[ la lune rousse ]

01. Oxford, Angleterre. C'est là-bas qu'est née la petite Lucrezia Ozark, d'un père anglais et d'une mère italienne. Elle y a vécu sa vie entière, pensant qu'elle ferait sa vie ici, près de sa famille, et n'en partirait que pour voyager. Une vie banale, en somme, jusqu'à ce que le chaos se produise. Un accident de voiture comme il y en a tous les jours, d'une violence inouïe et qui aurait pu - qui aurait dû - lui coûter la vie. Elle en est sortie vivante, miraculeusement, mais la mémoire défaillante. Quand elle s'est réveillée à l'hôpital, elle ne connaissait que les visages de sa famille, pas les autres qui s'affairaient autour de son lit. Elle n'a pas reconnu son propre reflet dans le miroir, cette fille beaucoup plus âgée qu'elle ne l'était. C'est là que le diagnostic a été posé : une perte de mémoire de ces quatre dernières années. Un trou béant dans sa vie, des événements qu'elle pensait vivre plus tard et qui étaient déjà passés, des gens qui avaient disparu de son quotidien sans qu'elle ne sache pourquoi et des inconnus qui se prétendaient être ses meilleurs amis. Un chamboulement pour la douce Lucrezia. -- 02. Ses parents, c'est sa vie. Certains jeunes de son âge ne s'entendent pas avec les leurs, ne pensent qu'à partir du cocon familial ; Lucrezia, elle, ne s'en sortirait pas sans eux. Elle a toujours pu compter sur eux et c'est d'ailleurs grâce à eux qu'elle a l'occasion de recommencer sa vie. L'accident filmé et devenu viral, Lucrezia ne supportait plus son quotidien à Oxford ; ses parents l'ont donc inscrite dans un programme d'études sur la mode dans une école à New York, pour qu'elle reprenne sa vie avec un cursus qui lui parle, puisque sa passion de la mode dure depuis son enfance. Un moyen pour elle aussi de mettre de la distance avec son accident et sa vie d'avant, une vie dont elle ne se souvient pas. À New York, personne ne la connaît, personne n'a suivi cette histoire, et elle se sent enfin respirer à nouveau. -- 03. À Oxford, elle était en couple. C'est tout du moins ce qu'on lui a dit. Quand son petit ami est arrivé à son chevet, il était un parfait inconnu à ses yeux. Ses parents lui ont dit qu'il était gentil et attentionné, et Lucrezia peut comprendre pourquoi il lui a plu, il ne fait pas partie des plus laids. Mais elle n'a rien ressenti en le voyant, ni en le laissant lui raconter ce qu'ils avaient vécu ensemble en espérant raviver des souvenirs communs. Peut-être parce qu'elle ne se connaît pas elle-même, qu'elle a l'impression de devoir tout recommencer, de devoir tout réapprendre ; alors comment peut-elle aimer quelqu'un d'autre quand elle a tout ce travail à faire sur elle-même ? Dans les nouveaux horizons que lui offre New York, il n'y a pas l'amour, elle refuse de chercher une quelconque relation tant qu'elle ne se souviendra pas de qui elle est - ou, si elle ne retrouve pas la mémoire, qu'elle ne se sera pas reconstruite. -- 04. L'art, ça l'aide. Dessiner, c'est sa passion depuis toute petite, la mode encore plus. Faire des études dans ce domaine, c'était l'idée de ses parents, voilà à quel point ils connaissent leur fille - et l'aiment, puisqu'ils ont déménagé à l'autre bout du monde pour elle. Ses études la passionnent, elle adore aller en cours et c'est d'ailleurs presque sa seule activité en ce moment. Son rêve est de devenir styliste pour les plus grandes marques de haute-couture, dessiner des robes de princesse comme elle en rêvait de porter quand elle était petite. -- 05. Lucrezia a fui l'Angleterre car tout le monde là-bas connaissait son histoire. Son accident a été filmé, le pays entier a suivi son sauvetage et sa convalescence, elle a reçu des fleurs et des mots de soutien de la part d'inconnus. Des gestes qui font chaud au coeur mais qui lui ont mis une pression inimaginable à sa sortie de l'hôpital. Elle ne pouvait pas aller se balader sans qu'on ne la regarde bizarrement, et elle ne supportait plus de faire face à des gens qu'elle était censée connaître mais dont elle ne se souvenait plus - voilà pourquoi ses parents l'ont amenée à New York. Ici, elle recommence de zéro, elle se fond dans le décor et ne fait rien pour se démarquer des autres. Elle veut devenir aussi ordinaire que possible, malgré ses cicatrices physiques encore visibles qui lui attirent le regard des plus curieux.