bad habit (ambrose)

morphée ne l'a pas assigné très longtemps entre ses bras ce matin-là. elle avait encore de belles heures devant elle livia, avant de faire l'ouverture de son lieu de travail. alors ce sont les rêves éreintants de la nuit précédente qui reviennent la percuter de plein fouet. l'ennui étant que ce ne sont pas que de vagues effets de son imagination. parce qu'elle l'a revue, pour de vrai, devant ses yeux ébahis et suintants d'un tas de sentiments emmêlés. tel un fantôme, de l’acabit de celui qu'elle avait été pendant des années. et elle a ce besoin presque vital d'extérioriser tout ce qui l'étreint bien trop fort, ce qui lamine son palpitant comme jamais auparavant. parce que tu ne pensais plus que ce moment arriverait un jour, tu pensais qu'elle avait été rayée de la carte, de ta carte du moins. et t'as senti ton coeur se gonfler de bonheur l'espace d'une seconde, avant qu'elle ne le compresse de toute sa rancoeur à ton égard. elle le sait livia, qu'il n'y aura que dans la maison où elle a grandit qu'elle pourra se débarrasser de tout ce poids en trop. ces kilos en plus écrasés sur ses épaules et dont elle n'avait pas besoin, quand elle cherchait seulement à se relever. alors elle se défait de ces maux-là, pour respirer mieux. elle dépose quelques blessures chez elle, dans son havre de paix. à l'abri.
dernière étreinte jusqu'à la prochaine fois, et elle file rejoindre l'extérieur. une seule direction en ligne de mire, celle de sa voiture garée juste en face. elle a déjà en tête le programme de la journée livia, les clients qu'elle serait payée pour satisfaire. des histoires, elle allait encore en entendre des tas. des lunes de miel, des tours du globe, des croisières à travers les océans, des découvertes de la planète... si ce n'était pas elle qui voyageait, elle avait au moins la sensation de le faire quand les rêves des uns et des autres se matérialisaient devant ses yeux, à l'entente des new yorkais qui venaient peupler son bureau pour quelques minutes ou quelques heures. les clés dans une main, l'autre déjà sur la portière, c'est à cet instant que son regard est attiré par la demeure jouxtant celle de ses parents. c'est la nostalgie qui la prend quand elle se repasse les films de son enfance et même de son adolescence. et au vu du déroulement des évènements, il lui semble bien loin ce temps-là. quand ils avaient encore l'innocence de leur jeune âge et le monde à conquérir. c'est finalement la masse qu'elle croit distinguer dans l'allée qui la tire de ses souvenirs. il ne lui en faut pas plus pour abandonner le plan de base et aller passer le portail d'entrée des sartier. quelques pas lui suffisent pour deviner la silhouette de ambrose dans une configuration qui ne le mettait pas en valeur. sartier n°3, t'as pas trouvé la porte ? elle s'étonne ironiquement alors qu'elle s'abaisse à sa hauteur. et c'est comme ça que tu célèbres ta sortie de cure, papa sera content de voir qu'il a pas jeté son fric par les fenêtres. c'était encore un semblant de chance pour lui que ce ne soit pas le paternel sartier qui soit venu le tirer de sa mauvaise posture. tu me regardes pour de vrai ou faut que j'attrape un tuyau d'arrosage ? la patience n'a pas l'air d'être sa qualité prédominante à cet instant. elle ne saisissait juste pas qu'on puisse se mettre dans des états aussi minables. et ce, peu importe la vie qu'on menait. elle en avait essuyé des galères sans pour autant s'afficher telle une débauchée. le soupir se fait la malle à travers ses lèvres. un jour, tu devras accepter de te détacher de cette famille livia. un jour, tu devras apprendre à penser à toi, avant de penser aux autres. et peu importe l'autre en question.

jouer le saint-bernard une énième fois, c'était pas ce qu'elle avait prévu livia. alors qu'elle avait seulement ressenti le besoin de se confier, pour apaiser des plaies encore à vif. pour calmer un coeur qui palpitait beaucoup trop vite en ce moment. la faute à la vie. mais peu importaient les circonstances et son état d'esprit quand elle avait l'opportunité de faire une bonne action. sa si belle âme la perdrait un jour parce qu'elle ne mesurait jamais dans quelle merdier elle allait encore plonger tête la première. elle se contentait de foncer dans le tas et elle réfléchissait uniquement quand il était trop tard. se pointer chez les sartier, elle aurait dû savoir que ce n'était pas l'idée du siècle sauf que c'était plus fort qu'elle. incapable de fermer les yeux et de tracer sa route loin de tous les drames qui les encerclaient. ça ne devrait même pas l'éclabousser, même pas l'intéresser, plutôt l'éloigner à mille lieux d'évènements qui ne la regardaient en rien. et pourtant, elle était bien là, à hauteur de ambrose cette fois-ci. celui qu'elle s'efforçait de ramener à la réalité et qui peinait à le faire. elle secoue la tête, remarquant sans mal l'état dans lequel il se trouvait et très vite, elle comprend l'étendue des dégâts. dans le même temps que les folies qu'il avait dû enchaîner la veille pour en arriver là. leurs regards s'accrochent enfin quand il sort à demi de sa léthargie. si tu veux me voir mouiller, il suffit de venir prendre une douche avec moi livia. il ne perdait jamais le nord, déjà frais comme un gardon dès qu'il s'agissait de lui souffler des remarques dont elle se passerait bien volontiers. j'vois que t'as pas perdu ton sens de l'humour, c'est déjà ça. se reprendre ne s'avèrerait peut-être pas aussi compliqué qu'elle l'avait prédit au final. passer sa nuit dans la rosée du matin avait au moins eu le mérite de le sevrer de tout ce qu'il avait pu ingurgiter. cependant, elle ne comprendrait jamais pourquoi il se fatiguait autant ambrose, il n'avait jamais eu aucune chance. que ce soit hier ou aujourd'hui. elle avait bien d'autres chats à fouetter livia, en plus d'un coeur à panser. ses excès semblent enfin lui parvenir sous la forme de maux de crâne qu'il n'avait pas volé. sauf que ceux-ci ne lui font toujours pas perdre son aplomb. toujours aussi belle. instinctivement, ses lèvres s'étirent en un sourire presque nerveux. parce qu'elle ne sait pas gérer les compliments livia, elle n'est pas le genre de femmes sûr de ses charmes. j'sais pas ce que tu cherches à faire, mais c'est gentil. et maintenant, si tu pouvais lâcher l'affaire et entreprendre de te redonner un semblant de contenance, ça ne ferait pas de mal à ton image. qu'est-ce que tu fous ici ? à part certainement chiner le fiancé d'eden, je veux dire. elle roule des yeux, passablement agacée par le reproche à peine déguisé et l'appellation qui l'irrite au plus haut point. t'aimerais bien qu'il cesse d'enfoncer le clou, t'avais déjà assez de mal à te faire à l'idée, à envisager ce qu'il adviendrait de votre relation au point où vous en étiez. ce pourquoi tu avais tout sauf besoin qu'il vienne se mêler à ça. avant d'être le fiancé d'eden, c'est mon meilleur pote donc j'te prierais de pas jouer à ça avec moi. ça te pique, t'as du mal à laisser ta place, surtout maintenant. t'avais pas besoin qu'elle vienne se rajouter à l'équation d'une manière aussi officielle et territoriale. et au cas où ça t'aurais échappé, j'te rappelle que mes parents vivent à côté. j'ai pas que vous dans ma vie, fort heureusement. cela dit, la question pouvait aisément se poser étant donné le temps qu'elle passait jamais bien loin d'un sartier, le plus souvent à proximité du même d'ailleurs. entre nous, je suis toujours libre, tu peux toujours te faire le plus beau des sartier. ambrose ou l'art d'en rajouter une couche, ambrose ou l'art de la démesure, quelle que soit la situation. tu sais que tu ferais pas mal de lui parler à ton frère, plutôt que de lui tirer dans les pattes sans arrêt. entre ces deux-là, c'était une histoire sans fin puisque jamais l'un des deux ne prendrait le risque de se rabaisser. elle savait très bien que la suggestion ne lui plairait pas, mais elle ne craignait pas le loup. elle l'avait toujours connu, il lui en faudrait donc plus pour paniquer à sa vue. sinon, t'as l'intention de camper là ou tu te bouges ? des questions, elle en avait encore quelques-unes à lui poser, notamment sur le programme des festivités de la veille. un peu sur le but de la manoeuvre aussi. pourquoi tu fais tout ça ambrose ? tu veux te faire remarquer par qui ? tu veux être relevé par qui ? ou alors t'essaies simplement d'oublier le tableau désastreux que représente ta famille. et ça, elle ne pouvait que le comprendre.