Breathless. (Warston)

♛ Come running headlong into my arms.

Les derniers jours ont été quelque peu éprouvants pour Isabella. Il y a peu, son meilleur ami a été arrêté. Il a été arrêté pour la pire chose qui soit. Une tentative de viol, à l’encontre de cette femme qu’il a affirmée connaître. Elle ne s’y attendait pas. Le choc a été brutal. D’autant plus que c’est elle qui a ouvert la porte aux enquêteurs de police venus lui passer les menottes. Elle qui l’a entendu protester et clamer son innocence. Elle qui l’a vu se faire arrêter comme un criminel. Les images sont encore fixées dans son esprit. Elle pense à lui, beaucoup. Trop. Tout le temps. Elle n’en dort plus la nuit. Et, sans grande surprise, elle se réfugie un peu plus dans les psychotropes censés l’aider à soigner ses maux. Pourtant, ils ne sont guère efficaces. Les médicaments font effet, le temps de quelques heures, jusqu’à se dissiper. Jusqu’à ce qu’elle en prenne d’autres. De plus en plus. De plus en plus souvent. Rien ne l’apaise. Même quand elle passe un bon moment, son esprit finit toujours par lui rappeler le visage de Toby. Toby qu’elle imagine derrière les barreaux avec d’autres détenus, Toby qui souffre sans doute plus que jamais, il n’a souffert. Elle la ressent même à distance, sa souffrance. Les seuls moments où la Latina parvient à s’apaiser, même de manière éphémère, ce sont ceux qu’elle passe avec Nikolaï. Il a le pouvoir de la rassurer, celui de lui faire du bien, seulement par sa présence. Il arrive à la faire rire, il arrive à lui faire garder espoir. Heureusement qu’il est là. Elle se le dit tous les jours, Isa. Et, ce jour-là, c’est encore auprès de lui qu’elle s’est réfugiée. Ils ont passé la soirée ensemble, c’était même une belle soirée. L’une de celles où elle parvient à se laisser aller dans cette bulle que rien n’atteint. Jusqu’à ce que son téléphone vienne interrompre ce moment.

Assise sur le lit de son petit-ami, son téléphone portable contre l’oreille, Isabella est en pleine conversation avec sa meilleure amie. L’appel devait être très court mais, en fin de compte, elle se rend compte en raccrochant qu’il a duré près de vingt bonnes minutes. C’est toujours comme ça. En temps normal, elle l’aurait rappelée une fois chez elle, pas alors qu’elle se trouve chez Nikolaï. Mais elle passe tellement de temps chez lui que c’est difficile de faire autrement. Qu’importe. Sa conversation enfin terminée, la jeune femme se lève déjà pour rejoindre l’homme qu’elle aime, laissé dans le salon. – Je suis désolée, cela a duré plus longtemps que prévu… lui dit-elle avec un faible sourire alors qu’elle se rapproche déjà du canapé. De lui. Elle pose son portable sur la table basse avant de retourner s’asseoir auprès de lui. – Kristina te passe le bonjour. Elle voudrait bien te rencontrer. Elle n’est pas la seule à me l’avoir demandé d’ailleurs. lui apprend-elle, un petit sourire tendre sur les lèvres avant de déposer un baiser contre sa joue. – Où en étions-nous ? demande-t-elle finalement, glissant sa main contre la nuque de Nikolaï pour capturer ses lèvres dans un baiser beaucoup plus langoureux.

♛ Come running headlong into my arms.

C’est l’esprit léger, bien plus insouciant qu’en début de journée qu’Isabella rejoint son petit-ami dans le salon. Elle adore sa meilleure amie mais, irrémédiablement, ce dont elle a le plus besoin, c’est lui. D’autant plus en ce moment où les choses ne sont guère faciles pour elle. Elle prend la peine de s’excuser pour sa petite absence et, tout de suite, elle se réinstalle à sa place, auprès de Nikolaï. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres à l’évocation des petits rendez-vous secrets qu’ils ont pu avoir grâce à Kristina. Elle a été l’ange gardien de leur couple durant cette période compliquée. Et elle ne connaît même pas encore l’homme qui passait toutes ces heures dans sa maison. D’un hochement de tête, la Latina acquiesce ainsi à sa question avant d’apprendre que, lui aussi, il connaît quelqu’un qui souhaiterait la rencontrer. – Oh, de qui s’agit-il ? lui demande-t-elle avec un faible sourire sur les lèvres. Elle a fait la connaissance de sa nièce, celle de son coéquipier le plus proche… Peut-être un ami ou bien, sa sœur qui est arrivée récemment à New-York. Qu’importe, elle serait ravie de rencontrer n’importe lequel de ses proches, Isa. Mais, pour le moment, c’est surtout sur lui qu’elle a envie de se focaliser. Lui et seulement lui. Sans attendre une seconde de plus, la belle approche son visage du sien pour capturer ses lèvres dans un langoureux baiser. Elle en perd déjà la tête. Elle se raccroche à lui quand les choses vont mal. C’est comme ça depuis le début. C’est peut-être même la base de leur liaison, la base de leur relation. Et encore aujourd’hui, elle se sent tellement plus apaisée en sa présence. Tellement mieux grâce à Lui. Même si, dernièrement, il n’est pas la seule chose à laquelle elle se raccroche, Isabella. Le jeune homme prolonge son baiser avec envie mais, au bout de quelques secondes seulement, il se recule rapidement, bien trop rapidement à son goût. Rouvrant les yeux qu’elle avait clos, elle le contemple avec un air un peu surpris, puis plus intrigué alors qu’il lui explique qu’il aimerait parler avec elle. – Je t’écoute. lui dit-elle avec un faible sourire, de sa voix douce, compréhensive. Comme si elle était prête à se montrer là pour lui. Comme si elle était à son écoute. Comme si c’était lui qui avait besoin d’elle, pas le contraire. Mais le regard de Nick se détourne vers la table, la poussant à faire la même chose. Elle ne comprend pas tout de suite. C’est quand elle remarque sa boîte de comprimés qu’elle réalise. Elle fronce légèrement les sourcils, un peu déconcertée. Elle ne sait pas, Isa. Elle ne sait pas ce dont il veut vraiment parler. Elle est d’abord perplexe, puis elle réalise. Elle réalise que, cette boîte de médicaments, ce n’est pas elle qui l’a sortie de son sac. – Tu as fouillé dans mon sac à main ? demande-t-elle, l’air troublée, au bout de quelques secondes de réflexion. C’est la seule chose qui sort de ses lèvres, la seule chose qui lui vient, là tout de suite. C’est une question sans l’être réellement. Il l’a fait, bien sûr qu’il l’a fait. Mais elle est tellement sous le choc que, quelque part, elle ne réalise pas réellement. Elle ne s’y attendait tellement pas qu’elle a, comme, le besoin de le vérifier. Et, pour cause, elle ne s’est jamais retrouvée dans une telle situation. Aucun homme n’a jamais fouillé dans ses affaires. Ou, peut-être Luke sans qu’elle le sache lorsqu’il a commencé à soupçonner sa liaison. Mais elle ne l’a jamais su, elle ne s’y est jamais confrontée. Jamais avant Nikolaï.

♛ Come running headlong into my arms.

Un petit sourire amusé, un peu inquiet, vient se dessiner sur ses lèvres quand elle entend les paroles de Nikolaï. Sa sœur veut donner son approbation à… Son sujet. Son approbation sur elle. En soi, c’est quelque chose qu’elle comprend sans mal de la part de la jeune femme. Les frères et sœurs et leur curiosité, elle connaît très bien. Mais c’est la première fois qu’elle se retrouve elle-même dans cette situation, celle où elle doit espérer plaire à la sœur de l’homme qu’elle aime. Et elle n’est pas la personne la plus douée pour se faire apprécier à la première rencontre, Isa. Elle est dans la retenue, sur la réserve. Nikolaï l’a aimée, lui, mais rien n’indique qu’il en soit de même pour sa cadette. Mais elle serait vraiment ravie de la rencontrer, elle aussi. Ce serait un pas de plus dans la vie de l’homme dont elle est amoureuse. – Dois-je m’inquiéter ? lui demande-t-elle d’une voix taquine, bien que la question soit sincère quelque part. Mais ce n’est pas au sujet de Cassey qu’elle doit avoir peur. Vraiment pas. C’est plutôt au sujet de cette boîte de médicaments qu’il a sortie lui-même de son sac à main. Elle est surprise, Isa. Elle ne s’y attendait pas. Elle n’a pas l’habitude que l’on fouille dans ses affaires, au sens propre comme au figuré. Elle tient énormément à sa vie privée. Mais cela semble tout à fait normal aux yeux de son petit-ami. Naturel. Et elle n’apprécie pas, non. Elle ressent même le besoin de lui demander s’il a vraiment fouillé dans son sac. Tu ne me laisses plus vraiment le choix. Elle ne lui laisse plus le choix. Mais, pourquoi ? Pourquoi a-t-il ressenti le besoin de faire une chose pareille ? Simplement pour ces cachets ? Simplement pour savoir ce qu’il en est ? Et comment ose-t-il lui remettre la faute dessus ? Comment ose-t-il prétendre que c’est sa faute s’il en est venu à de telles extrémités ? Elle n’a rien fait, Isabella. Rien qui ne justifie une telle intrusion dans son intimité. – Pardon ? C’est tout ce qu’elle arrive à répondre. Tout ce qui lui vient entre les lèvres. Mais il se fiche bien d’avoir fouillé dans ses affaires, lui. Il veut parler… Parler… Mais parler de quoi ? La discussion la plus urgente qu’ils doivent alors, là, c’est au sujet de cette intrusion qu’il s’est permise sans lui demander son autorisation. – Parler du fait que tu fouilles dans mes affaires ? Je crois bien que c’est nécessaire, oui. Elle a quitté un homme qui lui avait interdit toute liberté, ce n’est certainement pas pour se retrouver avec un autre qui empiète dans son intimité. Puis, surtout, elle ne supporte pas qu’on s’immisce dans sa vie, Isa. Même si c’est lui, même si c’est l’homme qui l’aime. Elle a trop eu l’habitude d’avoir sa propre bulle, ses propres secrets. Sa vie. – Je n’apprécie vraiment pas Nikolaï. Tu n’as pas le droit de t’immiscer de cette manière. lui expose-t-elle calmement, un peu froidement même. Peut-être qu’il a ses raisons, raisons qu’elle ne comprend pas. Et qu’elle ne veut pas comprendre de toute manière. Il n’a pas le droit, c’est tout.

♛ Come running headlong into my arms.

Il a fait la rencontre de sa famille, le peu de famille qui lui reste. Elle serait vraiment très heureuse de pouvoir en faire de même, Isa. D’autant plus qu’il semble extrêmement attaché à sa sœur, elle le voit bien. Elle a envie de connaître cette partie de sa vie. Elle ne craint pas de ne pas l’apprécier, elle est plutôt nerveuse à l’idée que ce soit Cassey qui ne l’aime pas du tout. Car elle sait bien qu’elle a tendance à se montrer sur la réserve. Mais les paroles de son petit-ami la touchent. Il arrive même à la faire sourire, l’air attendrie. – Tu sais, tout le monde est loin de m’apprécier à la première rencontre. avoue-t-elle en se mordillant la lèvre. Mais il déclenche un petit rire en lui affirmant que sa sœur, c’est lui au féminin. – Je devrais beaucoup, beaucoup l’aimer dans ce cas. Il est parvenu à l’apaiser. Il est parvenu à la rassurer. Il a ce doux pouvoir sur elle, Nikolaï. Mais il en a un autre bien plus inquiétant, c’est de savoir lire en elle comme dans un livre ouvert. Et, ces derniers temps, c’est ce qu’il a fait, lire en elle. Il a décelé des choses qu’elle ne soupçonne pas elle-même, il s’est laissé envahir par une inquiétude qu’elle n’estime pas justifiée. Ce qui est encore moins excusable, c’est qu’il ait osé fouillé dans ses affaires en son absence. Elle ne pensait pas qu’il serait capable d’une chose pareille, vraiment pas. Lui qui prône tant sa liberté paraît bien moins enclin à respecter la sienne. – Je ne vois absolument pas lesquelles. rétorque-t-elle, le ton encore calme malgré l’irritation qui l’envahit. D’irritée, elle en devient énervée lorsque le jeune homme lève les yeux au ciel alors qu’elle est extrêmement sérieuse. Pire encore alors qu’il balaie le sujet de ses paroles pour lui affirmer qu’elle… Lui ment. Il pense qu’elle lui ment. – Je ne te mens pas, je ne t’ai jamais menti. Et c’est vrai. Elle en est incapable avec lui. Ce n’est peut-être pas à lui qu’elle ment, mais à elle-même. Elle refuse de voir un problème là où elle estime qu’il n’y en a pas. Elle ne parvient même pas à comprendre ce dont il parle réellement. Et plus il continue, plus elle est perdue. Elle prend une inspiration, tentant de l’écouter avec attention, tentant de le comprendre. Tentant surtout de se faire comprendre. – Ce n’est pas le fait que tu entres dans ma vie qui me pose problème. C’est plutôt le fait que tu fouilles dans mes affaires. Elle lui donne tout. Elle lui a donné son corps d’abord, puis son cœur. Et, même, son âme. Elle s’est livrée à lui comme jamais elle ne l’a fait avec un autre. Que veut-il de plus ? Ses prunelles plongées fixement dans celles de Nikolaï, elle le contemple plusieurs secondes sans rien dire, le regard noir. Elle commence enfin à comprendre où il veut en venir… Elle comprend, et ça ne lui plaît pas du tout. – Et si tu me disais clairement où tu veux en venir Nikolaï.

♛ Come running headlong into my arms.

C’est le temps des premières fois. Leur premier Noël ensemble, leur première Saint-Valentin. Leurs premières rencontres avec leurs familles respectives. Des instants magiques, indéniablement, pour un couple qui peut enfin se dévoiler au grand jour. Seulement les belles choses sont trop souvent accompagnées d’autres, plus mauvaises. C’est précisément ce qui est en train de se produire pour les deux amoureux. Alors qu’ils partageaient un moment en tête à tête, sans rien pour venir perturber leur idylle, c’est leur première dispute qui s’amorce tout doucement. Pour Isabella, c’est sa vie privée qui est mise en cause par son petit-ami. Lui qui s’est permis de fouiller dans son sac à main, lui qui s’est autorisé à dépasser les limites tacitement fixées entre eux. Mais, pour lui, il s’agit de tout autre chose. Ce n’est pas sa curiosité beaucoup trop excessive qui le préoccupe. Ce sont ces cachets. Ses cachets. Le regard ancré dans le sien, la jeune femme le contemple, l’air à la fois perplexe et irritée. Elle se crispe, à peine, lorsqu’il prononce le nom de son ex. Ce qui s’est passé avec Luke, dit-il. Comme s’il s’agissait d’une simple séparation de couple. Comme si son propre mari ne lui avait pas tiré dessus. Comme si elle n’avait pas fini à l’hôpital. La plaie a été douloureuse. Elle l’est encore. Mais peut-être la souffrance est-elle bien plus psychologique que physique en fin de compte. Et si seulement c’était la seule. Si seulement tout allait bien depuis cette histoire. C’est facile pour Nikolaï. Il a encore son travail, il a encore toute sa vie. Elle, elle doit réapprendre à vivre. Elle doit se redécouvrir elle-même. Sans travail, sans… Son meilleur ami, désormais. Peut-être qu’à force de recevoir des coups, elle n’est plus capable de les supporter toute seule, Isa. Peut-être qu’elle a bien besoin de médicaments pour l’aider à tenir le coup. Et qui lui en voudrait ? Qui pourrait lui reprocher une chose pareille ? Qui pourrait encore sourire comme elle le fait après tout ce qu’elle a subi toute sa vie durant ? Si elle est calme, en apparence, ce n’est que pour maintenir un semblant de contrôle dans une existence où elle pourrait trop facilement se perdre. Et, intérieurement, c’est le chaos. Chaos qu’il est en train de provoquer, Nikolaï. Chaos qu’elle tente à tout prix de contenir, Isabella. – C’est ridicule. lui affirme-t-elle simplement, avec tout l’aplomb et l’assurance dont elle sait faire preuve. Elle ne répond pas réellement à ses paroles, paroles qu’elle prend comme des attaques. Elle est déstabilisée en vérité, plus qu’elle ne le montre, peu habituée à devoir lui rendre des comptes. Et quand, en plus, elle l’entend clamer qu’elle l’oblige à agir comme il le fait, elle croit rêver. – Je ne t’oblige à rien du tout. Tu n’avais aucune raison d’en arriver à de telles extrémités. déclare-t-elle, calmement, toujours calmement. Mais ce sont les mots suivants de Nikolaï qui sont de trop. Accro. Il croit qu’elle est accro. – C’est une plaisanterie ? Elle secoue la tête, comme pour s’assurer qu’elle est bien réveillée, comme pour sortir de ce cauchemar. – Je ne suis absolument pas accro. Ils me font du bien, c’est tout, je ne vois pas en quoi c’est une mauvaise chose.