(TC) QUEENS BLOCK PARTIES

Tu te demandes souvent pourquoi ça l'intéresse autant ton frangin de savoir ce qui se passe dans ta vie du côté sexuel. C'est pas comme s'il vivait par procuration, lui. Alors que t'en fasses beaucoup ou pas, ça n'altère en rien le fait que de son côté, il n'a clairement pas à se plaindre (contrairement à toi, ça, on a bien compris). Mais Kenny étant Kenny, tout reposait sans doute sur le besoin vital qu'il avait de se foutre de ta gueule dès que l'occasion se présentait - et il était d'ailleurs plutôt doué pour créer lui-même des occasions s'il le fallait. « Ouais rassures-toi comme tu peux, t’sais c’est pas une honte. Chacun son allure. » Tu lèves les yeux au ciel. Il te saoule, et t'aurais bien envie de lui foutre un pain, juste comme ça. « Mais si tu as besoin de conseil, d’aide. J’suis là, tu l’sais. » Un brin contrarié, tu lui assènes un léger coup d'épaule afin de lui exprimer ton mécontentement. « Ouais, je sais Don Juan. T'es génial, t'es parfait, t'es un coup d'enfer, toutes les filles rêvent de t'avoir », que tu railles. Au fond pourtant ça t'fait marrer, c'est pas le genre de sujet que tu prends au sérieux de toute façon. Mais il arrive parfois qu'au bout de la cent-et-unième de la journée tu finisses par être un peu piqué dans ton orgueil. Mais si ce détail n'était tout de même pas quelque chose à propos de quoi tu pourrais réellement prendre la mouche, la suite de la conversation se dirige néanmoins vers une pente un peu plus raide lorsque Prim fait son apparition et que l'intérêt qu'elle te porte semble nettement déranger ton frère. « En tout cas, vous êtes pas obligés d’rester collés. Vous allez pas vous perdre. » La moutarde commence à te monter au nez, et l'alcool lui, se fraie petit à petit un chemin jusqu'à ton cerveau qui commence à dérailler quelque peu. Tu sens soudainement l'effet des nombreuses autres bières que tu t'es enfilées juste avant de retrouver Kenny, et la chaleur qui t'oppresse le crâne n'aide en rien. « Qu'est-ce qui te dérange Ken, dis-moi ? », que tu demandes en faisant un grand geste de la main, manquant presque de renverser ta bière. « ça te fait chier de pas être le centre d'attention pour une putain de fois ? » Toi qui as d'ordinaire l'alcool comique, il semblerait que ce soir, tu aies l'alcool mauvais. Ou irritable. Ou en tout cas, quelque chose de beaucoup moins agréable. D'ailleurs, ça te surprend presque toi-même, parce que t'es pas du genre à avoir mauvais caractère, et encore moins à t'énerver pour si peu. « J'suis pas assez bien ? » Cette fois, la question ne s'adresse pas à lui. Ni à personne d'autre, d'ailleurs. Tu te tournes vers eux, vers d'autres gens que tu ne connais pas, vers le vide. Et finalement, tu bois une gorgée de bière, dans l'espoir que ça puisse te calmer un peu. Faut dire que t'es pas rancunier Kurt, et qu'en plus de ça, t'as l'impression que c'est devenu un peu flou dans ta tronche. Pour un peu, t'aurais presque oublié ce que tu viens juste de beugler, comme si ça n'avait jamais réellement existé. Peut-être bien que la voix de Primrose t'apaise, que le ton plus léger qu'elle emploie achève de te faire redescendre. « On sait jamais avec cette foule. » Un bref rictus se dessine sur tes lèvres. T'aurais sans doute pu sourire un peu plus si Kenny n'avait pas décidé de faire son rabat-joie auprès de la jeune femme qui n'appréciait manifestement pas d'être continuellement prise pour une petite fille. « J'vais avoir 21 ans bientôt, j'te rappelle. J'te jure que ce jour là je prend la cuite du siècle et tu pourras rien dire. J'vous inviterais tout les deux pour assister à ça. » En guise d'approbation, tu lèves ta bière au ciel. « A la bonne heure ! Mais tu paies ta tournée, j'te préviens. » Et... oups. L'ambiance, elle se met à peser d'un coup. Tu sens même le regard que ton frère pose sur toi, et il n'a rien de bienveillant, bien au contraire. Il semble plutôt contrarié, alors tu ne dis rien de plus pour ne pas envenimer les choses. Parce qu'à ce moment-là Kurt, tu sens bien que t'es plus totalement en état de réfléchir correctement et que de ce fait, tu risques d'enchaîner les bourdes et les faux pas. Déjà que c'est plus ou moins ton lot quotidien, inutile d'aggraver ton cas. « Là c’est pas pareil. Là c’est de Prim qu’on parle. » Tu comprends rapidement au ton qu'il emploie que l'heure n'est apparemment plus à la déconnade. Il y a quelque chose. Quelque chose qui ne passe pas. Et puisque ce n'était pas la consommation d'alcool par un mineur qui pouvait bien l'inquiéter, alors c'était Primrose. « Il se passe un truc entre vous ou quoi ? » Tu lâches bêtement dans un éclat de rire. Tu balances ça sur le ton de la plaisanterie, tu ne t'imagines pas un seul instant que ça puisse réellement exister. Mais c'est comme si ton subconscient avait besoin d'une confirmation. Comme si t'avais peur qu'elle puisse le trouver mieux que toi. Si tu savais Kurtis. « Je plaisante, vous emballez pas. Tout le monde sait que Prim est plus intelligente que ça. Elle voudrait pas d'un pauvre type comme toi », tu déclares comme une vérité, le ton teinté d'humour. Et tu te marres. Tu te marres tant que tu le peux encore parce qu'en vérité, c'est toi le dindon de la farce Kurt. Et les deux là, ils vont bien se régaler quand Primrose t'aura découpé sous tous les angles (et peut-être bien le coeur avec).