famille. La dernière personne à laquelle elle pourrait le faire, c’est bien son ex petit-ami. Comment pourrait-elle lui avouer, qu’elle ne cesse de remuer les souvenirs du couple qu’ils formaient. Qu’elle est incapable d’oublier cet amour qui l’a illuminée. Qu’ils étaient si bien, tous les deux, deux âmes complémentaires qui n’en devenaient plus qu’une seule. Qu’ils étaient les deux moitiés, si opposées, de la même personne. Que, jamais, elle ne s’est sentie aussi bien avec un autre que lui. Jusqu’à se dire, pour la première fois, qu’elle a peut-être trouvé l’homme de sa vie. Non, elle n’est pas insensible, Isabella. Elle est même bien plus remuée, par le lieu, les souvenirs évoqués, mais surtout par sa présence à lui à ses côtés. Tellement plus chamboulée que ce qu’elle peut laisser espérer.

Mais non, tu ne peux pas lui dire tout ça,
il ne comprendrait pas,
qui te comprendrait, en réalité, isa ?

La douleur devient encore plus vive quand il commence à entrer dans les recoins enfouis de leur passé. Ces souvenirs qu’elle voudrait oublier, juste, le temps de se soigner. Le temps de guérir de lui et son emprise. Mais, sans s’en douter, il en parle avec naïveté. Le sourire aux lèvres, il rappelle la maladie qu’il a attrapée. C’est peut-être bien autre chose qu’ils ont attrapé, ce soir-là, et tous les deux. C’est à partir de cet instant qu’ils sont progressivement, lentement mais sûrement, tombés amoureux. – C’est toi qui as éveillé cette Envie en moi. avoue-t-elle dans un souffle. Presque un murmure. Car ce n’est pas seulement l’envie d’aller prendre un bain de minuit qu’elle est en train d’avouer. C’est l’envie tout court. L’envie de croire en cette lumière, se laisser porter par le désir qui l’entraîne. L’envie de découvrir cette soif de vivre. L’envie, tout bonnement, de vivre. Tout cela, c’est lui, qui lui a appris. C’est en le perdant, lui, qu’elle l’a perdue aussi.

Tu ne sais plus quoi faire sans lui,
de ce cœur battant,
désormais béant,

tu ne sais juste plus faire sans lui.

Ses deux océans éclipsent totalement celui qui leur fait face. Ils font même tout disparaître sur leur passage. De cette caresse, ils la soulagent et l’apaisent, comme lui seul sait le faire. Mais il n’y a aussi que lui qui peut autant la bouleverser, juste en quelques mots prononcés. Quand il commence à expliquer, pourquoi ils sont ici, pourquoi il l’a invitée. Il voulait qu’ils se souviennent, combien ils s’aiment. Mais tu n’as pas besoin de t’en souvenir, tu te le remémores suffisamment chaque instant de ta vie. À te torturer jusqu’à n’en plus finir. C’est comme s’il pensait qu’elle avait oublié, qu’elle ne savait plus l’aimer. Il ne se doute pas combien il peut se tromper. Combien il peut lui manquer. Combien il peut la bouleverser. Les opales brillantes, la jeune femme reste plongée dans le silence alors qu’il continue de lui ouvrir son cœur. Le livrer, comme il sait tellement le faire, sans aucune peur. Une qualité qu’elle lui a toujours enviée, mais qui commence sérieusement à la chambouler. Elle est frappée par l’émotion, bien qu’elle soit toujours incapable de prononcer une seule parole. Il mêle son amour pour elle, à la peur terrible de la perdre. À la jalousie qui l’a submergé, à la colère regrettée. À tant de choses qui sont en train de la noyer.

Il est en train de te tuer, nikolaï,
il tue ton cœur de tout cet amour que t’es incapable de recevoir.

Elle ne sait même où elle en est après un tel discours. Elle sait, indéniablement, la force de son amour. Il n’a pas fait renaître des sentiments enfouis, il l’a poussée elle à s’y noyer la tête la première. S’y plonger jusqu’à ne plus avoir d’air. Elle a la sensation que son cœur s’est arrêté de battre, tant qu’elle éprouve le besoin de poser son verre sur le sable. Elle déglutit difficilement, comme pour se débarrasser de cette boule qui s’est formée dans sa gorge trop nouée. Mais elle ne dit toujours rien, elle se contente de se relever. Presque machinalement, elle prend la main qu’il lui tend. Entend à peine les notes de la chanson, dès l’instant où ses prunelles se plongent dans son océan. L’encre déjà noyée, les bras autour de son cou, elle ne le quitte pas un instant. Les paroles de Nikolaï retentissent encore dans son esprit, bien plus que la musique. C’est lui qu’elle entend, c’est lui qu’elle ressent. Et, peu à peu, elle commence à craquer. Les perles salées viennent inonder son visage chamboulé. Elle s’effondre, Isabella, elle s’effondre sans prévenir dans ses bras. Et il y a tant de choses que tu voudrais lui dire. Tant de choses que tu devrais lui dire. Mais ce sont tes larmes que tu lui balances. Tes regrets, ton manque, ta tristesse, ta souffrance. Tout cet amour qui te consume, cet amour qui est en train de te tuer. Parce que t’as pas le cœur assez solide pour le supporter.

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crédit/ tumblr ♛  w/ @nikolaï Warren

Le voile d’embarras qui a drapé ses sentiments se rabat tout doucement. La gêne éprouvée depuis qu’elle est arrivée sur cette plage disparaît progressivement. Puis, s’envole subitement, beaucoup plus rapidement. Il suffit de quelques mots pour faire renaître cette complicité, quelques mots pour renouer. Car, au-delà de simples banalités, elle s’intéresse réellement à la vie de son amour déchu, plus qu’elle ne le devrait. Elle s’inquiète pour lui, comme elle avait l’habitude il n’y a encore pas si longtemps de veiller sur lui. Mais, bientôt, les petits échanges sans danger sont oubliés, quand la véritable raison de sa venue lui est dévoilée. Il voulait lui parler, Nikolaï, lui parler à cœur ouvert. Lui rappeler combien il l’aime, combien surtout elle l’aime. Comme si elle en avait besoin, comme si elle ne sentait pas toute cette douleur dans son cœur empli de rien. Elle est partie, Isabella, mais a laissé un bout de son âme auprès de lui. C’est sûrement pour cette raison que, il suffit qu’il parle, pour raviver ce qu’elle a enfoui. Toute la souffrance à laquelle elle tente de réchapper, elle se libère et la submerge pour mieux l’atteindre. Sans se rendre compte à quel point, il touche chaque parcelle de son être. Comme s’il téléguidait son cœur à distance, comme un instrument de musique sur lequel il joue sans s’inquiéter des notes qu’il émet. Notes silencieuses, qu’elle garde dans un instinct de survie pour elle, par souci de conservation plutôt qu’une quelconque possession. Mais l’écorchée a de plus en plus de mal à tout garder, enfouir toutes ses émotions qui ne demandent qu’à sortir. Il finit de l’achever, quand il lui propose de danser.

Vos corps se mêlent,
son odeur enivre tout ton être.

La proximité contre le corps dont elle connaît chaque millimètre vient dangereusement la déstabiliser. La chambouler un peu plus qu’elle ne l’est. C’est tout son amour qui revient alors qu’elle se sent beaucoup trop vulnérable. Elle se sent arriver, peu à peu, dans un état lamentable. Toutes les émotions qu’elle a refusé de dévoiler, elles commencent à sortir contre lui. Les mots prononcés, les regrets exprimés. Et tout cet amour qui ne s’en est jamais allé. Nikolaï l’a touchée plus que de raison, il l’a atteinte en plein cœur quand elle pensait encore avoir le contrôle de la situation. Avec cette dernière promesse, qui a terminé de l’achever. Celle de la laisser, si c’est vraiment ce qu’elle voulait. Mais Isa, elle ne sait plus ce qu’elle veut, plus ce dont elle a envie. La peur au ventre, elle avait l’impression que son cœur est maudit. Jusqu’à ce qu’il lui laisse le choix, celui de son propre désespoir. Le choix d’opter, finalement, entre retrouver un brin de lumière ou continuer à se laisser couler chaque jour dans les ténèbres. Tout le discours de son ex retentit dans l’esprit torturé de l’âme en perdition. Elle ne sait plus du tout quoi penser, de cette relation. Et quand l’esprit ne sait plus, c’est le cœur qui prend la relève. Ce cœur qui balance enfin, tout ce qu’elle retient. Tous les sanglots qu’elle a refusé de verser, toutes les larmes qui ont à peine coulé. L’eau salée inonde son visage sous le regard de l’être aimé.

Et tu as craqué,
et tu as cédé,
incapable que t’es,
incapable d’oublier plus longtemps combien tu peux l’aimer.

Il prononce son prénom, comme une plainte, comme une douleur. Celle qu’elle inflige elle-même à leurs deux cœurs. Incapable de parler, il essaie surtout de la calmer. Et l’attire à elle sans rien lui demander. Elle se laisse faire, Isa, elle n’a en réalité même pas la force de lutter. Son corps frêle est drapé avec facilité par les bras puissants de l’homme qu’elle aime. Elle se sent, enveloppée par lui, entourée que de lui. Et, quelque part au milieu de tous les tourments de son âme, on entendrait presque un soupir de soulagement. L’air retrouvé, blottie contre ce corps rassurant, ce corps si aimant. Elle est en train d’inonder sa tenue des perles versées, mais c’est comme s’il s’en fichait. Comme s’il ne le remarquait même pas, trop occupé à la serrer fort dans ses bras. Il tente de l’apaiser, de ses mots, de ses caresses mais rien n’y parvient. Elle continue de pleurer, inlassablement. La musique sur la playlist change, mais elle pleure toujours aussi intensément. Elle n’entend plus rien autour, jusqu’à ce qu’il commence à chanter cette chanson. Il la murmure, la voix douce, comme une berceuse qui veut effacer toute cette tension. Pour la première fois, il parvient à calmer les battements de son cœur. Son esprit ne se focalise plus sur toute cette noirceur. Elle ne se concentre plus que sur cette voix qui la berce. Sur cet homme qui, miraculeusement, l’apaise. La jeune femme finit, difficilement, par se reculer.

L’impression que tes jambes te tiennent à peine debout, sans Nikolaï,
l’impression que tu pourrais tomber à tout moment, sans Nikolaï.

Un faible sourire naît sur ses lèvres, parce qu’il s’en est souvenu. Une brève chanson à peine entendue, qu’il lui chante sans qu’elle s’y attende, comme s’il avait compris ce dont elle avait besoin. – Tu as une jolie voix… dit-elle, la voix encore rouée, sous les larmes versées. Elle essaie de reprendre lentement contenance pendant que, de ses doigts délicats, elle essuie son minois. – Je suis désolée, tu es trempé… souffle-t-elle dans un murmure alors que ses opales se posent sur son torse. Il devait rêver mieux, pour une saint-valentin avec la femme qu’il aime. Il mériterait mieux qu’elle. Encore chamboulée, la belle ressent le besoin de s’asseoir. Ébranlée, fragilisée par ce qui vient de se passer, elle finit par se laisser tomber. Assise, à demi-tournée vers l’océan, elle le contemple plutôt que le regarder, lui, dans les yeux. Elle n’arrive pas à soutenir ses prunelles, pas maintenant, pas après avoir craqué comme elle l’a fait. Elle ne comprend pas ce qui lui est arrivé. C’est peut-être l’alcool, les médicaments, ou peut-être juste ce trop-plein d’émotions. Devant lui, elle n’est pas capable de se maîtriser, Isabella. Pas capable de garder ce voile sur ce qu’elle ressent. – Ce que tu as dit… ce n’était pas complètement faux. Mais je ne suis pas attirée par la noirceur, sinon je… je n’aurais jamais été attirée par toi. Je ne serais jamais tombée amoureuse de toi. Elle n’ose toujours pas lever son regard ébène sur lui. L’encre se jette plutôt en face d’elle, devant l’écume laissée par les vagues sur le sable. – C’est moi qui la provoque, tu comprends ? Ça vit à l’intérieur de moi, Nikolaï. C’est en moi. C’est elle qui est comme ça, inondée par un océan de ténèbres. Piégée au cœur de son propre enfer. – Et chaque fois que tu me dis que tu m’aimes, il y a ça en moi qui se demande comment ça pourrait être vrai, comment… comment je suis censée le gérer… Chaque fois que tu me dis que tu m’aimes, j’ai l’impression que mon cœur va lâcher.